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Introduction

Contexte et problème de recherche

Les premières expériences d’un enseignant sont capitales étant donné qu’elles jettent chez lui les bases de sa dynamique motivationnelle (Raymond, 2001). La vision de l’enseignement et de la profession développée par l’enseignant à travers les premières expériences qu’il vit influencera son engagement dans un processus de développement professionnel et sera décisive pour lui (Mukamurera, 2014). Les balbutiements expérientiels devraient être accompagnés pour encourager le futur enseignant dans une dynamique de développement professionnel, allant d’une préparation adéquate en formation jusqu’à un soutien accru lors de son insertion professionnelle.

Les débuts dans la profession nécessiteront une attention toute particulière pour que ceux-ci ne se soldent pas en une rupture avec le monde enseignant. Car, qu’ils soient « naturels », voire assumés, ou « subis », les départs de la profession enseignante impliquent des coûts aussi bien humains que financiers pour les systèmes éducatifs, et ce, à l’échelle mondiale (Organisation de Coopération et de Développement économiques, 2005). C’est pourquoi plusieurs d’entre eux se sont dotés de programmes visant à soutenir l’insertion professionnelle des enseignants et leur persévérance dans le métier. Les spécialistes du domaine appellent à se pencher sur les moyens mis en place pour améliorer le soutien offert aux enseignants et viser des retombées significatives pour les individus, le milieu de travail ou la profession de manière générale (Leroux et Mukamurera, 2013).

À l’intérieur des programmes en place dans les commissions scolaires au Québec, l’accompagnement dyadique tel que le « mentorat », qu’il soit formel ou informel, y occupe une place de première ligne (Martineau, Vallerand, Portelance et Presseau, 2011). Cette forme d’accompagnement, la plus souvent organisée selon un jumelage entre un enseignant débutant et un enseignant d’expérience, offre de nombreuses potentialités en matière de développement professionnel (Martineau, Vallerand, Portelance et Presseau, 2011). Le soutien qu’il offre favoriserait le maintien des enseignants dans leur profession, augmenterait leur efficacité professionnelle et plus globalement la réussite scolaire des élèves (Ingersoll et Smith, 2004 ; Moir, 2009). De plus, il contribue à la construction des compétences et de l’identité professionnelles (Jokinen, Heikkinen et Morberg, 2012). Mais, si l’accompagnement apparaît le plus souvent comme une voie facilitante à l’entrée dans la profession (He, 2010), il pourrait aussi présenter certains écueils et porter préjudice au développement professionnel du débutant, comme celui de mener au conformisme et à la promotion de normes et de pratiques (Martineau et al., 2011).

Pour que l’accompagnement puisse réellement contribuer au développement de l’enseignant, il ne suffira pas à l’accompagnateur d’être un enseignant expérimenté (Feiman-Nemser, 2003). Il se devra d’être attentif à la façon dont il accompagne. Entre autres, la manière de s’acquitter de son rôle auprès de la personne accompagnée, à savoir la posture d’accompagnement, aura toute son importance. Cette dernière demandera un ajustement à la singularité de l’accompagné, en plus d’un arrimage à ses besoins et à la situation qu’il vit (Clutterbuck, 2004 ; Paul, 2016). L’action de l’accompagnateur se caractérisera donc par l’adoption de certaines postures. En formation initiale, l’accompagnateur du stagiaire en milieu de stage, soit l’enseignant associé[1] , pourrait aussi contribuer au développement professionnel du futur enseignant, par l’entremise de certaines postures. Il pourrait, entre autres, soutenir le développement de son autonomie, de sorte que le stagiaire ne procède pas par simple mimétisme en voulant reproduire les gestes de son enseignant associé (Bourassa, 2017).

Jusqu’ici, la recherche a cerné plusieurs aspects de l’accompagnement comme les rôles, attitudes et qualités requis chez l’accompagnateur (Achinstein, 2006 ; Biémar, 2012 ; Darwin, 2000 ; Donnay, 2002 ; Feiman-Nemser, 2001 ; Heilbronn et al., 2002 ; Houde, 2011 ; Miller-Marsh, 2002 ; St-Arnaud, 1999). Les postures, pour leur part, attirent depuis peu l’attention des chercheurs dans le domaine de la formation initiale (Biémar, 2012 ; Matteï-Mieusset, 2013 ; Jorro, 2016 ; Colognesi et al., à venir). Par contre, aucune recherche n’avait encore permis, à notre connaissance, d’éclairer la façon dont les postures s’opérationnalisent dans les pratiques effectives des accompagnateurs dans le contexte spécifique de l’insertion professionnelle.

Notre recherche doctorale visait à répondre à la question suivante : « Comment les compétences et les postures de l’accompagnateur contribuent-elles au développement de l’autonomie et de l’émancipation professionnelles des enseignants débutants ? » Pour y répondre, deux de nos objectifs étaient de connaitre les conceptions de l’accompagnateur relatives à l’accompagnement et d’identifier les postures caractéristiques de sa pratique. C’est alors que nous avons pu établir des liens entre les postures adoptées et les conceptions relatives au(x) rôle(s). L’objectif du présent texte est d’exposer ces liens et de proposer des éléments de réflexion à l’égard du contexte de la formation initiale. À notre sens, la réflexion peut en effet rejoindre le contexte de la formation et des postures des enseignants associés étant donné les liens étroits entre le rôle de l’accompagnateur d’enseignants débutants et celui de l’accompagnateur de stagiaires (Portelance, Durocher et Gingras, 2004).

Cadre théorique

Parmi les divers apports conceptuels sollicités pour mener la recherche, deux d’entre eux sont ici présentés. D’abord, nous présenterons l’accompagnement tel que nous l’entendions dans ce travail doctoral. Ensuite, sera exposé le concept de posture avant d’offrir un aperçu du cadre d’analyse saisi pour analyser nos données.

L’accompagnement

La notion d’accompagnement est décelable en 1998, lorsque Pineau l’introduit au rang de la recherche (Paul, 2004). Sa signification diffère selon le profil ou le style de chaque praticien qui y aura recours et il aura pour caractéristique de devoir être adapté à chaque situation (Paul, 2002). De ce fait, ce terme paraît et reste flou puisqu’il signifie tout et rien à la fois. Deux points communs ressortent néanmoins : les situations mettent en scène un acteur principal (l’accompagné) et l’accompagnement se met en place, selon Le Bouëdec (2002), en vue d’atteindre un but. Vial et Caparros-Mencacci (2007) remarquent en effet que « le préfixe a- ou ad (latin ad) (…) marque une idée de tendance, de direction vers un but déterminé » (p. 21). Cela donne donc l’indication qu’accompagner c’est aller avec, aller vers dans quelque chose en train de se faire et dont on ne sait s’il aboutira. L’accompagnement renverrait donc plus à un cheminement qu’à une fin en soi. Ce cheminement concerne avant tout l’accompagné puisque ce dernier est et demeure le « maitre d’oeuvre » de son projet, même si l’accompagnateur soutient sa concrétisation (Biémar, 2012). Ainsi, pour Boutinet (2009), accompagner c’est soutenir un pair afin qu’il mette en oeuvre le meilleur de lui-même et qu’il atteigne les objectifs qu’il s’est lui-même fixés.

