Corps de l’article

Introduction

Au cours des trois dernières décennies, l’industrie des télécommunications a connu de profondes mutations. Les changements radicaux qui caractérisent ces mutations ont porté, tant dans les pays de l’OCDE, les pays émergents que ceux en développement, sur la privatisation totale ou partielle des opérateurs publics, la libéralisation du marché et la régulation[1] concernant l’accès au marché, la provision des services aux utilisateurs et les mécanismes de prix, notamment les prix d’accès aux infrastructures de base.

Le rythme des réformes institutionnelles et réglementaires a été dicté à la fois par l’évolution rapide de la technologie et de la structure de la demande, ce qui a conduit virtuellement à la suppression des conditions des monopoles naturels dans ce secteur (Boylaud et Nicoletti, 2001).

La présence d’organes de régulation dans cet environnement est justifiée par l’intérêt pour les pouvoirs publics de corriger les défaillances de tels marchés, défaillances ou imperfections liées à l’éventualité d’exercice de pouvoir de marché par les firmes dans des situations de monopole ou d’oligopole. L’argument théorique à la base étant qu’en l’absence d’une telle disposition, les prix sur le marché se fixeraient à un niveau anormalement élevé, réduisant la demande ainsi que la concurrence du fait des obstacles à l’entrée qui peuvent y être érigés, occasionnant des profits supranormaux (Alleman et Roppoport, 2005). Il s’agit donc de pallier toutes les formes d’inefficience de marché qui engendrent des coûts sociaux élevés et une perte de bien-être. La légitimation d’une telle ambition, économiquement et socialement défendable, requiert, d’une part que le régulateur ait une connaissance plus ou moins parfaite de l’environnement dans lequel il se déploie et, d’autre part, que le système de régulation comporte en soi un mécanisme d’incitation vis-à-vis du processus concurrentiel en encourageant les investissements et l’amélioration de la qualité des services. Dans la réalité, comme l’ont admis Alleman et Rappoport (2002, 2005), Percebois (2003), He (2010), il y a un coût pour la mise en oeuvre d’un système de régulation efficace, et qu’en fin de compte les options choisies par les décideurs sont guidées par des modèles inadaptés qui n’intègrent pas les aspects de la dynamique de ce marché. Dès lors, des interrogations émergent sur l’efficacité et le schéma d’une régulation optimale du secteur des télécommunications, intégrant une problématique plus globale formulée par Boyer et Robert (1998) dans le cadre de la déréglementation, la restructuration et la privatisation des industries de réseau.

Les prémices de ce débat qui remontent aux années soixante avec notamment l’article de Demsetz (1968), dont le titre assez évocateur « Why Regulate Utilities? », ont produit le coeur d’une pensée quelque peu hétéroclite du point de vue méthodologique pour montrer les facteurs d’inefficacité d’un processus de régulation sectorielle en général.

En particulier, l’intégration de l’asymétrie d’information dans le processus de régulation du secteur des télécommunications fait apparaître deux problèmes majeurs quant à son efficacité : celui de l’adoption des comportements opportunistes à la fois par les organes de régulation et les firmes régulées, et celui des coûts de transaction qui y sont générés pour les firmes régulées.

Cette préoccupation a déjà fait l’objet de travaux d’importance. Il s’agit notamment de la contribution de Laffont et Tirole (1991) qui ont explicitement introduit l’asymétrie d’information pour mettre en évidence les faiblesses méthodologiques de l’approche développée par Stigler (1971) et Peltzman (1976) pour analyser les limites de la régulation comme instrument de politique. Et de façon beaucoup plus explicite de la contribution exploratoire de Ghertman et Quelin (1995) qui ont recouru à l’approche contractuelle pour analyser l’efficacité de la régulation des télécommunications.

L’objet de cette recherche est de faire un réexamen de ces acquis à travers l’analyse des travaux existants, tant théoriques qu’empiriques, et d’envisager des pistes conduisant à la définition des modalités d’une régulation optimale susceptible de concilier efficience statique et efficience dynamique.

La suite de l’article est organisée de la manière suivante. Une première section présente les fondements théoriques de la régulation sectorielle et les problèmes théoriques sous-jacents qu’elle soulève dans le cas des télécommunications. La deuxième section analyse l’efficacité de la régulation en mettant en avant l’opportunisme et les facteurs d’accroissement des coûts de transaction des acteurs qui y sont soumis. La troisième section propose, à la lumière des enseignements que l’on peut tirer des études empiriques, un modèle de régulation susceptible de concilier efficience statique et efficience dynamique.

1. La régulation du secteur des télécommunications : un sujet à controverse

Dans cette section, on veut mettre en lumière, sur la base d’éléments théoriques, la pertinence et la récurrence du débat que suscite le système de régulation du secteur des télécommunications. En effet, deux points de vue s’opposent au sujet du rôle et des effets de la régulation sur la dynamique du secteur des télécommunications. Pour certains auteurs, la régulation, en facilitant notamment l’accès des nouveaux concurrents sur le marché, permet d’accroître non seulement l’efficience statique (en améliorant la quantité et la qualité de l’offre) mais aussi l’efficience dynamique en incitant les investissements et les innovations (Cave, 2006). Pour d’autres, au contraire, cette forme de gouvernance des marchés s’apparente à une violation des droits de propriété sur les actifs productifs des firmes établies, dont la conséquence est l’accroissement des risques pour ces firmes et la réduction de leurs incitations à investir (Sidak et Spulber, 1996).

