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Les forêts[1], poumon de l’humanité, sont aujourd’hui l’objet de sollicitations paradoxales. Aux intérêts égoïstes des États sur le territoire desquels elles existent semble s’opposer, ou parfois se greffer, l’intérêt commun de toute l’humanité[2]. Cette situation peut s’expliquer par le fait que la nature s’est montrée radine envers certains États, et d’une générosité plutôt insolente envers d’autres. En effet, les uns sont dits développés et riches, mais très souvent peu dotés de forêts et donc de ses produits dérivés, du fait de la rudesse de leur climat, alors que d’autres, notamment en Afrique, sont dits pauvres et sous-développés[3], et nantis de ressources forestières à profusion. Alors, pour tenter d’équilibrer la balance, le risque devient grand que ces pays pauvres de l’Afrique consacrent un véritable « droit de détruire[4] » leurs forêts, en se livrant à une exploitation abusive du bois et de ses produits dérivés, afin de le vendre au plus offrant des pays riches pour couvrir leurs besoins toujours en nette progression et tenter de colmater le gap entre leur niveau de développement et celui des pays dits riches[5].

Cette réalité est aisément transposable aux forêts du bassin du Congo[6]. Elles s’étendent sur une superficie d’environ 251 millions d’hectares, qui va du golfe de Guinée au bord de l’océan Atlantique à l’ouest jusqu’aux montagnes du rift Albertin à l’est. Les écosystèmes forestiers du bassin du Congo couvrent une large partie de l’Afrique centrale. Ils constituent la deuxième réserve de forêts denses et humides. Ils représentent un cinquième des forêts tropicales à canopée fermées restant au monde. Leur biodiversité est très riche. Ils abritent, entre autres, trois sur quatre espèces des grands singes. Les forêts du bassin du Congo sont d’une importance cruciale pour la conservation de la biodiversité à l’échelle planétaire et fournissent, en tant que puits de carbone, des services écologiques essentiels au niveau régional et global. Bien qu’une grande partie de sa superficie ait pu être préservée pendant ces dernières années, les écosystèmes forestiers de cette partie du monde aiguisent les appétits inassouvis et parfois indécents des pays industrialisés, à cause de la richesse de leur biodiversité. Pour cette raison, ils restent confrontés à plusieurs facteurs constituant des risques élevés de destruction. Entre autres, on peut citer la surexploitation des ressources de bois et de minéraux, le commerce de la viande de brousse, l’extension des surfaces cultivables, les feux de brousse, une faible gouvernance. C’est ce qui justifie l’urgence d’une action globale concertée[7].

Une partie des forêts du bassin du Congo se trouve sur le territoire camerounais. Les forêts du Cameroun sont le deuxième massif forestier dense le plus important de l’Afrique après celui de la République Démocratique du Congo, et le cinquième du point de vue de sa biodiversité. Pour pérenniser ce don de la nature, l’article 22 de la Loi no 94/01 du 20 janv. 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche dispose qu’au moins 30 % du territoire national doit être définitivement affecté à la forêt[8]. Actuellement, la forêt couvre environ 42 % du territoire camerounais, soit environ 19 916 000 millions d’hectares, dont 413 000 du domaine national sont aménagés jusqu’en novembre 2016[9]. La marge minimale légale de 30 % n’étant pas encore franchie, on pourrait se laisser dire que les forêts se portent bien au Cameroun. Cette affirmation se doit pourtant d’être nuancée. En effet, la forêt et ses produits dérivés attirent les entreprises tant multinationales que nationales. La commercialisation du bois et de ses produits dérivés est source de richesse au profit de l’État ou de la collectivité territoriale décentralisée qui en est propriétaire. Or, si l’on considère que la lame placée sur l’écorce de n’importe quel arbre le transperce en quelques minutes, alors que certains de ces arbres sont parfois âgés de centaines d’années, on convient que si l’on n’y prend garde, l’exploitation des forêts ne saurait être proportionnelle à leur croissance ou à leur régénérescence. En effet, le temps qu’il faudrait pour détruire toutes les forêts du monde serait sans doute insignifiant comparativement au temps que ces forêts ont mis pour se développer. La déforestation mondiale est si grave qu’un auteur note que, « [c]haque minute, la planète perd l’équivalent de 50 terrains de football de forêt[10] ». De l’exploitation à la surexploitation, il n’y a qu’un petit pas qui a depuis lors été franchi par la plupart des pays producteurs de bois, ce qui menace de plonger toute l’humanité, ou du moins une bonne partie, dans un chaos inextricable[11].

En réalité, si les ressources forestières des pays de l’Afrique centrale en général et celles du Cameroun en particulier n’étaient exploitées qu’à des fins domestiques propres de leur population, ou alors si le bois prélevé était essentiellement consommé sur le plan strictement africain, la forêt se porterait mieux[12] car, au regard de la modestie des besoins domestiques et continentaux en bois des populations riveraines[13], une telle exploitation serait bien insignifiante pour entraîner leur destruction d’une manière aussi rapide et planifiée[14]. Pourtant, les forêts de l’Afrique centrale offrent des moyens de subsistance à environ 60 millions de personnes qui y vivent ou résident à proximité. Elles remplissent également des fonctions sociales et culturelles essentielles aux populations locales et autochtones, et contribuent par ailleurs — plus indirectement — à alimenter à peu près les 40 millions de personnes qui vivent dans les centres urbains proches de ces domaines forestiers[15]. L’importance des forêts tropicales du bassin du Congo a progressivement hissé ces écosystèmes au rang de bien commun de l’humanité[16]. De nombreux accords multilatéraux tentent aujourd’hui d’encadrer la gestion et la préservation de ces milieux en partenariat avec les États[17].

D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), au niveau mondial, l’exploitation et le commerce illégal du bois génèrent une perte de 10 à 15 milliards de dollars américains en recettes fiscales pour les gouvernements[18]. Pour Interpol par contre, le marché mondial du bois illégal représente au total de 51 à 152 milliards de dollars américains par an. Il entraîne des pertes considérables pour les gouvernements, estimées au minimum à 5 milliards de dollars américains par an, du fait des pertes de revenus fiscaux et des coûts de la lutte contre le bois illégal[19]. Comme on peut le constater, il est irréfragable de dire que l’exploitation et la commercialisation du bois illégal entraînent des pertes, quoique le montant exact de ces pertes soit discutable. Alors, pour faire face à ces pertes, mais aussi pour s’assurer une mainmise sur l’exploitation et la commercialisation du bois mondial en général et de celui en provenance des pays pauvres de l’Afrique en particulier, les pays du G8 avaient préconisé, lors du sommet de 1998, que des mesures concrètes soient prises pour juguler l’exploitation illégale du bois.

Faisant écho à cet appel, la Commission européenne, dont certains États font partie du G8, va organiser en 2002, un atelier international pour discuter de la manière dont l’Union européenne pourrait contribuer à la lutte contre l’exploitation illégale du bois dans le monde. Les conclusions de cet atelier aboutiront à la mise sur pied d’un Plan d’action communautaire sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (Forest Law Enforcement, Governance and Trade ou FLEGT), lequel sera finalement rendu public en mai 2003[20]. Cette réglementation a été rendue contraignante à l’égard des pays membres de l’Union européenne par le Règlement (CE) no 2173/2005 du Conseil du 20 décembre 2005 concernant la mise en place d’un régime d’autorisation FLEGT relatif aux importations de bois dans la Communauté européenne[21].