Considérant la conception de Vial et Caparros-Mencacci (2007), peu importe la forme qu’il prendra (conseil, parrainage, coaching, mentorat, tutorat, compagnonnage) ou le contexte spécifique dans lequel il aura lieu (la formation, l’insertion professionnelle, autres), l’accompagnement se fonde sur des dimensions relationnelles (aller avec), directionnelle (aller vers) voire même temporelle (dans quelque chose en train de se faire). Dans le cadre de cette recherche doctorale, l’accompagnement prenait la forme d’une relation de soutien en milieu de travail, proposée à un enseignant débutant, le mentoré, par un collègue expérimenté, le mentor (Duchesne, 2010). La relation d’accompagnement mentoral a lieu dans une transition vers une nouvelle réalité et pour soutenir le développement du potentiel personnel et professionnel du débutant (Lusignan, 2003). L’accompagnement dyadique, tel que le mentorat, est complexe et ne peut s’improviser. L’agir du mentor sera alimenté par son expertise en enseignement, mais si celle-ci ne sera pas suffisante. Des accompagnateurs, on attend souvent certaines qualités ou attitudes, tels que l’ouverture d’esprit, le respect, la fiabilité, la flexibilité et la disponibilité (Houde, 2011). Mais, chaque situation étant unique, il serait restrictif de réduire l’accompagnement à l’unique expertise ou à certaines qualités ou attitudes, d’autant qu’elles réduisent le caractère professionnel et hautement complexe de la fonction d’accompagnateur. Ce dernier devra effectivement « savoir-agir » avec flexibilité dans des situations lui demandant de « faire avec », en s’adaptant au contexte, à l’accompagné et à ses besoins. En effet, comme l’accompagnement s’inscrit dans une dynamique interactionnelle, celui-ci suppose une adaptation aux besoins (Clutterbuck, 2004), à la singularité et au rythme de l’accompagné (Paul, 2016). C’est à travers l’adoption de postures que cette dynamique s’incarnera dans la pratique de l’accompagnateur. Or, malgré la variété des contextes qui s’offrent potentiellement à lui, certains invariants caractérisent la mise en oeuvre de l’accompagnement, au-delà de spécificités propres à chaque situation particulière. L’agir de l’accompagnateur appelle donc à être mis en oeuvre selon certaines postures d’accompagnement permettant de rendre compte de la complexité du processus en jeu. Avant de spécifier ce que les postures d’accompagnement représentent, il parait essentiel de passer par la définition de la posture elle-même.

La « posture » et les postures d’accompagnement

Nous avons vu que, de par son caractère interactif, l’accompagnement suppose inévitablement la mobilisation de postures (Paul, 2004, 2016). Celles-ci correspondent à des manières de s’acquitter de son rôle, manifestées par des façons d’être et de faire, elles-mêmes caractérisées par des principes éthiques marquant l’action de celui qui accompagne d’une certaine empreinte (Vivegnis, 2016). La posture renvoie à une conception dominante des rôles que l’accompagnateur exerce (consciemment ou non) dans ses pratiques d’accompagnement (Beauvais, 2006) et elle est également orientée par ses intentions (Jorro, 2016). La conception que l’accompagnateur a de son rôle, soit la manière selon laquelle il se représente celui-ci, orientera sa pratique.

Notons que la conception de la personne est dynamique puisqu’elle est issue de ses connaissances, qui se modifient avec le temps et selon son expérience (Bonnet, 2006). En contexte de formation initiale, Pellegrini (2010) précise que les rôles de l’accompagnateur renvoient à différentes perspectives complémentaires (que nous qualifions de postures). La première[2] (perspective humaniste) met l’accompagné au centre du processus et l’accompagnateur est considéré comme un conseiller offrant un support de type émotionnel. La seconde (l’apprentissage situé) insiste sur les connaissances pratiques. L’accompagnateur est là pour aider l’accompagné à acquérir des techniques et des ressources pour enseigner. La troisième (constructiviste et critique) met l’accent sur le questionnement des connaissances, des structures et des pratiques d’enseignement. L’accompagnateur vise l’examen et la construction d’idées ou d’approches nouvelles avec l’accompagné. La quatrième (problématisation des savoirs professionnels) vient en soutien à l’accompagné dans son processus réflexif, en passant par l’articulation entre la théorie et la pratique. En contexte d’insertion professionnelle, l’accompagnateur peut tenir différents rôles. Ceux-ci peuvent illustrer en partie les diverses manières de concevoir l’accompagnement, et dès lors d’adopter telle ou telle posture. L’accompagnateur peut être un modèle, un entraineur voire encore un spécialiste du développement professionnel, soutenant le débutant dans l’analyse de sa pratique et des problématiques rencontrées (Angelle, 2002). On le voit aussi comme un collaborateur dès lors qu’il y a, entre lui et l’accompagné, un partage mutuel d’expériences et de connaissances (Portelance, Martineau et Presseau, 2008). D’autres facettes du rôle peuvent renvoyer à l’accueil, l’aide, le soutien (pédagogique ou psychologique), le conseil ou encore l’intégration à la culture institutionnelle (Vallerand et Martineau, 2007). L’accompagnateur peut encore être là pour enseigner, informer, donner du feedback au débutant, le sécuriser voire répondre de lui auprès des autres membres du milieu (Houde, 2011). Les manières de tenir son rôle d’accompagnateur sont donc nombreuses. Elles varieront notamment selon la conception que la personne se fait de son rôle (Beauvais, 2006) et du positionnement vis-à-vis de l’accompagné (Paul, 2016). Considérant le contexte de l’insertion professionnelle, tout en retenant les traits majeurs de ce qui précède, nous avons caractérisé ces différentes perspectives et proposé certaines modifications. Nous identifions quatre postures principales. Chacune est définie par les éléments principaux présentés par Pellegrini (2010). À la première perspective proposée par l’auteure, nous associons la posture de soutien (S). La deuxième perspective ouvre à deux postures distinctes, que nous nommons la posture de facilitation de l’agir enseignant (FA) et la posture de facilitation culturelle (FC). Les deux dernières perspectives qui se recoupaient ont été jumelées pour proposer une posture critique (C). Plusieurs caractéristiques précisent ces quatre postures, reliées à des façons d’être et de faire en tant qu’accompagnateur. C’est à la lumière de celles-ci que nous avons effectué nos analyses.

Tableau 1

Les postures d’accompagnement dyadique

Les postures d’accompagnement dyadique
Source : Vivegnis, 2016

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Méthodologie

Mieux comprendre l’accompagnement en contexte d’insertion professionnelle dans l’enseignement secondaire au Québec, tel était l’objectif général de notre recherche doctorale. Un des objectifs spécifiques était de mettre au jour les conceptions de l’accompagnateur relatives à l’accompagnement d’un enseignant débutant, et entre autres les principes éthiques qui y sont reliés, la vision de son rôle ou encore de son positionnement vis-à-vis de l’accompagné. Un autre objectif était d’identifier les postures caractéristiques de la pratique de l’accompagnateur. Ces deux objectifs permettent d’établir certains liens entre la posture et les conceptions lesquelles donnent une orientation à cette dernière. La démarche choisie pour réaliser cette recherche qualitative et interprétative à l’intérieur du paradigme constructiviste (Savoie-Zajc, 2011) était l’étude multicas (Merriam, 1988). Offrant l’avantage d’enrichir la compréhension d’un phénomène en passant par l’examen de chaque cas et de l’articulation avec son contexte (Hamel, 1997), cette démarche permet d’investiguer au-delà du cas unique (Karsenti et Demers, 2011). Chaque cas représente une dyade, composée d’un accompagnateur et d’un enseignant débutant en première ou deuxième année d’insertion professionnelle. Le recrutement puis la sélection des quatre cas retenus pour l’analyse ont été balisés par certains critères : les participants enseignent au secondaire ; l’accompagnement est relativement formalisé au sein de l’établissement scolaire ; l’accompagnateur possède au moins cinq années d’expérience en enseignement et il a reçu une formation en lien avec l’accompagnement. Les quatre cas sont issus de quatre régions différentes (Montréal, Laval, Lanaudière, Centre-du-Québec).

