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La diaspora malgache [1] est une communauté particulière éparpillée à travers le monde, mais active du point de vue associatif [2] . Le potentiel diasporique malgache en France métropolitaine est actuellement estimé à une échelle de 100 000 à 140 000 individus selon une étude de l’INSEE en 2012 [3] . Néanmoins, la reconnaissance nationale de l’existence de cette communauté reste à construire, car les droits fondamentaux, notamment le droit de vote, sont inexistants. Depuis quelques années, le ministère des Affaires étrangères malgache a mis en place, à l’échelle nationale, une Direction de la diaspora dans un souci de fédération de cette communauté transnationale. Dans ce cadre, il a organisé un évènement d’envergure internationale dénommé Forum de la diaspora malgache en octobre 2017, dont l’objectif était de rallier les membres de la diaspora pour qu’ils puissent contribuer, ensemble, à la reconnaissance de cette communauté pour le développement de la nation malgache. Des réseaux de communication variés ont été utilisés afin de mobiliser le plus grand nombre de personnes. Ceux-ci ont ainsi été sollicités pour la diffusion de l’évènement auprès des membres de la diaspora.

En effet, un des moyens de communication les plus prisés par la diaspora malgache est le réseau socionumérique, dans la mesure où il leur permet de nouer des relations afin de rester en contact avec leur pays d’origine tout en interagissant avec leur pays d’accueil. Des réseaux socionumériques comme Facebook permettent ainsi de construire des « communautés connectées », notamment à travers des groupes rassemblant des individus aux centres d’intérêts convergents. Le phénomène de mondialisation, en abolissant les frontières, a permis à ces peuples éparpillés de vivre une « double présence » à travers le développement des techniques de l’information et de la communication : « Internet, moyen de communication transnational par excellence, y est en effet décrit comme un outil de choix permettant de rester connecté, non sans nostalgie, aux réalités, nationales, de la patrie quittée » (Mattelart, 2007, p. 26). Ce travail s’inscrit dans la compréhension des logiques d’action engendrées par l’investissement du terrain des technologies de l’information et de la communication (TIC) par les diasporas, notamment dans les traditions de recherche sur les TIC et les diasporas.

Deux tendances ont alors émergé au sein des réseaux socionumériques : la communication de l’État autour de l’évènement et les manifestations de certains membres de la diaspora contre le caractère exclusif de celui-ci. En effet, les principaux invités de la manifestation font partie des élites et d’une majorité d’acteurs socioéconomiques. Ces deux niveaux devraient ainsi interpeler des modalités de communication internationale et interculturelle. En outre, plusieurs acteurs sont mobilisés à l’échelle nationale, mais aussi internationale, notamment des acteurs étatiques, politiques, socioéconomiques et des membres de la diaspora malgache éparpillés à travers le monde.

Dans quelles mesures les dimensions interculturelles et internationales sont-elles alors prises en compte dans ce contexte de communication entre les différentes strates de la diaspora malgache situées à la fois aux échelles nationale et internationale, voire transnationale? Comment la différenciation des usages de Facebook par les différentes strates de la diaspora engendre-t-elle des incidences sur la médiatisation de l’évènement? Comment peut-on expliquer la tendance à la promotion d’une « diaspora d’élites » ou d’une « diaspora socioéconomique » par l’État au détriment d’une diaspora qui peut être qualifiée de « prolétaire » (Schnapper, Costa-Lascoux et Hily, 2001) ? Pour répondre à ces questionnements de recherche, nous allons d’abord présenter un panorama des différentes strates liées à la diaspora malgache. Ensuite, nous allons détailler le processus d’évènementialisation du Forum de la diaspora malgache relatif à notre étude, pour continuer avec une présentation des usages de Facebook par les différentes strates de la diaspora. Enfin, nous terminerons avec une discussion sur les enjeux communicationnels interculturels et internationaux.

Ces quatre grandes parties seront illustrées par les résultats d’un travail méthodologique caractérisé par le recueil d’un corpus de publications Facebook entre septembre et novembre 2017 au nombre de 132  posts . Ces publications ont fait l’objet d’une analyse de contenu. En parallèle, nous avons effectué des observations participantes sur les différentes pages et groupes des strates constitutives de la diaspora malgache. Afin de recontextualiser nos données, nous avons également mis en place des entretiens compréhensifs (8) nous permettant de comprendre les relations et les modalités de fonctionnement des différentes strates de la diaspora malgache.

Les strates de la diaspora malgache

L’objet de notre étude est la diaspora malgache de France métropolitaine, dans la mesure où elle fait partie de ces peuples historiquement en mouvement de par leur passif colonial. L’histoire de la migration du peuple malgache en France métropolitaine relève en effet du ressort de la période coloniale. En outre, il s’agit d’un regroupement basé sur une donnée essentiellement spatiale/territoriale. La diaspora est un peuple de migrants installés récemment ou sur une plus longue durée. Elle se construit à travers les interactions d’hommes et de femmes ayant un imaginaire commun : celui de la référence continue au pays d’origine.