Afin d’éclairer ce débat dans le cadre de cette recherche, nous présentons successivement les fondements théoriques de la régulation sectorielle et les problèmes théoriques qu’elle pose pour le cas du secteur des télécommunications.

1.1 Les fondements théoriques de la régulation sectorielle

Traditionnellement en économie politique, l’idée de la régulation sectorielle a émergé avec la notion de défaillance ou échec de marché (Balleisen et Moss, 2009). Celle-ci s’est fondée sur le postulat selon lequel les économies d’échelle dans la production et l’existence d’externalités, notamment les externalités de réseau pour le cas des télécommunications, sont source de situations de marchés non concurrentiels. En ce sens, la demande de régulation sectorielle, c’est-à-dire, le recours au pouvoir prohibitif ou contraignant de la puissance publique, pour reprendre les termes de Stigler (1971), trouve donc sa justification théorique et sa légitimité dans la croyance à l’idée qu’une situation économique optimale ne peut résulter que du fonctionnement parfait des marchés. Et comme l’ont précisé Baumol et Sidak (1994), cette doctrine répond au principe universellement accepté suivant lequel le rôle de la régulation est d’être un substitut aux forces concurrentielles du marché dans les situations où celles-ci se montrent absentes ou affaiblies. Tenant compte de ce problème de défaillance de marché et, à la lumière de la doctrine standard de la théorie néoclassique de la concurrence parfaite, une relation basique fut établie entre le nombre de firmes produisant un bien ou service et les résultats du marché (Demsetz, 1968). En particulier, il a été considéré que, sur un marché où n’existe qu’une firme ou un tout petit nombre de firmes, le prix et l’output ont tendance à se situer à des niveaux qui divergent fortement de ceux qui auraient prévalu sur un marché concurrentiel.

L’économie de la régulation s’inscrit ainsi dans un cadre théorique fondé, à l’instar de toutes les théories économiques, sur des choix idéologiques qui traduisent une conception du monde (Flacher et Jennequin, 2005). Cette conception qui reflète une économie de marché « idéale », a constitué la trame des travaux d’économistes (particulièrement dans les années cinquante, soixante et jusqu’en 1970) qui ont considéré les défaillances de marché comme une justification suffisante pour l’intervention des pouvoirs publics (Balleissen et Moss, 2009).

Ainsi l’objectif de la régulation sectorielle, sous cette base doctrinale, est de favoriser ce que Clark (1940) qualifiait de workable competition, c’est-à-dire des formes d’organisation où les tendances à la concurrence sont plus fortes que les tendances au monopole pour assurer l’optimum social.

Conditionnant l’atteinte de toute situation optimale au fonctionnement parfait d’un marché, il est aussi légitime de souligner que la théorie de la régulation a longtemps été sous-tendue par des considérations normatives qui fondent l’économie du bien-être. En effet, ainsi que l’ont souligné Gaffard et Quéré (2006), si on se réfère à la définition particulière d’un marché réussi (market success) telle que proposée par Ledyard (1989), pour comprendre les défaillances de marché, il en découle que la visée économique d’une régulation sectorielle se trouve bel et bien enracinée dans l’économie du bien-être. La raison évoquée par Gaffard et Quéré (2006) est que cette définition n’est rien d’autre qu’une lecture du premier théorème fondamental du bien-être[2]. À ce titre, et selon Furner (2009), la régulation sectorielle peut être comprise comme un mécanisme d’incitation ou de gouvernance des marchés, censé favoriser l’amélioration des performances des firmes et du secteur, en incitant les investissements et les innovations technologiques, et en garantissant l’optimum social.

À la lumière d’une approche de la régulation incitative développée par Cave (2006), on a admis l’idée selon laquelle la régulation constitue un mécanisme à même d’assurer un compromis entre efficience statique et efficience dynamique dans le fonctionnement des marchés. Ceci en favorisant la concurrence basée sur les services et en étant un dispositif indirect pour la promotion de la concurrence basée sur les infrastructures (Bacache et al., 2014).

Ainsi, comme l’a souligné Golberg (1976), cette question pousse logiquement à une analyse comparative du rôle et des limites du marché et de la régulation comme des institutions alternatives pour la gouvernance des transactions liées notamment aux services publics.

Avant d’aborder cette question de façon plus explicite, il semble utile d’évoquer les problèmes théoriques spécifiques à la régulation du secteur des télécommunications.

