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Introduction

Parmi les acteurs du droit de l’environnement auxquels il convient de faire une place à part figurent les citoyens et leurs associations. D’une façon générale, l’importance des droits subjectifs et procéduraux de participation qui leur ont été accordés dans le secteur de l’environnement fait en sorte qu’ils sont considérés comme des rouages indispensables à la transparence, à la transmission de l’information et à la réalisation des processus démocratiques de gestion et de décision de l’environnement.

Bien que les droits à l’environnement et de participation du public sont fréquemment proclamés et font l’objet d’un très large consensus, leur mise en oeuvre demeure bien souvent ardue. C’est le cas du troisième volet du principe de participation du public qui commande d’assurer au public « [u]n accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours »[1]. Cet accès est important, car il permet au public de s’assurer que leurs intérêts légitimes en matière d’environnement sont protégés et la loi respectée, notamment lorsque l’État ne suffit pas à la tâche, omet d’agir ou prend des décisions en contravention avec la loi.

La question de l’accès à la justice des citoyens et des groupes environnementaux pour assurer le respect de la législation environnementale n’a cessé d’être soulevée depuis la publication, en 1972, du célèbre article de Christopher Stone, où l’auteur soutenait la thèse que l’environnement ne peut se défendre lui-même[2]. S’inspirant des avancés du droit américain, c’est en 1978 que la législature du Québec modifiait la Loi sur la qualité de l’environnement (L.q.e.)[3], dans le but de libéraliser l’accès à la justice en matière d’environnement. Près de quarante ans après l’adoption de ces mesures, les observateurs peuvent s’étonner de constater que les particuliers et leurs associations se butent encore à des incertitudes et des obstacles importants en matière d’accès à la justice pour protéger l’environnement (partie I). En effet, des difficultés attendent ceux qui souhaitent entreprendre un recours judiciaire en protection de l’environnement. Le premier est d’ordre juridique. Il s’agit de la recevabilité du recours en justice fondé sur leur intérêt à agir pour protéger l’environnement (partie II). Le second est d’ordre matériel et de nature financière (partie III). Il s’agit du coût inhérent des procédures, de l’obligation de fournir un cautionnement dans certaines circonstances et de la possibilité d’être condamné aux dépens de la partie adverse.

Par ailleurs, force est de constater que l’examen répété, par les tribunaux, de la notion d’intérêt public en matière de litiges environnementaux aura permis d’assouplir et de nuancer l’application de son principe ainsi que d’élargir sa portée, comme nous aurons l’occasion de le montrer. Invités à participer à titre de procureur dans plusieurs affaires et d’observatrice de longue date des enjeux environnementaux à l’occasion du numéro spécial de la Revue de droit de McGill sur le sujet de l’interaction entre l’environnement et le droit, intitulé « Environnement, peuples, pouvoir et droit : déconstruire et reconstruire les perspectives », il nous est apparu pertinent de faire un retour sur l’expérience acquise eu égard à l’accès à la justice en matière d’environnement, afin de réfléchir au chemin parcouru par les particuliers et les associations et les défis qui restent à relever.

L’accès à la justice en matière d’environnement demeure un sujet d’actualité, comme en témoignent les Objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies, dont la cible 16.3 vise à « [p]romouvoir l’état de droit dans l’ordre interne et international et garantir à tous un égal accès à la justice »[4]. De plus, l’accès à la justice en matière d’environnement a fait l’objet d’importants développements sur la scène internationale à l’occasion de l’adoption, en 1998, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement qui confère au public un large accès à la justice « sans que leur coût soit prohibitif »[5]. Bien que le Canada ne soit pas partie à cette convention, il est peu probable que les règles d’accès à la justice environnementale ayant cours au Québec y soient conformes. À cet égard, le Royaume-Uni, qui partage des ressemblances avec notre système, ne répond pas aux exigences de coût non prohibitif : son système de condamnation aux dépens y contrevient. En effet, le principe de coût non prohibitif « implique que les personnes qui y sont visées ne soient pas empêchées de former ou de poursuivre un recours juridictionnel [...] à cause de la charge financière qui pourrait en résulter »[6].

Des auteurs ont déjà écrit sur l’accès à la justice et le recours statutaire introduit dans la L.q.e. en 1977[7]. Sans prétendre réexaminer à notre tour l’ensemble du sujet, nous proposons une réflexion centrée sur les principaux obstacles que rencontrent les particuliers et les associations. Nous verrons ainsi que le fait d’avoir consacré, dans la L.q.e., le droit de chacun à la qualité de son environnement a permis de libéraliser plus largement l’accès à la justice en matière d’environnement, en rendant accessible une variété de recours judiciaires plus grande qu’il n’y paraît à première vue. Il s’agit du résultat de la relation discursive entre la capacité des particuliers et des associations à mettre en oeuvre le droit de l’environnement et l’évolution du droit de l’environnement à travers la jurisprudence.

Seront examinés les principaux obstacles qui attendent, au Québec, les citoyens et les groupes environnementaux, à savoir la recevabilité de leurs recours de nature civile, en raison des exigences encadrant l’intérêt à agir en justice, et les inconvénients que représentent les coûts associés aux recours judiciaires et l’absence d’accès à un recours de nature administrative. Ne seront pas envisagées les questions relatives à leur intérêt pour entreprendre un recours de nature pénale, ni à l’intérêt requis des municipalités et du procureur général en matière civile.

I. L’intérêt à agir en matière d’environnement

En 1972, au moment d’adopter la L.q.e., le législateur n’avait prévu aucune procédure d’information ou de participation du public associée à ces processus d’autorisation. Le public était alors relégué à un rôle de spectateur passif[8]. En 1977, le professeur Lorne Giroux déplorait que l’interprétation de l’exigence d’un intérêt pour agir en environnement n’ait pas évolué suffisamment pour assurer le respect des législations environnementales[9].

En effet, dans les premiers litiges environnementaux entrepris dans les années 1970 par des citoyens ou des groupes de citoyens, la question de l’intérêt à agir en justice pour protéger l’environnement s’est posée considérant, notamment, que la nature des recours et celle de leur objet dépassaient l’intérêt particulier des citoyens concernés. Ce fut le cas lorsque des citoyens ont voulu prendre part à l’application des dispositions de la législation environnementale en lieu et place de l’État, et ce, sans avoir subi de préjudice particulier découlant d’une atteinte à leur environnement immédiat[10].

D’importantes modifications ont été apportées à la L.q.e., en 1978, afin d’introduire des éléments de démocratie participative[11]. Pour atteindre ces objectifs, le législateur a adopté différentes mesures, dont la reconnaissance du droit à la qualité de l’environnement, un recours à l’injonction pour lequel l’intérêt pour agir est élargi, un accès à l’information environnementale, la création du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement chargé de tenir des audiences publiques pour entendre les citoyens sur certains sujets et projets, et une procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement de certains projets de développement.