Les diasporas représentent concrètement des groupes d’individus, certes dispersés, mais conservant une certaine cohésion basée sur des artefacts culturels (Bordes-Benayoun, 2002). La diaspora peut aussi être considérée comme étant un ensemble de communautés d’intérêts qui se construit et s’organise en dehors de toute logique matérielle de territoire (Zeitoun, 1996). En somme, il s’agit d’individus dispersés spatialement, partageant un univers commun, des interdépendances, des solidarités transnationales, qui vont au-delà des particularités locales (Bordes-Benayoun, 2002). La construction de la diaspora malgache par-delà les frontières françaises peut ainsi se décomposer en trois temps : l’émergence de la diaspora élitiste étudiante initiée par le contexte de colonisation (1880-1970); la construction d’une diaspora à majorité familiale vécue par les anciens étudiants (1975-1990); et la diversification de la diaspora malgache, c’est-à-dire étudiante, professionnelle, maritale, etc., depuis les années 1990 [4] . Néanmoins, elle ne revêt qu’un caractère socioculturel fragmenté, puisqu’elle n’est pas encore reconnue et n’a aucun droit citoyen au sein de son pays d’origine, Madagascar.

La diaspora malgache pourrait être perçue comme une communauté éclatée, ayant des activités diverses loin d’être fédérées, mais qui persistent pourtant dans le paysage international. Pour expliciter la composition du système au sein duquel elle s’insère, nous nous référons au concept de cercles sociaux (Simmel, 1999). Il s’agit entre autres de la structuration des différentes influences sociales traversées par l’individu tout au long de sa vie, et ce, depuis sa naissance : « au fur et à mesure de l’évolution, chaque individu tisse des liens avec des personnes situées à l’extérieur de ce premier cercle d’association, qui au contraire ont avec lui une relation fondée objectivement sur les mêmes dispositions, les mêmes penchants, les mêmes activités, etc. […] » (Simmel, 1999, p. 408). La diaspora malgache est ainsi au centre d’un agrégat de ces cercles sociaux.

Les individus migrants d’origine malgache installés en France métropolitaine naviguent dans un cercle primaire, composé d’un ralliement autour des caractéristiques fondamentales de la diaspora malgache. Le cercle primaire (Simmel, 1999) est le premier cercle auquel appartient l’individu dès sa naissance. En outre, chaque membre de ce premier cercle partage des éléments communs relatifs aux origines, à la culture, à la langue, etc. Plus tard, ces mêmes individus tendent ensuite à construire leurs individualités dans ce même contexte migratoire. Interviennent alors les cercles secondaires matérialisés par les différentes communautés d’intérêts, comme les microassociations ou les associations fédératrices qui ont des objectifs de différents ordres. Deux types d’associations émergent, notamment les associations communautaires [5] et les associations de développement. Les associations fédératrices, quant à elles, ont pour objectif de démontrer l’existence d’une diaspora malgache active et soucieuse de son développement et de celui de son pays d’origine (Zama, CEN, etc.).

Finalement, les cercles tertiaires comprennent les cercles sociaux acquis par l’individu au gré de ses interactions, qui ne sont pas forcément liés à ses communautés d’intérêts. Il s’agit entre autres des diverses entités étatiques en rapport avec la diaspora malgache, notamment les consulats, les ambassades ainsi que les représentations ministérielles. Les consulats ont pour rôle de servir d’interlocuteurs à la diaspora malgache de France et peuvent fournir des services administratifs. De plus, ils sont chargés de recenser les membres de la diaspora malgache, mais aussi les associations qui émergent. L’ambassade renvoie également à ces rôles, tout en étant soumise à des enjeux politiques internationaux. Le ministère des Affaires étrangères, pour sa part, est l’entité étatique à laquelle sont affiliés les ambassades et les consulats. De même, il comprend un service nommé Direction de la diaspora, dont le rôle est de maintenir les relations entre les différents membres de la diaspora malgache dans l’optique de la fédérer. La diaspora malgache est ainsi au centre d’une structuration en cercles sociaux renvoyant à différentes strates, notamment les associations, les associations fédératrices, les ambassades et les consulats et les représentations étatiques.

Ces strates ont leurs modalités de fonctionnement propres, malgré le fait qu’elles partagent un objectif commun : celui de fédérer les membres de la diaspora malgache. En outre, chacune de ces strates occupe des territoires différenciés (nationaux, internationaux et transnationaux). En ce sens, les interactions entre elles interpellent des enjeux interculturels, mais aussi internationaux. Les membres de la diaspora, les associations, les associations fédératrices ou encore les entités étatiques ont donc leur principale résidence en France. Cependant, certaines associations sont présentes à la fois en France et à Madagascar pour des raisons organisationnelles, parce que leurs principales actions prennent place au sein de leur pays d’origine. De même, la Direction de la diaspora trouve son siège à Antananarivo, capitale de Madagascar. Par ailleurs, même si les acteurs diasporiques sont de même origine, les interactions qui s’installent sont « inter-nationales ». Parler de la circulation de l’information dans ce contexte revient à prendre en considération les différents enjeux à différents niveaux de la société mondiale :

l’information médiatisée y est moins à prendre en tant que somme de contenus qu’en tant que modes de relation, schéma de communication productive entre les groupes et les forces sociales, construit social révélateur d’un type de rapports de force entre différents acteurs sociaux et cela à tous les niveaux, micro, meso et macro (Cabedoche, 2016, p. 64).