De manière générale, le plan d’action FLEGT vise sept objectifs bien ciblés : 1) l’appui aux pays producteurs de bois ; 2) la promotion du commerce légal du bois ; 3) la promotion des politiques des marchés publics ; 4) l’appui aux initiatives du secteur public ; 5) les garanties pour le financement et les investissements ; 6) la mise en pratique de la législation existante ou l’adoption d’une nouvelle législation en vue de soutenir le plan d’action FLEGT ; et 7) la lutte contre le bois de la guerre[22].

Sur le plan matériel, les normes de la FLEGT sont un ensemble de dispositions pratiques à partir desquelles on vérifie, sur le plan européen, que l’exploitation du bois de même que son transport et sa commercialisation sur le territoire de l’Union ont eu lieu dans le strict respect de la réglementation interne de l’État sur le territoire duquel il a été prélevé et que l’ensemble des opérations est conforme au droit international[23]. Concrètement, il s’agit des autorisations de commercialiser sur le territoire de l’Union européenne[24], de telle sorte que tout bois qui ne répondrait pas à ces normes se verrait refuser l’entrée et donc sa commercialisation sur les marchés du territoire de l’Union. L’implémentation pratique de ces normes permet, à partir de l’Europe, de repérer et de retracer le parcours d’un bois du lieu de son prélèvement à son point d’entrée sur le territoire de l’Union. Ainsi, la conformité d’un bois exploité aux normes de la FLEGT est en quelque sorte ce qu’est une carte grise pour une voiture, mieux, une espèce d’acte de naissance du bois qui permettrait de l’identifier et d’assurer tant sa traçabilité que sa commercialisation sur le territoire de l’Union européenne et au-delà. Cette labellisation du bois permet de lui donner une plus-value économique, politique, sociale, culturelle, etc.[25].

L’objectif premier de la mise sur pied de la certification FLEGT est l’exploitation en « bon père de famille » des forêts généreusement offertes par la nature aux pays de l’Afrique centrale, en vue de leur durabilité. Elle permet aux États exploitants de maximiser leurs recettes fiscales, de promouvoir les emplois décents et de lutter contre la pauvreté par la mise en oeuvre effective des cahiers des charges négociés et librement acceptés dans leur contrat par les sociétés exploitant les forêts. Cette préoccupation de l’exploitation et du commerce licite du bois a été mûrie par l’Union européenne et proposée pour adhésion aux pays producteurs de l’Afrique centrale depuis 2003. La plupart des pays de l’Afrique centrale[26], dont le Cameroun, ont manifesté un vif intérêt au plan d’action FLEGT non seulement en participant à diverses rencontres sur le sujet, mais aussi en renforçant leur législation interne pour une meilleure protection des forêts, du moins en apparence[27]. Jusqu’en septembre 2017, les 16 pays suivants avaient signé avec un Accord de Partenariat Volontaire (APV) avec l’Union européenne : le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo (RDC), le Gabon, le Ghana, le Guyana, le Honduras, l’Indonésie, le Libéria, la République du Congo, la République du Laos, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam et le Myanmar[28].

Pour ce qui est des pays de l’Afrique centrale, ce n’est qu’en 2010, au terme de difficiles négociations, que les premiers APV vont être signés entre certains pays producteurs de bois de l’Afrique centrale et l’Union européenne. Par exemple, l’APV-FLEGT entre la République du Congo et l’Union européenne a été signé le 17 mai 2010 et est entré en vigueur le 1er mars 2013, tandis que celui entre le Cameroun et l’Union européenne a été signé le 6 octobre 2010 et a été ratifié par le Décret 2011/238 du 9 août 2011[29]. Cet APV entre le Cameroun et l’Union européenne servira de support pour illustrer la présente étude. Ces précisions permettent de noter que les normes de la FLEGT, pour l’essentiel, ont moins de dix ans d’application effective.

Malgré cette jeunesse, il n’est pas saugrenu de s’interroger sur l’impact actuel et futur de ces normes sur la protection des forêts de l’Afrique centrale en général et sur celles du Cameroun en particulier. L’objectif premier est de voir ce qui a changé depuis que certains pays de l’Afrique centrale et le Cameroun en particulier ont commencé à appliquer les normes de la FLEGT au terme de la signature des APV avec l’Union européenne. Autrement dit, les forêts de l’Afrique centrale en général et celles du Cameroun en particulier se portent-elles mieux, ou alors toujours mal, depuis que les normes relatives à la légalité du bois à destination des pays de l’Union européenne sont en vigueur dans la plupart des pays producteurs ? En tenant compte que tous les pays de l’Afrique centrale producteurs de bois n’ont pas encore signé un APV avec l’Union européenne, on doit remarquer que, si l’impact actuel des normes de la FLEGT sur la protection des forêts de l’Afrique centrale est relativement perceptible (partie 1), les résultats escomptés ne sont pas encore atteints du fait de la persistance de certaines défaillances, toute chose qui justifie la perfectibilité des normes de la FLEGT (partie 2).

1 La perceptibilité de l’impact des normes de la FLEGT sur la protection des forêts d’Afrique centrale

De manière générale, lorsque des normes sont élaborées pour résoudre un problème, leur seul mérite ne doit pas se résumer en leur existence. Autrement dit, cette existence, quoique nécessaire, ne suffit pas à elle seule pour juguler le problème qui a justifié la création de la norme. Pour qu’une norme ait un impact réel sur le problème qu’elle se propose de résoudre, il faut, en plus du fait d’exister, qu’elle soit clairement identifiée et que sa portée juridique soit perceptible, afin de faciliter son application par les divers acteurs visés. Les normes de la FLEGT n’échappent pas à ce schéma. Alors, la perceptibilité de l’impact des normes de la FLEGT sur la protection des forêts de l’Afrique centrale va se manifester à travers leur identification, laquelle permettra d’en dégager la portée juridique (1.1). Cependant, pour que ces normes puissent produire leurs pleins et entiers effets, l’implication de tous les acteurs concernés est nécessaire (1.2).

1.1 À travers l’identification et la portée juridique des normes de la FLEGT

Pour dégager aisément la portée juridique des normes de la FLEGT (1.1.2), il faut au préalable clarifier leur contenu matériel (1.1.1).

1.1.1 Le contenu matériel des normes de la FLEGT

Matériellement, les normes de la FLEGT se présentent comme une espèce de certification par laquelle le pays producteur de bois atteste que le bois ainsi vendu a été coupé, transporté et commercialisé dans le strict respect de la réglementation interne et internationale applicable[30]. Cette certification se traduit par la délivrance de certains documents et le marquage par l’affectation d’une numérotation unique qui singularise le bois exploité et vendu depuis le lieu de coupe jusqu’au pays de l’Union européenne destinataire. Ce marquage permet de suivre électroniquement le bois prélevé partout où il pourrait se trouver. C’est dire que, en plus des versions matérialisées sur papier, les versions dématérialisées peuvent être élaborées[31].