1.2 Les caractéristiques du secteur des télécommunications et les problèmes théoriques sous-jacents de sa régulation

L’analyse des caractéristiques particulières du secteur des télécommunications amène à s’interroger sur la pertinence du processus de sa régulation. En effet, à la suite de Schultz (1983), et des contributions plus récentes (Noam, 2002; Perrot, 2002; Alleman et Rappoport, 2005; Boyer, 2010), on peut organiser l’analyse des spécificités de la régulation dans le secteur des télécommunications autour de trois éléments de base : les objectifs, les outils et le processus décisionnel.

Concernant les objectifs, il y a lieu de souligner que ceux-ci ont connu une évolution dans le temps car de la réglementation des monopoles naturels à la réglementation des marchés ouverts à la concurrence, on est passé d’un objectif plus étroit et limité au niveau du comportement des firmes à un objectif plus global au niveau structurel[3].

En effet, partant de la prémisse que les services des télécommunications ne devraient être fournis que dans les conditions de monopole[4], l’objectif de base de la régulation qui en dérivait était le contrôle du pouvoir de monopole des opérateurs traditionnels. Actuellement, avec l’ouverture du secteur à la concurrence, donnant notamment la possibilité aux opérateurs alternatifs d’exploiter les services à valeur ajoutée en aval ( Klumpp et Su, 2010 ), un objectif plus global est assigné à la régulation : faire évoluer le secteur vers un système concurrentiel à travers des politiques visant à protéger l’efficience de nouveaux entrants et le public contre la capacité des grandes firmes à exercer un pouvoir de marché (Boyer, 2010). Dans cette perspective visant la création d’un marché où prévaut une concurrence « saine et équilibrée », il semble se greffer des problèmes théoriques relatifs notamment à la vérification de l’efficacité des structures concurrentielles qui pourraient en résulter (Baake et al., 2005). En particulier celui de la définition d’un critère pouvant permettre de juger suffisant ou non le niveau ou le degré de concurrence qui prévaut sur le marché. La pertinence de cette question tient au fait que les traditionnelles mesures factuelles que sont la part de marché et le nombre de firmes installées semblent devenir inadaptées dans le contexte d’une industrie qui présente, dans une certaine mesure, davantage les caractéristiques d’une industrie émergente qu’en maturité (Gentzoglanis et Aravantinos, 2010). Ceci en raison de ce que si le degré de substituabilité des biens ou services reste un des éléments objectifs pour définir un marché pertinent, le développement continu des « technologies de l’information et de la communication » rend l’industrie des télécommunications constamment instable, avec l’apparition de nouveaux produits, de nouveaux concurrents et un accroissement d’opérations de fusion et acquisition (Noam, 2002; Boyer, 2010). Par conséquent, les frontières de ce marché, en termes de produits, sur la base de la substituabilité, par la demande et par l’offre, sont plutôt difficiles à cerner car, plusieurs facteurs autres que le prix déterminent la demande pour les produits et les services des télécommunications (Boyer, 2010). En particulier, la demande pour le produit final dépend de sa contribution au « portefeuille individuel de communication » composé d’une série d’attributs de l’offre (connectivité, flexibilité, sécurité, fiabilité, capacité, convivialité, etc.). Ce qui implique qu’il s’agit d’une demande dérivée et non d’une demande directe. Les résultats de l’étude de Rodini et al. (2002), portant sur le comportement de substitution des ménages entre la téléphonie filaire et la téléphonie mobile, corroborent ce propos en révélant que pour un nombre significatif de consommateurs, ces deux modes de communication qui seraient à première vue substituables sont plutôt complémentaires. Dans un tel contexte le marché pertinent est difficile à déterminer, ce qui est susceptible de ruiner la pertinence de la régulation dans ce secteur par rapport à l’objectif de base.

Concernant le processus décisionnel, on devrait garder à l’esprit que la tendance générale à procéder à la régulation asymétrique ex ante[5] soulève aussi des problèmes théoriques liés à la pertinence d’un tel processus. Le problème est celui de l’efficacité réelle d’un ensemble de mesures prises en un instant donné par une autorité de régulation pour gouverner l’avenir d’une industrie présentant constamment des éléments caractéristiques de situations d’émergence. Plus concrètement, si la régulation peut revêtir la forme d’une bonne conception de l’intervention des pouvoirs publics dans le processus concurrentiel, comment pourrait-elle intégrer des phénomènes comme l’innovation qui gouverne la dynamique du secteur des télécommunications[6]? En fin de compte, la régulation présente les ambiguïtés théoriques suivantes : elle contribue à l’allocation efficace des ressources à un moment donné du temps, c’est-à-dire à assurer l’efficience statique (en favorisant la concurrence, la réduction du pouvoir de marché des firmes, la baisse des prix et l’accroissement du surplus des consommateurs). Elle est cependant loin d’intégrer les aspects inhérents à la dynamique propre du secteur des télécommunications (Quigley, 2004; Gentzoglanis et Aravantinos, 2010), ceux qui conduiraient à l’efficience dynamique[7].

Concernant enfin les outils, l’attention peut être focalisée sur la nature limitée de ceux-ci d’une part, et leurs implications sur la viabilité du processus concurrentiel d’autre part. En effet, ils portent essentiellement sur deux paramètres, la fixation des prix des services (cap price) et le contrôle de l’entrée (la régulation de l’accès).