La communication internationale demeure, dans la nécessité de prendre en considération les contextes de production et de diffusion de l’information, non seulement aux abords de la dimension macro touchant les États, mais aussi aux abords de l’individu, qui fait partie prenante de l’équation. De même, il est important de noter que, même si leurs origines sont communes, chacune de ces strates évolue selon des cadres de référence individuels et collectifs spécifiques. Ainsi, plusieurs nuances sont à prendre en considération.

Dans le cadre de la diaspora malgache, l’origine est commune, il y a donc un phénomène de transculturalité qui permet de poser un socle commun. Néanmoins, la transculturalité est insuffisante, dans la mesure où les vécus peuvent être différents et changer partiellement ou complètement des artefacts communs. L’interculturalité émerge pour établir alors un dialogue. Pour revenir à la notion en elle-même, « la communication interculturelle relève de plusieurs points de vue : c’est une rencontre entre porteurs de cultures différentes, mais c’est aussi une rencontre qui peut avoir lieu dans le contexte de l’immigration, des relations internationales ou des entreprises multinationales » (Stoiciu, 2008, p. 39). Il s’agit de construire des relations entre les cultures en prenant en compte la dimension de l’altérité, soit en reconnaissant l’Autre comme différent de soi dans un souci de compréhension mutuelle.

L’évènementialisation en question

Comme il a été énoncé précédemment, le propre de la Direction de la diaspora, membre de la strate « représentations étatiques » et rattachée au ministère des Affaires étrangères, est de mettre en place des relations aussi bien formelles qu’informelles entre les membres de la diaspora malgache et leur pays d’origine. En ce sens, son rôle est de veiller à une fédération de ces peuples éparpillés dans l’optique de légitimer la diaspora malgache. Grâce à l’édition de documents analytiques, mais aussi à l’organisation d’évènements d’envergure nationale, ce service œuvre ainsi pour la reconnaissance de cette communauté transnationale et pour sa participation au développement de Madagascar. Le propre de celle-ci est d’entretenir un échange avec les membres de la diaspora, de les soutenir et de les aider à émerger afin qu’ils puissent apporter leur plus-value au processus de développement de la nation malgache. Cette entité étatique joue un rôle dans la prise de parole de la diaspora malgache au niveau national.

Une des possibilités qui s’offre à la Direction de la diaspora est alors l’organisation d’un évènement clé et novateur pour faire émerger et valoriser la diaspora malgache. La Direction de la diaspora a ainsi proposé le premier Forum de la diaspora malgache les 26, 27 et 28 octobre 2017. Cette évènementialisation de la fédération de la diaspora s’est manifestée par la mise en place d’un programme tout autant festif, culturel que scientifique au sein du Village Voara à Andohatapenaka [6] . Entre autres, ce forum a eu pour objectif de fédérer différents profils nationaux, internationaux et politiques afin de pouvoir constituer des échanges initialement basés sur la situation de la diaspora malgache au prisme des défis du développement national malgache. Il s’agit d’une plateforme d’échanges et de dialogue entre les acteurs locaux et la diaspora, afin de réfléchir aux possibilités de ralliement et de collaboration entre toutes les entités constitutives présentes. Les participants à ce forum, au nombre de 300 [7] environ sur les trois journées, ont été la diaspora malgache (représentants d’associations ou individuels), les ambassades et les consulats, les acteurs nationaux (secteur privé, institutions publiques, collectivités territoriales décentralisées, etc.) et les départements ministériels. Au cours des journées consacrées au Forum de la diaspora malgache ont été mis en place des conférences et des panels (sur la question de droit, sur la solidarité nationale, sur les partenariats internationaux, sur les partenariats publics ou encore socioéconomiques), des rencontres bilatérales et des kiosques d’exposition. Ces journées ont bénéficié du soutien du gouvernement malgache, concrétisé par la présence des représentants étatiques.

Du point de vue médiatique, la Direction de la diaspora a opté pour des canaux essentiellement numériques afin d’atteindre le public diasporique de la France métropolitaine (et d’ailleurs). Ainsi, les réseaux socionumériques professionnels et personnels – Facebook et LinkedIn – ont été utilisés par le responsable de cette entité afin de faire valoir ses relations et pour mobiliser le plus grand nombre de personnes. À cela s’ajoutent les listes d’envoi ( mailing lists ) construites avec l’aide des consulats malgaches, lesquels possèdent un recensement aléatoire de la diaspora malgache présente sur les différents territoires. L’usage des médias nationaux – la presse écrite et audiovisuelle – a permis de faire circuler les discours officiels relatifs à la mobilisation de personnalités politiques autour de l’évènement en question.

L’objet de notre étude nous permet de nous focaliser uniquement sur la médiatisation de l’évènement sur le réseau socionumérique Facebook. Ainsi, du point de vue méthodologique, nous avons procédé, premièrement, à l’extraction d’un corpus numérique constitué de 132  posts Facebook, dont 47 liens, 36 photos, 39 vidéos et 24  posts . Il est à noter que nous avons construit notre corpus sur la base de publications à audience publique issues de pages Facebook et de groupes de la diaspora malgache. L’extraction de ce corpus a pu être effectuée par la fonction API de Facebook, qui permet d’obtenir des contenus (personnes, photos, évènements, pages, groupes, messages, vidéos, etc.) et d’émettre des connexions entre ces contenus et les utilisateurs. Plus précisément, nous avons eu recours à Facebook Graph Search , qui permet d’extraire des contenus à travers des requêtes précises.