Plus particulièrement, les articles 19.1 à 19.7 ont introduit dans la L.q.e. un recours en injonction élargissant spécifiquement l’intérêt à agir de « toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l’égard duquel une contravention à la présente loi ou aux règlements est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu »[12]. En adoptant les articles 19.1 à 19.7 de la L.q.e., l’intention du législateur était d’impliquer directement la population dans la protection de l’environnement. Le 6 décembre 1978, au moment de proposer la deuxième lecture du Projet de loi 69 modifiant la Loi de la qualité de l’environnement, Marcel Léger, le ministre délégué à l’Environnement, déclarait que :

[L]a bataille de l’environnement ne pourra pas se gagner sans la complicité des 6 millions de Québécois. C’est la raison pour laquelle avec la loi no 69, nous avons tenté d’impliquer le citoyen de façon à lui donner les pouvoirs et les droits nécessaires, de façon aussi à obtenir, que chacun des Québécois soit de plus en plus conscientisé à la valeur qu’est son milieu de vie. La Loi 69 [...] va donc donner à tous les citoyens du Québec des droits en même temps que les moyens pour les faire respecter[13].

L’élargissement de l’intérêt pour agir en justice de l’article 19.3 L.q.e. a pour objectif d’assurer la mise en oeuvre du droit énoncé à l’article 19.1, qui reconnait à toute personne le « droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations ». Il ne s’agit pas d’un droit personnel autonome à la qualité de l’environnement qui nécessiterait la preuve d’une atteinte réelle à l’environnement, mais d’un droit relatif, en ce sens qu’il accorde à toute personne le droit au respect de la L.q.e. Cette limite vient baliser la preuve devant être présentée pour démontrer une atteinte au droit à la qualité environnementale, et de façon corollaire, elle vient renforcer la primauté de la L.q.e. Par voie de conséquence, l’article 19.7 L.q.e. précise également que le recours en injonction statutaire de l’article 19.2 L.q.e. est relatif, car il ne peut trouver application dans le cas où l’activité a été autorisée en vertu de la présente loi et est exercée en conformité d’une telle autorisation.

La doctrine a bien résumé les conditions avantageuses de ce recours, que ce soit en termes d’intérêt pour agir, de cautionnement ou de balance des inconvénients en présence d’une loi d’ordre public[14]. Pour les bénéficiaires du droit à l’environnement, les avantages indéniables de ce recours particuliers en injonction de la L.q.e. ne doivent pas occulter les principes de base du Code de procédure civile relatifs à l’intérêt d’ester en justice. Comme nous le verrons, ces principes généraux ont également évolué dans le sens d’une plus grande accessibilité à la justice en environnement, notamment lorsque la nature du recours correspond à un contrôle judiciaire ou un jugement déclaratoire ou que le demandeur est une personne morale.

II. Une interprétation élargie de l’intérêt pour agir en environnement

Pour apprécier les nuances apportées par les tribunaux dans la reconnaissance de l’intérêt pour agir en environnement, il convient de revenir aux principes de base, notamment à la lumière des nouvelles dispositions du Code de procédure civile entrées en vigueur le 1er janvier 2016[15]. L’article 85 C.p.c., qui a remplacé l’article 55 de l’ancien Code de procédure civile[16], se lit comme suit :

La personne qui forme une demande en justice doit y avoir un intérêt suffisant.

L’intérêt du demandeur qui entend soulever une question d’intérêt public s’apprécie en tenant compte de son intérêt véritable, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question.

Selon le professeur Denis Lemieux, le libellé du nouvel article 85 C.p.c. ne crée pas de nouveaux droits, mais consacre l’application des principes de l’intérêt pour agir sur des questions d’intérêt public établis par la common law :

Pour pouvoir saisir le tribunal, il faut normalement que le justiciable soit affecté directement ou spécialement par l’acte attaqué. Rappelons que l’on ne peut plaider sous le nom d’autrui. Ce principe est établi au Québec par l’article 85 NCPC. Cette disposition modifie l’ancien article 55 C.p.c. en codifiant la jurisprudence sur la notion d’intérêt public. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge pourra tenir compte de l’intérêt véritable du demandeur, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question. Toutefois, ce dernier facteur a été assoupli par la jurisprudence récente, mais on peut néanmoins soutenir que les mots « en tenant compte », à l’article 85 NCPC, sont suffisamment souples pour suivre cette nouvelle tendance jurisprudentielle.[17]

La recevabilité des actions en justice entreprises dans le but de protéger l’environnement et la biodiversité soulève inévitablement la question de l’intérêt à agir des parties civiles demanderesses. En pratique, les litiges environnementaux visent directement un intérêt collectif, lorsque l’enjeu du recours est d’assurer le respect de la loi environnementale, et indirectement lorsque les recours se fondent sur un intérêt particulier, mais dont les effets bénéfiques profitent à la collectivité. Aussi, suivant la nature et l’objet de son recours, le demandeur peut agir en justice pour protéger l’environnement parce qu’il a un « intérêt suffisant », au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c., ou parce qu’il défend l’« intérêt public » de l’article 85, alinéa 2 C.p.c., ou encore parce qu’il combine les deux.

A. L’intérêt « suffisant » pour agir en environnement

Bien que dans de nombreux cas, les recours en environnement se fondent sur un intérêt de droit public, l’environnement bénéficiant globalement de toute initiative visant à en assurer la protection, ceux-ci impliquent souvent une atteinte particularisée au milieu de vie d’une personne et à ses droits protégés par le Code civil ou la loi. Le demandeur a alors un intérêt personnel à protéger, et il est en mesure de fonder son recours sur un « intérêt suffisant » au sens du premier alinéa de l’article 85 C.p.c. À ce sujet, la Cour d’appel rappelait en 1994, dans l’affaire Nadon c. Anjou (Ville d’), que le droit particulier d’intervention accordé par la L.q.e. en vue de protéger l’environnement était venu élargir un intérêt pour agir qui « existait déjà en vertu des principes généraux du droit québécois »[18]. Il en va ainsi dans les cas où le demandeur peut prétendre qu’il a subi une atteinte à un droit qui lui est propre. On retrouve l’expression de ces atteintes dans les régimes de droit civil, selon que le demandeur invoque un dommage à sa personne ou à ses biens en raison d’une faute civile, laquelle peut découler du non-respect de la législation environnementale[19]. Il en va également ainsi pour celui qui subit des troubles anormaux de voisinage au sens de l’article 976 C.c.Q.[20] et de l’usager d’un cours d’eau qui peut exiger la modification de tout ouvrage qui pollue ou épuise l’eau au sens de l’article 982 C.c.Q.

