Corps de l’article

Les parlements sont bien plus que de simples lieux de délibérations politiques. Ils constituent de véritables trésors d’informations, rassemblant archives, rapports, lois et documents parlementaires qui reflètent l’évolution de notre société. Consciente de la valeur des informations qu’elle détient, l’Assemblée nationale a entrepris une démarche pour développer un cadre de gouvernance, garantissant ainsi la conservation, l’accessibilité et l’intégrité à long terme de celles-ci.

Notre texte présente le projet qui a émergé en 2021 pour prendre forme en 2022 et finalement se concrétiser en 2023 par l’adoption d’un Cadre de gouvernance de l’information. Nous exposons dans un premier temps un état de la situation en effectuant un survol des résultats d’un étalonnage réalisé auprès d’autres institutions législatives, en mettant l’accent plus particulièrement sur les parlements du Canada (provinciaux et fédéral). Ensuite, nous aborderons brièvement certains enjeux informationnels pour lesquels la gouvernance de l’information peut apporter des solutions. Nous nous attarderons finalement sur le projet mené par l’administration de l’Assemblée nationale. Enfin, nous présentons les grandes lignes du document, en mettant en évidence le principal défi rencontré et les bénéfices de cette initiative.

La gouvernance d’information dans les parlements

Avant d’aborder le sujet qui nous occupe, il est pertinent de présenter brièvement la Bibliothèque de l’Assemblée nationale afin de mettre en lumière certaines particularités. Unique en leur genre, les bibliothèques parlementaires jouent un rôle fondamental dans la préservation et la mise à disposition de connaissances, offrant ainsi un accès à tous les acteurs de la vie politique, qu’ils soient parlementaires, chercheurs ou population engagée.

Au coeur de l’information de l’Assemblée nationale du Québec se trouve sa Bibliothèque. Celle-ci, dont les origines remontent à 1802 (Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Histoire), est composée de soixante-dix employés répartis en quatre équipes :

  • Le service de l’information

  • Le service du développement des collections et traitement documentaire

  • Le service des archives et de la gestion documentaire

  • Le service de recherche parlementaire.

Ce sont donc la plupart des métiers des sciences de l’information que l’on retrouve au sein de l’institution, contrairement, par exemple, aux bibliothèques publiques ou universitaires. Institution incontournable pour les parlementaires et les chercheurs qui étudient le Québec, notre mission est de favoriser la vitalité démocratique en produisant, en conservant, en valorisant et en diffusant de l’information et des connaissances faisant autorité auprès des parlementaires, de l’administration et de la société civile.

Au Canada et dans le monde

Comme précédemment indiqué, les bibliothèques parlementaires jouent un rôle unique au sein de leurs juridictions respectives. En mai 2021, par l’intermédiaire de l’Association des bibliothèques parlementaires du Canada (ABPAC), nous avons sondé les bibliothèques afin de comprendre leurs pratiques en gouvernance de l’information. En mai 2023, nous avons réitéré cette l’exercice pour connaitre les évolutions et nous avons également examiné certains parlements étrangers. Cette démarche a confirmé certaines de nos hypothèses sur le niveau de maturité de la gouvernance de l’information et les diverses approches dans les institutions parlementaires. De plus, dans un mandat connexe, nous avons étudié les données ouvertes au sein des assemblées législatives.

Les constats

Quatre grands constats se sont dégagés de notre étalonnage. Ceux-ci ont orienté nos réflexions et notre positionnement.

  1. La gouvernance d’information dans les parlements se colle souvent aux grandes orientations du gouvernement

Lors de nos échanges, nous avons constaté que l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador et les Territoires du Nord-Ouest suivent les politiques de gestion d’information de leur gouvernement respectif. Cela ne nous a pas surpris outre mesure, mais a renforcé l’importance dans notre démarche d’examiner les pratiques du gouvernement du Québec dans ce domaine.

  1. La gouvernance d’information dans les parlements n’est pas toujours un document-cadre

Suite aux réponses que nous avons reçues, il est devenu évident que certains parlements disposent de nombreux encadrements qui abordent différents aspects de la gouvernance. C’est notamment le cas pour la Bibliothèque du Parlement, qui a développé différents documents d’encadrement, par exemple une procédure de conservation des documents de litige, une politique sur la gestion des archives, ainsi qu’une gouvernance relative à ses principaux systèmes d’information.