La requête que nous avons sollicitée dans le cadre de ce travail de recherche a été « Forum de la diaspora malgache ». En effet, il s’agit de l’intitulé même de l’évènement initié par la Direction de la diaspora. Cette requête nous a ainsi permis de recenser toutes les publications relatives à l’organisation de l’évènement. Pour justifier la taille de notre corpus, nous l’avons périodisé en choisissant les balises suivantes : septembre, octobre et novembre 2017, puisque le Forum de la diaspora malgache a eu lieu les 26, 27 et 28 octobre 2017.

Ainsi, nous avons défini notre corpus de manière à impliquer les mois précédant et suivant l’évènement afin de comprendre les enjeux organisationnels ainsi que les retombées de celui-ci. Une fois recensées, ces publications ont ensuite fait l’objet d’une analyse de contenu thématique (Bardin, 2013), suivie d’un traitement statistique.

Pour caractériser chaque post , nous avons noté la période de publication, à savoir le mois, le nombre de réactions face à la publication (les mentions « j’aime » et les commentaires), l’entité émettrice du post [8] et la catégorisation du post (lien, photo, vidéo ou post ). Chaque unité d’enregistrement a ensuite été catégorisée selon des thématiques émergentes : promotion de l’évènement, invitation à l’évènement, informations pratiques, retransmission en direct, panel, discours officiels, revue de presse, questionnements, solidarité, logistique et perspectives. La Figure 1 nous permet d’obtenir un aperçu général de la répartition des contenus partagés par l’organisateur de l’évènement, à savoir la Direction de la diaspora. Il est important de retenir que les contenus les plus publiés et relayés sont liés aux activités de retransmission en direct (18 %) de l’évènement et d’information (33 %) autour de l’évènement.

Figure  1

Répartition des contenus partagés par l’organisateur de l’événement

Répartition des contenus partagés par l’organisateur de l’événement

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Ces résultats sont issus d’une analyse par l’utilisation de tableaux croisés dynamiques, qui nous permettent de mettre en valeur les données récoltées préalablement en prenant en considération les variables de récurrence, d’occurrence et de cooccurrence. En parallèle, huit entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2011) ont été menés auprès de différents acteurs rattachés à chaque cercle social structurant la diaspora malgache, notamment la directrice de la Direction de la diaspora (1), des membres des associations et des associations fédératrices (2), des représentants consulaires (2) ainsi que des membres de la diaspora malgache (3). L’objectif de ces entretiens était de comprendre la teneur des activités des membres de chaque strate pour la fédération de la diaspora malgache et de confronter les visions qui y sont relatives. Au terme de ces entretiens, des représentations divergentes sur le collectif de la diaspora malgache ont ainsi émergé. D’un côté, la diaspora malgache est considérée comme un collectif devant se réunir autour d’évènements de différentes natures afin de forger cette culture commune qu’est la culture malgache. D’un autre côté, la diaspora représente tout aussi bien cet idéal de développement à transposer à l’échelle nationale pour garantir la prospérité de la nation. En ce sens, les usages du réseau socionumérique Facebook divergent quelque peu, dans la mesure où ils représentent à la fois un vecteur d’information et de mobilisation des membres de la diaspora, mais aussi de promotion et d’évènementialisation.

Usages de Facebook pour l’évènementialisation du Forum de la diaspora malgache

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous sommes focalisée sur le dispositif technique représenté par le réseau socionumérique Facebook, qui permet de médiatiser les relations humaines sur des plateformes numériques. « Un réseau social, dans cette perspective, peut être ici défini provisoirement comme constitué d’un ensemble d’unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres, directement, ou indirectement à travers des chaînes de longueurs variables » (Mercklé, 2016, p. 3). Entre autres choses, les considérations autour du réseau social concernent une réflexion sur les relations que les individus entretiennent entre eux, sur la manière dont celles-ci interfèrent sur leurs pratiques et sur la manière dont elles arrivent à structurer la société à laquelle les individus appartiennent. À l’instar de la dénomination « réseau social », nous optons pour celle de « réseau socionumérique » pour qualifier l’interdépendance des aspects techniques et sociaux conceptualisés. C’est pourquoi nous préférons donc, comme Stenger et Coutant (2011), employer l’expression « réseaux socionumériques », qui a l’avantage de rappeler dans sa forme même que les aspects sociaux et numériques sont deux dimensions intrinsèquement constitutives du phénomène observé.

En outre, Facebook permet à la fois aux usagers d’échanger avec leurs contacts, ou « amis », ajoutés sur leur compte personnel et d’exprimer leurs goûts, leurs envies, leurs convictions, leurs états d’âme à travers les publications. De plus, il instaure un cadre technique qui permet de standardiser autant les échanges que les publications. Tout d’abord, Facebook, comme tout réseau social, permet à ses utilisateurs de créer un réseau d’amis ou de connaissances à partir des demandes d’ajout. Ce réseau, selon les besoins de l’individu, peut renvoyer à son cercle de proximité, à des communautés d’intérêts, ou encore à des connaissances. Quoi qu’il en soit, ce réseau d’amis est construit de manière volontaire et représente, par la suite, la communauté de partage de l’individu.