Le système, en cours d’implémentation dans les pays de l’Afrique centrale signataires des APV, parmi lesquels le Cameroun, permettrait à terme, dès que l’identifiant d’un bois aurait été introduit dans le système de contrôle à quelque endroit du parcours du bois, d’en avoir la traçabilité depuis son origine. Dès lors, tout bois non marqué ou non repérable dans le système serait considéré comme d’origine illégale et saisi. Les auteurs de cette exploitation illégale et leurs complices seraient sanctionnés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur dans l’État de saisie.

Le succès d’un tel mécanisme nécessite un accès accru à l’information de toutes les parties prenantes. Les APV mettent un point d’honneur à rendre publiques les informations relatives à l’exploitation du bois entre signataires et à destination des tiers. De manière générale, les trois points suivants sont mis en avant dans ces accords :

  1. Les parties signataires s’entendent pour s’assurer que l’APV et le régime d’autorisation FLEGT sont bien compris par l’ensemble des acteurs. À cet effet, l’accès à l’information sur les objectifs, la mise en oeuvre, le suivi et le contrôle permettent une compréhension complète des processus ainsi qu’une implication de tous les acteurs en vue d’atteindre les objectifs de l’accord. Une telle transparence renforce l’image des produits forestiers du pays de prélèvement sur le marché de l’Union et améliore le climat des investissements pour les entreprises exportatrices de bois dans l’Union ;

  2. L’information sur les opérations liées au régime d’autorisation FLEGT est reprise dans un rapport annuel qui est publié par le Conseil conjoint de mise en oeuvre. À cette fin, le Comité conjoint de suivi (CCS) conduit des missions conjointes régulières, afin d’évaluer l’efficacité de l’accord ainsi que son impact sur la lutte contre l’exploitation frauduleuse du bois. Sur la base des informations des deux parties, le rapport annuel du régime d’autorisation FLEGT comprend, entre autres, des renseignements sur :

    • les quantités de bois et de produits dérivés exportés vers l’Union sous le régime d’autorisation FLEGT, selon les rubriques appropriées de codes prédéfinis entre l’État signataire et l’État membre de l’Union destinataire ;

    • le nombre d’autorisations FLEGT délivrées par le pays producteur de bois, ainsi que les progrès dans l’atteinte des objectifs et des actions à réaliser dans un délai déterminé dans l’accord et tous les sujets relatifs à sa mise en oeuvre ;

    • les actions visant à empêcher toute éventualité d’exportation de bois et de produits dérivés d’origine illégale vers les marchés hors du territoire de l’Union ou leur commercialisation sur le marché national ;

    • les quantités de bois et de produits dérivés importés au pays producteur, ou ayant transité sur le territoire de ce pays[32] ;

    • les actions prises pour prévenir les importations de bois et de produits dérivés d’origine illégale pour maintenir l’intégrité du régime d’autorisation FLEGT ;

    • les cas de non-conformité avec le régime d’autorisation FLEGT dans le pays producteur de bois signataire de l’APV et les actions prises pour résoudre ces cas ;

    • les quantités de bois et de produits dérivés importés dans l’Union européenne dans le cadre du régime d’autorisation FLEGT, selon l’État membre de l’Union dans lequel l’importation a eu lieu ;

    • les quantités de bois et de produits dérivés importés dans l’Union européenne dans le cadre du régime d’autorisation FLEGT, selon les pays d’origine (à fournir par l’Union européenne) ;

    • l’information sur les prix au niveau du marché international ;

    • le nombre d’autorisations FLEGT reçues par l’Union européenne ;

    • le nombre de cas ainsi que les quantités de bois et de produits dérivés impliquées exploités frauduleusement ;

  3. Les autres données et rapports sont publiés afin que les acteurs aient accès aux informations utiles pour le suivi de la mise en oeuvre de l’accord. Cet accès à l’information permet de renforcer la gouvernance dans le secteur forestier. Ces informations sont rendues publiques via les sites Internet des deux parties et régulièrement actualisées.

Ces normes de la FLEGT ainsi matérialisées s’appliquent uniquement entre les pays producteurs de bois ayant signé un APV avec l’Union européenne. En plus de la signature de l’APV, le partenaire de l’Union européenne doit ratifier l’accord pour le faire entrer dans son ordonnancement juridique interne. Pour encourager tous les pays producteurs de bois dans le monde entier à signer un APV, l’Union européenne a mis en place, et ce, depuis le 3 mars 2013, un mécanisme qui impose à tout importateur de bois en provenance d’un pays signataire et à destination d’un des pays de l’Union, l’obligation de minimiser tout risque d’introduction au sein du marché de l’Union ou d’un des pays de l’Union des produits forestiers d’origine illégale. La violation de cette règle entraîne la saisie du bois frauduleux et fait produire leurs effets aux normes de la FLEGT, tout en renforçant au passage leur portée juridique.

1.1.2 La portée juridique des normes de la FLEGT

Le problème ici est celui de la place qu’occupent les normes de la FLEGT par rapport à la législation interne à chaque État producteur de bois en Afrique centrale d’une part et, d’autre part, par rapport à la législation internationale applicable. La solution que l’on apporte à cette préoccupation est simple : la certification du bois par les normes de la FLEGT ne remplace aucunement la réglementation interne ou internationale applicable à l’exploitation du bois. Au contraire, elle est une garantie de son application efficiente.

C’est dire que, matériellement, les normes de la FLEGT ne sont pas un ensemble de dispositions, comme le serait une convention ou une loi. Il s’agit d’un dispositif de renforcement du respect de ces textes applicables à l’exploitation forestière. À côté des différents APV et des conventions internationales applicables à l’exploitation forestière, il existe un arsenal juridique interne propre à chaque État. La normalisation par la FLEGT est alors la certification de ce que le bois exploité, transporté et vendu sur le territoire de l’Union européenne l’est dans le strict respect de cette réglementation en vigueur.

Sur le plan international, les textes applicables à la légalité du bois camerounais sont les suivants, sans que la liste soit exhaustive :

  • le Traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale et instituant la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC)[33] ;

  • la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), signée le 3 mars 1973 et amendée le 22 juin 1979[34] ;

  • la Convention sur la diversité biologique (CDB), signée en juin 1992[35].