Ces atteintes peuvent donner ouverture à un recours en dommages, en injonction, ou les deux, et ce, même en l’absence de faute de son auteur. Dans cette dernière perspective, les recours fondés sur le droit civil offrent aux citoyens des possibilités de recours à l’égard de la protection de l’environnement plus larges que les recours déposés en vertu de la L.q.e., lesquels doivent impérativement se fonder sur une contravention à la L.q.e. Toutefois, en pratique, un demandeur peut fonder son recours en injonction tant sur la L.q.e. que sur le droit commun[21]. En somme, selon le régime de droit substantif invoqué, celui qui se revendique d’un « intérêt suffisant » au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c., sera la victime d’un dommage fautif (1457 C.c.Q.), le voisin d’une nuisance anormale (976 C.c.Q.) ou l’usager d’un cours d’eau atteint dans son droit (982 C.c.Q.).

De plus, en marge du recours particulier en injonction énoncé à l’article 19.3 L.q.e., nous estimons que le fait de reconnaître spécifiquement à toute personne un droit à la qualité de l’environnement implique qu’elle a un « intérêt suffisant » à le protéger. On retrouve l’expression de ce droit non seulement à l’article 19.1 L.q.e., mais également à l’article 46.1 de la Charte des droits et libertés de la personne qui, depuis 2006, stipule que « [t]oute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité »[22]. Pour donner une valeur à ces déclarations de droit, il devrait aller de soi de reconnaître à leurs bénéficiaires un intérêt suffisant pour en assurer le respect au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c.

Sur la juridicité de ces droits à l’environnement, Sophie Thériault et Charles Tremblay-Potvin écrivent :

Le droit à la qualité de l’environnement, en plus de paver la voie vers le recours en injonction établi par l’article 19.2 L.q.e., est susceptible d’être mobilisé par les tribunaux afin de justifier une interprétation large et libérale des règles de droit applicables à un litige, et ce, en vue d’assurer la réalisation des valeurs sous-jacentes à la protection de l’environnement exprimées par cette disposition. Ce rôle interprétatif est encore renforcé depuis 2006 par la consécration du droit à « un environnement sain et respectueux de la biodiversité » à l’article 46.1 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec [notes omises].[23]

À notre avis, cette interprétation large et libérale des règles de droit devrait commencer par une interprétation, tout aussi généreuse, de l’intérêt à agir de ceux et celles qui revendiquent leur droit à la qualité de l’environnement. Pour leur part, les auteurs Michel Gagné et Mira Gauvin prétendent qu’une personne intentant un recours en dommages-intérêts ou en injonction fondé sur l’article 46.1 de la Charte québécoise se devrait de justifier un intérêt juridique suffisant suivant la norme applicable en droit privé. Ainsi, selon ces auteurs, une personne dont le recours est fondé sur le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité devra démontrer qu’elle a été personnellement et directement atteinte par la violation de ce droit. À tout le moins, selon eux, le bénéficiaire de ce droit pourrait invoquer les principes élargis en matière d’intérêt à agir pour demander une injonction en vertu de la L.q.e.[24].

Pareille lecture nous semble trop limitative et impliquerait que l’article 46.1 serait pratiquement sans effet, puisque conditionné dans son exercice par la preuve d’une atteinte particulière au droit d’un bénéficiaire, atteinte qui aurait donc déjà donné ouverture à un recours de droit commun ou à l’injonction de la L.q.e. Vu ainsi, le nouveau droit introduit dans la Charte n’aurait essentiellement rien ajouté à ce que le droit commun prévoyait déjà.

Chose certaine, si les bénéficiaires des droits à l’environnement ne se voient pas reconnaître un intérêt suffisant selon l’article 85, alinéa 1 C.p.c., les dispositions des articles 46.1 de la Charte et 19.1 L.q.e. devraient, à tout le moins, leur permettre de fonder un recours sur la base de l’intérêt de droit public aux termes du second alinéa de l’article 85 C.p.c., comme nous le soulignerons plus loin.

Enfin, si la seule revendication du droit à la qualité de l’environnement de l’article 19.1 L.q.e. ne suffit pas à reconnaître à leur bénéficiaire un intérêt suffisant pour le protéger, au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c., l’atteinte à certains des droits substantifs et procéduraux accordés par cette loi, notamment en matière d’accès à l’information et de participation du public, devrait y pourvoir.

Les règles de participation du public étant particulièrement significatives dans la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement de la L.q.e., il n’est pas étonnant que la question de leur non-respect ait fait l’objet de quelques litiges[25]. Il est intéressant de se questionner sur la nature de l’intérêt à agir en justice pour se plaindre d’une telle illégalité. Bien qu’à ce jour les tribunaux n’aient pas abordé cette question, nous soumettons qu’en pareille instance, toute personne ou tout groupe auquel s’adresse cette procédure devrait se voir reconnaître l’intérêt suffisant pour ester en justice dans de tels litiges, au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c.

À ce sujet, rappelons que la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement de la L.q.e. et son cadre règlementaire accordent au public des droits spécifiques de participation à la procédure conduisant à la décision du gouvernement d’autoriser ou non un projet soumis à celle-ci. Par exemple, la loi prévoit que toute personne, groupe ou municipalité peut présenter une demande d’audience publique au ministre à l’égard de tout projet assujetti à cette procédure. Cette demande ne peut être refusée à moins d’être jugée « frivole » selon les termes de l’article 31.3 L.q.e. Comme le fait remarquer l’auteure Christine Duchaine, l’intérêt requis pour demander une audience publique est plus large que celui accordé par la loi pour déposer une demande d’injonction judiciaire en vertu de l’article 19.3 L.q.e. :

Les termes du premier alinéa de l’article 31.3 n’impliquant aucune restriction, force est de constater qu’un demandeur, qu’il soit une personne, un groupe ou une municipalité, n’a pas à démontrer un intérêt particulier pour formuler une demande d’audience.

L’intérêt requis selon 31.3 L.Q.E. pour demander une audience publique n’étant nullement restreint, il est nécessairement plus large que celui sous l’article 19.3 L.Q.E. en matière d’injonction. De sorte que le ministre, dans sa décision de refuser la tenue d’audiences publiques, ne saurait faire référence à un manque d’intérêt de la part du demandeur.[26]

Selon nous, le fait de priver des particuliers ou des organismes non gouvernementaux de l’application des règles procédurales prévues dans le processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement de la L.q.e. aurait pour conséquence de porter préjudice à des droits qui leur sont spécifiquement accordés par la loi. Ces citoyens et ces groupes possèderaient donc un intérêt suffisant à agir pour assurer le respect de la loi, et ce malgré le fait que par leur action en justice, un plus grand nombre de personnes pourrait en bénéficier directement ou indirectement.