Facebook permet en effet de mettre en place des interactions dans un contexte de partage de contenus sous format texte, vidéo ou image. Cette distribution est néanmoins régulée par des règles de différents ordres : la forme des publications, les modes de présentation des contenus, les modes de présentation des pages personnelles, etc. L’usage de Facebook est donc régi par un architexte défini par son concepteur de manière à ce que les modalités d’expression sur le réseau social soient normalisées. Par la suite, chaque individu a recours à sa grille de lecture personnelle et construit un cadre de référence spécifique lui permettant de réguler son comportement. Facebook offre plusieurs modalités d’interactions, notamment la discussion instantanée, les messages privés ou les réactions et les commentaires sous des posts ou des publications partagées. En participant à ces interactions, les individus contribuent à la construction de leur identité au sein du réseau socionumérique. En outre, les échanges leur permettent de s’individualiser, de montrer leurs particularités tout en contribuant à la vie en communauté qui se structure.

Dans ce cadre, pour faire sens aux pratiques numériques des usagers de Facebook, nous nous référons au concept d’ usage , qui permet de lier ces pratiques à celles sociales quotidiennes des individus. Face au dispositif technique, l’usager construit un système de significations, basé sur son cadre de référence, qui lui permet d’interagir et de manipuler ledit dispositif. Ces manipulations diffèrent d’un individu à l’autre, d’un groupe à l’autre, etc. : « il est nécessaire de retenir le fait que pour engager des utilisations, puis développer des usages s’insérant dans des pratiques informationnelles, communicationnelles, culturelles, pour s’approprier les TIC, les usagers s’appuient sur un imaginaire social » (Vidal, 2013, p. 19). Comme nous l’avons souligné, la grille de lecture des usagers repose intégralement sur leur cadre de référence personnel, forgé par leurs pratiques, leurs croyances, leurs traditions, leurs normes, etc. Le réseau socionumérique, selon le public au sein duquel il prend racine, est empreint d’usages, mais il est nécessaire de différencier les usages prescrits des usages effectifs. Les usages effectifs peuvent, ici, faire référence aux usages sociaux, plus précisément aux usages individuels résultant du cadre de référence de tout un chacun. Le Tableau 1 recense ces différenciations d’usages au regard d’exemples de strates de la diaspora malgache ayant fait l’objet d’une observation participante.

Tableau

Répartition des usages de Facebook par les différentes strates de la diaspora malgache

Répartition des usages de Facebook par les différentes strates de la diaspora malgache

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Dans le cadre de la présente étude, nous avons pu nous rapprocher des différentes strates structurant le système au sein duquel évolue la diaspora malgache. En ce sens, nous avons opté pour des entretiens compréhensifs, mais aussi pour des observations participantes en ligne, qui nous ont permis de catégoriser les différentes activités qui prennent place au sein du réseau socionumérique. Ces observations se sont déroulées sur une période de trois mois, entre septembre et novembre 2017, une périodisation qui rejoint celle de notre extraction de corpus et qui s’explique par une volonté de comprendre les prémices de l’organisation de la manifestation ainsi que ses répercussions. Chaque entité se retrouve effectivement au sein des pages personnelles, des groupes ou encore des profils personnels afin de pouvoir interagir avec les autres membres. Chaque catégorie d’acteurs liée à la diaspora malgache (la diaspora, les associations, les associations fédératrices, les ambassades et les consulats et les entités étatiques) a donc ses propres usages du dispositif technique. Ceux-ci peuvent être isolés sur les plans interne et externe, selon les résultats de nos observations en ligne.

Pour commencer, la communication interne fait référence à une communication horizontale, notamment à une communication de pair-à-pair dont les enjeux restent l’intercompréhension et l’action commune. Pour les membres de la diaspora, cette communication a pour objet l’échange et l’entraide dans différents domaines, entre autres la participation à des évènements, le partage d’offres d’emploi, le partage d’annonces immobilières, etc. Pour les autres strates, la communication horizontale permet de mettre en commun des idées, d’organiser des évènements ou des activités, d’établir des réunions de fonctionnement, etc. Cette communication horizontale a été le plus souvent remarquée dans le cadre des partages de publications et du relai d’informations entre la page Facebook du ministère des Affaires étrangères et celle du Forum de la diaspora malgache.

À noter que la présence d’une communication verticale peut aussi émerger dans la mesure où chaque strate est hiérarchisée de manière à garantir un certain ordre de fonctionnement. La communication interne pose ainsi le postulat d’une communication entre pairs, dont les objectifs d’actions sont clairs et déterminés. Pour les membres de la diaspora par exemple, au sein des groupes auxquels ils appartiennent, des administrateurs sont présents pour jouer le rôle de référents, mais aussi pour garantir le maintien d’un certain ordre dans le cadre du fonctionnement du groupe en question. Ces mêmes administrateurs ont pour rôle de réguler les flux d’informations au sein des groupes; ainsi, ils limitent les publications, dont celles à vocation politique. Nous avons pu comprendre que le Forum de la diaspora est considéré comme tel, il s’agit d’une des raisons pour laquelle l’évènement n’a pas été suffisamment relayé.

