Résumés
Résumé
Cet article traite des interactions soignants/soignés en psychiatrie française, selon quatre « styles thérapeutiques » définis en fonction de leur utilisation d’outils d’aide à la relation : 1°) absence d’outillage et informalité des relations; 2°) utilisation de rituels dans le contact avec le patient, sans formalisation; 3°) utilisation de méthodes de conduite des relations et de la thérapeutique; 4°) utilisations d’outils : a) favorisant l’expression et la relation, b) protocolaires ou c) standardisés. Nous proposons de distinguer formalisation et standardisation des interactions et concluons sur le rôle du sentiment d’impuissance des soignants dans le conflit entre approches thérapeutiques en psychiatrie.
Mots-clés :
- psychiatrie,
- soin,
- interactions,
- outils,
- sociologie,
- clinique
Abstract
This article deals with professional/user interactions in French psychiatry and offers to distinguish four "therapeutic styles" according to their use of tools to sustain these interactions: 1°) absence of tools and informality of interactions; 2°) use of rituals to maintain contact with the patient, no formalization; 3°) use of therapeutic methods; 4°) use of tools: a) to ease expression and interactions, b) such as protocols or c) standardized. We propose to distinguish between formalization and standardization of interactions and conclude on the role of the feeling of powerlessness of caregivers in the conflict between therapeutic approaches in psychiatry.
Keywords:
- psychiatry,
- care,
- interactions,
- tools,
- sociology,
- clinical fieldwork
Corps de l’article
Introduction
La présente étude approche les interactions soignants/soignés en psychiatrie publique française de façon interdisciplinaire, entre « sociologie de l’activité » (Bidet, 2006; Ughetto, 2018), conception clinique de l’enquête de terrain (Schein, 1987) et apports en psychodynamique des systèmes (Petriglieri et Petriglieri, 2020). C’est au moyen d’une enquête de terrain interdisciplinaire conduite par une sociologue et une psychologue que nous souhaitons présenter une description de la pratique clinique quotidienne en psychiatrie en privilégiant l’approche de sa matérialité. Il s’agit de prendre en compte le travail en train de se faire, le travail comme accomplissement pratique, activité s’inscrivant dans une temporalité propre, exigeant une cohérence technique, épistémique, idéologique, décisionnelle voire physique, car requérant un certain usage du corps. Le psychologue est à la fois partie prenante de ces pratiques, et à la fois en position d’écouter et d’accueillir les conséquences du travail quotidien en psychiatrie sur ses collègues. Décrire les pratiques permettra, pensons-nous, de sortir des binarismes habituels en psychiatrie (relation VS médicalisation, psychodynamisme VS cognitivo-comportementalisme) au motif que peut être constatée une « superposition d’interventions aux référentiels théoriques et méthodologiques différents » dans les services (Ait Ouchannik, 2019, p. 282).
La description de la pratique clinique du soin en psychiatrie pose cependant une série de problèmes épistémologiques, méthodologiques et éthiques (Brossard, 2013; Johansson et Eklund, 2003; Muusse et al., 2020) dès lors qu’on ne la réduit pas à l’application d’une doctrine psychopathologique ou aux effets de l’organisation des soins. Nous éviterons dans ce texte une approche théorique qui réduirait le travail concret des soignants à n’être qu’un sous-produit des relations de subordination ou des politiques publiques de gestion de l’hôpital; par l’étude directe de microsituations, nous cherchons à dévoiler les enjeux professionnels, organisationnels et psychologiques du travail de soin et à comprendre la construction des cultures soignantes, leur consistance, leurs résistances au changement ou leurs potentialités d’évolution. Plus que d’entretenir l’existence intellectuelle d’un binarisme qui, sur le terrain, doit être relativisé, autrement dit plutôt que d’appuyer sur les différences radicales séparant les pratiques de soins, nous proposerons en conclusion une hypothèse sur ce qui se joue, du point de vue intrapsychique, pour les soignants choisissant ou non d’utiliser des outils pour appuyer leurs relations thérapeutiques.
MÉthodologie
Le matériel que nous avons récolté provient d’une étude financée par la Fédération régionale de recherche en santé mentale des Hauts-de-France (F2RSM, 2019-2020) et pour un des terrains dans le cadre d’une recherche doctorale (2015-2019) (Haliday, 2019)[2]. Les sites, tous réalisés sur le territoire français (dans les agglomérations lilloise et parisienne), ont été choisis en fonction des orientations théorico-cliniques qu’ils affichent de manière à constituer, au moins théoriquement, un échantillon pertinent des différentes pratiques du soin psychiatrique contemporain.