Ce constat s’applique également aux bibliothèques parlementaires de l’Ontario et de la Saskatchewan, où divers ensembles de politiques et directives régissent différentes facettes de la gestion de l’information.

En Écosse également, bien qu’il n’y ait pas de politique globale en matière de gouvernance de l’information, un Information Management and Governance Office supervise plusieurs politiques individuelles couvrant divers aspects tels que l’accès à l’information, la protection des données et la gestion des archives.[1]

  1. La gouvernance d’information dans les parlements ne relève pas toujours de sa bibliothèque

La gestion des archives et la gestion documentaire ne relèvent pas toujours de la bibliothèque dans les Assemblées législatives. Au Québec, comme nous l’avons déjà mentionné, ces activités font partie des responsabilités de la Bibliothèque. Cette distinction explique certainement pourquoi nous avons eu un rôle central à jouer dans le projet de gouvernance d’information, mais également pourquoi la responsabilité n’incombe pas toujours à la bibliothèque en ce qui concerne le programme de gouvernance de l’information. Par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, on retrouve un Office of the Chief Information Officer, qui est responsable du cadre de gestion de l’information pour l’ensemble des organismes publics, incluant l’Assemblée législative[2]. De même, bien que sa politique de gestion d’information[3] présente des liens étroits avec la gestion documentaire, celle-ci relève en Nouvelle-Écosse du Nova Scotia Digital Service, une entité extérieure à l’Assemblée législative. C’est également le cas au Royaume-Uni qui se distingue par ses politiques, et plus particulièrement par son poste de Information Governance Officer [4] sans que celui-ci ne soit rattaché à la bibliothèque.

  1. En matière de valorisation d’information, plusieurs parlements se distinguent.

Un parlement ouvert joue un rôle fondamental dans un gouvernement participatif et responsable tout au long du processus législatif. L’accès à l’information législative et la mise en place de mécanismes de participation et de responsabilité du public sont essentiels pour établir une relation ouverte et de confiance avec la population. Par l’ouverture de leurs données, les parlements démontrent leur engagement envers la transparence. De plus, en valorisant leurs données, ils visent à produire des connaissances et des solutions nouvelles, tant au niveau individuel que collectif, en collaboration avec la société civile (ParlAmericas, 2020, p.48). Ce constat se confirme en observant les parlements qui rendent accessible des séries de données ouvertes[5].

Notre recherche élargie à l’international a enrichi notre compréhension des pratiques en matière de gouvernance de l’information au sein des bibliothèques parlementaires canadiennes. Ces constats ont grandement contribué à renforcer notre réflexion sur le sujet.

Que nous dit la littérature ?

En complément de notre étalonnage, nous avons procédé à une recherche dans la littérature scientifique. Bien que la littérature sur la gouvernance d’information soit relativement simple à repérer, il apparait que la gouvernance de l’information dans les parlements est un sujet qui a peu, pour ne pas dire pas, été exploré. En effet, même dans des textes qui insistent sur la nécessité de la gouvernance informationnelle dans l’administration publique (Caron et al., 2020 ; Brown et Toze, 2017), on ne traite pas de son importance au sein de l’administration des parlements. Malgré tous nos efforts, nous avons dû nous résoudre à travailler littérature scientifique pour orienter nos travaux. Nous avons appuyé nos réflexions sur les huit principes énoncés par l’ARMA :

  • Responsabilité

  • Transparence

  • Intégrité

  • Protection

  • Conformité

  • Disponibilité

  • Conservation

  • Élimination

ainsi que sur son modèle de maturité (ARMA).

Finalement, bien que l’Assemblée nationale ne soit pas assujettie aux différentes lois touchant la gestion de l’information, nous tentons toujours de nous inspirer des politiques et encadrements émis par le gouvernement. Nous avons donc effectué une recherche d’information en lien avec la gouvernance d’information au Québec. Sans être exhaustive, cette recherche nous a quand même permis d’ajouter à la liste de documents de référence de notre projet la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement[6] ainsi que le Projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement et d’autres dispositions législatives[7] qui touchent des aspects essentiels de la gouvernance d’information. Nous avons également consulté différents documents émis par le Secrétariat du Conseil du trésor, tels que le Cadre normatif de gestion des ressources informationnelles[8], la Directive sur la sécurité de l’information gouvernementale[9] et le Cadre de référence gouvernemental en gestion intégrée des documents[10] ainsi qu’un ensemble de cadres, politiques et directives provenant de différentes organisations.