Un entretien semi-dirigé initial avec chaque accompagnateur nous a permis de connaître leurs conceptions relatives à l’accompagnement. Celles-ci ont été analysées selon différentes facettes pouvant caractériser l’accompagnement, en se basant sur les principaux référents théoriques exposés plus haut. À trois étapes distinctes de l’année scolaire (automne 2014 - hiver 2015 - été 2015), chaque dyade procédait à l’enregistrement vidéo de conversations en situation naturelle et en l’absence de la chercheure, grâce à des tablettes numériques. La captation vidéo portait sur les échanges conversationnels ayant eu lieu lors de rencontres d’accompagnement. Elle s’est faite de façon libre, tant du point de vue du nombre d’enregistrements que de leur fréquence, devant toutefois totaliser environ 60 minutes à chaque étape. Une fois les enregistrements reçus, les propos oraux ont tous été transcrits sous la forme de verbatim. En vue des analyses, une quinzaine de passages par enregistrement ont été sélectionnés lorsque ceux-ci illustraient plus particulièrement des manifestations de postures d’accompagnement. Au total 180 passages ont été analysés pour les quatre cas.

Les données enregistrées ont permis d’identifier les postures adoptées par les quatre accompagnateurs (Romane, Noëlle, Théo et Dan)[3] . Les propos oraux ont été traités à partir de ce qui a été ouvertement dit par le participant, selon une analyse thématique de contenu (L’Écuyer, 1987, p. 51). Pour classifier et catégoriser les données, une liste préliminaire de codes a été établie sur la base du cadre des postures de Pellegrini (2010), ayant par la suite donné lieu à la catégorisation des postures d’accompagnement dyadique (Vivegnis, 2016). Les données issues des conversations ont alors été analysées selon les aspects caractérisant les postures, chacun représentant un code spécifique. Une fois le traitement et l’analyse des données réalisés, un profil synthétique de chacun des cas a été élaboré, présentant en un coup d’oeil leurs particularités (Van der Maren, 1995, p. 450).

Résultats

Les résultats sont présentés selon chacun des quatre cas étudiés. D’abord sont présentées les conceptions de l’accompagnateur relatives à l’accompagnement et plus spécifiquement les principes éthiques sous-jacents à l’accompagnement, la vision de son rôle et de son positionnement vis-à-vis de l’accompagné, ces trois aspects étant intimement liés et caractérisant la posture d’accompagnement. Puis, sera proposé un portrait concis des postures telles qu’elles se sont manifestées dans les pratiques effectives de l’accompagnateur, selon les trois étapes de recueil des données (automne 2014 - hiver 2015 - été 2015). La catégorisation des postures présentée plus haut permet d’en rendre compte. Un extrait de conversation avec l’enseignant débutant servira à illustrer les postures d’accompagnement les plus caractéristiques de la pratique analysée[4] de l’accompagnateur.

CAS 1

Le cas 1 représente la dyade 1, composée de Romane, accompagnatrice, et d’Alexane, enseignante débutante. Toutes deux enseignent le français au secondaire. Romane possède quinze années d’expérience en enseignement, alors qu’Alexane entame sa deuxième année à temps partiel dans l’école où elle était anciennement élève. L’expérience d’accompagnement de l’accompagnatrice comporte l’encadrement de stagiaires en formation initiale. En plus du volet accueil et intégration des nouveaux enseignants, l’école lui a confié le volet accompagnement.

Conceptions relatives à l’accompagnement

Roxane voit l’accompagnement comme un support à caractère plus émotionnel que technique, ayant pour but de renforcer le sentiment de compétence du débutant, mais aussi son estime de soi et sa confiance en soi. Elle mentionne le conseil comme assise de l’accompagnement, mais précise toutefois qu’il doit être donné si la personne en fait la demande. Elle dénonce ainsi l’approche paternaliste que le conseil pourrait véhiculer. Pour elle, il s’agit de dire à l’accompagné : « Regarde comment je le vis, puis prends ce qui fait ton affaire ». Elle souligne que l’expérience d’un mentor peut être nuisible. Elle se dit contre la modélisation, souhaite avant tout respecter les besoins du débutant et amener l’autre à réfléchir. Pour Romane, l’accompagnement offre de révéler à ce dernier ses ressources, qui lui permettront de se déployer. Elle s’exprime comme suit :

R. : On a le gros défaut de vouloir que les enseignants soient tous pareils, au même titre qu’on veut que les élèves soient tous pareils (…) c’est important d’accepter notre personnalité propre. Les principes éthiques sous-jacents à l’accompagnement sont la confiance, le partage, l’entraide et le respect.

En termes de positionnement, Roxane se voit « à côté » du débutant, comme un maître nageur, endossant un rôle de sauveteur en cas d’urgence. Elle dit ne pas aimer l’idée de se retrouver derrière la personne, car cela renverrait à dire « Je te pousse dans la bonne direction ».

Postures adoptées et illustration

À l’étape 1, Romane se situe le plus souvent dans une posture de soutien, qu’elle manifeste à travers une attitude d’ouverture et d’intérêt portés à la débutante[5] , de compréhension à son égard, de support émotionnel et encore d’encouragement. Bien que moins souvent, la posture critique est présente également, surtout à travers une manière d’amener la débutante à prendre du recul vis-à-vis de sa pratique. Les postures de facilitation de l’agir enseignant et culturelle ne sont presque jamais adoptées. À l’étape 2, c’est à nouveau la posture de soutien qui ressort de manière évidente par rapport aux trois autres postures, à travers de l’intérêt porté à la débutante, de l’encouragement et aussi la création d’interactions positives. La posture critique reste présente, toujours par une attitude soutenant la distanciation par rapport à la pratique. La posture de facilitation de l’agir enseignant est davantage manifestée qu’à l’étape 1, à travers une aide à l’acquisition de stratégies ou de l’information pour mieux enseigner. La posture de facilitation culturelle est non révélée. À l’étape 3, notons un changement assez significatif mettant les postures de facilitation culturelle et critique de l’avant. Cela se lit à travers une incitation à la collaboration, une explication des lois encadrant l’utilisation des ressources en enseignement. Également, cela se traduit par une remise en question des faits et des balises encadrant la profession, une incitation à se distancier de sa pratique, une exploration d’idées nouvelles, et enfin un encouragement à innover. La posture de soutien reste toutefois présente, à travers une attitude encourageante et compréhensive signifiée à la débutante. La posture de facilitation de l’agir enseignant n’est presque pas manifestée. Dans l’extrait présenté ci-dessous, Alexane explique où elle en est dans sa planification et sollicite l’expérience de Romane. L’accompagnatrice démontre son ouverture à l’égard des initiatives de la débutante (S1b)[6] . Alexane explique alors comment elle exploite l’outil et fait part de sa préoccupation. Romane l’invite à s’exprimer (S1e) et la rassure (S1f) :

Alexane : Ça fait que c’est ça, là, ils ont presque terminé la lecture, c’était Maus, je ne sais pas si tu connais la BD-Maus.
Romane : Oui. Oh tu fais sur une bande dessinée !
A. : Oui.
R. : Pis là, qu’est-ce que tu fais comme réflexion ?
A. : Ben en fait ce que j’ai essayé de faire, c’est de leur donner des genres de sujets, vraiment comme des questions à développement. Chacun, sur plutôt la psychologie des personnages, en gros là pour essayer de voir s’ils sont capables d’analyser un peu les intentions, puis tout ça.
R. : Ben tu m’en reparleras, ça m’a l’air le fun !
A. : Oui. Mais là, je ne sais pas comment ça va se manifester, là. Surtout que la forme des sujets que j’ai pris, c’est vraiment des questions… ça pourrait être un examen. Mais vu que c’est des questions complexes, plus complexes que ce qu’ils sont habitués de faire, bien là, j’ai décidé de le faire en cercle de lecture. Ils ont l’occasion d’avoir des équipes d’experts aussi pour se… (gestes avec ses mains – tente de trouver ses mots).
R. : pour s’alimenter.
A. ... s’alimenter. En tous cas, je ne sais pas...
R. : De quoi t’as peur ?
A. : Qu’ils ne sachent pas quoi dire.
R. : C’est pas grave, ça.
A. : C’est pas grave, effectivement. Bien l’année passée je l’avais fait, mais, sous une autre forme, puis j’avais trippé.