Pour décrire les interactions soignants/soignés et expliciter ce qui, pour les professionnels, y fait soin, nous avons mis en oeuvre une enquête relevant de la méthode dite « ethnographique » (Beaud et Weber, 2017), c’est-à-dire couplant observation in situ et entretiens semi et non-directifs avec les acteurs impliqués. L’intérêt de l’observation préalable à l’entretien est d’abord de permettre à l’enquêteur d’obtenir un discours plus référé à la pratique vécue qu’influencé par les stratégies du soignant à l’égard du chercheur, et donc mieux ancré, plus précis et plus approfondi. Ensuite, si les personnels soignants, c’est-à-dire tous les membres, y compris les médecins, des équipes pluridisciplinaires ayant en charge le soin à apporter aux personnes, commentent volontiers certains aspects de leur pratique (relations avec les autres soignants, usages du temps et de l’espace), ils ont des difficultés à décrire leurs interactions avec les patients, sauf quand des situations problématiques les ont affectés, et se limitent donc souvent à évoquer la symptomatologie de ceux-ci. L’observation in situ préalable à l’entretien avec un professionnel crée une réalité partagée de référence qui facilite la parole sur la matérialité vécue du travail.
Des entretiens non-directifs ont eu lieu avec des patients afin de compléter le matériel par un autre point de vue que celui du soignant. La parole des usagers en situation permet d’obtenir des descriptions précises et vivantes, qui n’en sont pas moins tout aussi lacunaires, partielles et partiales que celles des professionnels, puisque le soigné est lui aussi un acteur du « drame social » (Goffman, 1968; Hughes, 1996) de l’interaction soignante.[3]
Nous avons choisi de privilégier, dans notre recherche, les cadres matériels, les objets, les outils, autrement dit les « matérialités » (outils, machines, technologies, espaces, etc.) qui se trouvent au coeur des enjeux très concrets individuels et collectifs auxquels sont confrontés les soignants et qui engagent le corps et l’esprit de chacun. La notion de « matérialité » renvoie à l’aspect paradoxalement invisible du travail de soin dans une discipline où la relation est mise à l’honneur, à savoir son inscription dans des coordonnées concrètes qui en déterminent pour partie le résultat. L’épidémie de la Covid-19 a été l’occasion de toucher du doigt l’importance des contraintes physiques dans le travail en train de se faire : être obligés de ne pas se toucher, porter un masque, tout cela change la pratique. Les coordonnées concrètes de la pratique concernent le « quand », le « où », et le « comment » du soin; nous nous intéresserons dans le présent article au « comment », à travers la question des outils, en nous centrant plus particulièrement sur l’interaction et la régulation des interactions soignants-soignés par lesdits outils : formation, guides d’entretien, logiciels d’e-santé mentale, rituels d’interaction… ainsi qu’à ce qu’ils font, du point de vue des professionnels, à la pratique clinique et au soin.
Dans ce cadre, nous appellerons « outil » tout objet matériel, symbolique ou numérique venant faire tiers, médiateur dans la relation soignant/soigné, et dont l’utilisation, pour peu que l’outil ne soit pas standardisé, laisse une place à la créativité de la personne qui en use. Nous parlerons en revanche de « protocole » lorsqu’il sera question d’un cadre explicitement formalisé, souvent par étapes, destiné à guider la relation soignant/soigné et la coopération des soignants autour d’un même patient.
RÉsultats : Observations des interactions soignants/soignÉs
Nous donnerons à voir, dans le détail des sites observés, une typologie de « styles thérapeutiques » assez différente de la dichotomie en usage chez les professionnels en France, qui répartit les approches thérapeutiques en « cognitivo-comportementales » et « psychanalytiques ». Les observations de terrain qui ont mené à l’écriture sont antérieures à l’épidémie de Covid-19; sans doute l’étude de l’effet sur les interactions par les contraintes matérielles liées aux restrictions sanitaires permettrait-elle d’observer une modulation de ces styles, mais elle ne remet à notre sens pas en cause la pertinence de la typologie.
Les données empiriques sont présentées site par site, sans les assortir d’une étude complète des sites, qui relèverait d’un autre travail. Nous ne mentionnerons que leurs orientations théorico-cliniques, pour ensuite décrire les interactions soignants/soignés, l’usage différencié par les professionnels des outils à leur disposition, la place de ces outils, lorsqu’ils sont utilisés dans l’interaction thérapeutique et lorsqu’ils ne le sont pas, les raisons qui font qu’ils leur préfèrent la liberté d’action professionnelle dans la relation.
Site A
Le site A se réfère explicitement à la psychothérapie institutionnelle (Oury, 2001), courant apparu au milieu du 20e siècle en France, tirant de l’oeuvre du psychiatre Hermann Simon en Allemagne (Simon, 1929) et des corpus psychanalytiques et marxistes l’idée qu’il faut « soigner l’institution » pour soigner les malades. Les pratiques sur ce site se caractérisent par l’absence d’outil formalisant les entretiens et autres interactions. Cela n’exclut toutefois pas la mise en place de méthodes et de dispositifs d’interactions comme le psychodrame, la psychothérapie psychanalytique ou encore les ateliers théâtre.
Discussion avec l’infirmière qui préside la réunion sur la « guidance médicamenteuse » :
Chercheuse (après avoir réalisé une observation de la « guidance médicamenteuse) : Il y a un lien avec l’éducation thérapeutique, non?