L’application des dispositions de ces instruments juridiques internationaux doit faire suite à leur transposition dans les textes juridiques nationaux. L’élaboration de la définition de la légalité tient également compte des éléments suivants :

  • les différentes initiatives développées en matière de légalité, notamment :

    • le Tropical Forest Trust (TFT), association du secteur privé qui gère un projet d’appui au secteur privé sur la vérification de légalité nommé « Timber Trade Action Programme » (TTAP) ;

    • le Ressources Extraction Monitoring (REM) ;

    • le programme TRAFFIC, projet de traçabilité et de légalité du Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund ou WWF) ;

    • le système de traçabilité appelé « Chain of Custody » (CoC)) ;

    • le Forest Stewardship Council (FSC) ;

  • la proposition PROFOREST (projet financé par l’Union européenne) du 6 septembre 2005 relative à la traçabilité ;

  • les « Notes d’information FLEGT » (notes d’information sur le plan d’action de l’Union européenne pour l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux éditées annuellement par l’Union européenne) ;

  • le référentiel du Système de suivi volontaire et indépendant des concessions forestières (Forest Concession Monitoring System ou FORCOMS), relatif à la conformité réglementaire du bois prélevé en Afrique centrale : première version en 2005, puis version consolidée en février 2007 pour ce qui est du Cameroun ;

  • les outils d’Origine légale du bois/Bureau Véritas (OLB-BVQI) et de Traçabilité légalité/Société générale de surveillance (TLTV-SGS) de février 2006 sur la légalité ;

  • le rapport intitulé Définition d’un bois légal selon les textes et règlements en vigueur au Cameroun  et publié par la Gesellschaft für Technishe Zusammenarbeit (GTZ) (Coopération technique allemande)/Programme de gestion durable des ressources naturelles (PGDRN) — Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) le 15 février 2006 ;

  • le rapport intitulé Légalité des bois APV au Cameroun (approche comparée des différents systèmes) et publié par la Gesellschaft für Technishe Zusammenarbeit (GTZ), en mai 2012 ;

  • le rapport de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) publié par le World Ressource Institute (WRI), l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN) et l’International Forest Industry Association (IFIA) sur le projet FORCOMS-phase II de février 2007[36] ;

  • la proposition de texte juridique de la COMIFAC sur le contrôle forestier en Afrique centrale d’octobre 2007 ;

  • les principes, critères et indicateurs (PCI) de l’Organisation africaine du bois (OAB)/Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) et du manuel d’audit de l’OIBT no 14 de 2003[37].

Sur le plan national, les textes applicables à la légalité du bois camerounais sont les suivants :

  • la Loi camerounaise no 96/06 du 18 janv. 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972[38], elle-même révisée par la Loi camerounaise no 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi no 96/06 du 18 janv. 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972[39] ;

  • la Loi camerounaise no 81/013 du 27 nov. 1981 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche[40], non entièrement abrogée, et ses textes d’application (dont le Décret camerounais no 83/169 du 12 avril 1983 fixant le régime des forêts[41], non abrogé) ;

  • la nouvelle Loi camerounaise no 94/01 du 20 janv. 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche[42] et ses textes d’application (notamment le Décret camerounais no 94/436/PM du 23 août 1994 fixant les modalités d’application du régime des forêts[43], dont toutes les dispositions ne sont pas abrogées, le Décret camerounais no 95-531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts[44] et autres décisions et lettres circulaires en vigueur[45]) ;

  • la Loi camerounaise no 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement[46] et ses textes d’application ;

  • l’Arrêté camerounais no 222/A/MINEF [Ministère de l’Environnement et des Forêts] du 25 mai 2001 fixant les procédures d’élaboration, d’approbation, de suivi et de contrôle de la mise en oeuvre, des plans d’aménagement des forêts de production du domaine permanent[47] ;

  • la Loi camerounaise no 2002/003 du 19 avril 2002 portant Code général des impôts[48] ;

  • la législation régissant l’investissement (Loi camerounaise no 2002/004 du 19 avril 2002 portant Charte des investissements en République du Cameroun[49], modifiée et complétée par la Loi camerounaise no 2004/020 du 22 juillet 2004 qui modifie certaines dispositions de la Loi no 2002/004 du 19 avril 2004 portant charte des investissements en République du Cameroun[50]) ;

  • le Décret camerounais no 99/781/PM du 13 oct. 1999 fixant les modalités d’application de l’article 71 (1) (nouveau) de la loi no 94/01 du 20 janv. 1994 portant régime des forets, de la faune et de la pêche[51] ;

  • le Décret camerounais no 2005/0577/PM du 23 févr. 2005 sur les modalités de réalisation des études d’impact environnemental[52] et l’Arrêté camerounais no 0069 du 08 mars 2005 fixant les différentes catégories d’opération dont la réalisation est soumise à une étude d’impact environnementale[53] ;

  • les différentes lois de finances annuelles ;

  • la Loi camerounaise no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail[54] ;

  • la législation régissant la prévoyance sociale (voir le recueil des textes de base de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) paru en 1979) ;

  • la réglementation phytosanitaire du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER)[55] ;

  • la convention collective nationale (avril 2002) des entreprises d’exploitation, de transformation des produits forestiers et activités annexes (exercice du droit syndical, délégué du personnel, contrat de travail, conditions de travail et salaires, hygiène-sécurité et santé, etc.[56]).

Ces différents textes étant présentés, trois observations permettent de ressortir la portée juridique des normes de la FLEGT.

D’abord, si les dispositions de l’APV ou de l’une des conventions ratifiées par un des pays de l’Afrique centrale et applicables à l’exploitation et à la commercialisation du bois étaient violées, on recourrait logiquement aux mécanismes internationaux de garantie de l’application des conventions telles que prévues par le droit international[57]. Dans une telle hypothèse, on ne recourrait pas à titre principal aux normes de la FLEGT. Mais pour dire vrai, une telle hypothèse sera rare dans la pratique, compte tenu de l’existence des mécanismes de contrôle de la constitutionnalité des conventions internationales dans la plupart des pays de l’Afrique centrale signataires des APV.

Ensuite, si les dispositions internes d’un État signataire d’un APV étaient violées, on appliquerait volontiers les sanctions prévues par les textes ainsi violés. Au Cameroun par exemple, plusieurs sanctions sont prononcées chaque année à l’encontre des contrevenants aux dispositions légales pertinentes. Elles consistent généralement en des peines d’amende infligées aux entreprises forestières[58], en des saisies, en des suspensions ou en des retraits de licence d’exploitation et en des peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis[59].

Enfin, c’est le respect de ces règles de droit interne et international applicables à l’exploitation et à la commercialisation du bois qui conditionne l’octroi par l’État du lieu de prélèvement de la certification FLEGT. En effet, c’est bien l’État sur le territoire duquel le bois a été prélevé qui a la responsabilité de le certifier conforme à sa réglementation[60]. De ce point de vue, la portée de la norme FLEGT vaut ce que vaut la portée des règles dont elle est censée garantir l’application. La sanction infligée par la non-apposition de la certification FLEGT se résume alors en un refus de transporter en interne et à l’international et donc logiquement en une interdiction de commercialiser sur le territoire de l’Union européenne. Dans la pratique, pour que l’application de ces sanctions découlant de l’absence de certification FLEGT soit effective, toutes les parties doivent s’impliquer.

1.2 À travers l’implication de toutes les parties dans l’application des normes de la FLEGT

Une norme, quelle qu’elle soit, ne peut produire ses effets que si elle est effectivement appliquée. En effet, il est acquis que, dans tous les domaines, l’effectivité est la condition liminaire de l’efficacité. Les normes de la FLEGT n’y font point exception. Malgré qu’elles soient relativement récentes et en cours d’implémentation, elles doivent, pour produire leurs effets, être appliquées tant par les États de l’Afrique centrale producteurs de bois et signataires des APV (1.2.1) que par les pays importateurs de bois parties à la convention de l’Union européenne (1.2.2).