Conversation 1/Étape 1/Passage 5/Lignes 69-104

CAS 2

Le cas 2 représente la dyade 2, composée de Noëlle, accompagnatrice, et de Clara, enseignante débutante. Noëlle possède quatorze années d’expérience en enseignement. Elle travaille actuellement dans l’enseignement spécialisé avec des élèves ayant des troubles envahissant du développement. Clara est arrivée à l’école en cours d’année. Accompagnatrice et débutante se connaissent depuis deux ans ; Noëlle a été l’enseignante associée de Clara lors de son troisième stage. Son expérience d’accompagnement comporte l’encadrement de stagiaires en formation initiale. Elle commençait tout juste à accompagner des enseignants débutants dans leur insertion professionnelle, tout en suivant une formation sur l’accompagnement à la commission scolaire.

Conceptions relatives à l’accompagnement

Noëlle voit l’accompagnement comme une présence à l’autre et une écoute. Il s’agit de guider la personne (« sans pour autant imposer ») selon ses possibilités et ses connaissances. Elle voit son rôle avant tout comme un soutien et un support pour le débutant, qu’elle considère comme un collègue. L’accompagnement demande de la disponibilité et de l’empathie. L’enseignement, l’apport d’astuces et l’aide sur le plan technique font partie des conceptions de Noëlle et seront mis en place au besoin. Plusieurs principes éthiques sous-tendent son accompagnement tels que l’ouverture, l’entraide et le partage renvoyant à une forme de transmission. Il ressort de ses propos une forme d’altruisme, ou en tous les cas une préoccupation à l’égard de l’autre :

N. : Moi, je vois ça plutôt comme un soutien, un support. (…) c’est sûr qu’on guide, c’est sûr qu’on conseille. Il y a un peu tout ça, un peu de transmission, un peu d’enseignement, je peux lui donner des exemples, je peux, tu sais je me base sur mon expérience personnelle, il y a tout ça, mais c’est vraiment un soutien, je pense (…). Je vois ça plus comme un support qu’on donne à la personne accompagnée.

En termes de positionnement, elle se voit à côté de la débutante qu’elle accompagne, considérant celle-ci comme une collègue et pouvant toutefois lui venir en aide grâce à son expérience :

N. : Je ne me considère pas comme plus haut qu’elle. C’est vraiment une collègue, sauf que bon je peux lui donner des petites astuces, tout ça, mais c’est une collègue avant tout, je me vois plus à côté d’elle.

Postures adoptées et illustration

À l’étape 1, Noëlle se situe la plupart du temps dans une posture de soutien, le plus souvent à travers une attitude de compréhension et d’écoute signifiée à la débutante. Bien que moindrement, la posture critique est aussi présente, et ce exclusivement à travers une incitation à la distanciation vis-à-vis de la pratique. La posture de facilitation de l’agir enseignant est quasi inexistante et celle de facilitation culturelle est tout à fait absente. À l’étape 2, c’est à nouveau la posture de soutien qui ressort de manière évidente par rapport aux trois autres postures, toujours à travers une attitude compréhensive et empreinte d’écoute. La posture critique conserve la même importance qu’à l’étape 1, et est toujours manifestée à travers un encouragement à se distancier de sa pratique. La posture de facilitation culturelle apparaît quelques fois dans une aide à la compréhension du contexte, de l’information ou des explications en lien avec le milieu scolaire environnant. La posture de facilitation de l’agir enseignant est quasi insignifiante. À l’étape 3, la posture de soutien reste toujours la plus significative parmi les quatre, au travers de diverses dimensions telles que l’écoute, l’encouragement, l’intérêt et la compréhension signifiés à la débutante. L’accompagnatrice adopte quelques fois la posture critique, toujours à travers une incitation à se distancier de la pratique. Les postures de facilitation de l’agir enseignant et de facilitation culturelle sont peu manifestées. L’extrait qui suit illustre la façon dont se jouent à la fois la posture de soutien (S) et la posture critique (C), adoptées par Noëlle (accompagnatrice) à ce moment-là de son accompagnement. Clara (enseignante débutante) aborde une situation vécue et jugée difficile relativement au jugement de ses pairs. Noëlle lui offre une écoute attentive (S1a) et un support émotionnel (S1e). Elle l’invite à prendre du recul par rapport à la situation (C4b) et l’invite à relativiser, tout en l’aidant mieux se connaitre (S1g). Elle l’encourage en soulignant qu’elle a très bien réagi face à la situation (S1f). Noëlle finit par marquer son empathie, comprenant la peine provoquée par la situation (S1c) :

Clara : L’autre problème, c’est comme dans une autre sphère.
Noëlle : Mmm (écoute)
C. Mais ça date à peu près du début du contrat là, je t’en avais parlé aussi… Quand il y avait les rencontres de parents. Puis là moi j’ai décidé de prendre mes rendez-vous comme je voulais, il y en avait qui étaient après l’école, il y en avait qui étaient plus tard.
N. Mmm (écoute)
C. Puis là qu’il y a eu des commentaires qui se sont faits dans l’école, j’ai trouvé ça vraiment difficile. Ça faisait deux semaines que j’étais là… j’ai trouvé ça vraiment difficile. Parce que… j’ai essayé de me débrouiller avec moi-même…
N. Mmm (écoute)
C. Puis tu sais de dire bien c’est ma classe, mon éducatrice, bien… l’éducatrice avec qui je travaille, mes élèves, les parents avec qui je fais affaire, j’ai pas besoin de l’avis des autres.
N. Mmm (écoute)
C. Ça fait que j’ai dit « je vais faire mes rendez-vous comme je pense .
N. Mmm (écoute)
C. Puis tu sais moi j’étais solide là-dedans.
N. Mmm (écoute)
C. Mais de savoir que ça se parle, tout ça, ça m’a… j’ai trouvé ça difficile. Je me suis dit bon ben là j’arrive…  Le monde se dit elle fait pas ça comme il faut .
N. Non, mettons que… qu’elle fait pas ça comme eux autres le font.
C. Oui, mais c’est ça.
N. Ok, mais c’est ça. Puis, quel que soit le milieu… quel que soit le milieu… tu vas toujours trouver des têtes fortes là, tu sais des gens qui se mêlent de ce qui les regarde pas, puis tu sais…
C. Oui.
N. Ça là, ça c’est partout. Mais tu ne dois pas te mettre ça sur les épaules.
C. Non, je sais.
N. Ça leur appartient.
C. Oui.
N. T’as envie de jaser, bien jase. Moi je fonctionne à ma façon. Puis moi j’ai trouvé que t’as bien réagi face à ça. T’as bien réagi, tu t’es tenue. Bien moi c’est comme ça. Puis là, tu sais si t’as envie de parler, parle puis, non moi c’est comme ça. Tu sais, puis…
C. Mais à l’extérieur je paraissais… mais à l’intérieur…
N. Oui…
C. Ça me faisait de la peine… tu sais
N. Ça te faisait de la peine, ça te… Oui je comprends…
C. Beh de la peine…