Infirmière : Oui, il y a une composante d’éducation thérapeutique, leur apprendre à gérer les symptômes, etc. Mais je suis contre l’éducation thérapeutique : c’est inhumain, c’est en groupe, et c’est une liste de points à aborder. Tandis que nous, on travaille l’observance et la gestion de la maladie, mais c’est singulier, pour chacun et on ne suit pas un protocole.
Discussion entre un infirmier (infirmier assez âgé de formation psy) » et une jeune infirmière formée aux TCC qui vient d’arriver dans le service.
La discussion porte sur les TCC et la psychanalyse. La jeune infirmière reproche aux services « branchés psychanalyse » de « mépriser les techniques », par exemple l’EMDR. Il dit non, qu’il reconnaît que les techniques sont utiles, mais du moment qu’il y a la relation et qu’on a une approche relationnelle et non pas protocolisée des techniques. Et qu’il voit bien, à l’avoir vu un peu travailler, qu’elle est d’accord pour cette primauté de la relation. Ce qu’elle ne contredit pas
extrait de journal de terrain
Au site A, ce qui régule les interactions, c’est d’abord le haut niveau de formation des personnels. La plupart des infirmiers ont fait une psychanalyse ou sont en analyse et ont suivi de nombreuses formations continues. Cela induit une certaine éthique de l’écoute, que ce soit en situation individuelle ou collective. C’est la formation psychanalytique des intervenants qui assure la guidance des prestations de parole, impliquant l’imagination comme mode de connaissance (Pierron, 2012) et un art de l’improvisation très visible dans les situations collectives ou dans les situations de communication complexe avec les familles d’accueil thérapeutique. Cet art de la conversation est aussi perçu par les patients :
Chercheuse : « Qu’est-ce que vous aimez bien, ici?
Patiente : J’aime bien la façon dont ils nous disent bonjour, dont ils nous parlent »
HJ-CATTP
Site B
Au site B, qui se réfère à la psychiatrie sociale et communautaire (Roelandt et Desmons, 2002), l’idéal du soin est que celui-ci soit appareillé. Pour tout problème, les soignants créent un protocole ou utilisent un protocole existant, en le modifiant selon leurs besoins : si le protocole pose problème, celui-ci est révisé. Deux exemples peuvent être cités :
« Baromètre »
Baromètre est un outil de e-santé mentale d’origine québécoise, lié à la philosophie du recovery (voir annexe) avec quatre parties (qualité de vie, réseaux sociaux, et accomplissements) qui permettent au patient d’autoévaluer son parcours de soin et de vie, en compagnie ou non d’un soignant (Bossé et al., 2018). L’interface ressemble à la capture d’écran ci-dessous (Figure 1).
Son usage généralisé faisait partie du projet de pôle 2020. Il devait en principe concerner le maximum de patients. En fait, sur les 3 000 personnes de la file active, 200 baromètres ont été initiés, et 50 remplis effectivement, mais très peu de suivis ont été enclenchés ensuite. La plupart des soignants considèrent que c’est un outil difficile à utiliser. Ils l’essaient cependant, mis à part quelques-uns qui ont renoncé tout de suite aux motifs que quatre séances pour l’initier, « c’est lourd », qu’il y aurait « peu de possibilités de reprises ensuite », ou de la « difficulté de la connexion internet pour un grand nombre de patients » et de l’« obligation d’accès à un ordinateur ».
Figure 1
Exemple de dimensions analysées par le logiciel Baromètre
Ils reconnaissent cependant :
que la partie « objectifs » (tournée vers les accomplissements) est très utile
que cela évite au patient de « tourner en rond »
que cela fait découvrir des aspects de la problématique du patient qui n’étaient pas forcément ressortis en entretien classique
En observation, nous remarquons que Baromètre n’est pas utilisé de la même façon par les éducateurs et les infirmiers : pour les éducateurs, il est important de laisser le patient chercher comment réaliser son projet plutôt que de faire à sa place. De fait, Baromètre sera abandonné, car trop lourd à l’usage, mais le site cherche un autre outil du même genre.
« Le plan de prévention et gestion de crise »
Cet outil a été élaboré au sein du site de manière collective par les psychologues, les infirmiers, les éducateurs du site. Les professionnels partent du principe que si le patient est mieux formé aux signes de son « moins bien être », il saura mieux alerter les soignants et sera capable et désireux de demander de l'aide (propos recueillis auprès du chef de pôle).
De nombreux autres outils innovants sont utilisés sur le site B, notamment le « Guide d’entretien de première demande ». Les équipes utilisent aussi beaucoup d’outils d’évaluation (MINI-DSM, échelles d’évaluation de la dépression et du risque suicidaire, « questionnaire des troubles de l’humeur », « échelle d’évaluation de la dépression psychotique »), dont la passation est conduite par un seul infirmier ou un seul éducateur. Sont aussi protocolisés sur le plan organisationnel : le circuit téléphonique, le « rappel des perdus de vue », les modalités d'admission en atelier artistique, etc. Les protocoles sont appliqués par un nombre élevé de soignants et sont jugés utiles et pertinents. Ces formalisations du soin ont plusieurs effets sur les pratiques de soin :
une priorisation des objectifs de rétablissement : les professionnels du site B ne font jamais simplement de soutien, « il faut toujours développer des projets, il faut toujours avoir des objectifs » (entretien infirmier)
un certain confort et une réassurance pour les personnels débutants
une facilitation de la circulation d’information entre soignants, car il y a déjà une préstandardisation des informations à transmettre, « et il faudra à l’avenir que notre communication en réunion devienne encore plus rapide, plus pointue, plus performante » (Discussion avec le chef de pôle)
pour le chef de pôle, l’assurance d’une qualité constante des prestations de soin et de gagner du temps de travail soignant pour augmenter la file active et la rotation de la patientèle.
