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Le 6 février 2020, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) donne suite à une injonction de la Cour suprême de Colombie-Britannique et procède à une série d’arrestations afin de libérer l’accès au chantier de construction du gazoduc Coastal GasLink. Les personnes arrêtées, membres de la Nation wet’suwet’en, disent agir au nom des chefs héréditaires qui, contrairement aux conseils de bande de la nation, n’ont jamais consenti au passage du gazoduc sur leurs terres ancestrales. Après cette intervention policière, un important mouvement de solidarité avec les opposants au gazoduc voit le jour à travers le pays et même au niveau international (Cecco 2020). En Ontario, au Québec et ailleurs, des barricades sont érigées pour bloquer des chemins de fer et des routes afin d’attirer l’attention sur le conflit et revendiquer le respect des droits de la Nation wet’suwet’en (voir l’encadré sur le conflit entourant l’oléoduc Coastal GasLink).

L’histoire est jalonnée de ces conflits qui, de manière périodique, nous rappellent que la question coloniale est loin d’être réglée au Canada. En s’opposant au passage d’un gazoduc sur leurs terres ancestrales malgré l’appui des conseils de bande de la nation, les chefs héréditaires wet’suwet’en refusent l’imposition des lois et des institutions canadiennes sur ce qu’ils considèrent comme leur territoire – qu’ils n’ont jamais cédé, de gré ou de force, à la puissance coloniale. Ils revendiquent le droit de décider, librement et sans contraintes, du devenir de leurs terres et de leurs collectivités.

Cette revendication n’est pas sans fondement. Il y a plus de vingt ans, la Cour suprême du Canada reconnaissait, dans un jugement qui a fait école, que la question du titre foncier des Wet’suwet’en n’était pas réglée (Delgamuukw 1997). Les opposants au gazoduc s’appuient également sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). La Déclaration reconnaît non seulement le droit des peuples autochtones à l’autodétermination, mais aussi, et surtout, le principe du consentement préalable, libre et éclairé (CPLE), notamment lorsque leurs terres ancestrales sont visées par un développement des ressources naturelles (ONU 2007, article 32.2).

Cette référence au principe de consentement préalable, libre et éclairé est sans nul doute l’aspect le plus controversé de la DNUDPA. Les organisations de défense des droits des autochtones tendent à aborder le CPLE comme une extension logique du droit à l’autodétermination, et donc comme une reconnaissance explicite de leur autorité décisionnelle sur leurs terres ancestrales. Pour plusieurs États, y compris le Canada, le CPLE entraîne plutôt une obligation générale de consulter et de tenir compte de la volonté des peuples autochtones concernés, sans toutefois reconnaître à ces derniers un pouvoir décisionnel ou un véto sur les projets. Entre le droit d’être consulté et le droit de dire non, la marge est importante. Qui peut, au final, autoriser le passage d’un oléoduc ou encore un projet minier sur les terres ancestrales d‘une nation autochtone ? Quelles sont, en pratique, les conditions de mise en oeuvre de ce principe et qui représente les communautés dans ces processus ?

Ce numéro thématique de Recherches amérindiennes au Québec réunit des textes qui s’intéressent, à partir de divers horizons disciplinaires, à ces questions complexes. Si la majorité des textes traitent du CPLE en contexte canadien ou même québécois, d’autres nous permettent de poser un regard comparatif, particulièrement sur la situation en Amérique latine.

Au Canada comme ailleurs, les débats sur le CPLE portent sur la teneur normative du concept (voir à ce sujet le texte éclairant de Dominique Leydet dans le présent numéro), ses limites, mais aussi sur sa mise en pratique par divers mécanismes et pratiques plus ou moins formels (voir les textes de Fréchette, Fortin et Lopez). Loin d’être passifs dans ces débats, les peuples autochtones mobilisent, contestent et s’approprient ces mécanismes de mise en oeuvre du CPLE afin de donner au principe une portée véritable (voir les textes de Montambeault et al., Leclair et al., Bourgeois et Rodon). Au final, les textes du présent numéro nous permettent de souligner que l’interprétation et la mise en oeuvre du CPLE demeurent des questions éminemment politiques, souvent basées sur des rapports de force et qui mettent en relief des conceptions parfois radicalement différentes de la souveraineté, de l’autorité, de la légitimité démocratique, mais aussi de la relation au territoire.

Nous profitons de cette introduction pour mettre en contexte les analyses proposées dans les textes qui suivent, notamment en proposant une courte généalogie du principe de consentement et son articulation dans les principaux instruments internationaux. Nous proposons ensuite un bilan des politiques et des pratiques au Canada afin de souligner, d’une part, les limites des mécanismes institutionnels existants et, d’autre part, les diverses stratégies mobilisées par les peuples autochtones qui, comme les chefs héréditaires wet’suwet’en, cherchent à donner au principe sa pleine portée.