Pour continuer, la communication externe renvoie aux différentes formes de communication qui se mettent en place entre les différentes strates de la diaspora malgache. Cette communication peut être institutionnelle tout d’abord, dans la mesure où les associations ou les entités étatiques ont pour premier objectif d’affirmer leur présence, en transmettant des informations concernant leur structure. Cela peut se manifester par la création de sites web ou encore de pages Facebook dédiées, comme celle destinée au Forum de la diaspora malgache. Cette page recense ainsi toutes les informations relatives à l’évènement et met également en place des retransmissions en direct pour les personnes absentes. Ensuite, cette communication peut être de nature promotionnelle, publicitaire ou mobilisatrice. Les associations tout autant que les entités étatiques organisent des évènements ou des activités destinées aux membres de la diaspora malgache. Il peut s’agir de soirées, de campagnes de mobilisation, d’évènements nationaux, etc. Dans cette optique, les différentes entités partagent leurs supports publicitaires, comme des affiches, des photos ou des communiqués, sur les différents réseaux socionumériques de la diaspora malgache, à savoir sur les groupes Facebook, les sites web, les listes d’envoi ou sur des pages Facebook dédiées.

D’une manière interdépendante, cette communication peut être beaucoup plus formelle et s’apparente à la communication publique qui renvoie à « un échange intermittent entre une logique unilatérale hiérarchique institutionnellement dominante et un contact des usages avec l’administration » (Bessières, 2012, p. 15). En effet, les institutions publiques sont bien présentes dans ce panorama de la diaspora malgache, notamment à travers l’ambassade, le consulat ou la Direction de la diaspora malgache (ministère des Affaires étrangères). Les communiqués officiels, les discours ou d’autres éléments relayés sur les réseaux socionumériques ont pour objectif commun de veiller à l’intérêt général de la diaspora malgache de la France métropolitaine. Par ailleurs, dans le cadre de la promotion de l’évènement « Forum de la diaspora malgache », les pages Facebook utilisées, outre les pages dédiées, ont été des pages relatives aux entités étatiques malgaches avec des contenus sous forme de communiqués, d’invitations ou de programmes officiels portant le sceau du ministère des Affaires étrangères. Ces mêmes contenus ont été relayés sur Facebook sous forme de partage.

La diversité des usages sociaux constatés nous permet en outre de comprendre que le réseau socionumérique revêt un rôle de média socionumérique en devenant une source autant qu’un relai d’informations dans le cadre de l’évènementialisation du Forum de la diaspora malgache. En l’occurrence, l’information, son partage ou sa construction, reste le principal objet des échanges entre les différentes strates de la diaspora malgache de la France métropolitaine. Concernant les associations, les associations fédératrices ou encore les représentations étatiques, chacune de ces entités possède une page Facebook ou un compte personnel Facebook à travers lesquels elle peut communiquer aisément sur ses actions et sur ses identités respectives. Par ailleurs, outre le fait de pouvoir dialoguer sur une terre étrangère avec des personnes de la même origine, les membres de la diaspora malgache sont aussi sur le réseau socionumérique pour s’informer ou pour partager des informations de différents ordres, notamment des retours d’expérience sur des démarches administratives, des offres ou des demandes d’emploi, des annonces de logement, des annonces commerciales ou encore des informations d’actualités. De même, la particularité des terrains de la diaspora malgache, se trouvant à la jonction du pays d’origine et du pays d’accueil, tend à favoriser le caractère transnational du dispositif technique que représente le réseau socionumérique Facebook.

Enjeux interculturels et internationaux

Au terme de l’étude qui a été effectuée, deux groupes distincts se matérialisent sur le réseau socionumérique Facebook face à l’évènementialisation qui a lieu autour du Forum de la diaspora malgache. D’un côté, nous avons les entités dites « institutionnelles » et « organisatrices » (série 1), qui regroupent : la Direction de la diaspora, les entités étatiques, les acteurs économiques, les associations, voire les organismes de presse, et qui trouvent majoritairement leur siège à Antananarivo, capitale de Madagascar. De l’autre côté, nous avons donc les groupes Facebook, qui fédèrent des membres de la diaspora malgache et d’autres individus (série 2), membres de la diaspora éparpillée à travers le monde et soucieuse de la tournure que pourraient prendre les évènements. La Figure 2 nous permet effectivement de comprendre la répartition des contenus selon les deux séries qui ont été mises en exergue préalablement. Certes, le partage d’informations utiles et promotionnelles sur l’organisation de l’évènement est présent pour chacune des parties; néanmoins, les différences de résultats sur certains points restent très marquantes. Effectivement, l’évènement a été tout de même contesté par les membres de la diaspora malgache (9 % pour la série 2 et 3 % pour la série 1). Nombre d’entre eux se sont demandé pourquoi l’évènement avait eu lieu à Madagascar, ou encore si l’évènement avait un lien avec le pouvoir politique actuel. D’autres ont également remis en cause la composition des panels dits « acteurs de la diaspora malgache », qui regroupaient des acteurs économiques nationaux ou un bon nombre d’acteurs politiques. Aussi, concernant les perspectives de l’évènement incluant le projet principal, qui est de construire une diaspora malgache légitimée par le pouvoir national, aucun individu ou groupe ne s’est manifesté. De même pour les discours des officiels représentant le pouvoir étatique durant le Forum, aucune publication n’a été relayée par les groupes au sein du corpus que nous avons construit, alors qu’ils représentent 26 % des contenus de la série 1. Cette aversion pour le politique n’est pas nouvelle. Un travail de thèse préalable (Rakotoary, 2018) sur les regroupements communautaires de la diaspora malgache sur Facebook, qui nous a montré que les règlements intérieurs de ceux-ci mentionnaient le refus de faire circuler des publications dites « politiques », le confirme.