B. L’intérêt pour agir en justice dans l’« intérêt public »

Lorsque la nature des enjeux soulevés dans un litige environnemental ne permet pas au demandeur de démontrer qu’il possède un intérêt suffisant au sens de l’article 85, alinéa 1 C.p.c., il peut alors faire reconnaître son intérêt à intervenir sur une question de droit public. Les principes encadrant l’intérêt pour agir des demandeurs sont alors énoncés au deuxième alinéa de l’article 85 C.p.c. Comme l’explique le professeur Denis Lemieux, cet alinéa codifie la jurisprudence sur la qualité pour agir dans l’intérêt public, laquelle a assoupli le cadre d’analyse du facteur de « l’absence d’un autre moyen efficace »[27]. Or, nous verrons que c’est en se référant à ce facteur que la jurisprudence a régulièrement reconnu l’intérêt élargi des citoyens pour agir en matière environnementale, en soulignant que seuls les citoyens pouvaient réalistement avoir l’intérêt de renverser ou de faire clarifier une décision de l’État en matière de protection de l’environnement.

En 1977, le professeur Giroux posait en ces termes la problématique de l’intérêt à poursuivre lorsqu’un citoyen ordinaire veut faire contrôler par les tribunaux judiciaires la légalité de l’action de l’autorité publique chargée de l’administration d’une loi de protection de l’environnement :

On se trouve alors devant un dilemme en apparence insoluble. Si le ministre accorde une autorisation illégale, qui d’autre que lui a l’intérêt requis pour en demander la nullité puisqu’un simple usager du parc n’a pas un intérêt spécial et distinct de celui des autres citoyens?[28]

En effet, les autres personnes ayant un intérêt personnel, né et actuel, c’est-à-dire les demandeurs et les titulaires des autorisations environnementales, ne contesteront pas la législation ni la décision, parce qu’elles sont à leur avantage[29].

Avec le temps, les tribunaux ont toutefois tempéré la définition de l’intérêt suffisant en droit public, afin d’éviter que pour de simples motifs procéduraux des questions juridiques importantes demeurent hors de portée de l’appareil judiciaire[30]. Il est maintenant plus facile pour une personne physique et morale de se voir reconnaître l’intérêt à agir pour demander, par la voie d’un contrôle judiciaire ou d’un jugement déclaratoire, de statuer sur la légalité d’une décision de l’État.

En effet, rappelons que dans la décision Gestion Serge Lafrenière inc c. Calvé (Calvé), rendue en 1999, la Cour d’appel a conclu qu’une personne physique « victime du dommage à son environnement par l’action d’un tiers a l’intérêt suffisant pour demander la nullité du permis autorisant cette activité »[31]. En matière de contrôle judiciaire des décisions de l’État, la jurisprudence est allée plus loin en reconnaissant un intérêt élargi aux groupes environnementaux afin de leur permettre de faire contrôler la légalité de l’action gouvernementale, et ce, sans égard à la présence ou l’absence, parmi les demandeurs, d’une personne physique fréquentant les lieux de la contravention présumée à la L.q.e., ou au fait que le recours soit de la nature d’une injonction.

Par exemple, en 2005, dans l’affaire Comité des citoyens de la Presqu’île-Lanaudière c. Québec (PG)[32], le Procureur général du Québec et le ministre de l’Environnement ont demandé au tribunal de déclarer irrecevable le recours en nullité, mandamus et en injonction intenté par le Comité de citoyens qui contestait l’autorisation délivrée pour l’agrandissement d’un lieu d’enfouissement sanitaire. Les requérants soulevaient que le Comité de citoyens ne possédait pas un intérêt suffisant, au sens de l’article 55 de l’ancien Code de procédure civile, ni l’intérêt requis pour agir dans l’intérêt public, soulignant qu’il n’était ni propriétaire, ni locataire de propriétés situées à proximité du site d’enfouissement sanitaire litigieux. De plus, il ne pouvait pas être affecté par quelque risque de santé allégué, n’étant pas une personne physique, ou retirer un intérêt personnel de la demande. Les requérants soutenaient également l’absence d’intérêt pour agir du Comité, puisque des citoyens directement affectés, s’étant portés codemandeurs dans les procédures, contestaient déjà la validité de l’autorisation[33].

Selon la Cour supérieure, la requête en irrecevabilité dirigée contre le Comité de citoyens est vouée à l’échec. Sous la plume de la juge Nicole Duval Hesler, le tribunal conclut qu’il détenait l’intérêt requis pour agir en demande dans un recours en nullité d’une autorisation administrative et en injonction, en soulignant qu’il en irait autrement d’un recours en dommages, et cela, parce que le « Comité existe en vertu d’une charte provinciale et a pour but “précisément de s’intéresser aux questions comme celles qui se posent ici” » [note omise][34]. Pour la Cour, le Comité possédait l’intérêt suffisant sous l’article 55 de l’ancien Code de procédure civile, estimant qu’il ne faisait aucun doute qu’« un regroupement de citoyens peut détenir un intérêt légitime et sérieux de soulever une question d’intérêt public. C’est le cas en l’espèce. On ne saurait reprocher au Comité de vouloir plaider pour autrui, la question étant d’intérêt public » [note omise][35].

En 2014, dans Centre québécois du droit de l’environnement c. Oléoduc Énergie Est ltée[36] (Oléoduc Énergie Est), l’intérêt à agir en justice a été reconnu à des groupes environnementaux dans le contexte d’une contestation des autorisations délivrées par le ministre de l’Environnement pour la réalisation de forages projetés dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Cacouna. Le titulaire de l’autorisation contestée a soulevé le défaut d’intérêt à agir en justice des demandeurs au motif qu’ils « ne démontreraient aucun intérêt particulier, différent de celui de l’ensemble de la population »[37]. La Cour a rejeté les arguments, faisant écho en ces termes au principe de l’absence d’un autre moyen efficace :

Adopter le raisonnement de TransCanada reviendrait à constater que personne ne pourrait saisir un tribunal de la légalité des certificats d’autorisations émis. En effet, l’on imagine mal que TransCanada intenterait un tel recours alors qu’elle a obtenu les autorisations demandées. Et l’on imagine mal que les ministres concernés intenteraient un tel recours alors que ce sont eux qui ont émis les permis.