Site C
Le site C, qui se réfère globalement à la psychiatrie biologique, aussi dite biomédicale (Giros, 2018; Lakoff, 2005) et à l’humanisme (« éthique de la sollicitude » (Chatel, 2010)), dont les unités sont fortement autonomes, connaît des styles d’interactions entre soignants/soignés fort divers.
De manière globale cependant, on y retrouve peu de formalisation des interactions soignants/soignés, car c’est la formation médicale qui fournit les connaissances permettant d’entrer en relation avec le patient, le médicament étant le premier soin. « Il n’y a pas à séparer soin physique et soin psychique, et personnaliser le soin c’est aussi personnaliser la médication » (chef de pôle, entretien).
De fait, les consultations observées en intra laissent une grande place à l’analyse des effets des médicaments, à la prise en compte de la santé somatique des patients, au lien avec le généraliste du patient et à la prescription d’examens somatiques complémentaires (IRM, bilan hormonal…). Le reste de la consultation relève le plus souvent d’une communication ordinaire centrée sur les souvenirs, les vécus actuels et les projets de vie, assortie de conseils de vie : « Il ne faut pas vous remettre tout de suite au ménage en sortant de l’hôpital », « il faut développer des projets réjouissants… ». En décalage, il a été aussi possible d’assister à un entretien où l’usager se faisait reprendre par le jeune médecin sur chacun des mots employés (qu’est-ce que vous entendez par « être sur mon dos »?) et quant à la logique de ses formulations, d’une manière qu’on pourrait qualifier de scolaire, le but explicité ensuite avec la chercheuse étant « de faire réfléchir la patiente ». Dans l’unité accueillant les hospitalisations sous contrainte dominent les interactions sécuritaires entre infirmiers et patients : organiser l’espace, donner le feu pour fumer (les patients n’ayant pas droit au briquet), dans le cadre d’une « surveillance constante à vue » (entretien infirmier) pour prévenir une éventuelle tentative d’évasion. En écho à la pauvreté locale des interactions, un patient nous dit : « Ici on s’ennuie comme des rats morts ».
Par ailleurs, dans d’autres unités, ce sont aussi d’autres formations, dont d’autres méthodes (psychanalyse, systémisme, « intervention de crise » de Michel De Clercq (1991)), qui régulent les formes d’écoute et de dialogue, marquées par la bienveillance.
Enfin, dans les unités ambulatoires, explicitement orientées « rétablissement » ; les soignants utilisent le « jeu de cartes » Eladeb[4] (Pomini et al., 2008). Dans l’usage qui en a été observé, Eladeb n’est cependant pas un outil protocolisé : il est utilisé comme outil d’amorçage de la parole. Cela permet par exemple que des relations intimes dans la vie du patient soient spontanément abordées par celui-ci, sans qu’un questionnement intrusif ne soit nécessaire. La visée des interactions est l’élaboration du projet de vie :
Un monsieur, la cinquantaine, sous tutelle, bipolaire et ex-toxicomane, stabilisé, est sorti d’hospitalisation, et, présentement, consulte au CMP. Il désirerait aller au CATTP pour reprendre une activité manuelle parce que dans le temps il était animateur, parce qu’il savait faire des origamis et qu’il a oublié comment faire, parce qu’il voudrait entrer en relation avec d’autres personnes, et parce qu’il voudrait pouvoir reprendre une activité au moins bénévole pour se sentir utile. En fin de discussion, les soignants programment avec l’accord du patient trois rencontres avec l’infirmière pour affiner et concrétiser son projet jugé trop flou, et avec la neuropsychologue pour travailler les compétences manquantes à la poursuite d’une telle formation et d’un tel projet d’activité
extrait de journal de bord
Il existe d’autre part des interventions fortement formalisées, notamment les évaluations réalisées par les neuropsychologues qui sont intégralement standardisées.
Site D
Le site D connait très peu de régulation des interactions et aucun outil formalisé, excepté, dans une certaine mesure, pour la réhabilitation psychosociale (Leguay et al., 2009). La protocolisation, à la différence d’autres sites, n’y fait d’ailleurs pas débat.
Même dans le cas d’une formation psychanalytique, la « méthode » peut être récusée. Un psychologue décrit ainsi sa pratique clinique en réponse à la question de la chercheuse : « Non, je ne fais pas de psychothérapie, cela impliquerait que je suive une méthode. Je ne suis aucune méthode. Je « rencontre » les patients. Je dis donc que je fais des « consultations ».