À propos de l’action du régulateur sur la fixation d’une tarification considérée comme « juste et raisonnable », on peut noter qu’une telle opération implique une évaluation assez précise des coûts de l’entreprise, y compris les coûts d’exploitation, les coûts d’amortissement et les taxes (Schultz, 1983). La difficulté à mettre en oeuvre un tel processus, compte tenu du caractère cyclique de l’évolution du marché des télécommunications (Noam, 2002), ruine une telle prétention.

Quant au contrôle de l’entrée, il semble tout naturellement que le débat que suscite aujourd’hui la mise en oeuvre de la doctrine des « facilités essentielles », un des principaux piliers des outils de régulation, traduit toute la difficulté qu’il y a à concevoir les instruments à même de promouvoir à la fois une concurrence effective et viable. On conviendra avec Renda (2010), pour dire, que reste-t-il de la doctrine des facilités essentielles? Celle-ci, confrontée à l’évolution dynamique des télécommunications, rend difficile pour le régulateur et les acteurs régulés la possibilité de trouver le juste équilibre entre les incitations à investir dans les nouvelles infrastructures et la sécurisation de la concurrence basée sur l’accès dans le court terme. Le problème de fonds que pose cet outil du point de vue des objectifs mêmes de la régulation et de la viabilité du processus concurrentiel est celui du transfert des bénéfices d’un investisseur vers ses concurrents sans transfert de risques correspondants (Baake et al., 2005; Alleman et Rappoport, 2006). Ce qui pose le problème de la prévalence du droit de la concurrence sur le droit de la propriété intellectuelle (Marty et Pillot, 2009).

L’ensemble de ces considérations nourrissent la controverse entre les économistes quant à la pertinence de la régulation dans le secteur des télécommunications. À ces problèmes théoriques se greffent d’autres plus opérationnels, liés notamment aux coûts de transaction et à l’opportunisme.

2. La régulation des télécommunications : un mécanisme générateur de coûts de transaction et favorable à l’opportunisme

La pratique de la régulation dans le secteur des télécommunications est source d’inefficacités qui résultent des coûts de gouvernance ex post pour les firmes soumises à la régulation, et des tendances à l’opportunisme qui caractérisent le comportement les parties prenantes.

2.1 La régulation des télécommunications : un facteur d’accroissement des coûts de transaction des firmes

La préoccupation centrale dans cette section est d’analyser, à la lumière à la fois des évolutions actuelles de l’industrie des télécommunications et des enseignements de la théorie des coûts de transaction, les effets des contraintes induites par la régulation sur le comportement des firmes et la dynamique du secteur.

La littérature relative à l’économie des coûts de transaction telle que l’a développée Williamson (1975, 1985), et de façon plus formelle Grossman et Hart (1986), peut servir de cadre d’analyse de la nature des transactions auxquelles sont confrontés les opérateurs du secteur des télécommunications, en présence des contraintes de la régulation.

Le recours à cette approche contractuelle pour l’analyse de l’efficacité de la régulation dans les télécommunications a déjà fait l’objet d’un certain nombre de travaux, mais il faut relever que ce recours n’a été explicitement mis en avant que dans quelques rares études conduites, soit de façon exploratoire (Ghertman et Quélin, 1995), soit dans le but de comparer deux modes de régulation du point de vue de leur efficacité (Weare, 1996), soit encore pour analyser les liens entre la régulation et l’investissement.

Pour illustrer au mieux notre propos dans cette recherche, nous nous référons à Phan et Sommer (1997) qui, au-delà des travaux exploratoires de Ghertman et Quélin (1995), ont intégré les développements de la technologie et de l’organisation du secteur des télécommunications dans l’analyse, afin de cerner à la fois le contexte et la nature des transactions. En effet, traitant des attributs des transactions sur les équipements modernes de commutation publique, ces auteurs ont présenté des éléments pertinents concernant la spécificité, la fréquence des transactions et l’incertitude, caractéristiques des transactions dans les télécommunications.

Concernant la spécificité il ressort par exemple de leur analyse qu’un autocommutateur ne saurait être redéployé hors d’un réseau de télécommunication publique et doit en conséquence être considéré comme un système spécifique (Phan et Sommer, 1997). La fréquence des transactions qui portent sur les équipements de communication publique se trouve elle déterminée par les besoins liés à la croissance du réseau et par la durée de vie des équipements qui se réduit considérablement avec la numérisation de la commande et la commutation. Enfin deux facteurs accroissent l’incertitude dans ce secteur selon ces auteurs. Il s’agit de l’incertitude technique liée aux performances réelles des équipements et de l’incertitude sur la survie du fournisseur dans le long terme, étant donné l’importance des investissements dans la R&D et la nécessité de maintenir en permanence le logiciel[8], mais aussi la concurrence actuelle et potentielle sur le marché.