Conversation 2/Étape 1/Passage 3/Lignes 1656-1727

CAS 3

Le cas 3 représente la dyade 3, composée de Théo, accompagnateur, et de Gab, enseignant débutant. Théo compte une expérience de vingt-et-une années et enseigne l’anglais au secondaire. Gab a un baccalauréat en enseignement de l’éducation physique et à la santé et enseigne l’anglais aux mêmes niveaux d’enseignement que son accompagnateur. Accompagnateur et débutant se côtoient depuis les stages et la suppléance que Gab a effectués à l’école, soit depuis plus de quatre ans. L’expérience d’accompagnement de Théo comporte l’encadrement de stagiaires en tant qu’enseignant associé, ainsi que comme superviseur universitaire. À l’école, Théo n’est pas identifié officiellement comme un « mentor », mais il aide les nouveaux enseignants de manière informelle, et répond à leurs questions, au besoin.

Conceptions relatives à l’accompagnement

Théo voit l’accompagnement comme une aide nécessaire pour le débutant. Il lui importe d’amener la personne à réfléchir sur son enseignement et de la valoriser. L’accompagnement est un processus continu, plus qu’une fin en soi. Il offre par ailleurs à l’accompagnateur d’échanger avec le débutant et d’alimenter la planification de son propre enseignement et sa propre réflexion. L’entraide et l’apprentissage/enseignement apparaissent comme principes directeurs. Théo envisage l’accompagnement dans un rapport amical et complice avec le débutant, selon une attitude positive. Il se voit « devant » l’accompagné, comme un « meneur que ce dernier va suivre ». Son rôle revient à apporter un soutien et une façon de faire, à partager ses connaissances, à « redonner à la communauté, à l’éducation » l’expérience acquise. En termes de positionnement, Théo dit soutenir le débutant, mais il se voit devant l’accompagné :

T. : Moi, je me sens comme un petit peu devant lui à lui parler, ce serait beaucoup plus ça (…) Parce que j’ai l’impression qu’il me suit plus que d’autre chose (…) Que je suis plus le leader pour lui (…) Qu’il va suivre !

Postures adoptées et illustration

À l’étape 1, Théo adopte le plus souvent la posture facilitant l’agir enseignant et la posture critique. Quant à la première, cela se traduit par une assistance sur le plan pédagogique et didactique, alors que la seconde se révèle surtout par une incitation à la distanciation. Aussi, la posture passe par l’exploration d’idées nouvelles, un encouragement à l’innovation et aussi la remise en question des pratiques en place. La posture de soutien n’est pas prépondérante, mais apparaît quelques fois à travers la création d’interactions positives. Finalement, la posture de facilitation culturelle est quasi absente. À l’étape 2, Théo adopte toujours les postures identifiées à l’étape 1, soit la posture facilitant l’agir enseignant et la posture critique.

Quant à la première, cela se traduit le plus souvent par une assistance sur le plan pédagogique et didactique. Quant à la seconde, c’est fréquemment par une remise en question de la culture environnante et des pratiques scolaires. La posture de soutien se lit, quant à elle, à travers l’encouragement. Et la posture de facilitation culturelle est révélée par des explications sur les pratiques en plus d’informations sur le milieu environnant. À l’étape 3, Théo adopte des postures variées. La posture qui ressort le plus est celle de soutien, à travers une ouverture au débutant, de l’encouragement à son égard et une aide à la connaissance de soi. Viennent ensuite les postures de facilitation culturelle et critique. Quant à la première, elle se lit à travers une explication des pratiques et une aide à la compréhension des particularités du milieu. Quant à la seconde, elle se manifeste à travers une attitude de remise en question de la culture environnante, une aide à la distanciation pratique et enfin un encouragement à établir des liens entre la théorie et la pratique. Dans l’extrait présenté ci-dessous, Gab est préoccupé par le fait que certains élèves ont de la difficulté à comprendre les textes de l’examen. Théo adopte une posture de facilitation culturelle (FC) en invitant Gab à référer au guide accompagnant l’examen du Ministère (FC3c). L’échange se réalise selon une posture plus globale de facilitation de l’agir (FA) ; Théo assiste Gab sur le plan pédagogique (FA2a), le questionne pour dégager les ressources allant pouvoir l’aider et l’invite finalement à référer à une ressource externe (FA2d) : le conseiller pédagogique.

Gab (enseignant débutant) : Le problème, c’est que les élèves ne comprennent pas les textes.
Théo (accompagnateur) : Ok, et es-tu autorisé à travailler avec eux dessus, ou… ?
G. : Pas vraiment. Mais tu sais j’ai été aussi loin que je pouvais… Donc, pour certains d’entre eux, je les ai aidés davantage parce qu’ils me disaient : « je ne comprends pas de quoi cela parle ».
T. : Qu’est-ce qu’ils disent dans le guide, le Guide d’Administration ? Est-ce qu’ils disent que c’est aux élèves à lire et comprendre simplement ? Ou… ils disent de mettre les élèves en équipes… ?
G. : Oui, à la fin ils suggèrent de discuter des théories possibles.
T. : Ok, en équipes.
G. : Ils divisent les élèves en équipes de 4. Oui, c’est leur oral.
T. : Ok
G. : Mais là, à la fin du livre. Donc, avec les coéquipiers, c’est tout. Ils peuvent discuter et ajouter des notes dans leur livret.
T. : Ok
G. : Donc, ils peuvent discuter leurs théories et ils peuvent changer ce qu’ils…
T. : Oui, mais comme tu m’as dit, les élèves forts, il n’y a pas de problème.
G. : Pas de problème.
T. : Ceux qui sont plus faibles…
G. : Et les plus faibles, ce n’est pas comme ceux dont je suis sûre qu’ils ne réussiront pas, c’est plus ceux qui ont 65, même 70%, ils ont difficile à comprendre le texte.
T. : Ok.
G. : Pour les plus forts, c’est facile, mais la moyenne et les plus faibles…
T. : C’est ce que je me demande, parce que… tu vois, je vais faire une remédiation pour mes étudiants le 8 juin. Et ceux qui viendront… je pense qu’ils ne seront même pas dix.
G. : Tu peux les aider davantage.
T. : (…) Ce que je veux faire c’est revoir le texte avec eux. Ok ? Logiquement on n’est pas supposés faire ça… Ce que je serais censé faire est plus de les préparer pour le texte d’opinion. Je ne sais pas comment cela a été fait en français, tu vois. Est-ce qu’ils ont eu de l’aide en classe ? Ont-ils eu des explications ? Parce que ceux qui viendront… disons si tu fais une remédiation avant le 15 juin, ne serait-ce pas une bonne chose de voir cela avec eux et dire « OK, ce que vous ne comprenez pas, lisons-le ensemble » ? Notre but est de s’assurer que les élèves ont une chance de réussir. À ce stade-ci de l’année, cela ne devrait pas être une surprise pour les élèves. Mais si les textes sont si difficiles…
G. : Mmm
T. : As-tu, par hasard, pu entrer en contact avec Hector ?
G. : Non.
T. : Notre conseiller pédagogique ? Tu n’as pas contacté Hector ? Parce que je me demande si Hector aurait comme…
G. : Mais il va me dire que je ne peux pas.
T. : Que tu ne peux pas.
G. : Je suis presque sûr qu’il me dira ça. Je pourrais l’appeler, mais je pense que je vais faire comme ce que tu fais et ne pas leur donner les réponses. Juste « À propos de quoi parle le texte ? » Car ils sont autorisés à travailler ensemble, n’est-ce pas ? Donc, je peux juste les orienter en ce sens.
T. : Veux-tu que je contacte Hector cet après-midi, voir s’il est disponible ? Car je sais que tu es en classe, et juste voir ce qu’il pense de tout cela, de cette idée de « Ok, à quel point peut-on leur donner de l’aide ? »
G. Oui
T. : Car s’ils trouvent le texte très très difficile.
G. Oui