Le CPLE : une norme internationale aux contours flous

La question du consentement en matière de développement extractif est au centre des débats internationaux sur les droits des peuples autochtones depuis plus de trois décennies. On voit ainsi apparaître la mention du « consentement libre et informé » dès 1984 dans la Déclaration de Panama du Conseil mondial des peuples indigènes (Anaya et Rodriguez-Pinero 2018). Cette notion sera formellement codifiée dans la Convention 169 sur les peuples autochtones et tribaux de l’Organisation internationale du travail (OIT), adoptée en 1989 et ratifiée jusqu’à présent par vingt-trois pays, mais que le Canada refuse toujours de signer, notamment en raison de son caractère contraignant.

Adoptée par une forte majorité par l’Assemblée générale de l’ONU en 2007, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) devient rapidement une des pièces maîtresses du régime international de protection des droits des peuples autochtones[1]. La Déclaration comporte plusieurs références au CPLE, notamment aux articles 10 et 29.2 qui concernent le déplacement des populations et l’entreposage de déchets dangereux sur les terres ancestrales, des mesures qui exigent le consentent explicite des peuples concernés. L’article 19 enjoint également aux États de consulter les peuples autochtones « en vue d’obtenir leur consentement » lors de l’adoption de mesures législatives ou de politiques pouvant affecter le libre exercice de leurs droits (ONU 2007).

C’est cependant l’article 32 de la DNUDPA qui retient l’attention, puisqu’il fait explicitement référence à l’économie des ressources naturelles :

32.2. Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.

Les défis de la mise en oeuvre de la DNUDPA ne sont nulle part plus évidents que dans les débats entourant la portée de cette disposition. Le libellé de l’article 32.2, tout comme celui de l’article 19, laisse place à l’interprétation. Le principe du CPLE y est bel et bien affirmé. Fruit d’un compromis entre les représentants autochtones et étatiques après de nombreuses années de blocage (Lightfoot 2016), le texte parle cependant de consultation « en vue d’obtenir » le consentement.

D’aucuns y voient une concession importante : les États s’engagent à tenter d’obtenir le consentement, sans qu’il s’agisse d’une obligation de résultat. Il s’agirait en ce sens d’agir de bonne foi, de tenir compte des droits et des intérêts des peuples concernés, mais sans nécessairement leur reconnaître un pouvoir décisionnel (Coates et Flavell 2016). Interprété ainsi, le CPLE devient pour les États une manière de légitimer leurs décisions sans céder de réelle autorité aux peuples autochtones concernés (Schilling-Vacaflor 2017 ; Szablowski 2010).

D’autres proposent une lecture plus globale qui situe notamment l’article 32 dans l’économie générale du texte de la DNUDPA et des grands principes qu’elle vise à mettre en valeur (Doyle 2015 ; Barelli 2018 ; Leydet 2019 ; Newman 2020). L’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour les droits des peuples autochtones James Anaya adopte une telle interprétation. Il considère ainsi le CPLE comme une extension logique et nécessaire du droit à l’autodétermination (Anaya 2012). Sans capacité d’exercer un pouvoir décisionnel sur leurs terres ancestrales, il devient illusoire pour les peuples autochtones de prétendre à l’autodétermination selon Anaya (voir aussi Leydet, ce numéro). Sans parler de véto (personne n’a un pouvoir absolu, selon Anaya), ce dernier insiste sur la possibilité, pour les Autochtones concernés, d’exercer un pouvoir de décision, que ce soit selon leurs propres mécanismes et processus ou de manière conjointe avec les autorités étatiques (Anaya 2012 et 2013).

Au niveau des tribunaux internationaux, la Cour interaméricaine des droits de l’homme s’est penchée sur la question du consentement autochtone, et ce, dans le contexte du droit interaméricain et sans véritablement trancher sur la portée du principe (Wright et Tomaselli 2019). Pour certains, la portée déclaratoire et non statutaire de la DNUDPA rend également son interprétation par les tribunaux plus problématique (Newman 2020).

Nous ne trancherons pas la question ici. Il suffit de souligner que ce débat sur la portée normative du principe de consentement contribue à limiter sa mise en oeuvre, et ce malgré la très forte adhésion des États à la DNUDPA et, dans une moindre mesure, à la Convention 169 de l’OIT (Wright et Tomaselli 2019). Cette ambiguïté alimente aussi les tensions entre les attentes des peuples autochtones et les pratiques étatiques (Papillon, Leclair et Leydet 2020 ; Schilling-Vacaflor 2017). Alors que les premiers, à l’instar des opposants wet’suwet’en au gazoduc, mobilisent ce principe afin de justifier un droit de refus de certains projets, les États comme le Canada affirment respecter le principe du CPLE, tout en restreignant son application.

Le régime participatif canadien : de la consultation au consentement ?