Fort de cet éclairage et de l’agenda de recherche ouvert par Ghertman et Quélin (1995), l’idée qui émerge est qu’approché sous l’angle des coûts de transaction, c’est-à-dire sous l’angle d’une analyse contractuelle, le dispositif de régulation doit être décrit contractuellement comme une forme très incomplète des contrats à long terme. Ceci renvoie à la considération générale que la régulation et les contrats administrés qu’elle implique (Croker et Masten, 1996), sous la forme d’obligations construites selon un paradigme a priori, expose les firmes à des coûts de transaction ex post. En effet, en tenant compte des éléments caractéristiques de l’évolution du secteur des télécommunications, évolution qui semble maintenir le marché sous la forme émergente, avec l’apparition de nouveaux produits et de nouveaux concurrents, les coûts de transaction imputables à la régulation se réfèrent aux problèmes que pose la gouvernance ex post. L’idée force étant, comme l’ont souligné Ghertman et Quélin (1995), que les développements technologiques du secteur créent un potentiel pour les nouveaux services et les nouveaux participants, données souvent nouvelles ne pouvant être aisément ajustées à l’environnement institutionnel existant. Ce qui engendre des nouvelles transactions qui élargissent les frontières de cette industrie, et donc les coûts des transactions y afférant. À titre d’exemple, on peut citer les coûts de conformité (compliance costs)[9] qui participent à de telles contraintes lorsque, à la suite de modification ou d’ajustement des dispositifs régulateurs, les opérateurs sont appelés à s’adapter à la nouvelle donne (Maegli et al., 2009).

Ainsi, dans le domaine des télécommunications, les transactions devenant plus complexes et minées par l’incertitude, les coûts de transaction, susceptibles d’être induits par la régulation, sont relatifs aux coûts de négociation ex post et d’information, aux coûts nécessaires au maintien d’une organisation, aux coûts d’adaptation aux changements des conditions du marché et aux coûts de résolution des conflits (Weare, 1996).

Ce corps théorique constitue à notre sens une base solide pour comprendre les facteurs d’inefficacité de la régulation dans les télécommunications, lorsqu’elle est approchée sous l’angle contractuel.

2.2 L’opportunisme : un facteur d’inefficacité de la régulation des télécommunications

La régulation des télécommunications est sujette, du point de vue de son efficacité, à des tendances à l’opportunisme qui se soldent par des inefficacités relativement à l’objectif d’assurer à la fois l’efficience statique et l’efficience dynamique. Également, comme l’ont souligné Estache et Martimort (1999), la régulation peut être analysée comme un jeu entre divers acteurs ayant des degrés différents de connaissances et d’informations requises pour établir des choix pouvant conduire à l’allocation optimale des ressources. Le modèle firme-régulateur développé par Golberg (1976) dans lequel tout régime de régulation est analysé comme un contrat entre l’organe de régulation qui agit comme le principal, et la firme régulée comme agent, constitue une contribution majeure pour la compréhension des facteurs d’inefficacité de la régulation des télécommunications liés à l’opportunisme.

Par rapport au comportement des deux principaux acteurs dans cette relation d’agence, l’opportunisme associé à la régulation émane à la fois du régulateur et des firmes régulées. Dans le premier cas, l’opportunisme est traditionnellement associé à la théorie de la capture dont un exposé des mécanismes est produit par Stigler (1971) et Peltzman (1976). Ce qui est énoncé dans cette théorie c’est l’idée suivant laquelle les décideurs politiques, en se constituant en groupe d’intérêt, et bien entendu à la faveur de leur pouvoir, sont souvent enclins à changer les règles du jeu, de façon opportuniste, pour extraire la quasi-rente des firmes régulées. Une analyse des conséquences de cette forme d’opportunisme sur l’efficience allocative, telle que présentée par Spiller (2011), enseigne que face au risque d’opportunisme émanant des organes de régulation et du fait du caractère souvent irréversible des investissements dans les télécommunications (ERG, 2007)[10], la réponse des firmes régulées peut revêtir plusieurs formes. Tout d’abord, il y a le sous-investissement, c’est-à-dire la faible incitation à investir qui est une des facettes de la manière dont les firmes régulées répondent pour se prémunir du potentiel risque d’expropriation de la rente auquel elles sont exposées (Kotakorpi, 2006). Ensuite, face à ce risque, les firmes choisissent d’investir presque exclusivement dans les segments de marché les plus rentables et pour lesquels le délai de récupération est relativement court. Le modèle théorique de Spiegel et Spulber (1994) a produit des résultats qui viennent en appui de ces affirmations en montrant que l’attitude de la firme régulée en matière d’investissement est une stratégie défensive destinée à se prémunir de l’opportunisme du régulateur. À ce propos, Pietrunti (2008) soutient pour sa part que l’interaction entre la contrainte financière, la contrainte d’irréversibilité de certains actifs et le risque d’opportunisme du régulateur conduisent l’industrie vers un équilibre de sous-investissement.