La communication soignants-soignés observée sur ce site peut être assimilée à une conversation ordinaire, guidée par une certaine éthique. Il existe en effet une forme de régulation de l’éthique des interactions au niveau des collectifs de travail, par le biais des réunions, et l’affirmation par le chef de pôle d’une philosophie de la « psychiatrie citoyenne », axée sur le respect des patients et l’aide à la réalisation du projet de vie, ce qui donne à cette communication ordinaire des infirmiers (et dans une certaine mesure des psychiatres, mis à part ce qui concerne la médication) un caractère bienveillant et empathique, parfois humoristique, dans une ambiance que l’on pourrait qualifier de familiale et conviviale.
L’initiative des soignants à la base reste la règle commune et la formalisation des interactions est globalement absente, mais les séances de réhabilitation psychosociale suivent quant à elles un ordre qui est en principe standardisé dans l’équivalent d’un manuel, avec des fiches. Le suivi est toutefois non rigide et s’adapte à l’humeur des petits groupes. Les jeux de rôles impliquent l’improvisation, comme dans l’exemple observé :
Les 6 patients (P1 à P6) sont schizophrènes. Il y a des gâteaux secs, des chocolats et du café que l’infirmière (I1) et l’éducatrice (E2) ont ramené, payé de leur poche (car « passer par l’hôpital, c’est trop compliqué administrativement »)
I1 : Qu'est-ce qu'on a vu la semaine dernière?
P4 : Engager la conversation avec des personnes… regarder la personne si elle sourit... des techniques…
P6 : comme regarder le nez.
E2 : Oui si on n’arrive pas à regarder dans les yeux.
I1 : En fonction de ce que vous souhaitez arriver à faire : rencontrer quelqu’un, avoir quelque chose à dire, le dire en regardant dans les yeux ou ailleurs. On avait évoqué le coiffeur…
P2 : Je n'ai pas pu aller chez le coiffeur, mais je l'ai fait à l'arrêt de bus, il y avait un papy avec sa petite fille. Je lui ai dit « vous êtes nounou ? ». Il m'a dit « oui, je viens d'être en retraite », c'était un mercredi.
I1 : comment l'avez-vous vécu?
P2 : bien, c'était agréable…
[…]
I1 : [s’adresse à un patient] vous avez bien rempli le tableau ou il faut choisir un sujet intéressant? Par exemple le coronavirus[5].
P5 tient obstinément les yeux sur la feuille à cases qu’il a remplie.
P6 : On peut proposer un petit cigare pour commencer. Sur la feuille, j'ai choisi un sujet, j'ai mis les voyages. Il faut regarder les personnes et pas trop. Moi je regarde les rides, mais ça ne m'a pas fait naturel…
I1 : Est-ce que ça va pour les signes d'écoute? faire Hum…?
Dans la suite de la séance, il y a des jeux de rôles avec conversations à deux.
Les patients interrogés ensuite ne se sentent pas contraints ni par les fiches, ni par les jeux de rôles et estiment qu’« ils font à leur mode de toute façon », mais que les séances sont intéressantes.
Site E
La régulation des interactions est quasiment absente sur le site E, qui se réfère à la psychiatrie sociale (Arveiller, 2002) et à la psychanalyse : pas de guides d’entretien, aucun outil de e-santé mentale ni de protocole à suivre dans le parcours, et pas de méthode particulière guidant les interactions quotidiennes entre soignants et soignés. La protocolisation de celles-ci est au contraire activement refusée, au motif de la préservation de la liberté d’action des professionnels et de la place beaucoup plus importante, selon ces mêmes professionnels, à accorder au vécu et à l’histoire du patient et à leurs propres ressentis, ce qui confère au soin son caractère « humain ».
Aujourd’hui a lieu le groupe dit « Rencard ».][C’est L., un infirmier, et B., la secrétaire du CMP (mais aussi du CATTP) qui animent] du café, du thé et des gâteaux sont disposés : si le CATTP achète de la nourriture, les patients en apportent aussi beaucoup. Une patiente raconte le traitement de son cancer, une autre, qui comprend mal le français, reste silencieuse, mais écoute ; un patient s’est coupé les cheveux, on le remarque et le complimente, un autre propose de venir jouer au Scrabble L. et B. ne recadrent pas, laissent se dérouler le groupe, participent, font participer d’autres patients, impriment des mots croisés pour l’un ou pour l’autre, B. joue un peu aux dés. L. me dit qu’il joue parfois au Scrabble : ils sont donc dans le groupe et pas dans une position de supervision
extrait de journal de bord
Figures 2 et 3
Fiches en rapport avec la séance distribuées aux patients
Dans l’unité d’hospitalisation, la vision de la protocolisation est colorée par le refus de l’accroissement du travail administratif dans un contexte de temps accordé à la relation soignant/soigné déjà très contraint :
après ça reste mon avis personnel, mais je trouve qu'on est beaucoup sur du protocole et du protocole et du protocole, ce qui fait qu'on accorde beaucoup moins de temps aux patients […] tout ce qui est de la gestion des médicaments, et de la gestion aussi du service que les patients ne voient pas nécessairement, mais qui impacte énormément dans notre travail en tant qu'infirmiers
entretien infirmier en intra
La protocolisation est donc vécue comme opposée à la spontanéité de la relation : ni complémentaire à elle ni destinée à l’améliorer, elle l’effacerait en supprimant la part d’improvisation et de sens clinique du professionnel. Ce qui est globalement récusé sur ce site, c’est l’appareillage de la relation : le principal outil de soin est la relation et la relation elle-même n’a pas besoin d’outils; tout au plus peut-elle s’enrichir de l’utilisation de médiations thérapeutiques.