Le principe voulant que les peuples autochtones doivent consentir à l’aliénation de leurs terres n’est pas nouveau au Canada. En fait, cette notion se trouve au coeur du processus de légitimation du régime colonial canadien. La Proclamation royale de 1763 prohibe d’ailleurs l’aliénation des terres des « nations ou tribus sauvages », sauf par la libre négociation d’ententes conclues exclusivement avec la Couronne. De cet édit royal découle la pratique de négocier des traités avec les peuples autochtones afin de permettre l’ouverture du territoire à la colonisation.

Si les tractations entourant la négociation et la mise en oeuvre des traités historiques font aujourd’hui à juste titre l’objet de nombreuses critiques, ceux-ci n’en demeurent pas moins fondamentaux pour les héritiers des peuples signataires, qui y voient précisément une reconnaissance de leur statut en tant que peuples libres de déterminer leur avenir. C’est aussi ce principe qui est invoqué par les chefs autochtones du centre de la Colombie-Britannique en 1911, dans une missive au premier ministre canadien Wilfrid Laurier, l’enjoignant de respecter l’engagement de la Couronne à négocier des traités et dénonçant « l’imposition de la loi des Blancs sans notre consentement » (Memorial to Laurier 1910, notre trad.).

Plus récemment et cette fois au Québec, c’est toujours l’absence de consentement au coeur du conflit autour d’un terrain de golf qui débouchera sur ce qu’on appelle la « crise d’Oka » (Simpson 2017). Lorsque les Cris de la Baie-James s’opposent au projet hydroélectrique Grande-Baleine dans les années 1990, puis remettent en question la légitimité d’une déclaration unilatérale de souveraineté par le Québec au lendemain du référendum de 1995, c’est encore une fois au nom du principe de libre consentement des peuples (Grand Conseil des Cris 1998). Aujourd’hui, ce sont les opposants aux oléoducs qui mobilisent ce principe.

La reconnaissance des droits ancestraux et issus de traités à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a certes permis des avancées importantes au pays pour les peuples autochtones. La question du pouvoir décisionnel de ces derniers sur leurs terres ancestrales demeure néanmoins entière. Dans sa jurisprudence sur l’article 35, la Cour suprême a plutôt choisi de reconnaître une obligation de consulter de bonne foi les groupes dont les droits, revendiqués ou reconnus, pourraient être affectés par les décisions de la Couronne (NationHaida 2004). Si cette doctrine entraîne dans certains cas la responsabilité de procéder à des accommodements, elle reste avant tout une obligation procédurale, comme le soulignent Leclair et al. dans le présent numéro.

C’est dans l’arrêt Nation Tsilhqot’in (2014) que le Cour se rapproche le plus d’une reconnaissance du CPLE en droit canadien. Dans cet arrêt, qui reconnaît pour la première fois la validité du titre ancestral d’une nation autochtone, la Cour précise que la Couronne doit obtenir le consentement de ce groupe pour toute activité pouvant porter atteinte à l’intégrité de ce titre. Cette obligation, la Cour le précise néanmoins, ne s’apparente pas à un véto. Les autorités provinciales et fédérales peuvent surseoir à cette exigence pour des motifs d’intérêt public si elles justifient leur décision et consultent adéquatement le groupe visé (Nation Tsilhqot’in 2014 : 83). Le consentement est ici présenté comme une extension de l’obligation de consulter plutôt que comme une véritable reconnaissance de l’autorité autochtone sur le territoire – ce qui limite considérablement sa portée juridique, mais aussi sa signification politique. Le CPLE risque dès lors d’être détourné de son sens premier lié au principe d’autodétermination (Leydet 2019; Rollo 2019).

Ce positionnement juridique se reflète dans l’approche du Canada face aux dispositions de la DNUDPA concernant le CPLE. La crainte d’un « véto autochtone » sur l’économie extractive explique en partie l’opposition initiale du Canada au texte de la DNUDPA (Lightfoot 2016). Lorsque le gouvernement Harper choisit de retirer l’opposition du Canada à la Déclaration en 2010, c’est toujours en précisant que les dispositions concernant le CPLE « doivent s’appliquer de manière conforme au droit canadien » (Canada 2010).

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau va plus loin en 2016. Dans un discours remarqué à l’ONU, la ministre des Affaires autochtones confirme que le Canada endosse désormais la DNUDPA « sans retenue, y compris le consentement préalable, libre et éclairé » (Canada 2016). Pourtant, elle spécifie du même souffle que les dispositions de la DNUDPA doivent être mises en oeuvre de manière conséquente avec les obligations constitutionnelles de la Couronne. Autrement dit, le CPLE doit toujours être interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour suprême, ce qui en réduit encore une fois la portée à une extension de l’obligation de consulter.