De même, cet effet négatif de la capture sur le bien-être social peut être appréhendé à travers l’hypothèse de travail développée par Laffont et Tirole (1991, 1993) qui est bâtie sur l’asymétrie d’information entre les autorités politiques et les organes de régulation. Celle-ci est construite autour de l’idée suivant laquelle l’agence de régulation qui joue le rôle de superviseur pour le compte des autorités politiques (le principal) peut capter une rente informationnelle si une collusion entre elle et les firmes régulées (agent) permet d’exploiter l’information privée des firmes concernant leurs coûts, au détriment des objectifs fixés par les autorités politiques. Par cet argument, ces auteurs ont montré que le phénomène de la capture liée à la régulation réduit le bien-être social. Ceci d’autant plus que les intérêts contradictoires entre les différents acteurs ne sont pas nécessairement de nature à se neutraliser, mais plutôt de nature à se renforcer, rendant la régulation inefficace (Laffont et Tirole, 1993).

Par ailleurs, il est observé qu’en facilitant l’entrée de nouveaux concurrents à travers l’accès aux infrastructures de base de la firme installée (soumise à la régulation), ces nouveaux acteurs, qui peuvent désormais concurrencer face à face les firmes installées, ne seraient nullement incités à investir dans les nouvelles infrastructures. Les analyses de Knieps (2005) et Sidak et Spulber (1998) confortent cette conviction dans la mesure où elles ont abouti au résultat indiquant que les opérateurs alternatifs (entrants potentiels) ne sont pas incités à accéder au marché en y apportant une nouvelle technologie dès lors qu’ils peuvent accéder aux infrastructures de base des opérateurs établis. L’asymétrie d’information entre le régulateur et les opérateurs constitue, à n’en point douter, la condition permissive de l’exploitation par les opérateurs des faiblesses de la régulation à leur faveur (Pietrunti, 2008).

L’opportunisme apparaît ainsi comme une donnée qu’on doit prendre en compte tant pour l’analyse de l’efficacité de la régulation dans les télécommunications que pour la définition d’un modèle de régulation à même de concilier les objectifs de la régulation et la dynamique du secteur.

3. La régulation des télécommunications : un compromis difficile entre efficience statique et efficience dynamique

La question du compromis entre efficience statique et efficience dynamique se trouve au coeur de nombreuses recherches menées sur la régulation des télécommunications. Aussi, afin de cerner les contours d’un modèle de régulation dont les propriétés seraient d’assurer un tel compromis, nous commençons par l’analyse des résultats d’une série d’études empiriques entreprises sur la question.

3.1 Les enseignements des études empiriques

L’approche contractuelle que nous venons de présenter ouvre la perspective d’analyser la régulation dans le secteur des télécommunications comme un mécanisme de gouvernance des marchés par l’interaction entre les pouvoirs publics et les investisseurs (opérateurs des télécommunications). Selon Spiller (2011), les conséquences potentielles de ce mode de gouvernance des marchés peuvent être comprises à travers les risques inhérents à cette interaction, et plus spécifiquement selon Briglauer et al. (2013), les risques attachés à la nature des coûts des investissements liés au déploiement des infrastructures, notamment ceux des nouvelles générations des réseaux des télécommunications. Pour saisir au mieux les enjeux qui sont au centre de l’interaction entre les pouvoirs publics et les investisseurs par rapport à la dynamique du marché des télécommunications, nous nous appuyons sur l’analyse des résultats des études empiriques entreprises à ce sujet.

Sans prétendre à l’exhaustivité de la revue de ces travaux empiriques, il apparaît que bien qu’ils n’aient pas débouché sur un consensus, ils tendent dans leur grande majorité à accréditer la thèse selon laquelle la régulation est associée à des effets négatifs sur la dynamique du secteur. Les premières études relatives à l’impact de la régulation sur l’investissement menées aux États-Unis (Chang et al., 2003; Ingraham et Sidak, 2003) suggèrent que la régulation de l’entrée tendrait à réduire les incitations à investir aussi bien des opérateurs historiques que des opérateurs alternatifs. Dans l’étude de Waverman et al. (2007), menée sur la période de 2002 à 2006, l’enseignement essentiel est que l’intensité de la régulation de l’accès en Europe a négativement affecté l’investissement dans les infrastructures alternatives et les nouvelles infrastructures d’accès. Les résultats de l’étude de Jung et al. (2008) menée aux États-Unis dans la période de 1997 à 2002 suscite aussi des interrogations quant à la capacité de la régulation à constituer un mécanisme pouvant concilier efficience statique et efficience dynamique. En effet, les résultats de cette étude montrent autant que le renforcement de la concurrence, du fait de la régulation, pourrait être la clé de la restauration de l’investissement dans les télécommunications, et autant qu’il est incertain qu’une concurrence motivée par une politique contraignante de partage de marché édictée par la puissance publique stimule les incitations à investir dans les nouvelles infrastructures. Plus récemment, Bacache et al. (2014) ont testé l’hypothèse de « l’échelle des investissements » (ladder of investment hypothesis), soutenue par Cave (2006) et ayant particulièrement inspiré les organes de régulation de l’espace européen[11], sur les données de 15 États membres de l’Union européenne. Les vérifications empiriques réalisées dans cette étude ont montré qu’une telle hypothèse ne saurait être validée dès lors qu’aucun impact du nombre de lignes séparées sur l’investissement dans les nouvelles infrastructures d’accès par des nouveaux entrants n’a été relevé dans les périodes qui ont suivi leur entrée. Dans une même perspective, Grajek et Röller (2012) ont, sur des données européennes aussi, obtenu des résultats qui ont révélé que la régulation de l’accès affecte négativement aussi bien l’investissement total de l’industrie que l’investissement au niveau des firmes. Une autre étude importante réalisée par Briglauer et al. (2013), portant sur une analyse comparative de l’impact de la concurrence basée sur les services et celle basée sur les infrastructures sur le déploiement des réseaux d’accès de nouvelle génération, a produit des résultats similaires.