Site F
Le site F, d’orientation biomédicale, possède un centre de réhabilitation psychosociale dans lequel nous avons enquêté[6]. L’unité se définit comme « prestataire de services », c’est-à-dire de soins d’expertise tels que la psychoéducation.
Groupe de psychoéducation. C’est la dernière séance / Nous nous installons dans un bureau informatique dont les chaises ont été bougées afin que nous fassions tous face à l'ordinateur. La salle est assombrie ; nous regardons des vidéos du DVD Pact, élaboré par les laboratoires Jansen. La psychologue guide beaucoup l'atelier : c'est surtout elle qui propose les vidéos à regarder, avec un assentiment relativement mou des patients : « Pourquoi pas ». Un patient dit d'un témoignage « elle a beaucoup de symptômes quand même » et la psy répond « vous allez voir il y a une note d'espoir parce que ces symptômes... ». La deuxième série de vidéos qu'elle propose porte sur le "défaut d'insight". La psychologue souligne que « arrêt du traitement égale rechute ». Un patient demande si on peut voir la vidéo intitulée « le rétablissement ». La vidéo est courte, il le remarque, et surtout c’est la seule vidéo sans témoignage de patient : on y voit un champ d'herbe avec une voix off expliquant le rétablissement fonctionnel
extrait de journal de bord
La psychologue en charge des activités de psychoéducation décrira en entretien ses pratiques ainsi :
Je suis quelqu'un de très, tu vas voir dynamique et voilà et avec mes patients aussi, très directive, donc les entretiens je ne suis pas... Dans l'attente de ce qu'ils vont me raconter, voilà c'est très interactif, avec des tâches et des objectifs bien précis et dans un premier temps le... ce qu'on travaille toujours c'est certainement avec nos patients c'est vraiment beaucoup la psychoéducation […] il y a un vrai travail de psychoéducation à faire ne serait-ce que pour prendre le traitement.
Les groupes organisés ont toujours des objectifs clairement édictés dans la brochure du centre. Ils sont guidés par les intervenants et leurs outils (vidéos, diapositives, classeurs et de feuilles d’exercice conçues par les professionnels et données aux participants), et les activités à médiation artistique ont été supprimées au motif que leur apport dans le soin n’avait pas été prouvé. L’utilisation des outils n’est toutefois pas rigide chez tous les professionnels : certains soulignent qu’une partie de la subjectivité des patients échappe toujours aux interventions :
je crois qu'il y a plein de choses qu'on tient pas compte, qui sont liées à la vie, à l'histoire de la vie, à notre évolution personnelle […]
entretien infirmier
Synthèse
Ainsi, si l’on appelle « style thérapeutique » les caractéristiques de l’ensemble de pratiques d’interaction, discursives ou non, orientées par un souci d’efficacité thérapeutique, éducative et d’accompagnement, on voit que les styles thérapeutiques sont très corrélés à l’absence ou à la présence d’outillage, et à la nature de celui-ci. Souvent, les options quant aux philosophies du soin sont motivées en amont par le rapport aux outils (par exemple pour refuser tout protocole), mais plus concrètement c’est aussi par l’utilisation des outils dans la temporalité des pratiques que le style thérapeutique se construit.
On peut distinguer quatre styles, selon que la relation de soin est plus ou moins formalisée, et selon le degré de technicité et de rigidité des outils. Ces styles ne sont pas des catégories exclusives, et doivent plutôt être considérés comme relevant d’une combinatoire propre à chaque pôle, voire à chaque service :
1. |
Absence d’outillage identifiable. La régulation de l’interaction est seulement d’ordre éthique et professionnel et repose sur les compétences, la formation, les juridictions professionnelles ou simplement le bon sens et la personnalité des infirmiers. L’interaction est personnalisée et improvisée. Les pratiques peuvent donner lieu après coup à un échange et une régulation collective ou réflexion collective, mais qui ne se formalise pas en méthodes ou en consignes. |
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2. |
Utilisation de rituels. Un rituel est la méthode habituelle avec laquelle un professionnel rentre en contact avec un soigné. Ils peuvent être propres à un soignant particulier ou à un groupe de soignants. Les usagers sont très bien à même de décrire ces rituels[7], qu’on pourrait aussi appeler des routines. |
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3. |
Utilisation de méthodes qui ont été par ailleurs écrites et formalisées. Ce sont les méthodes psychothérapeutiques, auxquelles certains professionnels des services se forment : psychothérapie analytique, thérapies cognitivo-comportementales (TCC), psychodrame, systémie… |
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4. |
Utilisations (nous introduisons ici une gradation)
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On notera que les trois déclinaisons du style 4 sont inclusives, au sens où la déclinaison n inclut, du point de vue pratique, l’utilisation des outils de la déclinaison n-1. Notons aussi que ces déclinaisons s’appuient sur des outils externes qui peuvent en réalité donner lieu à des pratiques différentes. Les cartes Eladeb sont l’occasion d’interactions où le dessin est un simple support d’associations libres pour le patient, mais peuvent aussi être utilisées au sein d’entretiens plus standardisés; l’utilisation de Baromètre génère aussi des interactions plus ou moins respectueuses du protocole, plus ou moins improvisées à l’occasion du remplissage de l’outil. Dans les cas 4-1 et 4-2, l’outil ne suffit donc pas à définir la pratique.