En 2017, le gouvernement du Canada publiait un énoncé de politique définissant dix principes devant guider les actions de l’État fédéral dans ses relations avec les peuples autochtones. Le CPLE fait partie de ces dix principes. Il s’agit cependant d’un énoncé relativement général qui ne permet pas de préciser la portée de cette obligation. On insiste d’ailleurs toujours sur la nature procédurale de l’obligation (on « vise à obtenir » le consentement) et sur la nécessité de réconcilier ce principe avec le régime constitutionnel canadien existant (Canada 2017, principe 6).

La toute nouvelle Loi sur l’évaluation des impacts (Canada 2019) reconnaît dans son préambule l’importance du respect des droits des peuples autochtones et des principes de la DNUDPA, qui doivent dorénavant explicitement faire partie des considérations dans la décision d’autoriser, ou non, un projet de développement des ressources ou des infrastructures[2]. Les autorités compétentes sont également encouragées à entrer en partenariat avec les collectivités autochtones concernées afin d’établir des protocoles conjoints d’évaluation des projets. Les directives émises depuis l’adoption de la Loi précisent quelque peu ces énoncés de principes. Il est notamment question de développer une approche consensuelle dans la mise en place des processus d’évaluation des impacts « afin de favoriser la recherche du consentement préalable, libre et éclairé » (Canada 2020).

Nous avons souligné ailleurs les limites des processus d’évaluation des impacts des projets comme mécanisme permettant la libre expression du consentement autochtone, notamment en raison du caractère souvent technique et peu accessible de ces processus pour le commun des mortels (Papillon et Rodon 2017). Rien ne nous permet de croire que la nouvelle Loi changera cette dynamique. De plus, le processus fédéral d’évaluation des impacts ne permet pas de reconnaître l’autorité décisionnelle des peuples autochtones sur les projets. Il s’agit toujours de « chercher » le consentement et non de l’obtenir. Le rôle des peuples autochtones, s’il est plus substantiel, demeure donc sujet au pouvoir plénier de la Couronne (Hudson 2020).

On peut penser, avec Sheryl Lighfoot (2016), que le Canada demeure sensible à ses obligations internationales, mais tend à interpréter celles-ci selon un cadre juridique et un schème de pensée bien déterminés, qui laissent peu de place à une transformation radicale des rapports avec les peuples autochtones afin de les reconnaître comme partenaires décisionnels. C’est ce même schème de pensée, avec en son centre la souveraineté étatique, qui permet au gouvernement de mettre constamment dans la balance les droits des peuples autochtones et les intérêts économiques du pays. Ainsi le premier ministre Justin Trudeau peut affirmer haut et fort l’engagement de son gouvernement en faveur de la réconciliation avec les peuples autochtones tout en choisissant du même souffle d’aller de l’avant avec le projet d’oléoduc Trans Mountain, et ce malgré l’absence de consentement des collectivités autochtones les plus directement affectées par le projet (O’Neil 2016).

Si certains affirment qu’une loi de mise en oeuvre de la DNUDPA forcerait la main du gouvernement et permettrait une véritable reconnaissance du pouvoir décisionnel des peuples autochtones, les actions récentes du gouvernement fédéral nous laissent croire qu’une telle loi ne serait pas suffisante pour opérer un véritable changement de paradigme dans l’interprétation du CPLE[3].

Les provinces et les territoires jouent également un rôle important dans la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones au Canada, notamment en raison de leurs compétences constitutionnelles sur les ressources naturelles et les terres publiques. C’est sans doute en Colombie-Britannique que les avancées les plus importantes en ce sens ont été réalisées depuis quelques années. Cela s’explique en partie par le climat d’incertitude juridique résultant de la quasi-absence de traités historiques dans la province. La très grande majorité des décisions judiciaires portant sur les droits ancestraux, sur le titre ancestral ou encore sur la portée de l’obligation de consulter sont d’ailleurs issues de cette province.

Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique fut le premier au pays à adopter une loi sur la mise en oeuvre de la DNUDPA, après un processus collaboratif avec les principales organisations autochtones de la province (Colombie-Britannique 2019a). La nouvelle loi provinciale sur l’évaluation environnementale innove aussi, en plaçant les droits des peuples autochtones et le principe de consentement au coeur du processus et en proposant de reconnaître, selon les circonstances, l’autorité décisionnelle des nations autochtones (Colombie-Britannique 2019b).

Dans le même état d’esprit, la Colombie-Britannique a aussi négocié depuis quelques années un certain nombre d’ententes et de protocoles bilatéraux avec nations autochtones de la province afin d’établir des mécanismes de codécision et de cogestion des ressources reposant sur le principe de consentement mutuel (Hudson 2020). Ces ententes sont sans nul doute parmi les mesures les plus concrètes au pays afin de donner une portée substantive au CPLE.