Les travaux récents susmentionnés conduisent aux mêmes conclusions que celles qui se dégagent de la revue des travaux empiriques faite antérieurement sur ce sujet par Cambini et Jiang (2009).

L’interprétation théorique de ces résultats peut se fonder, selon Gentzoglanis et Aravantinos (2010), sur l’argument selon lequel la régulation produit ce qui est communément appelé un effet schumpétérien. Cet effet se traduit par le fait qu’un accroissement de la concurrence, lié notamment au pouvoir contraignant de la puissance publique, réduit les incitations des firmes à investir dans les nouvelles technologies ou dans les nouveaux produits, à cause du risque élevé d’une réduction de rentes postentrée.

Les faits semblent ainsi montrer à travers les études empiriques que les modalités d’exercice du pouvoir des régulateurs sont en inadéquation avec l’objectif d’atteinte de l’optimum social dans un secteur où la rivalité concurrentielle basée sur les infrastructures, et donc les investissements associés, est une condition pour pérenniser la concurrence et améliorer le bien-être (Briglauer et al., 2013). Ceci amène la nécessité de mener une réflexion autour de la conception d’un schéma de régulation susceptible de concilier efficience statique et efficience dynamique.

3.2 Une proposition de modèle de régulation conciliant efficience statique et efficience dynamique

Le débat auquel cette recherche tente de contribuer soulève en fin de compte la question fondamentale de la conception d’un modèle de régulation des télécommunications capable de promouvoir à la fois la concurrence, par l’entrée de nouvelles firmes, et l’incitation à investir dans les nouvelles infrastructures, mais aussi à innover pour améliorer la qualité des services, et donc le bien-être social. En d’autres termes, comme l’a proposé Renda (2010), il s’agit de trouver un modèle de régulation minimisant les facteurs d’inefficacité et qui garantit un équilibre entre un accès basé sur la concurrence et les incitations à investir.

Notre contribution dans cette étude réside dans la mise en perspective d’un schéma de régulation dont la propriété fondamentale est de constituer un mécanisme de gouvernance des marchés encourageant à la fois la concurrence basée sur les services et la concurrence basée sur les infrastructures. Le cadre de raisonnement dans cette démarche se fonde sur les enseignements qui viennent d’être tirés des études empiriques et sur une analyse critique des modèles alternatifs proposés dans la littérature.

En effet, à la suite de Demsetz (1968) et Schultz (1983) dont les analyses de la régulation sectorielle semblent déboucher sur l’idée qu’il s’agit d’un mode de gouvernance des marchés fondé sur une mauvaise compréhension du concept de concurrence ou de la rivalité, la solution aux problèmes d’inefficacité de la régulation serait la réduction au minimum de l’action des pouvoirs publics. C’est dans cette perspective que Gans et King (2003) ont introduit le concept access holidays traduisant l’idée qu’un relâchement total de la régulation pendant une période donnée accroît les incitations à investir[12] et réduit les incertitudes liées à la régulation. Ces incitations sont procurées, selon Gans et King (2003), par une phase de monopole temporaire qui correspond à l’horizon temporel access holidays assimilé à une récompense pour les efforts et les risques encourus par les investisseurs.

Cette approche a reçu le soutien d’autres travaux, en l’occurrence ceux de Valletti (2003) qui indique qu’un tel système de marché reproduit un univers schumpétérien de « destruction créatrice » dans lequel, dans le court terme il prévaut un certain degré de pouvoir de marché temporaire (utile pour les incitations à investir), mais soumis à une menace constante de concurrence potentielle. Les travaux de Gavosto et al. (2007) sont à inscrire dans le même registre puisqu’ils montrent que la régulation n’affecte la décision d’investissement que dans la période initiale au cours de laquelle l’incertitude se montre encore forte, et qu’un relâchement temporaire de la régulation se révèle être un outil efficace dans le sens où il induit des investissements immédiats.