Conversation 3/Étape 3/Passages 3 à 5/Lignes 177-278/Traduction libre de l’anglais

CAS 4

Le cas 4 représente la dyade 4. Celle-ci se compose de Dan, accompagnateur, et de Marilou, l’enseignante débutante. Dan et Marilou se connaissent depuis plusieurs années en dehors de l’école. Ils n’enseignent pas la même discipline. Dan enseigne les mathématiques au secondaire et possède vingt-trois années d’expérience en enseignement. Son expérience d’accompagnement repose sur l’encadrement de stagiaires ainsi que sur l’accompagnement d’élèves en difficulté d’apprentissage. Il accompagne des enseignants en insertion professionnelle depuis une dizaine d’années. Marilou entame sa deuxième année à l’école et y enseigne le français au secondaire.

Conceptions relatives à l’accompagnement

Pour Dan, accompagner, c’est être avec l’autre, sonder ses besoins pour alors y répondre à travers l’optimisation de son potentiel. Il associe l’accompagnement à la suggestion, au questionnement et à la réflexion, tout en l’opposant à l’évaluation. Il différencie son rôle de celui du superviseur ou de l’enseignant associé :

D. : Je ne suis pas en train de superviser, je ne suis pas en train d’être enseignant associé, je suis vraiment plus en égal à égal. La seule chose que j’ai de plus, c’est plus de cheveux gris. C’est ça la différence. C’est que ça fait en sorte que j’ai peut-être une capacité de recul qui est différente de la sienne, puis j’ai peut-être aussi un éventail de plus d’options, ça fait que… C’est la seule différence que j’ai avec elle là. C’est ça que j’essaie de lui faire remarquer puis c’est ça que j’essaie de lui dire le plus possible. Puis je ne me considère pas comme un super enseignant non plus là. Je suis vraiment là plus pour suggérer des options.

De ces éléments, nous déduisons que l’égalité et le partage sont les deux valeurs sur lesquelles Dan s’appuie pour accompagner. En termes de positionnement, il dit se situer à côté de l’enseignant débutant et explique par la même occasion avoir des facilités à s’adapter à la situation, précisant que parfois, il sera plus « coup de pied dans le derrière » ou « tape dans le dos ». Il dit « balancer » son attitude à l’égard du débutant en fonction du besoin de celui-ci. Il parle en ces mots :

D. : C’est que ça dépend avec qui je suis. C’est toujours ça, là. Là présentement avec Maud, oui c’est valider. (…) C’est sûr que je m’adapte selon la situation, mais je pense que (…) c’est d’ouvrir l’esprit de la personne (…) avec qui je suis. Mais c’est plus lui ouvrir le cerveau [comprenons l’esprit] puis de se rendre compte que tout est là. Il s’agit juste de bien placer les choses, de bien placer les mots puis on devient… moi je crois… je pense que la majorité des enseignants peuvent être des bons enseignants.

Postures adoptées et illustration

À l’étape 1, Dan adopte le plus souvent une posture de soutien et une posture critique. En lien avec la première, cela se traduit par une aide à la connaissance de soi, une attitude d’écoute, d’ouverture et de compréhension à l’égard de la débutante, et aussi par la création d’interactions personnelles positives. En lien avec la seconde posture, cela se lit surtout à travers une manière d’amener la débutante à prendre une distance vis-à-vis de sa pratique, à explorer des idées nouvelles et à mettre à l’épreuve du terrain certains savoirs théoriques. La posture de facilitation de l’agir enseignant se manifeste à travers la valorisation des compétences professionnelles de la débutante et une aide à l’acquisition de stratégies ou de ressources pour mieux enseigner. La posture de facilitation culturelle est quasi absente. À l’étape 2, Dan adopte le plus souvent une posture de soutien et cela se traduit par une aide à la connaissance de soi, de l’encouragement et de l’ouverture à l’égard de la débutante. La posture critique est aussi manifestée bien que moindrement, et ce, surtout à travers un encouragement à établir des liens entre la théorie et la pratique, ainsi qu’une attitude questionnant la culture scolaire. Les postures de facilitation de l’agir enseignant et de facilitation culturelle sont quasiment inexistantes. À l’étape 3, Dan adopte deux postures principalement : la posture de soutien et la posture critique. La posture de soutien est visible dans son attitude d’ouverture, d’écoute et de compréhension à l’égard de Maud. La posture critique est identifiée dans sa manière de soutenir la distanciation de la débutante par rapport à sa pratique. Les postures de facilitation de l’agir et de facilitation culturelle sont moins souvent adoptées. La première se manifeste par une assistance pédagogique et didactique ainsi que par une valorisation des compétences de la débutante. La seconde renvoie à une information sur les ressources environnantes et à une incitation à l’implication dans l’équipe-école. Dans l’extrait présenté ici, Dan fait part de son expérience et de l’évaluation qu’il fait faire à ses élèves chaque année depuis qu’il enseigne. Il exprime un questionnement tout en explorant une idée nouvelle avec la débutante (C4d), adoptant ainsi une posture principalement critique (C). La discussion est faite sur un ton collégial, dans un partage d’idées et dans la bonne humeur. Marilou continue de se faire interpeller par Dan, ce qui permet d’approfondir la réflexion. Ils envisagent les intentions d’évaluation possibles (C4d).

Dan : Ok. Moi, chaque année, depuis que j’enseigne, je fais faire une évaluation par mes élèves. Toujours vers la fin, dans les derniers cours. Puis à un moment donné, je me suis posé la question, je me dis « pourquoi est-ce que je ne le fais pas en milieu d’année et en fin d’année ? »
Marilou : Pour s’ajuster…
D. : Pour m’ajuster.
M. : Une bonne idée !
D. : Mais, je me suis demandé, tu me diras ce que tu en penses… si ça donnait pas trop de pouvoir aux élèves. Le fait qu’ils t’aient évalué, ça veut dire que tu prends en considération ce qu’ils t’ont dit. Donc tu devrais te réajuster en fonction de ce qu’eux autres t’ont demandé. Ça fait que, si jamais il y a un élève qui t’a dit qu’il te trouvait « trop sévère », ben il s’attend à ce qu’après les fêtes, tu le sois moins. Faque…
M. : Mouais…
D. Tu sais c’est un… J’trouve que c’est un couteau à deux tranchants, là. Ça fait que c’est pour ça que je me suis questionné souvent puis je ne l’ai pas fait. Mais effectivement on peut se réajuster, mais c’est un peu...
M. : Mais je serais à l’aise moi de le faire en milieu d’année. Bien le faire là, là.
D. : Mouais…
M. : Parce que, même si l’élève a fait le commentaire, l’élève n’a pas nécessairement raison non plus là. On peut en discuter avec lui. Tu sais si on…
D. : Mouais…
M. : Justement, mais je pense que je me justifie beaucoup en général, là (sourire )
D. : (rire )
M. : Ça me fait penser à ça. Tu sais je me justifierais dans le sens où… « Regarde, je le fais pas pour te punir ». S’il trouve que jsuis trop sévère, je vais...
D. : Mouais, mais s’il ne se nomme pas, si c’est anonyme ?
M. : Ouin, c’est ça.
D. : Si c’est anonyme puis que d’autres dans le même groupe ont dit que t’es pas assez sévère, mais d’autres qui ont dit que t’étais trop sévère dans le même groupe ?
M. : Ou bien tu peux faire un retour avec le groupe dans l’ensemble, là.
D. : Ok. (regarde Marilou dans les yeux en hochant la tête)
M. : Dire que… j’ai reçu comme commentaire que j’étais sévère puis d’autres que j’étais trop... Je vais faire attention d’être juste avec tout le monde et expliquer pourquoi j’ai telle conséquence. (Rire de Dan)
(…)
D. : Ok. Puis est-ce que tu penses que… Mettons que t’en fais une à mi-année puis une en fin d’année, est-ce que ce serait la même évaluation ? Y a-t-il des choses différentes que tu demanderais ?
M. : (hésitation ) Bien… à mi-année c’est sûr qu’on peut leur demander ce qu’ils aimeraient qui change.
D. : Hum hum.
M. : Puis ça, on peut le faire, après. Tandis qu’à la fin de l’année, ça va être pour le groupe suivant.