La Colombie-Britannique va donc plus loin que le gouvernement fédéral en acceptant de soumettre son processus décisionnel à la volonté des groupes autochtones concernés dans certains cas. La mise en oeuvre de ces principes reste néanmoins discrétionnaire et sujette au jeu politique. C’est après tout ce même gouvernement qui a choisi d’autoriser le projet de gazoduc Coastal GasLink, malgré le refus des chefs héréditaires wet’suwet’en et d’autres nations situées sur le tracé, au nom de « la primauté du droit et des intérêts supérieurs de la province » (premier ministre John Horgan, cité dans TheCanadian Press 2020).

La situation en Colombie-Britannique contraste néanmoins avec celle des autres provinces, qui demeurent pour la grande majorité dans une logique réactive et de gestion de crise lorsqu’il s’agit des droits des peuples autochtones[4]. Le respect du consentement (ou du refus) des Autochtones devient alors essentiellement le fruit de rapports de pouvoir que ces derniers parviennent à établir, comme le montrent dans le présent numéro Fréchette, par rapport à Hydro-Québec, ainsi que Bourgeois et Rodon dans leur analyse de l’opposition des Cris de la Baie-James au développement d’une mine d’uranium sur leur territoire.

Il faut d’ailleurs souligner qu’au Québec, bien que l’Assemblée nationale ait adopté une motion qui « reconnaît les principes » de la DNUDPA, le gouvernement semble pour l’instant peu intéressé à discuter de sa mise en oeuvre et encore moins de reconnaître le principe du consentement dans ses lois et ses politiques (Radio-Canada 2019). Comme en Colombie-Britannique pourtant, le Québec est particulièrement exposé aux contestations judiciaires fondées sur la reconnaissance du titre ancestral, puisqu’une grande partie du son territoire n’a jamais fait l’objet de traité ou de règlement foncier (le territoire de la Convention de la Baie-James fait ici exception).

Le CPLE comme pratique politique : contestation, collaboration et appropriation

Face à l’interprétation plutôt restreinte du CPLE par les autorités canadiennes, et face surtout au manque de mesures concrètes afin de traduire ce principe dans les pratiques, les peuples autochtones ne sont pas passifs. C’est d’ailleurs ce qui ressort des textes du présent numéro thématique. On peut ainsi distinguer trois stratégies d’action pour la mise en oeuvre du CPLE : la contestation, la collaboration et la réappropriation (voir Papillon et Rodon 2019). Ces stratégies sont souvent, en pratique, combinées, mais il est utile de les distinguer à des fins d’analyse.

Tout d’abord, les peuples autochtones peuvent contester la légitimité des mécanismes de consultation ou de participation existants. Cela peut prendre la forme d’un boycottage des consultations ou d’un refus d’en reconnaître la valeur. Plusieurs collectivités contestent également la conformité constitutionnelle des processus de consultation mis en place par les autorités fédérales ou provinciales par la voie des tribunaux. Il s’agit souvent d’un moyen efficace pour ralentir le processus d’approbation d’un projet ou pour développer un rapport de force avec le promoteur, dans le but d’obtenir des ajustements au projet qui puissent en minimiser l’impact ou encore permettre d’en tirer des bénéfices.

L’exemple de l’oléoduc Trans Mountain vient ici à l’esprit. Bien que plusieurs collectivités et nations autochtones appuient le projet, un nombre significatif continuent de s’y opposer par la voie juridique. En 2018, la Cour fédérale d’appel a annulé le certificat d’autorisation du projet, en soulignant notamment que le processus de consultation auprès des groupes autochtones concernés n’avait pas été suffisamment substantiel à la lumière des obligations constitutionnelles de la Couronne (Nation Tsleil-Waututh 2018). Ce revers juridique a contribué à mettre de la pression sur le gouvernement fédéral, devenu entre-temps l’actionnaire principal du controversé oléoduc. Cette stratégie juridique comporte toutefois des limites. La Cour d’appel fédérale ne fait pas référence à la DNUDPA dans son raisonnement, ni d’ailleurs au consentement. Le gouvernement fédéral s’est donc contenté de refaire les consultations, cette fois en respectant les exigences de la Cour. Cette dernière ronde de consultation a été validée par la Cour d’appel fédérale en 2020 (Coldwater 2020).

Par définition, les tribunaux interprètent le droit canadien. S’ils permettent parfois de faire progresser ce droit vers une plus grande reconnaissance des peuples autochtones et de leurs propres normes et pratiques, ils n’en demeurent pas moins des institutions issues d’un régime juridique dont les assises sont profondément ancrées dans l’histoire coloniale. Plusieurs nations et groupes autochtones contestent ainsi la légitimité même des tribunaux et préfèrent agir hors des institutions qui leur sont imposées par la puissance coloniale.