Au plan théorique et pratique, les limites d’une telle approche, du point de vue des objectifs de la régulation sectorielle, semblent évidentes car, si elle paraît idéale du point de vue des incitations à investir et à innover des firmes, elle limite l’entrée de nouvelles firmes et donc l’intensité de la rivalité concurrentielle sur les services avals. C’est ce que soulignent Klumpp et Su (2010) dans leur analyse des interactions entre l’accès à une ressource exclusive à un tarif régulé (open access) et l’efficience dynamique. La raison en est qu’une telle approche empêche l’accès des opérateurs alternatifs aux infrastructures de base[13] des firmes établies, et représente en soi un risque d’abus de position dominante (Perrot, 2002).

Ainsi, à la lumière des enseignements que nous tirons des contributions de Klumpp et Su (2010) et de Nitsche et Wiethaus (2011), nous proposons un schéma de régulation dont voici les contours.

Partant du postulat de Bain (1956) selon lequel les conditions d’entrée sur un marché déterminent la nature de la rivalité concurrentielle qui y prévaut, nous suggérons comme Klumpp et Su (2010), pour le secteur des télécommunications où certaines ressources essentielles à la production des services dans les segments de marché avals ne peuvent faire facilement l’objet de duplication, une régulation facilitant l’accès. Toutefois, il faut tenir compte du fait que l’accroissement de l’efficience statique qui résulterait d’un accès régulé ne sera jugé optimal que s’il ne présente pas d’effets adverses sur l’efficience dynamique. Un tel résultat ne pourrait être obtenu que par le biais d’un mécanisme de régulation incitative par lequel l’accès qu’il autorise (conditions d’entrée) constitue à la fois une raison pour les opérateurs alternatifs d’investir dans leur propres infrastructures (Cave et Vogelsang, 2003) et en conséquence, une incitation pour les opérateurs établis d’introduire des nouveaux services basés sur des technologies et des réseaux beaucoup plus avancés (Gabel et Huang, 2008).

Suivant Cave et Vogelsang (2003), la régulation de l’accès ne constitue un mécanisme incitatif pour les opérateurs alternatifs dans l’investissement de leur propre infrastructure que si elle impose un prix d’accès, non prohibitif, mais considéré comme assez élevé. Du point de vue des opérateurs établis, ceci est interprété comme une prime aux risques encourus[14], et du point de vue des opérateurs alternatifs, non comme un obstacle à l’entrée, mais plutôt comme une facilité d’entrée à tout compétiteur potentiel acceptant de payer les frais de participation au marché[15]. Le problème résiduel à cette démarche est celui de la forme que devrait prendre ce mécanisme. Les simulations faites par Nitsche et Wiethaus (2011) sur la manière dont la régulation de l’accès affecte les investissements et le bien-être du consommateur donnent des indications sur le schéma de régulation susceptible de reproduire un tel mécanisme.

Ainsi, un régime de régulation fondé sur l’établissement d’un prix d’accès conçu telle une modalité de partage de risque entre opérateur historique et opérateurs alternatif nous paraît être le schéma de régulation approprié du secteur des télécommunications; schéma susceptible de concilier efficience statique et efficience dynamique. La raison en est que, dans un contexte d’incertitude, ce régime de régulation a la propriété particulière d’accroître le bien-être des consommateurs en combinant, ex ante, des incitations à investir relativement fortes et, ex post, une concurrence intense sur les services (Nitsche et Wiethaus, 2011). Ce qui est mis en avant dans cette proposition c’est l’idée de faire jouer ce que Grajek et Röller (2012) appellent l’effet stratégique des investissements dans l’infrastructure entre opérateurs établis et entrants. Cet effet résulte de l’interdépendance des décisions d’investissement des opérateurs établis et des entrants. Cette interdépendance s’explique par le fait que le poids que représente le coût de location des infrastructures des opérateurs établis incite les entrants à investir dans leur propre infrastructure, et en conséquence, cette présence d’infrastructures concurrentes incitent les opérateurs historiques à de nouveaux investissements pour faire face à la concurrence.

Ce cadre réglementaire peut constituer, à notre sens, une solution aux nouveaux défis que pose l’environnement rapidement changeant du secteur des télécommunications.

Conclusion

Au terme de cette recherche, se dégagent d’importants enseignements susceptibles d’orienter la réflexion sur les modalités d’une régulation efficace des télécommunications.

Tout d’abord, il est apparu que l’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication pose de nouveaux défis et de nouveaux problèmes aux autorités de régulation. Assimilé à un mode de gouvernance de marché sous un paradigme a priori d’une part, et générateur d’incertitudes et de risques pour les investisseurs d’autre part, le mode de régulation actuel ne saurait constituer un réel mécanisme d’incitations capable de promouvoir à la fois l’efficience statique et l’efficience dynamique.

De même, si la régulation de ce secteur est une nécessité, le schéma de régulation qui peut constituer un substitut efficace aux forces concurrentielles du marché doit être capable de concilier efficience statique et efficience dynamique, comme celui qui est mis en perspective dans cette recherche. Cela implique des efforts supplémentaires de recherche en vue de déterminer les modalités concrètes et le niveau des prix d’accès à même de déclencher l’effet stratégique des investissements dans l’infrastructure tel qu’il est présenté par Grajek et Röller (2012).