Figure  2

Répartition des contenus selon les séries finales

Répartition des contenus selon les séries finales

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L’évènement a ainsi fait réagir les membres de la diaspora malgache, sans que ces derniers ne puissent se sentir véritablement questionnés sur des éléments qui se trouvent être au centre de leurs préoccupations. Ainsi, il est important de prendre en compte la dimension spatiale des acteurs de l’interaction, plus encore la place de la communication internationale au sein des échanges. Si nous prenons en compte les différentes strates de la diaspora malgache, certaines sont localisées au niveau national : les entités étatiques, les associations; d’autres, au niveau international : les membres de la diaspora, les associations fédératrices ou non; et d’autres, à un niveau transnational : les ambassades et les consulats. Par ailleurs, de par ces multiples situations, même si les acteurs diasporiques sont de même origine, les relations qui s’installent ont une dimension « inter-nationale ». Est-il ainsi opportun de recourir à la notion de communication internationale pour qualifier les rapports qui se mettent en place entre les différents acteurs diasporiques, notamment en ce qui concerne les représentants étatiques? Cet aspect de la recherche communicationnelle liée aux dimensions internationales est un domaine en mouvement, dont les principaux artefacts théoriques restent flous :

Initialement réservé à la désignation du jeu diplomatique entre nations les plus puissantes, puis à l’implication de plus en plus inclusive des organisations internationales pour le développement, le domaine intègre aujourd’hui de multiples acteurs, objets et problématiques, et renvoie à un éclatement d’enjeux que l’on devine fondamentaux, quoiqu’insaisissables (Cabedoche, 2016, p. 57).

La communication internationale peut être facilement liée aux enjeux de pouvoir et aux relations qui prennent place entre les différentes nations du monde. Néanmoins, cette représentation reste superficielle et factuelle, dans la mesure où plusieurs objets sont aussi à prendre en considération, comme le rôle de la communication à différentes échelles pour le changement social et le rôle des médias sociaux, locaux, nationaux ou transnationaux pour la construction de « nouveaux espaces publics », pour n’en citer que quelques-uns (Cabedoche, 2016). Elle traite effectivement de nouveaux objets et ne se limite plus aux puissances nationales et étatiques, ou encore aux médias traditionnels. La communication internationale intègre de nouvelles organisations et de nouveaux enjeux (Agbobli, 2015).

Peut-on également parler de la communication interculturelle qui, elle, fait référence au dialogue qui prend place entre des individus ou des entités aux cultures différentes? Au sein de la diaspora malgache, il y a une tendance à la généralisation de l’autre, considéré comme étant « comme soi » ou « égal à soi », dans la mesure où les origines sont communes :

l’interculturalité ne se situe pas seulement dans les rapports avec celui dont on ne connaît ni la langue ni la culture, mais peut se trouver, a contrario, dans une même catégorie professionnelle, de culture proche et parlant, au moins, la même langue, voire intégrant les mêmes langages et codes » (Thiéblemont-Dollet, 2003, p. 8).

Néanmoins, il est important de noter que, même si la diaspora malgache est « malgache » d’origine, les schèmes de comportement et d’action peuvent se différencier, car il y a les malgaches résidant en France et ceux résidant à Madagascar, les malgaches « officiels » et les malgaches citoyens, les malgaches immigrés et les malgaches nés en France, les malgaches acteurs socioéconomiques, etc. Ainsi, plusieurs cadres de référence sont à prendre en considération et cela ne se manifeste pas toujours dans les modalités de communication mises en place par les organisateurs, notamment le ministère des Affaires étrangères. La médiatisation de l’évènement a été mise en place à trois niveaux : la création d’une page Facebook propre à l’évènement, l’usage des médias nationaux et la large diffusion d’invitations et de programmes officiels (mails et LinkedIn). Face aux réactions, ou plutôt à la non-réaction des internautes issus de la diaspora malgache malgré cette médiatisation, il serait opportun de s’interroger sur les dimensions communicationnelles interculturelles prises en compte par les entités institutionnelles instigatrices.

Ni la communication internationale ni la communication interculturelle n’ont fait l’objet de réelles réflexions dans le cadre de l’organisation de cet évènement. De ce fait, les représentations véhiculées autour de la diaspora sont différentes et opèrent un choc important. Pour commencer, nous avons une diaspora « prolétaire » (Schnapper, Costa-Lascoux et Hily, 2001) rassemblant tous les membres de la diaspora de classe moyenne. Cette diaspora a pour objectif de « survivre », dans la mesure où ses membres sont beaucoup plus concernés par les démarches administratives ou par les démarches d’intégration. De même, le seul rassemblement de ce premier type de diaspora a un objectif majoritairement ludique. Les membres de la diaspora organisent ou participent à des rencontres afin de nouer des relations avec d’autres membres de la diaspora et pour qu’ils puissent se remémorer entièrement leur pays d’origine. Cette diaspora prolétaire se retrouve dans les groupes Facebook pour débattre des évènements dits « politiques », comme le Forum de la diaspora malgache. Cette diaspora n’a pas été approchée directement par les organisateurs, mais a eu vent de l’information grâce à des partages de publications sur Facebook.