Cette contestation extrajudiciaire peut notamment prendre la forme d’une occupation, ou plus exactement d’une réoccupation du territoire. Par exemple, les Tiny House Warriors ont construit des maisonnettes sur un terrain adjacent au site de construction du projet, près de Kamloops en Colombie-Britannique, « afin de réaffirmer l’autorité souveraine de la Nation secwepemc » (Brake 2018). Les membres de la Nation wet’suwet’en qui ont décidé d’empêcher la construction du gazoduc Coastal GasLink en bloquant l’accès au chantier utilisent une tactique similaire. Il ne s’agit pas tant de contester la légalité du projet en droit canadien, mais bien d’affirmer la coexistence de ce droit colonial avec les systèmes juridiques autochtones et de rappeler à tous qu’il s’agit de « terres non cédées » sur lesquelles les autorités traditionnelles wet’suwet’en ou secwepemc continuent d’exercer leur souveraineté. Sans le consentement de ces autorités traditionnelles, affirment-ils, le projet ne peut aller de l’avant.

La réoccupation comme stratégie de contestation des projets permet d’affirmer la présence et l’autorité des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales. Ces pratiques nous forcent à repenser la question du consentement au-delà d’une logique purement procédurale ou technique, mais elles servent aussi à affirmer l’importance du lien au territoire pour ces communautés (Eisenberg 2020). Ces pratiques opèrent un recadrage du débat en le recentrant autour du rôle de protection du territoire et de l’environnement qui est souvent au coeur des identités autochtones (Pasternak 2017).

La contestation, que ce soit par la voie juridique ou celle de la réoccupation, peut s’avérer efficace pour bloquer un projet ou à tout le moins pour établir un rapport de force avec le promoteur et les autorités compétentes. Il ne s’agit cependant pas d’outils permettant, en soi, de participer à la prise de décision ou de mettre en place des mécanismes décisionnels alternatifs. Deux autres approches sont ici pertinentes.

La deuxième stratégie utilisée par les peuples autochtones consiste à collaborer avec les autorités gouvernementales et les promoteurs pour maximiser leur influence dans les processus réglementaires existants et créer des mécanismes mutuellement satisfaisants pour exprimer leur consentement. Il peut s’agir ici de participer à la mise en place de mécanismes participatifs ou collaboratifs conjoints (voir Leydet, ce numéro) ou de négocier des ententes ou protocoles afin d’établir des procédures mutuellement acceptables pour en venir à une décision sur un projet ou un plan de gestion des ressources, comme c’est notamment de plus en plus le cas en Colombie-Britannique, tel que souligné plus haut (Hudson 2020). De tels mécanismes de planification conjoints sont aussi de plus en plus fréquents en foresterie (Teitelbaum et al. 2019).

Cette approche collaborative se traduit en fait de plus en plus par la négociation d’ententes directement entre les promoteurs d’un projet et les collectivités autochtones affectées. De telles ententes permettent aux Autochtones concernés d’obtenir certains bénéfices liés au projet tout en assurant la mise en place de mesures pour en limiter les impacts négatifs. En retour, les collectivités signataires consentent au projet, ou du moins s’engagent à ne pas contester l’attribution du permis par les autorités compétentes (Papillon et Rodon 2017 ; O’Faircheallaigh 2015). Ces ententes, souvent appelées « ententes sur les répercussions et avantages » (ERA), sont devenues presque incontournables au Canada, particulièrement dans le domaine minier.

Pour les peuples autochtones, les ERA peuvent être intéressantes, car elles permettent un engagement plus direct avec les promoteurs de projets afin d’influencer le développement de leurs terres traditionnelles. Il s’agit aussi d’une manière de se voir reconnaître une certaine autorité sur le territoire par le promoteur, et ce, sans se voir imposer le cadre réglementaire étatique. Cependant, la négociation des ERA comporte aussi plusieurs limites dans une perspective de mise en oeuvre du CPLE. Tout d’abord, ces ententes sont souvent négociées avec une participation limitée de la communauté. Ce sont généralement des avocats représentant le conseil de bande ou les autorités autochtones qui négocient avec le promoteur. Ces processus sont souvent confidentiels et peu transparents. Ces ententes sont parfois même ratifiées et mises en oeuvre sans que la communauté ait pleinement connaissance de leur contenu. Il est dès lors difficile de parler de consentement libre et éclairé (Fortin, ce numéro ; Papillon et Rodon 2017).