Les Requérants sont soit résidents du secteur où se feront les travaux, soit des organismes voués à la préservation de l’environnement, dont plusieurs directement impliqués dans la préservation du Saint-Laurent. Ils ont l’intérêt nécessaire pour demander la révision judiciaire des décisions ministérielles et pour tenter d’obtenir une injonction empêchant les travaux en attendant cette révision.[38]

Cette décision va dans le même sens que celle rendue, en 2008, par le juge Mongeon, dans l’affaire Conseil régional de l’environnement de Montréal c. Québec (Procureur général) (CREM), ce dernier concluant ainsi :

Avec égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis que lorsqu’il s’agit de poursuivre le Procureur général lui-même ainsi que d’autres ministres du gouvernement, on ne peut s’attendre à ce que le Procureur général n’autorise qui que ce soit à le poursuivre et, encore moins, qu’il se poursuive lui-même![39]

En résumé, lorsque l’objet d’un litige porte sur le contrôle de la légalité d’une décision du ministre de l’Environnement d’autoriser une atteinte à la protection de l’environnement et, par voie de conséquence, de limiter d’autant le droit à la qualité de l’environnement conféré par la L.q.e. et la Charte québécoise, l’intérêt pour agir est généralement reconnu à toutes personnes ou groupes concernés et bénéficiaires de ce droit sur la base de leur intérêt personnel ou sur celui de droit public. Cette conclusion entraîne une autre conséquence en matière d’intérêt pour agir lorsque le tribunal accueille le recours de ces derniers et annule la décision. En effet, si les demandeurs ajoutent, à leur action principale en nullité, une conclusion en injonction afin d’ordonner la cessation de cette atteinte illégale à leurs droits, l’intérêt pour agir des demandeurs pour requérir cette injonction ne saurait être remise en question et ce, qu’ils aient fréquenté ou non le lieu de l’infraction au sens de l’article 19.3 L.q.e.

Nous verrons que la volonté d’élargir le droit d’ester en justice en environnement a conduit les tribunaux à reconnaître que des organismes voués à la protection de l’environnement ont l’intérêt requis, non seulement en matière de contrôle judiciaire, mais également pour demander une injonction.

C. L’intérêt requis des groupes environnementaux en matière d’injonction

La question de l’intérêt à agir en justice des groupes environnementaux pour demander une injonction se pose parce qu’ils ne bénéficient pas du recours particulier en injonction de la L.q.e., lequel est réservé aux personnes physiques fréquentant le lieu à l’égard duquel une contravention à la L.q.e. est alléguée[40].

Les conditions d’exercice de l’injonction interlocutoire sont bien établies, à savoir l’existence d’une apparence de droit, d’une question sérieuse à trancher, d’un préjudice sérieux et irréparable et de la balance des inconvénients[41]. Cette dernière condition doit néanmoins être écartée en présence d’une atteinte claire à une disposition d’une loi d’ordre public de la nature de la L.q.e.[42]. En contrepartie, lorsque l’atteinte au droit apparaît moins claire, ce qui est le cas notamment lorsqu’une autorisation gouvernementale a été délivrée et que l’on recherche à en contrôler préalablement la légalité, la balance des inconvénients peut devenir un enjeu de taille[43]. À titre d’exemple, dans le dossier des forages à Cacouna que se proposaient de réaliser l’entreprise Énergie Est dans l’habitat essentiel du béluga et dont l’autorisation ministérielle faisait l’objet d’une demande préalable de nullité, la Cour supérieure a d’abord rejeté l’injonction provisoire, estimant l’apparence de droit suffisante[44], alors qu’elle se ravisait au stade de l’interlocutoire, suite à la présentation d’une preuve additionnelle[45].

Les conditions d’ouverture à l’émission d’une injonction interlocutoire demeurent difficiles à satisfaire pour une association de citoyens ou un groupe environnemental, étant donné qu’ils ne subissent généralement aucun préjudice ou inconvénient particulier, sauf peut-être certains de leurs membres. Cette particularité n’a pas manqué de soulever des contestations au niveau de l’intérêt pour agir de ces organismes.

Comme le recours à l’injonction statutaire de la L.q.e. n’est pas ouvert aux personnes morales, c’est en recourant à l’injonction du droit commun que les organismes non gouvernementaux se sont vus reconnaître l’intérêt pour agir. En effet, la doctrine, en s’appuyant notamment sur la discrétion accordée aux tribunaux dans le cadre des conditions générales de l’article 55 de l’ancien Code de procédure civile (devenu l’article 85 C.p.c.), a progressivement reconnu l’intérêt à agir des groupes environnementaux, en raison de leur mission particulière en matière de protection de l’environnement qui se confond avec l’intérêt, plus large, du public[46]. Elle a également précisé que le droit à la qualité de l’environnement, énoncé à l’article 19.1 L.q.e., est accordé à « toute personne », sans faire de distinction entre les personnes physiques et morales[47]. Enfin, le tribunal a également estimé avoir discrétion pour accorder l’intérêt à agir dans ces circonstances, sur la base des principes de la common law[48].

Ainsi, dans l’affaire CREM, la question de l’intérêt à agir des groupes environnementaux avait été soulevée alors que ces derniers reprochaient l’application inadéquate de la procédure d’évaluation environnementale à l’égard du projet de construction de l’autoroute 25. Constatant que les demandeurs n’avaient aucun intérêt particulier dans le projet lui-même et que leurs biens n’étaient pas affectés, le juge Mongeon s’est dit d’avis qu’ils ne pouvaient fonder leur recours que sur un préjudice général ou collectif[49]. Dans son analyse, la Cour a précisé que l’existence des « articles 19.1 et 19.3 L.Q.E. n’éliminent pas la possibilité qu’une personne morale puisse se prévaloir de ce droit »[50]. La Cour a reconnu que ces personnes morales, dont la mission cadre avec la portée intentionnelle des articles 19.1, 19.2 et 19.3 L.q.e., avaient le droit d’intenter une action en injonction pour forcer l’application ou le respect d’une loi publique[51]. Enfin, tout en soulignant l’absence d’un autre moyen efficace, la Cour a rejeté la prétention du défendeur voulant que le recours à l’injonction soit réservé, en règle générale, au Procureur général[52].

Dans Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) c. Compagnie américaine de fer et métaux inc (AIM), AIM demandait le rejet du recours en injonction interlocutoire provisoire en raison de l’absence d’intérêt des demandeurs. La juge Lacroix a rejeté la requête en soulignant que « [l]a notion d’intérêt a le dos bien large »[53]. Avant de conclure sur cette question, la juge Lacroix nota que l’AQLPA et le Comité de restauration de la rivière Etchemin étaient des organismes sans but lucratif se consacrant à la sensibilisation, la mobilisation et à l’action en matière de pollution de l’air et à la restauration de la qualité de l’eau et des berges de la rivière Etchemin[54]. Suivant ces constats, elle conclut que « ces deux groupes justifient un intérêt suffisant au sens de l’article 55 du Code de procédure civile »[55], parce qu’ils « ont un intérêt purement public. Leurs demandes visent à s’assurer du respect des lois, particulièrement celle[s] qui touche[nt] l’environnement »[56].