Nous avions, au terme de cet étalonnage et de ces recherches, un corpus qui nous permettait de nous assurer d’asseoir notre cadre de gouvernance de l’information sur les bonnes pratiques, tout en adaptant le contenu à la réalité unique de l’Assemblée nationale du Québec.

Les enjeux informationnels

En plus de l’ensemble de nos recherches en lien avec la gouvernance de l’information dans les parlements, nous nous sommes intéressés aux enjeux informationnels, avec l’objectif de convaincre nos autorités que la gouvernance de l’information pouvait être une réponse à ceux-ci.

Ce n’est un secret pour personne que les enjeux informationnels actuels sont importants, et ce depuis de nombreuses années. Déjà en 2014, Caroline Sauvajol-Rialland affirmait : « Par sa surabondance, l’information pollue le travail des salariés et met en danger l’entreprise. Maîtriser sa circulation et son partage est un enjeu essentiel. » (Sauvajol-Rialland, 2014, p.2).

L’abondance de la littérature nous amène à nous concentrer ici sur la discussion qui a entouré les défis informationnels à l’Assemblée nationale. Pour ce faire, nous nous référons à trois documents internes intimement liés dans leurs contenus respectifs :

  • la présentation du projet de gouvernance de l’information (Rodrigue, 2021) ;

  • une note à l’intention du comité de gestion de l’Assemblée nationale dans le cadre de son exercice stratégique 2023-2027 (Houle, Rodrigue, 2022) ;

  • une présentation faite au comité de gestion de l’Assemblée nationale lors d’une rencontre en lien avec la planification stratégique (Rodrigue, 2022).

Chacun de ces documents avait deux visées principales : tout d’abord, éduquer nos autorités à la réalité des défis informationnels, et ensuite les convaincre de doter l’Assemblée nationale d’un programme en gouvernance de l’information.

Notre discours tournait autour de six grands thèmes.

  1. L’information, pilier de la démocratie

Au coeur de toute société démocratique réside un pilier : l’information. Celle-ci joue un rôle crucial dans le processus démocratique : une population informée est mieux à même de comprendre les enjeux politiques, économiques et sociaux qui façonnent leur quotidien. Elle peut ainsi exprimer ses opinions en connaissance de cause et participer activement aux débats publics. La disponibilité d’une information fiable, objective et accessible à toutes et tous est fondamentale pour garantir la transparence, l’égalité et la responsabilité (Rodrigue, 2022).

  1. La dématérialisation de l’information

Avec l’avènement du numérique, la gestion de l’information connaît une révolution. La dématérialisation offre de nouvelles perspectives, mais pose également des défis. Il est essentiel de faire face à ces défis pour assurer une gestion efficace et sécurisée de l’information, notamment pour les institutions telles que l’Assemblée nationale. (Rodrigue, 2022).

  1. L’accessibilité du patrimoine informationnel

La question de l’accessibilité à l’information est un défi inhérent de l’environnement numérique dans lequel évoluent les organisations. Cette notion se décline en différents aspects, dont la disponibilité, l’intelligibilité et la mobilité de l’information. En bref, l’information doit être disponible au bon endroit, au bon moment, et ce, pour la bonne personne. La ou le destinataire doit également être en mesure de comprendre le contenu et de pouvoir l’utiliser. (Houle, Rodrigue, 2022)

  1. La désinformation

Par définition, les bibliothèques parlementaires sont les gardiennes de l’objectivité et de la vérité pour leurs clientèles. Bien avant l’apparition dans les médias du concept de fausses nouvelles, elles combattaient la désinformation (Ménard, 2020).

Celle-ci, définie comme du contenu dépourvu de vérité, conçue pour tromper délibérément et induire en erreur le public (Fallis, 2015), a eu des implications majeures pour la société grâce à sa propagation sur les réseaux sociaux. Dans les sociétés démocratiques, les citoyennes et les citoyens participent aux débats publics et jouissent d’une pleine liberté d’expression. Pour faciliter ces droits, le public devrait avoir accès à des informations impartiales et fondées sur des faits.

Les bibliothèques parlementaires jouent un rôle crucial dans la lutte contre les fausses informations en fournissant une documentation de qualité et en répondant aux demandes d’information des parlementaires, les protégeant ainsi des dommages potentiels causés par les désinformations (Ménard, 2020).