1.2.1 L’implication des États d’Afrique centrale producteurs de bois et signataires des APV

Dans les différents APV signés entre les pays de l’Afrique centrale producteurs de bois et l’Union européenne, le rôle des différentes parties est clairement dégagé. Une des principales missions des pays producteurs de bois et parties à l’APV est effectivement de certifier le bois qui sort de leur territoire vers celui de l’Union européenne. Il s’agit d’une mission exclusive, l’État producteur étant en théorie le mieux placé pour savoir si ses procédures[61] et sa propre réglementation relative à l’exploitation et au transport du bois ont été respectées[62]. Cette thèse est d’autant plus recevable que la fonction de rendre justice sur son territoire et de sanctionner toute sorte de violation à la réglementation forestière est une fonction régalienne de l’État du lieu d’exploitation du bois. Autrement dit, aucun contrôle de la légalité du bois n’est possible au niveau de l’Union européenne si le pays producteur et signataire de l’APV n’a pas pris la peine de certifier le bois transporté. Toutefois, des audits indépendants peuvent être réalisés. Dans ce cas, la collaboration de l’État producteur de bois dans la production des documents est nécessaire[63].

Au-delà de ce rôle de régulation de l’exploitation du bois et de sanction des contrevenants à la réglementation en vigueur, les pays qui postulent à la signature d’un APV doivent se doter d’une bonne législation[64], laquelle servira de lanterne à toute activité forestière. Elle sera, comme telle, opposable à tous ses acteurs. Or, l’exploitation du bois fait intervenir plusieurs professions. On peut les regrouper de manière générale en professions d’exploitation proprement dite, en celles de transport et en celles de commercialisation. Habituellement, les entreprises forestières disposent du matériel et du personnel à même d’accomplir toutes ces tâches. Qu’elles soient accomplies au sein de la même entreprise ou par des entreprises différentes, les normes de la FLEGT se doivent d’être appliquées à chacune des étapes, afin que le bois finalement exporté vers les pays de l’Union européenne soit conforme à la réglementation forestière en vigueur sur le territoire du pays où il a été prélevé.

S’agissant justement de la législation applicable aux activités forestières, un des objectifs premiers des APV est la détermination par les parties signataires de la législation applicable pour lutter contre l’exploitation illégale du bois[65]. Si l’Union européenne juge que la législation applicable sur le territoire de l’État signataire est de nature à faciliter l’atteinte des objectifs, alors elle fait le nécessaire pour en faciliter l’application. Par contre, si elle juge que cette législation n’est point appropriée, alors elle encourage l’État candidat à la signature d’un APV à se doter d’une législation idoine, cette législation devant conditionner la signature de la convention.

Qu’elle soit nouvelle ou ancienne, l’Union européenne tient compte, dans son processus d’évaluation de la législation, de la manière dont l’État candidat réprime le blanchiment des fonds provenant des crimes forestiers, ainsi que de l’examen des mesures figurant dans la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales[66], finalement adoptée à la suite de la Conférence de négociation du 21 novembre 1997[67]. Jusqu’en mars 2017, cette convention avait été ratifiée par les 30 pays membres de l’OCDE, ainsi que par 6 pays non membres[68]. Lorsque la preuve d’un échange de pot-de-vin pour l’octroi d’un droit de prélèvement est rapportée, la sanction des agents publics fautifs devrait suivre d’une manière systématique. Mais parfois, dans la pratique, les intérêts mercantiles des parties prennent le pas sur ces objectifs nobles, de telle sorte que la qualité de la législation nationale est reléguée au second plan, l’Union européenne se contentant de la seule certification nationale même donnée à partir d’une législation permissive sur la durabilité des forêts. Cette situation peut se comprendre sans qu’une telle posture encoure des critiques acerbes, compte tenu que l’Union européenne ne saurait se substituer aux législateurs nationaux des pays producteurs de bois de l’Afrique centrale.

Finalement, on note que le rôle principal des pays de l’Afrique centrale producteurs de bois et signataires de l’APV est le respect scrupuleux de leur propre législation forestière en vigueur, à partir de laquelle ils délivreront des certificats FLEGT consacrant la légalité du bois prélevé. Or, un tel respect a un prix. C’est pourquoi la facilité de recourir au bois illégal reste une constante tentation de la part des opérateurs économiques véreux. Alors, pour encourager l’évitement de cette tentation, l’implication des pays acheteurs de bois parties à la convention de l’Union européenne est nécessaire.

1.2.2 L’implication des pays acheteurs de bois parties à la convention de l’Union européenne

L’implication de l’Union européenne dans la vérification de la normalisation de l’exploitation du bois et de ses produits dérivés en provenance des pays ayant signé et ratifié un APV est clairement définie dans les différents accords. Le rôle principal de l’Union européenne est de vérifier que le bois prêt à entrer sur le territoire de l’Union est estampillé du code FLEGT adéquat[69]. De manière plus précise, ce rôle se traduit par les trois points principaux suivants.

D’abord, obligation est faite aux acteurs forestiers des pays parties au traité de l’Union européenne de n’acheter, de ne commercialiser et de ne faire transiter sur le territoire de l’Union que le bois légal[70]. Cette obligation découle clairement des dispositions du Règlement UE no 995/2010 du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché de l’Union européenne[71]. Ce règlement, plus connu sous le sigle « RBUE », a été publié au Journal officiel de l’Union européenne dans son édition du 22 novembre 2010. Il oblige les pays de l’Union européenne à n’accepter l’entrée ou le transit sur le territoire de l’Union européenne que du bois légalement exploité[72]. Il s’agit d’une mesure restrictive qui encourage tous les pays producteurs de bois à signer avec l’Union européenne des APV. Mais elle peut aussi être considérée comme une contrainte supplémentaire qui pourrait pousser certains pays producteurs de bois des pays de l’Afrique centrale à se tourner vers d’autres débouchés, notamment les pays de l’Asie dont la demande croissante en produits forestiers ligneux et non ligneux est de plus en plus pressante. Ils offrent parfois le meilleur prix dont ne peuvent profiter pleinement les pays producteurs de bois de l’Afrique centrale, certains s’étant enfermés dans des conventions bilatérales ou multilatérales avec les pays européens, notamment la France.

Ensuite, la mise en application des normes de la FLEGT par les pays producteurs de bois nécessite de gros moyens financiers pour acquérir le matériel adéquat devant servir au contrôle pendant les coupes, le transport et l’exportation. Pour l’essentiel, l’Union européenne apporte ces moyens financiers à travers ses multiples appuis en direction des acteurs forestiers des secteurs public et privé, des administrations et des institutions en charge de la gestion des forêts au sein des pays producteurs signataires des APV.

