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Dans ces années où il est beaucoup question du statut et des pouvoirs des municipalités au Québec, et particulièrement de Montréal, il est important, voire essentiel, d’avoir une perspective historique. Ce livre permet de faire le point sur les recherches concernant l’histoire des institutions politiques de Montréal et le contexte politique et social. Il dresse un excellent bilan de nos connaissances actuelles et constituera une source d’inspiration pour les recherches à venir. L’ouvrage démontre également l’absence relative d’une approche historique en regard de l’évolution de la gouvernance à Montréal.

Accessible et agréable à lire, ce livre plaira non seulement aux spécialistes, mais également à toute personne intéressée par l’histoire de Montréal. En effet, les enjeux qui y sont analysés sont encore d’actualité, qu’il s’agisse du rôle de la métropole, notamment en regard des relations avec les autres paliers de gouvernement et les municipalités environnantes, mais aussi de beaucoup d’autres aspects de la vie urbaine, tels les infrastructures, le patrimoine, la fiscalité, la participation citoyenne et même la prostitution. On est tenté de conclure que ces problématiques sont toutes déjà présentes dès l’arrivée des Français. Le livre serait un excellent point de départ pour une démarche néo-institutionnaliste visant à suivre les parcours de dépendance (path dependency) ou l’évolution des cadres de référence (Lecours, 2002).

Les textes, issus d’une journée d’étude tenue en avril 2012, couvrent la période d’avant l’arrivée des Français jusqu’en 2010, en se concentrant surtout sur les années qui suivent la fondation de Ville-Marie en 1642 jusqu’à l’an 2000. Les neuf chapitres, d’une longueur d’entre dix et dix-sept pages, offrent un contenu varié, un bon survol de la littérature, souvent étayé par des sources primaires et agrémenté de plans, photographies et autres compléments d’information. Ainsi, certains textes se basent sur l’analyse de documents officiels (lois, procès-verbaux) tandis que d’autres proposent avant tout une relecture de recherches originales. Certains chapitres sont plutôt descriptifs tandis que d’autres contiennent des discussions sur la notion de gouvernance, par exemple, et se réclament d’approches comme le matérialisme.

Le but est d’illustrer le rôle de la gouvernance locale à Montréal à travers le temps dans les domaines du développement économique, de l’environnement et plus particulièrement de la santé ou du social, souvent sous l’angle de la « moralité ». On y retrouve des exemples pour illustrer la vie quotidienne à Montréal à différentes périodes et même, sur un autre plan, les stratégies utilisées par les acteurs. Respectant un ordre chronologique, quelques chapitres sont consacrés à des sujets plus spécifiques tels les réseaux techniques de l’eau, le rapport corporel des citadins à leur milieu de vie, le zonage, le patrimoine, mais toujours avec pour objectif de cerner l’évolution de la gouvernance à une certaine époque.

Les objectifs du livre sont clairement indiqués dans l’introduction : « Sans ignorer certains acteurs incontournables de la scène montréalaise, nous avons souhaité faire le point sur les préoccupations récurrentes ou sporadiques des autorités, sur la tension entre l’autonomie locale et le contrôle central, et faire découvrir l’apport d’acteurs méconnus de l’administration […] mais surtout de dégager de nouvelles perspectives de recherche… » (p. 2). Les directeurs expliquent aussi le sens qu’ils veulent donner au terme « gouvernance » qu’ils préfèrent au terme gouvernement. En choisissant « gouvernance » ils adhèrent à l’idée que ce n’est pas uniquement les gouvernements qui créent des politiques et pratiques de la ville mais également les autres acteurs de la société. En cela ils suivent les réflexions de Le Galès (1995). De leur côté, les différents auteurs de chapitres utilisent ce terme dans un sens plus ou moins restreint. Certains chapitres se limitent à une analyse des gouvernements de tous les paliers et du rôle des fonctionnaires. D’autres examinent les acteurs venant des autres secteurs de la société et s’intéressent également aux individus qui ont eu une grande importance sur l’évolution de certains dossiers. On peut donc se demander si la notion de « gouvernance » est appropriée pour tous les chapitres.

Le livre présente une abondance d’informations et d’analyses. Certains chapitres proposent des angles d’approche originaux; mentionnons parmi d’autres, l’analyse des différences entre les banlieues en difficulté (comme Pointe-aux-Trembles) et les banlieues cossues (comme Westmount) et l’influence de ces dernières sur la structure du gouvernement local de l’île.

La nature même du livre, soit une collection de textes couvrant chacun une longue période et effectuant un survol de la littérature, fait que chaque sujet ne peut pas toujours être traité en profondeur. Ces lacunes peuvent être comblées, soit par la riche bibliographie à la fin du livre, soit par d’autres recherches à venir.