Dans Union québécoise pour la conservation de la nature c. Québec (PG), les groupes environnementaux demandaient une injonction interlocutoire visant à ordonner la cessation de la construction d’un oléoduc dans le parc national d’Oka[57]. Au moment de la présentation de la requête, le gouvernement du Québec et Pipeline Trans-nord Inc. « ont soulevé, de façon insistante, l’absence d’intérêt des demandeurs à présenter une [...] procédure en injonction »[58]. C’est en se fondant sur les arrêts Finlay c. Canada (Ministre des Finances)[59] et Conseil du patronat du Québec c. Québec (PG)[60] de la Cour suprême du Canada, que le Tribunal a alors reconnu aux demandeurs l’intérêt pour agir en justice dans l’intérêt public, et cela, parce qu’ils « font valoir un intérêt purement public et [qu’]ils visent à assurer le respect de la loi, la Loi sur les parcs, adoptée par le législateur québécois »[61].

En contrepartie, cet intérêt plus large reconnu aux groupes environnementaux et reposant sur leur mission particulière n’a pas été accordé à des associations industrielles dont la mission vise des intérêts différents. C’est la conclusion à laquelle le juge Denis Durocher est arrivé dans l’affaire Conseil des entreprises des services environnementaux (CESE) c. Melimax Inc[62]. Il a rejeté l’idée que des personnes morales dont la mission n’était pas la protection de l’environnement pouvaient invoquer un préjudice irréparable causé à la collectivité au soutien d’une demande d’injonction basée sur les articles 19.1, 19.2 et 19.3 L.q.e.[63].

III. Autres facteurs limitant l’accès à la justice en environnement

A. Limites de nature financière

Au-delà de la question de l’intérêt pour ester en justice, l’exercice de recours judiciaires pour défendre la qualité de l’environnement implique des coûts importants qui limitent d’autant l’accès à la justice. Les ressources financières des contrevenants dépassent bien souvent celles du demandeur, quand ce n’est pas l’État lui-même qui prend fait et cause pour les défendeurs. Ces recours sont généralement complexes, impliquent souvent la réalisation d’études par des experts et peuvent viser plus d’une partie défenderesse, à savoir, d’une part, l’entreprise ou l’individu responsable de la contravention alléguée, et d’autre part, l’autorité publique qui l’a autorisée.

Il est vrai que cette barrière économique à l’accès à la justice n’est pas propre aux litiges environnementaux et représente une limite à l’accès d’un grand nombre de contribuables. Toutefois, lorsque l’enjeu du recours va au-delà des intérêts individuels et que la protection de la faune, la flore, la biodiversité et des ressources naturelles dépendent de l’intervention d’un tiers pour en assurer la protection, notamment lorsque l’État n’exerce pas ce rôle, l’accès à la justice commande des adaptations pour éviter que des questions importantes ne puissent faire l’objet d’un arbitrage judiciaire.

Outre les aspects financiers liés à la représentation devant les tribunaux et à l’expertise, ajoutons deux autres contraintes de nature économique qui limitent également l’accès aux tribunaux en matière de protection de l’environnement et sur lesquels le législateur et les tribunaux sont intervenus. Ces limites sont de deux ordres, à savoir le cautionnement qui doit être déposé au moment de requérir une injonction interlocutoire et la condamnation éventuelle du demandeur aux dépens de la partie adverse.

En ce qui a trait au cautionnement, il y a lieu de se réjouir de l’introduction en 1978 de l’article 19.4 de la L.q.e. qui est venu limiter le montant du cautionnement à 500$, au soutien du recours en injonction interlocutoire de la L.q.e. Dans l’affaire Gagné c. Bouliane[64], la Cour d’appel, sous la plume du juge Baudouin, a rappelé en ces termes les motifs ayant conduit le législateur à plafonner ainsi le cautionnement, avant de réduire à 500$ le cautionnement que le juge de première instance avait fixé à 2 500$ :

Le but évident de cette disposition exceptionnelle comme bien d’autres dans cette loi est de conférer une certaine efficacité au droit de recours du public en général, en évitant que le simple citoyen n’ait à débourser des sommes importantes lorsqu’il défend son droit à un environnement sain [note omise].[65]

Dans l’affaire Calvé, alors que le recours était fondé tant sur une contravention à la L.q.e. que sur le droit commun, la Cour supérieure a conclu que la somme de 500$ est le montant maximal et qu’une somme inférieure, voire une dispense, pouvait se justifier :

Tenant compte de la preuve imposante dans ‭les présentes justifiant le droit prima facie à l’injonction ainsi que du fait que le demandeur défend seul ses intérêts ‭et l’intérêt public, la ‬Cour estime que le demandeur devrait être dispensé de fournir caution.[66]‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

À ce sujet, dans l’affaire Oléoduc Énergie Est, la Cour supérieure a annulé, en 2014, les autorisations délivrées par le ministre de l’Environnement pour le projet de port pétrolier à Cacouna et accordé l’injonction interlocutoire demandée, et cela « sans frais, vu la nature du litige »[67].

L’expérience a démontré l’utilité de l’article 19.4 L.q.e. En effet, les litiges impliquant le respect d’autres législations environnementales ne bénéficient pas d’une disposition similaire. Par exemple, en 2005, dans l’affaire Union québécoise pour la conservation de la nature c. Québec (PG), l’organisme avait eu gain de cause dans le cadre de sa demande d’injonction interlocutoire soulevant l’application de la Loi sur les Parcs[68]. Cependant, l’organisme s’est vu imposer un cautionnement de 50 000$ impossible à déposer. À ce sujet, la juge Courteau écrivit :

D’une part, la règle veut qu’un cautionnement soit ordonné. Ce n’est que dans de[s] circonstances exceptionnelles que les tribunaux acceptent qu’un cautionnement ne soit pas fourni ou qu’il y ait dispense de cautionnement.[69]

Le Tribunal croit qu’il s’agit d’un recours sérieux, mais n’est pas prêt à accorder une dispense de cautionnement. Les principes et les règles de l’injonction interlocutoire doivent être respectés à moins qu’il n’y ait preuve ou présentation d’arguments qui militent en sens contraire.[70]

Ainsi, pour assurer le sérieux de la procédure et se conformer à l’article 755 du Code de procédure civile, un cautionnement de 50 000$ sera ordonné et les demandeurs devront fournir un tel cautionnement, tel que prévu par la Loi.[71]

On constate que les demandeurs ont dû renoncer aux bénéfices de l’injonction interlocutoire, faute de ressources financières suffisantes. Par la suite, l’injonction permanente leur a été refusée[72]. Dans les circonstances de cette affaire, soulignons qu’il était plus risqué de voir leur demande d’injonction permanente rejetée, dès lors que les travaux étaient terminés, car les tribunaux sont pour le moins réticents à ordonner la démolition des ouvrages alors complétés.