Enfin, s’il y a un domaine dans lequel l’Union européenne se fait très présente dans les pays signataires des APV, c’est celui de la formation des acteurs intervenant dans l’exploitation forestière. En effet, en plus de la délivrance des documents constatant la légalité du bois à exporter vers les pays de l’Union, la mise en application des normes de la FLEGT nécessite la conception et le développement des logiciels de suivi, afin que partout où le bois se trouve, il puisse être identifié par l’introduction de son code unique dans le système. Le développement de tels logiciels est presque achevé dans la plupart des États de l’Afrique centrale ayant signé des APV, et des tests ont été effectués ou sont en cours[73]. En complément, le personnel a été formé ou est en cours de formation tant au niveau de leur pays d’origine qu’au niveau européen[74]. Plusieurs séminaires de formation des formateurs des secteurs public, privé, communautaire[75] et communal ont été effectués par les experts de l’Union européenne, au terme desquels l’accent est mis sur les mécanismes de délivrance du certificat de légalité FLEGT et sur la reconnaissance de la légalité du bois[76]. Cependant, malgré ces formations et les mécanismes de contrôle qui ne fonctionnent pas encore très bien du fait de l’introduction très récente des normes de la FLEGT dans l’exploitation du bois, le bois illégal continue de circuler parfois allègrement dans les pays ayant signé les APV[77], et plus spécifiquement au Cameroun[78].

Au final, on peut dire que la perceptibilité des normes de la FLEGT sur les forêts de l’Afrique centrale est prospective et, comme telle, pas encore très palpable. Ceci s’explique par le fait que l’architecture de la légalité du bois se met progressivement en place dans la plupart des pays de l’Afrique centrale. Ces normes restent à être éprouvées. Cependant, avant même d’être implémentée dans la pratique, l’architecture actuelle des normes de la FLEGT présente quelques défaillances qui justifient leur perfectibilité.

2 La perfectibilité de l’impact des normes de la FLEGT sur la protection des forêts d’Afrique centrale

Parler de la perfectibilité de l’impact des normes de la FLEGT sur la durabilité des forêts de l’Afrique centrale revient à faire une espèce de bilan de ces normes. Or, une telle entreprise peut paraître hâtive, après moins de dix ans d’application pratique. En effet, alors que les premières autorisations FLEGT auraient dû être délivrées par le Cameroun aux exploitants de bois depuis 2012, comme le prévoyait l’APV signé avec l’Union européenne, ce n’est qu’au début de 2017 que le ministère des Forêts et de la Faune a finalement délivré les premières à huit exploitants forestiers sur une centaine[79]. Au regard de cette lenteur incompréhensible et en scrutant bien la question, on se rend compte que le bel édifice de protection des forêts de l’Afrique centrale en cours de construction par l’Union européenne et les pays signataires des APV présente des défaillances. En les identifiant et en les recoupant, on peut les envisager en une exiguïté des limites territoriales et matérielles des normes de la FLEGT, ce qui contribue à les rendre inefficaces. Pour corriger, il faudrait une extension des limites territoriales et matérielles d’application des normes de la FLEGT (2.1), ce qui renforcerait leur efficacité (2.2).

2.1 Par l’extension des limites territoriales et matérielles d’application des normes de la FLEGT

De manière générale, les normes d’origine conventionnelle ne lient que les États qui ont signé et ratifié la convention. Dès lors, il est logique de croire que plus les États adhèrent à une convention, plus son champ territorial d’application est étendu. Tel n’est pas le cas des normes de la FLEGT dont le caractère essentiellement bilatéral suggère une extension des limites territoriales (2.1.1) et matérielles (2.1.2) de son champ actuel d’application, afin que toute la forêt de l’Afrique centrale et ses multiples ressources soient couvertes.

2.1.1 L’extension des limites territoriales actuelles des normes de la FLEGT

Les forêts de l’Afrique centrale couvrent actuellement le territoire de plusieurs pays qui n’appartiennent pas toujours aux mêmes organisations internationales sous-régionales[80]. Les pays couverts sont le Cameroun, le Nigéria, la République Centrafricaine, la Guinée Équatoriale, le Gabon, la République du Congo, la République Démocratique du Congo et l’Angola. Pour le moment, tous ces pays dont une partie du territoire est couvert par la forêt n’ont pas signé d’APV avec l’Union européenne. En Afrique centrale, seuls le Cameroun, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, la République centrafricaine et le Gabon ont signé individuellement un APV avec l’Union européenne[81]. Les pays producteurs de bois de l’Afrique centrale qui n’ont pas encore signé un APV avec l’Union européenne sont le Nigéria, l’Angola et la Guinée Équatoriale. Pourtant, sur le territoire de ces États se trouve le prolongement de la forêt du bassin du Congo dont le noyau se situe sur le territoire du Gabon, du Cameroun, du Congo et de la République Démocratique du Congo.

Dans ces conditions, peut-on dire mordicus que le bois provenant de ces pays qui n’ont pas signé d’APV n’entre pas sur le territoire de l’Union européenne ? La réponse d’un exportateur, ayant exigé au préalable l’anonymat le plus complet, est édifiante[82]. En effet, un exportateur de bois à qui cette question a été posée dans le cadre de la présente étude fait savoir que, lorsqu’il a en sa possession le bois dit « sauvage » parce qu’illégalement prélevé, il l’achemine par route ou par mer dans de petites embarcations[83] vers la Guinée Équatoriale ou le Nigéria, où il a des collègues exportateurs qui, par leurs moyens propres, réussissent à faire entrer leur bois débité ou non jusqu’en Espagne ou en Grande-Bretagne. Pire, il a reconnu avoir fait sortir quelquefois le bois d’origine camerounaise illégalement exploité à partir du port de Douala vers l’Union européenne, en utilisant des « vraies fausses certifications[84] », ou en réutilisant une certification légale ayant déjà servi à une ancienne exportation. Il s’est vanté d’avoir fait ce genre de transaction plusieurs fois, avec la complicité des agents des différents postes de contrôle. De plus, remarque-t-il, la pratique qui semble institutionnalisée, réside dans la fraude du cubage du bois qui consiste par exemple à disposer effectivement de 30 mètres cubes de bois, mais à ne déclarer et à ne faire les documents légaux que sur 10 mètres cubes par exemple, toujours avec la complicité des agents des différents postes de contrôle.

En supposant que ces révélations soient vraies même en partie, on conclurait que le bois illégalement exploité et celui en provenance des pays n’ayant pas signé d’APV avec l’Union européenne entrent bien sur le territoire de l’Union, exactement aux mêmes conditions que le bois des pays ayant signé actuellement des APV entrait dans l’Union européenne avant cette signature. Ce bois obtenu en marge de la légalité se passe de plusieurs contraintes et est, par conséquent, vendu relativement moins cher, comme l’attestent les conclusions de l’enquête menée par Sophia Carodenuto au Cameroun[85]. De la sorte, si les conditions de la légalité du bois venaient à être durcies dans les pays de l’Afrique centrale ayant signé des APV, le bois de ces pays non signataires de l’Afrique centrale continuerait d’entrer frauduleusement sur le territoire de l’Union européenne. En effet, les investigations menées par l’ONG Greenpeace ont révélé que la Compagnie de commerce et de transport (CCT), une des plus grandes multinationales d’exploitation, de transport et de commercialisation du bois en Afrique centrale et une des plus corrompues — sinon la plus corrompue — exporte, sur le territoire de l’Union européenne et notamment en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne, des grumes et du bois sciés qui proviennent, au moins en partie, d’entreprises impliquées dans l’exploitation illégale[86]. Il est donc souhaitable que chaque pays de l’Afrique centrale sur le territoire duquel se trouve une partie de la forêt signe et ratifie un APV.