  1. La confidentialité

La gouvernance de l’information dans le contexte parlementaire soulève des questions concernant la classification des informations en tant que publiques ou privées.

Certains types d’informations, comme les renseignements personnels et les données relevant du privilège parlementaire, sont naturellement confidentiels. Toutefois, le patrimoine informationnel de l’Assemblée nationale du Québec regorge d’informations et de données qui présentent un intérêt pour le public. (Houle, Rodrigue, 2022).

  1. Et enfin, la gouvernance de l’information

La gouvernance de l’information représente à la fois un enjeu et une solution pour l’Assemblée nationale et sa Bibliothèque. À l’instar de toutes les organisations qui doivent entreprendre des réflexions pour garantir la disponibilité de la bonne information, au bon moment, à la bonne personne et dans le bon format lors de leurs opérations.

Au sein de l’Assemblée nationale, plusieurs points de discussion en lien avec ces enjeux ont été abordés (Rodrigue, 2022) :

  • Comment assurer une gestion saine de l’information, tant interne qu’externe ?

  • Comment maximiser l’utilisation de cette ressource organisationnelle ?

  • Comment jouer un rôle de médiation entre savoir et pouvoir, ainsi qu’entre savoir et population, afin de garantir des décisions basées sur une information fiable, de favoriser la démocratie et de contrer, même partiellement, la qualité des informations disponibles dans nos domaines d’action ?

  • Comment atteindre la population avec la bonne information

  • Comment aider les parlementaires à naviguer dans cet univers de désinformation, de malinformation et de surinformation ?

  • Comment assurer la préservation de la mémoire institutionnelle et le transfert des connaissances ?

  • Comment développer une culture informationnelle axée sur le partage d’informations ?

La Bibliothèque a apporté une réponse claire à l’ensemble ces questions en proposant et en participant à la mise en place d’un cadre solide qui implique toutes les parties prenantes de l’organisation : gestion documentaire, affaires juridiques, sécurité de l’information, accès à l’information, communication, archives, technologies de l’information, gouvernance et audit interne… Aucun aspect d’une bonne gouvernance de l’information ne doit être négligé.

Le cadre de gouvernance de l’information de l’Assemblée nationale

Pour l’Assemblée nationale du Québec, la gouvernance de l’information permet d’établir des principes généraux qui assurent la pérennité du patrimoine informationnel et la conservation de la mémoire institutionnelle à travers la transformation numérique de l’institution. Elle favorise une gestion plus efficiente des ressources informationnelles, facilitant ainsi l’accessibilité et la conservation de l’information. À terme, la gouvernance de l’information peut avoir une portée qui dépasse les murs de l’Assemblée. L’information, pilier de la démocratie, gagne à être diffusée à plus grande échelle afin de favoriser la transparence, la reddition de compte et la participation citoyenne (Rodrigue, 2022).

Au Québec comme ailleurs dans le monde, un changement de paradigme s’opère quant à ces pratiques. Une gouvernance concertée et intégrée est priorisée afin d’abattre les silos, de favoriser la collaboration et d’encourager la transparence au sein des institutions publiques. (Houle, Rodrigue, 2022) Le désir de répondre à ces enjeux a permis à l’Assemblée de prendre une orientation claire quant au cadre de gouvernance à mettre en place : l’information en tant qu’actif stratégique. Cette décision a également justifié de concevoir le futur cadre de gouvernance de l’information comme un parapluie englobant les documents d’encadrement qui régissaient déjà certains aspects opérationnels de la gestion de ces actifs informationnels et dont la responsabilité est répartie entre différentes directions : bibliothèque, communications, gouvernance et audit interne, centre d’expertise numérique, pour n’en nommer que quelques-unes. En regroupant ces lignes directrices dans un cadre global, nous visons à harmoniser et renforcer la gestion de l’information au sein de notre institution.