Pour continuer, nous avons la diaspora dite « élitiste », qui rassemble les élites, les universitaires membres de la diaspora malgache, et qui a pour objectif principal le développement de celle-ci :

les catégories sociales de niveau culturel élevé, disposant des moyens matériels et intellectuels nécessaires pour garder des contacts directs avec les membres dispersés de la collectivité historique, entretenant le sens de leur supériorité ou, en tout cas de leur spécificité, ont plus de chances de maintenir leur identité et leurs pratiques diasporiques » (Schnapper, Costa-Lascoux et Hily, 2001, p. 17).

Ses membres s’intéressent à des thématiques plus globales, organisent des débats ou des tables rondes dont le principal objectif est l’intérêt général. « Si la référence nationale reste, pour certains, fortement investie – en tant que lieu de continuité historique et d’identité collective –, dans d’autres cas, l’investissement identitaire est d’abord inscrit dans la diaspora » (Schnapper, Costa-Lascoux, Hily et 2001, p.27). Celle-ci aborde notamment des questions liées à leur existence, à leur légitimation, aux perspectives d’actions pour le pays d’origine ou encore aux rôles des associations ou des entrepreneurs d’origine malgache. Cette diaspora est militante et organise même en parallèle des rencontres relatives à l’évènement. Concernant cette deuxième catégorie de la diaspora, elle a été approchée directement par les membres organisateurs via le réseau socionumérique LinkedIn. Effectivement, des membres de la diaspora ont été ciblés et ont obtenu en amont toutes les informations nécessaires liées à l’organisation de l’évènement.

Pour terminer, la diaspora revêt également une signification socioéconomique. Les membres de la diaspora malgache ont en effet, pour la plupart, des attaches importantes au sein de leur pays d’origine. À travers celles-ci, les membres de la diaspora malgache agissent de diverses manières sur l’économie nationale. En effet, ils transfèrent régulièrement des devises, construisent des habitations, mettent en place des microsociétés ou des microentreprises, etc. En ce sens, l’existence de la diaspora malgache représente une véritable plus-value économique pour la nation. Par ailleurs, cette dernière catégorie de la diaspora malgache a fait l’objet d’études et d’investigations, notamment concernant les fonds injectés par la diaspora au niveau de l’économie nationale. Ainsi, ces membres, également ciblés, ont fait l’objet d’une approche individuelle, notamment par les pages Facebook.

Ceci nous permet d’affirmer que c’est dans cet esprit que le ministère des Affaires étrangères, à travers la Direction de la diaspora, a organisé le premier Forum de la diaspora malgache à Antananarivo. L’objectif était essentiellement de fournir une plateforme d’expression aux membres de la diaspora socioéconomique afin d’insuffler de nouvelles perspectives au processus de développement du pays. Il a permis de mobiliser les membres de la diaspora malgache en présence d’opérateurs socioéconomiques et d’aborder plusieurs thématiques, notamment la législation, les acteurs socioéconomiques, les occasions nationales et internationales, etc.

Pour conclure, la diaspora malgache est sans cesse remise en question en ce qui concerne sa légitimité et ses apports en direction de son pays d’origine. Néanmoins, les entités étatiques nationales, depuis la création d’une Direction de la diaspora au sein du ministère des Affaires étrangères en 2015, commencent à mettre en place des activités afin de pallier ce manque de légitimité. Par ailleurs, ils ont initié un Forum de la diaspora malgache en octobre 2017 afin de regrouper différents acteurs qui pourraient être inclus dans ce processus de légitimation, de fédération, mais aussi de développement. Pourtant, malgré une évènementialisation et une médiatisation importante, une majorité des membres de la diaspora malgache ne se sont pas sentis réellement concernés. Des questionnements liés à la compréhension des enjeux interculturels et internationaux de la communication mise en place ont ainsi émergé. Pour pallier ces questionnements de recherche, nous avons mis en place une méthodologie basée sur une analyse de contenu thématique adaptée à un corpus d’échanges et de publications numériques. Pour construire ce corpus de 132  posts Facebook [9] , nous avons utilisé la fonctionnalité Facebook Graph Search en nous focalisant sur une requête «  forum de la diaspora malagasy posts  ». Puis, nous avons aussi effectué des entretiens compréhensifs avec des acteurs étatiques nationaux et internationaux, des représentants des regroupements associatifs et des membres de la diaspora malgache à travers le monde.

Au terme ce travail de recherche, nous remarquons que la route vers la fédération de la diaspora malgache est longue et sinueuse. Effectivement, de notre terrain a découlé une conclusion principale liée au fait que la diaspora malgache dont il est question est elle-même perçue de différentes manières. En ce sens, il y a la diaspora dite « prolétaire », garante de sa propre survie, la diaspora « élitiste », qui veut évoluer et prendre part à l’édifice, et la diaspora « socioéconomique », dite « utile » au développement de la nation malgache, car chaque strate qui constitue l’environnement immédiat de la diaspora malgache a des représentations divergentes liées au contexte au sein duquel elle évolue. De même, ces différentes strates ( les associations, les associations fédératrices, les ambassades et les consulats et les représentations étatiques) évoluent dans des espaces différents et véhiculent des objets différenciés. L’objectif de ralliement, en ne prenant pas en considération ces facteurs spécifiques, a eu pour finalité une déconstruction de la notion même de diaspora malgache, faisant ainsi émerger des sentiments de révolte face au caractère exclusif de l’évènement.