Qu’en est-il du bois qui est exporté d’un pays ayant signé un APV vers un pays hors Union européenne ? En effet, les pays de l’Union européenne ne sont pas les seuls importateurs du bois des pays producteurs de l’Afrique centrale. Le Japon, les États-Unis, l’Inde et surtout la Chine[87] en sont devenus très friands et offrent parfois des prix de loin supérieurs à ceux offerts par les exportateurs de l’Union européenne. En effet, entre 2009 et 2014, près de 2,5 millions de mètres cubes de produits forestiers ont été exportés du Cameroun vers la Chine[88]. Leurs entreprises forestières ont fait une percée remarquable dans l’exploitation et l’exportation vers leur pays du bois de l’Afrique centrale[89]. Si l’application des normes de la FLEGT peut aider à contrôler la légalité du bois jusqu’au port d’embarcation[90], aucun contrôle en revanche n’est fait au port de débarquement. Du coup, le bois illégal qui se nourrit de la corruption continue d’avoir de beaux jours. La situation est rendue encore plus complexe lorsqu’un pays de l’Afrique centrale non signataire d’un APV exporte son bois dans un pays hors Union européenne[91]. Dans une telle hypothèse, les normes de la FLEGT trouvent toutes leurs limites.

En réalité, l’approche de l’Union européenne qui consiste à signer les APV avec les pays pris individuellement est fort critiquable. En effet, puisque l’Union européenne a choisi un cadre supraétatique pour négocier les APV, elle aurait privilégié un cadre supraétatique de la part de ses cocontractants, non seulement par simple parallélisme de forme, mais aussi et surtout dans un souci d’équilibrage des forces. Logiquement donc, le choix de la négociation d’un seul APV global avec tous les pays de l’Afrique centrale producteurs de bois aurait été plus équilibré, ces derniers devant faire bloc dans la défense de leurs intérêts communs[92], comme l’Europe elle-même s’est mise en bloc pour défendre cette part de marché du bois. Que nenni ! La technique sournoise de l’Union européenne a plutôt consisté, jusqu’ici, à fragmenter et à isoler les pays producteurs de bois de l’Afrique centrale un par un, afin de mieux négocier les parts de marché, ce qui les a fragilisés[93]. Comment comprendre en effet qu’une Europe qui compte actuellement 28 États[94] signe individuellement des accords sur le même objet avec les pays de l’Afrique centrale, c’est-à-dire d’une même aire géographique et qui appartiennent aux mêmes organisations internationales ?

Logiquement, on se serait attendu à ce que les négociations des APV s’appuient par exemple sur le socle déjà existant de la COMIFAC[95]. De la sorte, pour plus d’équilibre, un seul APV aurait pu être conclu entre l’Union européenne et les pays de la COMIFAC, ou entre l’Union européenne et la CEMAC[96], la CEEAC[97], etc. C’est vrai que l’on objecterait, en ce qui concerne par exemple le cas de la CEMAC ou de la CEEAC, que tous les pays membres ne possèdent point une forêt et n’auraient aucun intérêt à passer un tel accord[98]. Mais ce serait un leurre du moment où, parce qu’il s’agit de pays limitrophes, le traçage des frontières n’a point tenu compte des limites exacte de la forêt. Forcément, sur le territoire de chacun de ces pays, il y a un pan peut-être négligeable de la forêt de l’Afrique centrale qui mérite malgré tout une protection. Ce n’est en effet qu’à ce prix que toute l’intégralité de la forêt de l’Afrique centrale serait protégée.

En définitive, on note que l’extension des limites territoriales des normes de la FLEGT aurait été facilitée si l’Union européenne avait, dès l’origine, entrepris de négocier les APV dans le cadre un peu plus large des organisations internationales sous-régionales. En effet, il aurait été plus efficace de lier même par un accord-cadre la CEMAC, la CEDEAO[99], etc., ce qui planterait le décor d’une négociation bilatérale ultérieure avec chacun des pays de l’organisation. À l’occasion de la conclusion de ces accords bilatéraux qui s’inséreraient dans l’accord-cadre, les parties auraient eu le loisir d’étendre les limites matérielles de la FLEGT.

2.1.2 L’extension pratique des limites matérielles actuelles d’application des normes de la FLEGT

De manière générale, les APV visent la production et la commercialisation du bois et de ses produits dérivés entre les pays signataires et l’Union européenne. À titre d’illustration, le ton est donné à l’alinéa 1 de l’article 2 de l’APV entre le Cameroun et l’Union européenne. Selon ce texte, cet APV a pour objet « de fournir un cadre juridique visant à assurer que toutes les importations au sein de l’Union à partir du Cameroun, des bois et produits dérivés couverts par le présent accord ont été légalement produits ou acquis[100] ». Cependant, dans la pratique, ce qui intéresse plus les parties est bien plus le bois que ses produits dérivés. En effet, la plupart des produits dérivés de la forêt font eux-mêmes l’objet de conventions internationales qui traitent de leur prélèvement, de leur transport et surtout de leur commercialisation. C’est par exemple le cas de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)[101]. Du coup, dans la pratique, les produits dérivés des forêts restent le parent pauvre des contrôles tant dans les pays de production que dans ceux de l’Union européenne à partir des normes de la FLEGT. Il serait donc souhaitable que, en plus des mots et des écrits, les produits dérivés soient effectivement contrôlés à partir des normes de la FLEGT, car les normes jusqu’ici ne concernent véritablement que le bois.

La mise en application des APV aurait donc été un cadre idéal pour la recherche des voies et moyen de renforcement des mécanismes de protection prévus par diverses conventions à portée universelle portant sur les produits forestiers dérivés. Cette thèse est d’autant plus soutenable que l’essentiel des espèces de la faune et de la flore menacées d’extinction prélevées dans les forêts de l’Afrique centrale est exporté vers certains pays de l’Union européenne, parfois sans aucune certification[102], ce qui a justifié une sortie du ministre camerounais de la Justice à travers la Circulaire du 16 décembre 2013 relative aux trafics d’espèces protégées[103]. Il en est ainsi, par exemple, de la plupart des plantes à usage médicinale, de certaines espèces avicoles comme les perroquets, des animaux, tels que le rhinocéros ou l’éléphant, qui font l’objet de braconnage et dont les trophées sont vendus en dehors des frontières des pays de l’Afrique centrale. On est donc fondé à croire que la combinaison dans la pratique des mécanismes de certification prévus par les normes de la FLEGT et celle des diverses conventions sectorielles portant sur les produits forestiers dérivés renforcerait l’efficacité des normes actuelles de la FLEGT.