Ultérieurement, dans des affaires impliquant d’autres législations environnementales ou les dispositions du Code civil du Québec relatives aux nuisances, les tribunaux se sont montrés plus préoccupés de ne pas rendre le recours à l’injonction interlocutoire inaccessible faute de ressources suffisantes des demandeurs. Par exemple, en 2012, dans l’affaire Gestion Paroi inc c. Gestion Gérard Furse inc, le tribunal a accepté de limiter le cautionnement à 500$, même si le fondement du recours reposait principalement sur l’article 976 C.c.Q.[73].

En 2015, dans la décision Centre québécois du droit de l’environnement c. Canada (Ministre de l’Environnement) impliquant la Loi sur les espèces en péril[74], la Cour fédérale a révisé la décision de la ministre fédérale de l’environnement de refuser de recommander un décret d’urgence pour protéger la rainette faux-grillons à La Prairie[75]. Le juge Blanchard de la Cour supérieure, en accordant subséquemment une injonction interlocutoire, a modulé le montant du cautionnement à 2 000$[76].

La tendance qui s’observe de limiter le montant du cautionnement dans les recours en protection de l’environnement devrait se confirmer, notamment en raison de la nouvelle mouture de cette règle à l’article 511 C.p.c., qui prévoit dorénavant que le tribunal « peut assujettir la délivrance de l’injonction à un cautionnement pour compenser les frais et le préjudice qui peut en résulter ». Le principe n’est plus, comme avec l’article 755 de l’ancien Code de procédure civile, que le tribunal « doit » l’ordonner, mais plutôt qu’il peut le faire à sa discrétion. Selon Sylvain Lussier, « [e]n cas de silence, le cautionnement ne sera plus exigé. […] Si le droit apparaît clair, il n’y aura pas lieu d’imposer un cautionnement »[77].

Enfin, en ce qui a trait à la condamnation aux dépens, maintenant désignés par l’expression « frais de justice »[78], advenant que des citoyens et groupes de citoyens se voient déboutés de leur demande, les tribunaux ont parfois été plus cléments. Comme le rappelait la Cour supérieure, sous la plume de la juge Duval Hesler, alors que les demandeurs n’avaient pas d’intérêt à défendre hormis celui de protéger l’environnement :

il est important d’éviter que la question des frais extrajudiciaires n’ait un effet de refroidissement sur les personnes qui, ayant des raisons sérieuses de croire qu’elles subissent une exposition dommageable à leur santé et une atteinte à leur environnement, désirent se prévaloir des recours prévus à la loi sur la protection de l’environnement.[79]

Cette même réflexion a conduit les tribunaux ailleurs au pays et dans d’autres juridictions de common law à établir des critères afin de déterminer si des requérants déboutés dans des litiges d’intérêt public devraient être dispensés des frais. Parmi ces critères, la Cour retient des indices tels que l’implication dans le recours de problématiques d’importance allant au-delà de l’intérêt immédiat des parties impliquées, l’absence d’intérêt personnel ou pécuniaire des demandeurs, le soulèvement de questions nouvelles, non frivoles ou abusives et l’incapacité pour les demandeurs de supporter les frais du litige[80].

Avec l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, certains changements pourraient avoir un effet positif sur le traitement des frais de justice dans les litiges environnementaux. Ainsi, bien que l’article 340 C.p.c. maintienne le principe à l’effet que les frais de justice sont à la charge de la partie déboutée, de nouvelles exceptions pourront être invoquées, si les circonstances le permettent. Par exemple, l’article 341 C.p.c. permet au tribunal

[d’]ordonner à la partie qui a eu gain de cause de payer les frais de justice engagés par une autre partie s’il estime qu’elle n’a pas respecté adéquatement le principe de proportionnalité ou a abusé de la procédure, ou encore, s’il l’estime nécessaire pour éviter un préjudice grave à une partie ou pour permettre une répartition équitable des frais [...].

Cette disposition permet également au tribunal de déterminer les circonstances où les frais de justice s’imposerait différemment afin d’« éviter un préjudice grave à une partie ou pour permettre une répartition équitable des frais ».[81] Il est permis de se demander si ce sera le cas lorsque le tribunal sera en présence d’une disproportion de ressources financières entre les parties[82], et que l’enjeu environnemental en sera un de droit public ou qu’il n’y aura aucun autre moyen ou intervenant ayant l’intérêt pour agir en justice pour s’assurer de la légalité d’une décision de l’État préjudiciable à l’environnement.

De même pouvons-nous espérer que les dossiers ne s’éternisent pas au détriment des parties moins fortunées. En effet, l’article 342 C.p.c. permet désormais au tribunal de

sanctionner les manquements importants constatés dans le déroulement de l’instance en ordonnant à l’une d’elles, à titre de frais de justice, de verser à une autre partie, selon ce qu’il estime juste et raisonnable, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de son avocat ou, si cette autre partie n’est pas représentée par avocat, une compensation pour le temps consacré à l’affaire et le travail effectué.

Ces nouvelles mesures de nature financière s’inscrivent dans la même perspective que celles qui ont libéralisé l’accès à la justice en matière de protection de l’environnement.

B. L’absence d’accès à la justice administrative

Au-delà des difficultés procédurales et financières que pose l’accès à des actions judiciaires en matière d’environnement, il convient de rappeler que le principe de participation du public énoncé dans la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement retient également qu’un accès effectif à des actions administratives doit être assuré[83]. Chaque année, environ 5 000 autorisations sont émises au Québec par le Ministre de l’Environnement en vertu de la L.q.e.[84]. Toutefois, les tiers concernés par ces décisions, notamment les bénéficiaires des droits à l’environnement conférés par les articles 19.1 L.q.e. et 46.1 de la Charte québécoise, n’ont pas accès à des actions administratives au Québec. Pourtant, cette possibilité améliorerait la capacité des particuliers et des associations de mobiliser la justice et d’intervenir pour éviter des projets dommageables à l’environnement et susciter de manière préventive de meilleures performances en la matière[85].

À ce sujet, rappelons que les articles 96, 96.1 et 31.100 L.q.e. énoncent de manière exhaustive les décisions rendues en vertu de la L.q.e. qui peuvent faire l’objet d’une contestation devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ). C’est le cas, par exemple, lorsque le ministre refuse d’accorder, révoque ou suspend une autorisation. Par conséquent, il n’est pas possible de contester une décision du ministre lorsque ce dernier délivre une telle autorisation. Le droit de contester les décisions administratives devant le TAQ n’existe qu’au bénéfice du demandeur d’autorisation qui se voit frustré par une décision négative du décideur.