La naissance du projet

En raison de sa position centrale au coeur de l’information, la Bibliothèque a joué un rôle essentiel dans la naissance du projet de gouvernance de l’information à l’Assemblée nationale. Nous avons consacré beaucoup d’efforts, à éduquer et à convaincre nos autorités de la nécessité de ce cadre de gouvernance. Par le biais de rencontres et de présentations, la Bibliothèque a mis en avant l’importance d’établir des règles de gouvernance et de gestion pour les ressources informationnelles, applicables aux différentes directions de l’Assemblée nationale. L’objectif était de créer une gouvernance intégrée et concertée, basée sur la préoccupation de préservation de la pérennité du patrimoine numérique. De même, l’accent a été mis sur l’optimisation des pratiques en privilégiant le partage et la mise en commun du savoir-faire, de l’information, des infrastructures et des ressources. (Rodrigue, 2021)

C’est à l’automne 2021 que les autorités de l’Assemblée nationale ont donné leur aval au projet et mis en place un Comité directeur dédié à la gouvernance de l’information. Nous avons recommandé que la responsabilité de ce comité soit confiée à la Direction générale de l’information et de l’expérience visiteur en cohérence avec le principe de responsabilité énoncé par l’ARMA, en assurant que la gestion du programme de gouvernance de l’information soit confiée à un cadre supérieur faisant partie du comité de gestion de l’Assemblée nationale.

Le comité directeur est composé des gestionnaires des directions ayant un lien avec les différents aspects de la gestion d’information.[11]

-> Voir la liste des figures

Ses principales responsabilités sont d’élaborer un programme de gouvernance de l’information, de définir ses grandes orientations et d’en assurer la diffusion auprès du personnel de l’Assemblée. Il est également chargé d’établir des mesures de conformité et de recommander au Comité de gestion de l’Assemblée nationale les grandes orientations en matière de gouvernance de l’information. De plus, le comité directeur est responsable de la création de groupes de travail pour mener à bien certains dossiers.

Lors de la première rencontre du comité directeur à l’hiver 2022, deux groupes de travail ont été formés : un groupe pour la rédaction du cadre de gouvernance de l’information et un groupe concernant les données ouvertes. Dans le cadre de cet article, nous nous concentrerons sur le travail du premier groupe.

Le groupe de travail pour la rédaction du cadre de gouvernance de l’information

L’un des objectifs principaux de la rédaction du document était d’assurer la cohérence entre les politiques et les procédures de l’Assemblée nationale et de les orienter vers un objectif commun et cohérent, tout en clarifiant la vision de l’institution en matière de gestion de ses ressources informationnelles.

Un autre objectif important du cadre était de rendre l’information accessible à l’ensemble des utilisateurs et utilisatrices. En favorisant une culture de collaboration entre les différentes directions, le cadre encourage le partage de l’information. Il facilite également la diffusion de l’information au sein de l’institution, permettant ainsi à chacun de trouver plus facilement les informations dont il a besoin.

La coordination du groupe de travail multi directions pour la rédaction du cadre de gouvernance a été confiée à la Bibliothèque. Nos différentes expertises ont été mises à profit au sein du comité, avec la participation d’une bibliothécaire et d’une analyste, en plus de la responsable de la gestion documentaire qui était responsable de la coordination. Cette approche multidisciplinaire a permis d’enrichir les réflexions et de garantir que le cadre de gouvernance de l’information prenne en compte les besoins et les perspectives de diverses parties prenantes au sein de l’Assemblée nationale. Le mandat du groupe était de proposer un cadre de gouvernance d’information qui définit cette gouvernance, établit les principes directeurs et énonce les orientations stratégiques (Assemblée nationale du Québec, 2022).

La rédaction du cadre de gouvernance de l’information a suivi une démarche structurée qui l’a d’abord amenée à utiliser les résultats de l’étalonnage et de la recherche d’information effectuée, et à se pencher sur différents cadres de gouvernance d’information, afin d’assurer un alignement avec les meilleures pratiques. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer le Cadre de référence sur la gouvernance de l’information des Premières Nations au Québec[12], qui est rapidement apparu comme étant cohérent sur notre objectif, soit celui d’énoncer de grands principes directeurs plutôt que de proposer un document d’encadrement opérationnel.

La définition même de ce que représente la gouvernance de l’information étant au coeur de l’exercice, différentes définitions de la gouvernance de l’information ont également été étudiées. Cet exercice nous a permis de confirmer, que la confusion qui règne au sein de la littérature entre gouvernance d’information et gestion d’information (Caron, 2021) et de nous rattacher au principe voulant que la gouvernance d’information énonce de grands principes, en lien avec les objectifs organisationnels alors que la gestion d’information concerne l’opérationnalisation de ceux-ci, entre autres par des documents d’encadrement (Caron 2021).