De plus, afin d’accélérer le processus d’approbation des projets, les promoteurs tentent souvent de négocier une ERA dès que possible – avant même que le processus d’étude des impacts soit terminé. Cette pratique est particulièrement courante chez les petites sociétés minières qui utilisent les ERA pour démontrer l’acceptation locale du projet et ainsi attirer des investisseurs. Là encore, la communauté est invitée à consentir à un projet sans avoir pleinement connaissance de son impact.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, les ERA sont négociées avec les promoteurs du projet, alors que l’obtention du CPLE, tout comme l’obligation de consulter, incombe aux gouvernements. La systématisation des ERA contribue à une forme de privatisation du processus d’évaluation, voire même de la prise de décision, entourant l’autorisation des projets (Caine et Krogman 2010). Il peut être difficile pour les décideurs publics d’évaluer si le consentement exprimé par le biais d’une ERA est réellement libre, préalable et informé – surtout si les négociations et le contenu de l’accord restent confidentiels (Papillon et Rodon 2017).

Une troisième stratégie, souvent complémentaire aux deux premières, consiste pour les collectivités et nations autochtones à développer leurs propres mécanismes d’évaluation des projets, afin de donner un sens au CPLE et d’en concrétiser la portée, par la pratique. Cette stratégie, que l’on peut qualifier d’appropriation de la norme internationale « par le bas », permet aux collectivités autochtones de remplir le vide institutionnel lié à l’absence de mécanisme leur permettant d’exprimer, librement et de manière informée, leur consentement (Doyle et al. 2019 ; Schilling-Vacaflor et Flemmer 2020).

La mise en place de protocoles unilatéraux, par des collectivités ou des nations, établissant les règles que doivent suivre les promoteurs et les autorités gouvernementales afin de les consulter sur un projet donné, fait partie de ces mécanismes d’appropriation (voir Montambeault et al. ainsi que Leclair et al., ce numéro). Il s’agit alors de définir à la fois les principes, les objectifs et les procédures devant présider à la consultation, afin, pour les collectivités, de garder plein contrôle à la fois sur le processus et sur le résultat. Dans plusieurs cas, ces protocoles prévoient une disposition explicite exigeant que le promoteur respecte la volonté de la collectivité visée et reconnaisse le principe du CPLE (Doyle et al. 2019 ; Leclair et al., ce numéro).

L’appropriation peut aussi passer par d’autres mécanismes similaires. Par exemple, Bourgeois et Rodon documentent dans le présent numéro le processus qui a mené la Nation crie, au Québec, à rejeter un projet de mine d’uranium sur son territoire. Sans rejeter les mécanismes prévus à la Convention de la Baie James, les Cris d’Eeyou Istchee ont développé leur propre politique minière afin d’établir des objectifs, des critères et un processus permettant de justifier le consentement ou le refus d’un projet. Encore une fois, cette politique vise à combler les apories du cadre réglementaire étatique qui ne permet pas, même en territoire conventionné, l’expression du CPLE.

D’autres nations et collectivités choisissent, pour exprimer leur consentement ou leur refus, de mettre en place leur propre processus d’évaluation des impacts d’un projet, en marge du processus mandaté par les autorités règlementaires. Papillon et Rodon (2020) donnent comme exemple le processus mis en place par la Nation squamish, en Colombie-Britannique, concernant l’approbation d’un terminal pour le gaz naturel liquéfié sur son territoire ancestral. La Nation squamish est parvenue à obtenir l’engagement du promoteur à financer le processus d’évaluation et à en respecter les conclusions. Bien qu’il n’ait pas fait l’unanimité, le projet a finalement été approuvé par la communauté après un processus de consultation et d’évaluation des impacts entièrement mené par et pour la Nation squamish.

Sans avoir force juridique en droit étatique, ces mécanismes ont souvent une force symbolique et une légitimité politique importantes. Comme le soulignent Leclair et al. dans le présent numéro, le fait qu’ils invoquent l’autorité ancestrale de la nation en question et, souvent, les normes internationales liées à la DNUDPA, leur donne une force normative difficile à ignorer. Ils permettent ainsi de faire le pont entre les normes et systèmes de relations au territoire des populations visées, le droit étatique et le droit international. Cet ancrage multiple fait de cette stratégie d’appropriation un outil particulièrement efficace pour traduire le CPLE, sinon en droit, du moins dans la pratique.

Un bilan mitigé, des avancées non négligeables

Les différentes contributions à ce numéro thématique permettent d’approfondir plusieurs éléments abordés brièvement dans cette introduction. Les différents textes s’intéressent autant aux aspects normatifs liés à l’interprétation du CPLE qu’aux mécanismes favorisant ou limitant sa mise en oeuvre. Il reste, on le constate, un chemin considérable à parcourir en ce sens. Cela dit, le CPLE est de plus en plus un élément incontournable du jeu politique entourant le processus d’autorisation des grands projets extractifs ou d’infrastructure en territoire autochtone.

Dans sa contribution au présent dossier, Dominique Leydet propose un argumentaire convaincant pour une interprétation substantielle du CPLE comme principe ayant comme nécessaire corollaire un droit de refus. En porte-à-faux face aux interprétations du CPLE comme extension de l’obligation de consulter, Leydet s’inscrit dans une perspective associant CPLE et capacité décisionnelle. Pragmatique, elle reconnaît néanmoins que, dans un contexte comme le Canada, où l’État est peu porté à accepter de céder ou de partager son autorité, une telle approche reste difficile à réaliser. Elle propose donc une approche itérative à la mise en oeuvre du CPLE, inspirée du modèle du Forest Stewardship Council.