Cette particularité du recours en contestation devant le TAQ, bien qu’ayant toujours été libellé ainsi dans la L.q.e., représente un accroc au principe de participation du public et aux règles élémentaires de justice. En effet, faut-il comprendre que le législateur ait envisagé que le ministre ne peut commettre d’erreurs, tant en droit qu’en faits, que lorsqu’il refuse ou modifie une demande d’autorisation et non lorsqu’il l’accorde? Pourtant les décisions des tribunaux judiciaires, qui ont annulé des décisions qui ne permettaient pas d’assurer la protection d’un lac contre l’eutrophisation[86], l’habitat essentiel du béluga[87] ou de la rainette faux-grillons de l’Ouest[88], témoignent de l’importance pour les tiers de pouvoir mobiliser, de manière préventive, la justice administrative en faveur de la protection de l’environnement.

À défaut de reconnaître un accès à la justice administrative aux titulaires du droit à l’environnement, le contentieux administratif québécois n’est pas efficace en matière de protection de l’environnement, en ce qu’il ne permet pas d’éviter des projets dommageables pour l’environnement. Au bilan, en étant confinés aux recours judiciaires, les titulaires du droit à l’environnement supportent un fardeau plus lourd et onéreux lorsqu’ils interviennent pour le protéger que ne porte celui qui est autorisé à porter atteinte à l’environnement. Par exemple, le fardeau de preuve qui leur incombe ne se compare pas. Le particulier qui cherche à se prémunir d’une erreur du ministre dans l’octroi d’une autorisation n’a d’autre choix que de procéder par révision judiciaire de la décision. Dans ces cas, les tribunaux n’interviennent que si la preuve démontre que la discrétion administrative a été exercée « 1) à des fins impropres, non prévues à la loi, 2) de mauvaise foi, 3) selon des principes erronés ou en tenant compte de considérations non pertinentes, 4) de façon discriminatoire et injuste, arbitraire ou déraisonnable » [notes omises][89].

De son côté, le demandeur d’une autorisation qui conteste le refus du ministre devant le TAQ jouit d’un procès de novo. En effet, il a été décidé dans l’affaire Kozlowski c. Québec (Ministère du Développement durable de l’Environnement de la Faune et des Parcs) que l’appel d’une décision du ministre sous l’article 96 L.q.e. en est un de novo, ce qui implique que le TAQ n’a pas à se limiter au contrôle de la légalité de la décision, mais peut reprendre intégralement l’analyse du ministre et même apprécier des faits nouveaux[90]. Dans ce contexte, aucune limite expresse ou implicite n’existe au pouvoir d’intervention du Tribunal.

Malheureusement, le gouvernement du Québec n’a pas profité de la réforme des régimes d’autorisation de la L.q.e.[91] pour corriger cet accro au principe de participation du public en droit de l’environnement, malgré les demandes formulées en ce sens par plusieurs intervenants, dont le Centre québécois du droit de l’environnement[92]. Pourtant, un tel droit existe en Ontario depuis plus de vingt-cinq ans, où l’on a accordé aux tiers le droit d’en appeler d’une décision du ministère relativement à certaines décisions susceptibles de porter atteinte à l’environnement[93].

Conclusion

S’il est un constat que l’on retient de ce retour sur l’expérience québécoise en matière d’accès à la justice environnementale, c’est que la libéralisation de cet accès réalisée en 1978, et demeurée inchangée depuis, n’a pas eu pour effet de lever tous les obstacles pour les particuliers et les associations. Par ailleurs, avec le temps, nous avons constaté que les tribunaux ont élargi de façon non négligeable l’accès à la justice des individus et des groupes en reconnaissant leur intérêt à agir dans l’intérêt public ou pour faire respecter leurs droits à l’environnement, de même qu’en démontrant leur ouverture à réduire certaines des charges financières associées aux recours judiciaires. Usant de leur pouvoir discrétionnaire, les tribunaux ont interprété le droit de manière à permettre aux particuliers et aux associations de participer de manière plus effective à la protection de l’environnement (notamment en se portant à sa défense, au nom de l’intérêt public et du droit de chacun à l’environnement) et à s’assurer d’être saisis de questions importantes, qui autrement échapperaient au forum judiciaire. Néanmoins, la question de l’intérêt à agir pour protéger l’environnement étant assujettie à la discrétion judiciaire, l’accès à la justice peut être contesté et demeure incertain. Par conséquent, il conviendrait de conférer législativement, et de manière explicite, la qualité pour agir dans l’intérêt public aux groupes environnementaux, afin de faciliter leur accès à la justice[94] et de revoir les règles du cautionnement et de condamnation aux dépens dans ces matières.

L’étude réalisée met également en évidence la capacité des particuliers et des groupes environnementaux à exercer une pression sur la mise en oeuvre du droit de l’environnement à travers leurs recours en justice. Ce résultat peut être illustré avec l’évolution jurisprudentielle de l’intérêt à agir en justice pour protéger l’environnement. Les résultats ne sont pas seulement jurisprudentiels, car les interventions en justice entreprises pour protéger l’environnement permettent de signaler des dysfonctionnements dans l’application de la loi, prévenir des projets dommageables, contraindre à agir pour protéger l’environnement, produire une expertise alternative et, au final, susciter de meilleures performances environnementales des administrations, promoteurs et opérateurs.

Enfin, dans le contexte de cette réflexion sur l’évolution de l’accès à la justice en matière d’environnement au Québec, il nous est apparu important de rappeler que les recours en contrôle judiciaire imposent un lourd fardeau aux demandeurs, alors que celui-ci pourrait être allégé si les particuliers concernés et intéressés, de même que les groupes environnementaux, se voyaient accorder un accès à la justice administrative. Cet accroc au principe de participation du public en matière d’environnement pourrait aisément être corrigé en élargissant le droit de contester les décisions rendues en vertu de la L.q.e. devant le Tribunal administratif du Québec. Enfin, l’absence d’accès à la justice administrative pour contester une erreur administrative est peu compréhensible en ce qu’elle limite directement le droit à la qualité de l’environnement accordé par la loi qui dépend spécifiquement des autorisations ainsi délivrées. En définitive, le droit de l’environnement, marqué par une évolution accrue du rôle du droit public dans les trente dernières années, parfois au détriment du droit civil dont les régimes en dépendent dans une certaine mesure, a favorisé l’élargissement de l’intérêt pour agir des citoyens pour en assurer le respect.

Il est souhaitable que ce rôle accru des citoyens, ultime rempart des atteintes infligées à l’environnement, ne soit pas brimé par des mesures législatives contraires, marquées du sceau de la discrétion administrative et du manque d’équité procédurale dans la délivrance des autorisations limitant leurs droits à l’environnement, voire ultimement des immunités de poursuite en faveur de l’administration publique ou des auteurs de méfaits environnementaux.