Conversation 1/Étape 1/Passages 4 à 6/Lignes 551-645

Discussion

Après avoir donné un aperçu des conceptions des accompagnateurs relatives à l’accompagnement et dressé un portrait des postures adoptées dans leurs pratiques effectives, une proximité évidente ressort entre les unes et les autres. À ce sujet, Pellegrini (2010) affirmait que la mise en oeuvre pratique des postures (ou perspectives de mentorat) dépend largement des conceptions du mentor. En ce qui a trait aux principes éthiques sous-jacents à l’accompagnement, l’entraide et le partage fondent l’accompagnement des quatre accompagnateurs. Cela rejoint le sens même du mot « accompagner » sur le plan sémantique tel que le présentent Vial et Caparros-Mencacci (2007) puisque l’accompagnateur est « celui avec qui on partage le pain » (p. 20). Par ailleurs, l’entraide renvoie à l’aide selon un rapport bidirectionnel (entraide), mettant de l’avant un rapport symétrique et un partage venant de part et d’autre. L’accompagnement est un processus pouvant profiter tant à la personne expérimentée qu’à la personne accompagnée. Cette notion apparaît d’ailleurs chez Houde (2011) qui spécifie que la relation mentorale est une relation d’aide basée, entre autres, sur la réciprocité et le partage. Quant à la vision qu’ils ont de leur rôle, chez les quatre accompagnateurs ressort l’idée selon laquelle l’accompagnement est avant tout une forme de soutien, parfois comme support émotionnel (cas #1), comme encouragement (cas#2), comme une aide (cas #3), ou encore comme le fait d’être avec l’autre et non pour l’autre (cas #4).

La dimension relationnelle apparait ainsi comme un élément essentiel, rejoignant d’ailleurs ce que plusieurs auteurs, tels que Paul (2016), font apparaitre comme le point de départ à toute démarche d’accompagnement. Cela montre bien que la « mise en relation » est un précurseur à la « mise en chemin » dont parle l’auteure. Cette conception dominante du rôle qu’ils tiennent en accompagnant transparait clairement dans les postures qu’ils adoptent puisque l’identification de la posture de soutien est très présente dans les analyses des conversations. Par ailleurs, la dimension réflexive tient une place importante dans les conceptions des accompagnateurs, ceux-ci voyant l’accompagnement comme une aide à l’identification des ressources chez le débutant, comme une prise de recul offerte à ce dernier et comme une invitation à la réflexion sur l’enseignement et l’agir professionnel. Et cela se révèle à travers leurs pratiques puisque la posture critique est la deuxième qui ressort le plus dans les analyses des conversations. La mise en réflexion représenterait le projet, dès lors que la relation est installée et le soutien assuré.

Ces deux principales observations rejoignent ce que soulignent Charlier et Biémar (2012) : au coeur de la démarche d’accompagnement réside la dimension relationnelle, laquelle se fonde sur une pratique réflexive. Par contre, nous avons vu que la réflexivité peut à certains moments être mise entre parenthèses lorsque le débutant requiert une aide immédiate nécessitant chez son accompagnateur des postures soutenante ou facilitante sur le plan de l’agir enseignant. Comme nous l’avons vu dans leurs propos, cela n’empêche pas les accompagnateurs d’avoir conscience qu’ils ont une influence à l’égard de l’accompagné, même si la posture critique semble parfois contrariée, voire empêchée à certains moments, par l’expression d’une demande d’appui plus technique de la part du débutant. Par cette conscience, les accompagnateurs indiquent qu’ils cernent l’importance d’un rôle tenu à l’intérieur d’une relation complexe, de même que son corollaire : l’autonomie laissée à la personne accompagnée.

Nous avons observé que la plupart des éléments analysés sont tournés vers le débutant, ses émotions et ses préoccupations. Une vision plus élargie du rôle de l’accompagnateur pourrait s’avérer pertinente et ouvrir une voie encore peu explorée jusqu’ici : la dimension culturelle. Il se peut que l’accompagnateur en contexte d’insertion professionnelle inscrive peu sa pratique vers l’environnement externe à la classe (corps enseignant, milieu et politiques scolaires), pour accompagner un débutant encore centré sur lui-même et préoccupé par l’urgence de la tâche, voire la qualité ou l’impact de son enseignement (Fuller et Bown, 1975).

Par ailleurs, cet aspect pourrait représenter une piste d’investigation ou de réflexion pertinente à l’égard des accompagnateurs de stagiaires, pour voir quelle part prend la considération du contexte et de l’environnement dans leur accompagnement et la préparation des stagiaires.

Il est intéressant de remarquer que parfois, la posture de soutien s’assortit de dimensions reliées à une autre posture. C’est ce que nous avons vu chez Noëlle, par exemple lorsqu’elle adopte la posture de soutien en même temps que la posture critique. Les postures n’existent donc pas de manière exclusive au sein de la pratique de l’accompagnateur. Elles peuvent s’alterner, s’imbriquer les unes aux autres et apparaitre en interrelation, voire se compléter par moments. Cette constatation rappelle à quel point l’accompagnement est un processus dynamique et intimement interactionnel qui, au-delà de traduire certaines conceptions, suppose une inévitable adaptation à l’accompagné selon une temporalité plus immédiate (Clutterbuck, 2004 ; Paul, 2016). En effet, le passage d’une posture à une autre dépend aussi d’autres aspects comme des attentes et des besoins du débutant, mais aussi des moments de l’accompagnement (Pellegrini, 2010). C’est d’ailleurs ce que nous observons à travers la variation des postures au fil des étapes de l’accompagnement. À cet égard, il se peut que l’expérience des accompagnateurs en matière d’accompagnement ait joué un rôle dans leur capacité à s’arrimer aux besoins du débutant et dans leur habileté à passer d’un registre à un autre en adoptant des postures variées, selon la situation.