La définition présentée et retenue à l’Assemblée nationale est la suivante : « La gouvernance de l’information est un cadre de gestion des ressources informationnelles. Il assoit les responsabilités des différents intervenants à l’aide de principes généraux afin d’assurer une gestion efficiente de l’information et d’en extraire le plein potentiel au bénéfice de l’organisation. » (Assemblée nationale, 2023)

La diversité des intervenants du groupe de travail a favorisé les échanges autour des principes fondamentaux pour le cadre de gouvernance de l’information. Des directions externes au groupe ont été consultées pour garantir une approche équilibrée et adaptée aux besoins de l’Assemblée nationale. Après analyses, consultations et débats, le cadre a été rédigé avec précision, en incluant la vision, les bénéfices, les objectifs, le champ d’application et les principes directeurs. Le document a été recommandé au Comité de gestion de l’Assemblée nationale et approuvée en mars 2023.

Par sa démarche, le groupe de travail a su définir un cadre de gouvernance de l’information solide, élaboré de manière collaborative, et en accord avec les besoins spécifiques de l’institution.

Les grandes lignes du cadre de gouvernance de l’information de l’Assemblée nationale

C’est avec l’objectif de créer un référentiel commun qui permettra à l’ensemble de son personnel administratif de tirer pleinement parti du potentiel de l’information que l’Assemblée nationale s’est engagée à mettre en place un cadre de gouvernance de l’information. Les fondements du cadre se trouvent dans la préoccupation d’assurer la pérennité du patrimoine informationnel de l’institution. Il vise les objectifs suivants

  • Valoriser l’adoption de saines pratiques de gouvernance de l’information et sensibiliser le personnel de l’Assemblée à l’importance de se doter de normes de références communes.

  • Faire rayonner les ressources informationnelles de l’Assemblée nationale tout en favorisant la transparence en matière de gestion de l’information.

  • Favoriser une gestion efficiente et diligente de l’information, tout au long de son cycle de vie, à l’aide de normes, de pratiques et de procédures communes.

  • Responsabiliser les membres du personnel de l’Assemblée nationale afin d’assurer une saine gouvernance de l’information et l’imputabilité.

  • Adopter une approche de diffusion par défaut de l’information dans le respect de la confidentialité de l’information, de la cybersécurité et du privilège parlementaire.

Assemblée nationale du Québec, 2023

Les principes directeurs

Notre Cadre s’applique aux données et aux connaissances détenues ou reçues par l’Assemblée nationale. Plus spécifiquement cela comprend les informations personnelles, administratives et législatives, tels les projets de loi ainsi que les informations liées aux travaux parlementaires (dossier de la séance, feuilleton et préavis, documents liés aux commissions parlementaires, etc.). Il se décline en 7 principes directeurs qui convergent vers un but commun : pérenniser et valoriser l’information de l’Assemblée nationale.[13]

-> Voir la liste des figures

Défis et applications

Principal défi rencontré

La gouvernance de l’information si elle est un concept établi dans le domaine des sciences de l’information (et ce, malgré les différentes définitions qu’on peut en trouver) peut parfois sembler complexe pour une utilisation dans les activités courantes d’une institution. Il n’est pas toujours facile de saisir pleinement son application pratique.

Au sein de l’Assemblée nationale, tous étaient en accord dès le départ concernant les vertus du concept de gouvernance de l’information, qui permettrait de développer une culture informationnelle solide. Cependant, une question récurrente revenait lors de chaque présentation : comment ce cadre s’appliquerait-il concrètement au quotidien du personnel ? Les gestionnaires souhaitaient des exemples tangibles pour mieux expliquer l’application de cette gouvernance dans le travail quotidien.

En collaboration avec la Direction des communications, nous avons entrepris une réflexion afin de simplifier le texte du cadre de gouvernance et à le présenter de manière concise sur une page. Différents documents sont nés de cette réflexion et des exemples ont été intégrés dans notre discours. À titre d’exemple, cette synthèse, utilisée lors de différentes présentations a trouvé écho auprès des auditeurs.

-> Voir la liste des figures

Grâce à cette approche, nous espérons rendre le concept de gouvernance de l’information plus accessible à l’ensemble du personnel, facilitant ainsi l’adhésion et la compréhension des pratiques à adopter dans le cadre de la gouvernance de l’information. Cela vise également à renforcer la culture informationnelle au sein de l’institution en montrant comment ces principes peuvent être appliqués dans la réalité quotidienne.