Discussion
Deux points particuliers de nos résultats méritent d’être discutés, au-delà de la potentielle limite méthodologique que nous avons mentionnée en début d’article concernant le fait de baser notre recherche sur un ensemble de terrains conduits avant l’épidémie de COVID-19.
Le premier point concerne la validité d’une typologie telle que nous l’avons construite. Il s’avère en effet qu’en comparant les pratiques, on pourrait vouloir parler de l’existence d’un continuum allant de l’interaction la plus improvisée à l’interaction la plus standardisée, autrement dit à l’extériorisation maximum de la compétence d’interaction. Dans le refus explicite de la « protocolisation », il y a le souci que l’interaction soignante soit une rencontre et c’est à cette condition que l’interaction est considérée comme ayant une efficacité propre et une valeur thérapeutique. Force est toutefois de constater qu’aucun des extrêmes, à savoir l’improvisation totale ou la standardisation intégrale, ne se rencontre à l’état pur dans la pratique. De même, la théorie des « bonnes pratiques » sur l’usage des outils est souvent battue en brèche dans le réel du travail clinique quotidien. Des pratiques pouvant apparaître, au lecteur extérieur, comme une mauvaise compréhension du sens des outils utilisés ou des théories sur lesquels ils s’appuient, nous semblent devoir plutôt être considérés comme des émergences de créativité soignante, des « arts de faire » (de Certeau, 2010) adaptés à la clinique des patients accueillis et au contexte matériel parfois difficile des unités visitées.
Un deuxième point concerne une confusion entretenue par les soignants concernant le vocable de « protocole » : sous ce terme sont souvent mêlées formalisation et standardisation, alors que ces deux formes ou tendances de la « protocolisation » méritent d’être distinguées. Le processus de formalisation est inhérent à la pensée humaine quand elle s’efforce de construire une intelligibilité et un ordre : les outils qui en sont issus sont source de discussions collectives au sein de l’équipe et peuvent être améliorés au niveau local. Ils ne sont donc pas standardisés, ni source de déprofessionnalisation (Demailly et De la Broise, 2009) et plus encore, ils peuvent être considérés comme relevant d’une certaine créativité soignante, revendiquée dans chacun des terrains que nous avons visités. Les outils standardisés (échelles, MINI…) sont quant à eux contraignants : ils ne peuvent être modifiés par l’équipe ou par le soignant, ils risquent donc parfois d’être ressentis comme déprofessionnalisants pour les professionnels ou désingularisants pour les patients.
La distinction, au sein de la protocolisation, entre formalisation et standardisation nous paraît importante en tant qu’elle permet de décaler le regard par rapport au conflit aujourd’hui classique entre psychiatrie relationnelle ou artisanale (Sassolas, 2019; Venet, 2020) et psychiatrie scientifique (Leboyer et Llorca, 2018). Une formalisation inventive et flexible, en tant qu’elle rend les outils d’une équipe partageables avec d’autres, serait l’inverse de ces deux positions de soin archétypiques.
Conclusion
Nous voudrions conclure sur quatre points, qui concernent tant notre méthodologie que nos résultats :
Notre méthodologie d’enquête, premièrement, a confirmé son caractère heuristique. Partir des pratiques et de la matérialité des situations concrètes de soin, notamment grâce à l’observation in situ, permet de sortir des catégorisations proposées par les psychopathologies et les philosophies officielles du soin pour regarder ce qu’il en est vraiment dans le quotidien des équipes. Ce type de méthodologie de recherche permet d’obtenir des résultats plus fins et plus subtils que des collections d’entretiens sans observations.
Nos résultats montrent quant à eux qu’en dépit d’une diversité des pratiques toujours présente, la tendance au développement des outils matérialisés comme support aux interactions thérapeutiques est nette (elle peut se traduire entre autres par le développement de l’e-santé mentale). La présence d’outils externes pose toutefois la question du mode d’existence et d’action de la technique comme opératrice de la pratique. La tendance à la protocolisation s’inscrit dans le mouvement historique général déjà repéré par Marx (2007) d’extériorisation et d’objectivation du savoir ; cette extériorisation, consubstantielle de l’activité de travail, ne signifie pas forcément aliénation (produit réifié, fétichisé, étranger), mais elle peut y conduire.