Le texte de Leclair, Papillon et Forget s’intéresse aux protocoles adoptés unilatéralement par un nombre croissant de collectivités autochtones au Canada comme outils d’appropriation du CPLE. Les auteurs soulignent le rôle programmatique de ces protocoles qui, sans avoir de portée en droit canadien, permettent aux collectivités et aux nations d’affirmer les principes devant guider, selon elles, l’approbation des projets. La force normative de ces protocoles repose sur leur capacité à créer un maillage entre les normes issues de leur propre régime juridique ancestral, le droit étatique et le droit international.

Montambeault, da Silva et Monteiro Joca s’intéressent, elles aussi, aux protocoles unilatéraux comme outils d’appropriation du CPLE, mais cette fois dans le contexte brésilien. Comme au Canada, la pratique de mettre en place des protocoles devant guider les processus participatifs entourant l’approbation des projets extractifs est de plus en plus répandue. Ces protocoles servent à combler l’absence de règles et de mécanismes clairs afin de mettre en oeuvre les obligations des autorités en matière de consultation. Ces protocoles permettent aux collectivités autochtones d’établir certains standards « par le bas » et d’affirmer une certaine agentivité dans un contexte où le CPLE demeure un principe plutôt théorique ayant encore moins d’ancrage juridique qu’au Canada.

Fréchette, pour sa part, analyse la mise en oeuvre du CPLE dans le cadre des grands projets hydroélectriques au Québec. L’auteure se demande si, en l’absence de législation pour mettre en oeuvre le CPLE, les pratiques d’Hydro-Québec permettent une prise en compte de ce principe. Elle nous montre qu’en fait, cette reconnaissance dépend surtout du rapport de force qui s’établit entre le promoteur et la nation autochtone plutôt que des processus existants. Ainsi, dans le cas des Cris, l’entente de la Paix de Braves leur donne les leviers nécessaires pour devenir des partenaires du projet Em-1-A-Sarcelle-Rupert, leur permettant ainsi d’exercer un contrôle sur le projet et sur sa réalisation. En revanche, dans le cas du projet de La Romaine, le consentement s’est surtout exercé par le biais d’ententes économiques qui permettent aux Innus de bénéficier des retombées du projet mais qui n’offrent pas de reconnaissance des droits ancestraux et territoriaux ni l’exercice d’une véritable autorité décisionnelle.

Dans un même ordre d’idée, Bourgeois et Rodon illustrent comment les Cris de la Baie-James se sont réapproprié le processus décisionnel, cette fois sur les projets miniers sur le territoire d’Eeyou Istchee. Même s’ils ne possèdent pas de droit de véto au sens juridique, les Cris ont, dans les faits, réussi à établir leur capacité décisionnelle sur le plan politique : comme les auteurs le démontrent, il est aujourd’hui difficile d’envisager un projet minier qui irait de l’avant sans leur consentement. Bourgeois et Rodon illustrent l’influence des Cris à partir du cas du projet Matoush, un projet de mine d’uranium au départ approuvé par le Québec mais qui a finalement été mis de côté.

Fortin, s’intéresse quant à elle aux défis de la mise en oeuvre du CPLE au sein des communautés, en l’absence de mécanismes participatifs transparents. Elle se base sur le cas d’Aupaluk, la plus petite communauté du Nunavik. Elle nous montre bien que les conflits internes créés par un projet minier rendent difficile la mise en oeuvre du CPLE. Son article fait aussi écho à la situation chez les Wet’suwet’en, puisqu’elle met en lumière les rapports de pouvoir au sein des communautés induits par les consultations et la négociation des ERA, alors que certains groupes se trouvent marginalisés dans ces processus.

Le texte de Lopez nous permet enfin de porter notre regard sur la Colombie, un État souvent considéré à l’avant-garde en matière de consultation des peuples autochtones. Elle montre que les mécanismes de consultation sont effectivement bien institutionnalisés dans ce pays, mais cela a paradoxalement comme effet de limiter les possibilités de changement vers un modèle reposant sur le principe de consentement. Comme au Canada, le CPLE en vient à être détourné de son sens dans les processus existants. Au final, il s’agit surtout de faciliter le développement des ressources en donnant aux autorisations gouvernementales une aura de légitimité. La consultation et le consentement risquent dès lors de devenir non plus des outils d’affirmation, mais bien de cooptation des peuples autochtones. Ce constat nous rappelle qu’au-delà des principes, c’est dans les pratiques que le CPLE trouve sa pleine signification.