Finalement, la manière dont l’accompagnateur conçoit son positionnement vis-à-vis de l’accompagné semble révéler certains comportements exercés à l’égard de ce dernier. Ainsi, si accompagner, c’est « être avec » l’autre, les accompagnateurs se voient tantôt à côté du débutant (cas #1-2-4), tantôt devant lui (cas #3). Alors que les trois premiers accompagnateurs disent intervenir au besoin ou en cas d’urgence (à l’image du maître nageur au bord de la piscine), offrir des options pour l’action en se basant sur leur expérience, ou encore proposer sans vouloir imposer, le quatrième se voit comme un « meneur » qui soutient et montre des façons de faire au débutant. Cette considération soulève un aspect pouvant être nuisible au développement du débutant : l’imitation de son accompagnateur et le risque de s’y conformer. Toutefois, rappelons-nous l’enseignant débutant enseigne dans un domaine pour lequel il n’a pas été formé et que l’accompagnateur adopte souvent la posture de facilitation de l’agir, laquelle peut aussi être bénéfique pour le débutant, permettant une efficacité accrue dans son enseignement et facilitant la résolution de problèmes (Wang et Odell, 2002). Les conceptions orientent certes les postures. Mais elles ne semblent pas seules à déterminer l’accompagnement offert. Tel que le suggèrent Paul (2016) ou Clutterbuck (2004), des aspects contextuels sont à considérer...

Conclusion

À notre connaissance, aucune étude n’avait permis jusqu’ici de cerner l’accompagnement en contexte d’insertion professionnelle sous l’angle des postures au sein même de ses échanges conversationnels avec le débutant.

En offrant ainsi un regard novateur sur la question de l’accompagnement, nous avons pu mettre au jour les postures telles qu’elles se déclinent et s’articulent à l’intérieur de pratiques effectives des accompagnateurs. Nous avons observé des liens évidents entre les postures adoptées par les accompagnateurs avec leurs conceptions relatives à l’accompagnement. En effet, les accompagnateurs des cas #1 et #2 adoptent le plus souvent une posture de soutien, alors même que leurs conceptions de l’accompagnement renvoient à un support émotionnel (cas #1) et au fait d’être présent à l’autre et empathique (cas #2). Nous avons aussi vu qu’il importe pour l’accompagnateur du cas #3 d’amener le débutant à réfléchir sur son enseignement et de lui apporter de l’aide, ce qui se traduit à travers des postures critiques et de facilitation de l’agir enseignant. Enfin, l’accompagnateur du cas #4, qui adopte principalement les postures critiques et de soutien, associe l’accompagnement au questionnement, à la réflexion et au fait d’être avec l’autre. Considérant ces liens évidents, nous nous rappelons que la posture traduit la conception dominante des rôles de l’accompagnateur (Beauvais, 2006). Nous pourrions dès lors présumer que les postures des enseignants associés dans le cadre de l’accompagnement de stagiaires en formation initiale suivraient les mêmes tendances, c’est-à-dire que la conception qu’ils se font de leur rôle d’accompagnement aurait également tendance à se révéler à travers leurs postures. À cet égard, nous avons observé par ailleurs (Vivegnis, 2018) qu’une bonne part des rôles que les enseignants associés s’attribuent rejoignent ceux de l’accompagnateur d’enseignants débutants en insertion professionnelle, tels que servir de modèle, enseigner, apprécier, conseiller. Dès lors, leurs postures se rejoindraient elles aussi en partie, même si les accompagnateurs en contexte d’insertion professionnelle semblent particulièrement avoir un rôle à jouer dans l’accueil, le soutien émotionnel ou psychologique et la mise en réflexion des débutants. En Europe, certaines recherches récentes ou en cours permettent d’approfondir et d’éclairer la question pour voir, entre autres, quelles postures spécifient plus particulièrement le rôle de l’enseignant associé ou du superviseur (Deprit, März et Van Nieuwenhoven, 2019 ; Colognesi et al., à venir). Ces apports offrent de voir de quelle façon le contexte détermine les pratiques accompagnantes, mais aussi à quel point l’accompagnement des accompagnateurs de stagiaires complète celui offert par l’accompagnateur d’enseignants débutants. L’investigation serait à mener au Québec également, ce qui permettrait d’ouvrir à des perspectives nouvelles pour envisager l’accompagnement en formation initiale et ainsi mieux assurer la transition des nouvelles recrues vers la profession. En effet, si l’on recherche une plus grande continuité entre les actions du milieu de formation et celles du milieu scolaire, une réflexion selon une vision continue du développement professionnel serait à mener, de sorte que les rôles et les pratiques des accompagnateurs d’enseignants débutants, poursuivent, complètent voire soutiennent ceux des accompagnateurs de stagiaires.

Ce texte met en avant certains apports de la recherche doctorale. Sur le plan théorique, les précisions conceptuelles effectuées dans la thèse ont mené à l’élaboration d’une « typologie » de postures d’accompagnement (voir Tableau 1.), laquelle a servi de cadre d’analyse. Après avoir permis de caractériser l’accompagnement en contexte d’insertion professionnelle, ce cadre pourrait être mobilisé pour des recherches ultérieures dans d’autres domaines, comme celui de la formation initiale en enseignement. Sur le plan social, les résultats présentés ici peuvent alimenter la réflexion et la compréhension des accompagnateurs quant aux postures d’accompagnement qu’ils adoptent. Et les composantes qu’ils ne semblent pas avoir mobilisées pourraient les éclairer dans une perspective d’amélioration des pratiques actuelles ou susciter la réflexion entourant l’accompagnement.

Malgré les apports et la pertinence de la recherche dans le contexte actuel de pénurie et de décrochage chez les enseignants, certaines limites apparaissent. Il convient de reconnaitre que nos analyses n’ont révélé que partiellement les postures des accompagnateurs, leur accompagnement ne se limitant pas aux passages de conversations analysés dans le cadre de notre recherche. De plus, notons le nombre restreint de cas sur lesquels a porté la recherche. Il se pourrait que davantage d’éléments caractérisant une posture ou une autre se donnent à voir au sein des pratiques des accompagnateurs, augmentant ainsi le spectre d’analyse. L’étude de cas supplémentaires viendrait alors probablement enrichir la compréhension de l’accompagnement. Aussi, il est un aspect que nous n’avons pas pu traiter ici, mais que notre recherche doctorale a pu éclairer, à savoir qu’en plus d’être orientées par les conceptions de l’accompagnateur, ses postures dépendent également de ses intentions (Jorro, 2016 ; Vivegnis, 2016).

De manière générale, les accompagnateurs, oeuvrant dans un contexte ou dans un autre, gagneraient à questionner leurs conceptions relatives à l’accompagnement et la manière dont ils le mettent en oeuvre. Il serait pertinent d’amener ces derniers à identifier de quelle manière leurs conceptions façonnent leur agir et jusqu’à quel point leurs postures révèlent une adaptation aux besoins et à la singularité de l’accompagné (Clutterbuck, 2004 ; Paul, 2016). Aussi, la plupart des accompagnateurs étant également enseignants associés, une réflexion sur leurs rôles à des étapes distinctes et spécifiques du développement professionnel de l’enseignant pourrait s’avérer utile. Au vu du caractère professionnel et hautement complexe de la fonction d’accompagnateur et puisque celle-ci est délicate et tend à se complexifier à mesure que les exigences de la profession enseignante se multiplient (Tardif, 2013), cette réflexion s’impose. Elle l’est d’autant plus si l’on veut encourager les accompagnateurs à réaliser l’influence que leur agir peut avoir sur le développement professionnel de l’enseignant. À notre avis, c’est en cernant la part de soi dans un processus initialement prévu pour l’autre que les accompagnateurs pourront aider les débutants à devenir autonomes, créatifs et innovateurs dans la profession, autrement dit qu’ils ne soient pas juste des « agents » exécutant ou même des « acteurs », mais bien de véritables « auteurs », pour reprendre les termes de Dierkens (2011).