Cette tendance générale n’exclut pas la diversité des styles thérapeutiques. Chacun des styles listés embarque une vision spécifique de la professionnalité, une vision de l’organisation et une vision de ce qui fait soin. Dans les styles où la formalisation est forte, il y a une certaine méfiance quant à la subjectivité des soignants (il faut formaliser les procédures de diagnostic pour les rendre plus sûres) et une certaine méfiance vis-à-vis des inégalités de formation (l’outil assure une qualité moyenne constante des prestations). Mais, dans un même site, on peut observer des mouvements pendulaires : après avoir beaucoup formalisé jusqu’à effleurer la standardisation, on éprouve le besoin de repersonnaliser et flexibiliser les outils (Morin et al., 2015). Les différents styles d’interaction embarquent des anthropologies différentes. Ce qui est l’objet central des interactions soignantes, ce peut être le désir à faire émerger, les symptômes à réduire, les comportements à rectifier, les inadaptations et difficultés à compenser, les objectifs à formuler, un projet de vie à mettre en oeuvre… Par exemple le « besoin » peut être défini par le projet de vie (et dans ce cas pas par le symptôme, car « il y a des délirants qui sont bien adaptés à la vie » [chef de pôle site B]). Les outils formalisés sont alors dévolus au repérage des inadaptations et à la formulation conjointe par le patient et par l’équipe d’un projet et d’objectifs d’amélioration.
Nous souhaitons, pour finir, évoquer une piste d’interprétation du conflit théorique entre approches « relationnelles » et « scientifiques », entre non-formalisation et standardisation des relations et des échanges. Celui-ci semble porter principalement sur une accusation sous-jacente portée contre une méthode donnée qui serait la cause du maintien du patient dans l’inertie institutionnelle à laquelle il est soumis. Les tenants du relationnel imputent à la standardisation le pouvoir de supprimer la relation et avec elle l’ouverture de nouvelles voies thérapeutiques créatives ; les défenseurs de la psychiatrie scientifique reprochent quant à eux aux représentants des approches psychodynamiques de s’appuyer sur des références du passé et de contribuer à maintenir la psychiatrie dans une stagnation thérapeutique. La question de l’outillage relationnel en psychiatrie pourrait ainsi être interprétée comme une bataille contre ce qu’Oury (2001), Bonnafé (1991) et tant d’autres nommaient l’aliénation, et contre l’inertie propre à la clinique de certaines affections psychotiques. Il en irait alors d’un sentiment de culpabilité de chacun face à sa propre impuissance devant l’inertie clinique réelle, qui pousse chaque soignant à choisir une modalité de lutte qui lui apparaîtra, momentanément, comme garante de l’efficacité de son action, et donc de la pérennité de son identité soignante. Ce processus pourrait expliquer l’intensité du conflit et le retranchement, observé dans le débat public, sur des positions antagonistes qui ignorent leur but thérapeutique commun. Dans le réel quotidien, la protocolisation totale de la relation est une position insoutenable : nos résultats montrent combien les pratiques sont éclectiques et combien la formalisation de ces pratiques peut laisser apparaître, à chaque fois, quelque chose de la créativité du soignant et de la subjectivité du soigné, autrement dit un mouvement toujours à l’oeuvre de « dépassement des automatismes » (Stiegler, 2015) dans le travail relationnel.
Parties annexes
Notes
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[1]
Adresse de correspondance : Université de Bourgogne, Laboratoire Psy-DREPI – EA 7458, Bourgogne, France. Téléphone : 0663273302. Courriel : heloise.haliday@u-bourgogne.fr
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[2]
Afin de préserver l’anonymat des auteurs, la référence sera ajoutée sous réserve d’acceptation du manuscrit après la phase d’expertise.
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[3]
Les entretiens semi-directifs formels conduits pour cette recherche ont été enregistrés avec le consentement des professionnels, retranscrits et anonymisés. Les coordonnées des chercheuses ont été données aux sites afin que toute personne souhaitant se retirer de la recherche puisse exercer ce droit.
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[4]
Nous reprenons volontairement l’expression utilisée par une psychiatre pour nous présenter l’outil. Eladeb relève en effet moins du « jeu » que d’un « set » de cartes servant d’outil au soignant, mais surtout au soigné dans l’expression de ses besoins et désirs.
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[5]
L’observation se situe juste avant le confinement.
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[6]
Voir infra pour références bibliographiques au sujet de ces deux courants.
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[7]
Récit par un patient des visites à domicile de l’infirmier : « Non, je n’ai pas aussi osé lui parler de la télé qui ne marchait plus parce que … ce n’est pas dans ses questions. À chaque fois, il pose toujours les mêmes questions : Est-ce que j’ai bien dormi? Est-ce que j’ai pris mes médicaments? Comment est mon humeur? Qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui? Et en dix minutes, c’est fini ».
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[8]
Travaillant ici sur les interactions, nous ne prenons pas en compte les outils informatiques qui pourraient être utilisés par un patient sans soignant.
Bibliographie
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Liste des figures
Figure 1
Exemple de dimensions analysées par le logiciel Baromètre
Figures 2 et 3
Fiches en rapport avec la séance distribuées aux patients