Quels avantages pour l’Assemblée nationale et pour la Bibliothèque ?

Grâce à son programme de gouvernance, l’Assemblée nationale et sa Bibliothèque peuvent mieux répondre aux défis informationnels et favoriser une prise de décision éclairée basée sur de l’information de qualité. Cette approche contribue à promouvoir la démocratie en assurant un accès équitable à une information fiable pour tous les acteurs impliqués. La valorisation de la mémoire institutionnelle et le partage des connaissances permettent également de bâtir une culture organisationnelle tournée vers l’efficacité et l’ouverture.

En mettant en oeuvre ce cadre, l’Assemblée nationale bénéficie d’une meilleure efficience organisationnelle. Les politiques et procédures de gestion de l’information harmonisée permettent une circulation fluide des données entre les différentes directions, réduisant les duplications et les erreurs. Cela facilite l’accès à l’information pertinente au bon moment. Les documents d’encadrement qui seront élaborés dans le futur devront respecter les sept principes directeurs. La transparence est également renforcée par la gouvernance de l’information, permettant un accès équitable à l’information pour tous les utilisateurs de l’Assemblée nationale. La population peut ainsi avoir un meilleur accès à l’information d’intérêt public, renforçant la reddition de comptes et la confiance envers l’institution. De plus, en faisant la promotion de la collaboration, la gouvernance de l’information encourage les échanges d’informations entre les différentes directions de l’institution. Cela favorise la coopération et la coordination entre les équipes, améliorant ainsi la productivité et la qualité du travail accompli.

C’est dans la planification stratégique 2023-2027[14] de l’Assemblée nationale que l’ont saisi toute l’importance de l’exercice et ses retombées. On y retrouve par exemple des objectifs liés à la participation citoyenne, à la valorisation et la diffusion d’information, à la transformation numérique, à la culture de la connaissance (Assemblée nationale, 2023, p.17, 18, 23, 24, 35). Le tout en lien direct avec les principes directeurs énoncés dans le Cadre de gouvernance de l’information.

Du côté de la Direction de la Bibliothèque, chacune des quatre équipes trouve sa place au sein de cette culture informationnelle dont le Cadre fait la promotion. Grâce à son leadership, la Bibliothèque a consolidé sa position au coeur de l’information dans l’institution.

Conclusion

L’adoption d’un Cadre de gouvernance de l’information par l’Assemblée nationale est selon nous un geste fort qui démontre qu’elle considère son information comme un actif stratégique. Les parlements sont des institutions qui dépendent d’un flux constant d’informations pour prendre des décisions éclairées, légiférer et rendre des comptes à la population. La gouvernance de l’information se révèle donc un outil indispensable pour assurer une gestion optimale de cette ressource vitale.

Cet article nous a ainsi permis de mieux cerner l’importance capitale de la gouvernance de l’information dans les assemblées législatives, en abordant le cas de l’Assemblée nationale du Québec. Notre cadre vise à établir des normes élevées en matière de gestion de l’information au sein de notre institution.

Il demeure toutefois essentiel de rester conscient que la gouvernance de l’information est un processus en constante évolution, appelé à s’adapter aux nouvelles réalités technologiques et aux besoins. La collaboration, la transparence et l’engagement de toutes les parties prenantes sont cruciaux pour la réussite de la mise en oeuvre de ce cadre de gouvernance, comme en témoignent d’ailleurs les deux nouveaux groupes de travail mis sur pied à l’été 2023 par le Comité directeur de la gouvernance de l’information. L’un d’eux s’intéressera à différentes questions opérationnelles liées à la gestion documentaire et devra proposer des pistes de solutions en lien avec les grands principes et politiques en vigueur. Le deuxième groupe est chargé d’étudier et d’évaluer les implications de l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’environnement de l’Assemblée nationale, ainsi que de fournir des orientations et des recommandations pour une utilisation responsable et éthique.

Nous sommes convaincus de l’importance de la gouvernance de l’information dans les parlements. En s’inspirant des meilleures pratiques, les assemblées législatives pourront améliorer leur efficacité, leur responsabilité et leur légitimité aux yeux de la société civile. L’avenir de la gouvernance de l’information dans ces institutions dépend de ceux qui ont le pouvoir de façonner leur fonctionnement, et il incombe à chacun de saisir cette opportunité pour promouvoir une démocratie moderne et transparente.