2.2 Par le renforcement de l’efficacité actuelle des normes de la FLEGT

Comme on l’a vu, la normalisation du bois porte quelques stigmates de son inefficacité. Ces stigmates, visiblement congénitaux, sont renforcés dans le contexte des pays de l’Afrique centrale par deux fléaux nocifs, à savoir la pauvreté, d’une part, que certains brandissent pour tenter de justifier la corruption, d’autre part. Alors, pour changer cette situation, le renforcement de l’efficacité des normes actuelles de la FLEGT en cours d’implémentation dans les pays de l’Afrique centrale signataires des APV passe forcément par la lutte contre la corruption devenue endémique dans la plupart des pays producteurs de bois de l’Afrique centrale (2.2.1), ainsi que la pauvreté devenue pernicieuse (2.2.2).

2.2.1 La lutte contre l’endémie de la corruption

Les normes de la FLEGT ne peuvent produire leurs pleins et entiers effets que si elles sont effectivement appliquées. Or, dans un contexte où la corruption est quasiment une règle dans la plupart des pays de l’Afrique centrale, tel que le révèlent différents rapports de l’ONG Tranparency International[104], on convient que la coercition n’est pas mise en avant et que les normes de la FLEGT peuvent vite se transformer en simples conseils et être écartées à loisir au profit des intérêts égoïstes des personnes qui avaient pourtant l’obligation de les appliquer ou de contrôler leur application.

Sur le terrain, par exemple au Cameroun, il est relativement facile de couper et de transporter le bois illégalement dans n’importe quel point du pays. Il suffit pour cela d’avoir de quoi désintéresser les « hommes en tenue[105] » de divers corps en faction dans différents points de contrôle, ces points n’étant finalement ceux de contrôle que de nom. La pratique est si courante qu’elle est presque devenue une règle. Bois légal ou illégal, l’exploitant ou le transporteur paie partout où il est interpellé, et les fruits de cette forfaiture sont parfois redistribués jusque dans les plus hautes sphères de l’administration forestière et celle des forces de l’ordre. Du coup, plusieurs exploitants et transporteurs trouvent très peu d’intérêt à se conformer à la réglementation en vigueur. Dans un document de 24 pages adressé au ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun, le Syndicat national des exploitants du bois a dénoncé avec détail les méthodes de corruption des fonctionnaires et autres « hommes en tenue ». Les prébendes vont de 50 000 à 350 000 francs CFA par camion chargé de grumes, en fonction de la nature du poste de contrôle[106]. Cette pratique de corruption fait perdre à l’économie camerounaise environ 33 milliards de francs CFA par an. Telle est la conclusion d’une étude menée par l’ONG Forêts et développement rural (FODER) en partenariat avec le projet Strengthening African Forest Governance (SAFG) et l’Initiative pour la transparence (ITIE), rendue publique le 6 décembre 2013 à Yaoundé[107]. Sans que cela puisse véritablement convaincre, la pauvreté est parfois avancée pour tenter de justifier une telle déliquescence morale et d’importantes sommes d’argent sont parfois détournées sous le fallacieux prétexte de la lutte contre la pauvreté que l’on dit être pernicieuse.

2.2.2 La lutte contre la pauvreté pernicieuse

En dépit des discours politiques qui prévoient l’émergence de la plupart des pays de l’Afrique centrale à court terme[108], la réalité sur le terrain est tout autre, la population des pays de l’Afrique centrale étant comptée parmi les plus pauvres de la planète. Cette pauvreté[109] est tant matérielle que morale.

D’une part, s’agissant de la pauvreté morale, les normes de la FLEGT sont techniques au niveau de leur implémentation, de leur contrôle et même de leur appellation. Leur mise en oeuvre nécessite l’utilisation des ressources numériques que ne maîtrisent pas toujours tous les acteurs intervenant dans la chaîne, du niveau local d’exploitation au port d’exportation. Il faudra donc gagner la bataille du numérique à tous les niveaux. C’est sans doute ce qui justifie l’organisation des sessions de formation de tout le personnel pouvant intervenir dans la chaîne.

D’autre part, s’agissant de la pauvreté matérielle, toutes les réglementations nationales applicables à l’exploitation des forêts dans les pays producteurs de l’Afrique centrale imposent aux exploitants un cahier des charges dont l’essentiel des dispositions consiste en la construction ou l’entretien des routes, la construction des écoles, des points d’eau potable, des centres de santé, etc., au profit des populations riveraines, afin de leur permettre de faire face à la pauvreté et d’améliorer leur niveau de vie[110]. Dans la pratique, ces infrastructures ne sont pas toujours réalisées. Dans ces conditions, on devrait considérer comme illégal tout bois exploité en violation des dispositions du cahier des charges de l’exploitant et, par conséquent, la certification FLEGT devrait logiquement être refusée à ce bois. Pourtant, aucune certification ne peut être refusée en l’état actuel du fait de la non-exécution des infrastructures contenues dans le cahier des charges des entreprises forestières. Il n’est donc pas rare que les populations autochtones riveraines des exploitations forestières manifestent de temps en temps leur colère du fait de leurs conditions de vie misérables. Ces manifestations finissent toujours par un saupoudrage qui laisse se pérenniser la misère, aucune solution durable n’étant trouvée, malgré que l’évaluation des conditions de vie des populations autochtones soit prescrite par différents accords, lesquels ne prennent pas la peine de préciser la périodicité de ces évaluations[111].

Conclusion

Depuis le début de l’application des APV dans certains pays de l’Afrique centrale et particulièrement au Cameroun, combien d’hectares de forêts ont déjà été sauvés ? Difficile de le savoir, en l’absence de statistiques officielles fiables. En revanche, au cours de la même période, combien de milliers de mètres cubes de bois ont été illégalement exploités et vendus tant sur le territoire de l’Union européenne qu’en dehors de celui-ci ? Là aussi, difficile de donner une réponse incontestable en l’absence de toute source officielle. Toutefois, il est certain que, au cours de cette période et en violation des APV, une quantité importante de bois a été illégalement exploitée, si l’on s’en tient aux diverses sanctions prononcées chaque année dans ces États signataires[112] pour réprimer les cas détectés et n’ayant fait l’objet d’aucun arrangement légal ou illicite[113].

C’est dire que les normes de la FLEGT n’ont pas encore un impact substantiel sur la protection des forêts de l’Afrique centrale en général et sur celles du Cameroun en particulier, l’exploitation illégale du bois ayant encore visiblement de beaux jours devant elle[114]. La pertinence de ce constat se fonde non seulement sur la jeunesse de l’introduction des normes de la FLEGT dans la pratique des États de l’Afrique centrale producteurs de bois, mais aussi et surtout sur l’étroitesse de leur champ matériel et territorial d’application par rapport au marché mondial du bois. Cette situation est aggravée par le caractère essentiellement bilatéral des APV, auquel il faut ajouter la présence pernicieuse de la pauvreté ambiante dans les pays producteurs que certains brandissent maladroitement pour justifier la corruption endémique dans ces États. Alors, en attendant que les normes de la FLEGT soient véritablement éprouvées par la pratique pour devenir l’antidote de l’exploitation illégale du bois dans les pays producteurs de l’Afrique centrale, des efforts correctifs se doivent d’être apportés afin qu’à terme les objectifs nobles de durabilité des forêts qui leur sont assignés soient atteints.