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1. Introduction

L’étude de la variabilité spatiale de la pluviométrie met l’accent sur le rôle important joué par la physiographie. En particulier, il a été mis en évidence dans la littérature que la variabilité spatiale de la pluviométrie dépend non seulement de la localisation d’un point de mesure et de son altitude, mais également de son voisinage topographique. En France, LABORDE (1984) a été un pionnier en développant des paramètres d’altitude et d’encaissement pour la cartographie synthétique de la pluie. Dans des problématiques de rationalisation de réseaux pluviométriques, BURN et GOULTER (1991) et NATHAN et MAHON (1990) ont proposé d’identifier des zones homogènes d’un point de vue physiographique et de les équiper par au moins un poste de mesure.

L’objectif de cet article est de développer et d’appliquer une méthodologie pour l’identification de zones pluviométriques homogènes dans un bassin versant sur la base d’informations topographiques.

Après l’introduction, le périmètre d’étude est sommairement décrit. Ensuite, la base de données pluviométriques, la constitution du modèle numérique de terrain et de la base de données physiographiques seront présentées en détail. Pour l’estimation des descripteurs statistiques du climat, la méthode bayésienne est décrite et appliquée en section 4. La modélisation de la relation pluie-relief est formulée et appliquée en section 5. La section 6 est consacrée à l’identification des zones pluviométriques homogènes, une classification étant appliquée. Des zones homogènes résultantes y sont montrées et discutées. Finalement, des conclusions sont tirées à la section 7.

2. Données

La méthodologie est appliquée pour le nord de la Tunisie et particulièrement au bassin de l’oued Tessa. Celui‑ci prend sa source dans la région des hautes plaines de l’Atlas tunisien à 590 m d’altitude en tant que collecteur de drains puis traverse la plaine de Zouarine. La longueur de son cours principal est de 143 km et sa confluence avec Oued Medjerdah est à 133 m d’altitude. À son exutoire, le bassin couvre une superficie totale de 2 410 km2. Le bassin versant de Tessa présente une variété topographique où alternent vallées, plaines, plateaux, montagnes isolées ou en chaînes (Figure 1). Selon RODIER et al. (1981), ce bassin est formé d’une succession de petites plaines reliées les unes aux autres par des sections de vallées très encaissées. Cette diversité du relief a motivé son choix pour l’identification de zones pluviométriques homogènes.

Figure 1

Réseau pluviométrique global du bassin versant de Tessa.

Global rainfall network in the Tessa watershed.

Réseau pluviométrique global du bassin versant de Tessa.

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L’étude couvre la période allant de l’année hydrologique 1905 à l’année hydrologique 1995. À titre indicatif, une année hydrologique débute le 1er septembre et prend fin le 31 août. Durant cette période, 77 stations pluviométriques ont été en opération à des époques différentes (DGRE, 1996). Cependant, pour l’année hydrologique 1995, seulement 33 stations étaient opérationnelles. La figure 2 compare, année par année, le nombre de stations opérationnelles à celui des stations ayant une série complète durant la même année. Constatant une insuffisance de stations dans les zones de relief, le service hydrologique a renforcé le réseau en installant deux stations en 1992 et trois autres en 1994 dans des sites dont l’altitude varie entre 400 mètres et 640 mètres. On appellera « global » le réseau composé des 77 stations. Leur localisation est présentée à la figure 1.

Figure 2

Évolution de la taille du réseau et du nombre des séries pluviométriques complètes.

Temporal evolution of the number of recorded stations and the number of complete time series.

Évolution de la taille du réseau et du nombre des séries pluviométriques complètes.

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Nous constatons que l’augmentation du nombre d’années complètes d’observation est plus significative que celle des effectifs du réseau, ce qui traduit une amélioration dans le suivi et la collecte des données pluviométriques. Au cours de la dernière décennie de l’étude, 22 stations ont présenté des séries complètes alors que sur l’historique, seulement 14 années complètes sont disponibles en moyenne par station.

Au départ, nous supposons la stabilité de la pluviométrie dans la région d’étude. Pour justifier cette hypothèse, nous nous référons aux séries les plus longues. Seulement quatre stations présentent des séries de plus de quarante ans à l’échelle annuelle. Leurs chronologies sont présentées aux figures 3a, 3b, 3c et 3d. La plus longue (code : 57690) est pratiquement complète sur toute sa période d’observation (87 années complètes sur 90 années observées) alors que la suivante (code : 53839) connaît deux périodes distinctes de quasi‑interruption tout en totalisant 65 années complètes. La troisième (code : 52508) a fonctionné avec une seule année d’interruption sur la période 1953-1995. Enfin, la quatrième (code : 52229) a régulièrement fonctionné de 1913 à 1940, puis elle a connu deux périodes de fonctionnement distinctes pour fermer en 1960.

Figure 3

Chronologie des plus longues séries d’observation avec les moyennes des sous-séries. (a) Code station : 57690 - 87 années complètes ; (b) Code station : 53839 - 65 années complètes ; (c) Code station : 52508 - 44 années complètes ; (d) Code station : 50229 - 42 années complètes.

Chronology of the longest data series including the sub-series sample means. (a) Station code: 57690 - 87 full years; (b) Station code: 53839 - 65 full years; (c) Station code: 52508 - 44 full years; (d) Station code: 50229 - 42 full years.

(a)

(b)

(c)

(d)

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Le test bilatéral de STUDENT (SIEGEL, 1988) permet de conclure qu’au seuil 5 %, la différence entre les moyennes des sous‑séries n’est pas significative pour le cas de trois stations (codes : 53839, 52508 et 52229). Cette hypothèse, qui est rejetée pour la station 57690, peut être retenue au seuil 1 %.

Comme ces stations sont géographiquement bien distinctes, nous assumons dans la suite que la pluviométrie annuelle est stationnaire sur l’ensemble du domaine d’étude.

La base de données utilisée a fait l’objet d’une étude d’homogénéisation de la part de BENZARTI et BOUGHRARA (1991). Les auteurs ont contribué à vérifier et à combler les séries pluviométriques annuelles en utilisant la méthode d’extension par le vecteur régional (BRUNET-MORET, 1979). Toutefois, notre démarche ne va utiliser que les observations pour estimer la moyenne et l’écart‑type des séries mensuelles.

Pour surmonter la difficulté d’estimer des statistiques sur des séries non concomitantes, plusieurs auteurs à travers le monde (FIERING, 1963 ; MATALAS et JACOBS, 1964 ; VOGEL et STEDINGER, 1985) ont mis au point et utilisé des méthodes d’extension de données qui consistent à estimer, à partir des séries d’observation de longue durée, des statistiques étendues aux stations de courte et moyenne durées d’observation.

Nous adopterons dans ce travail une méthode d’extension proposée par VICENS et al. (1975). Il s’agit d’une approche bayésienne qui combine une information régionale à l’information issue de l’échantillon. Grâce à cette méthode, l’incertitude d’estimation des statistiques aux stations de courte taille est réduite.

Cette démarche a été préférée à celle consistant à estimer les statistiques en un nombre restreint de stations possédant des séries d’observations longues ou modérées. En effet, nous estimons que dans l’objectif d’une recherche de zones homogènes, il est important de couvrir tout l’espace par un maximum de postes.

3. Modèle numérique de terrain et constitution des variables descriptives du relief

Le relief du bassin versant est défini aux noeuds d’un maillage carré de 2 km de côté couvrant le bassin. Un relevé manuel des altitudes aux noeuds du maillage a été effectué par lecture directe à partir des cartes topographiques d’état major de la Tunisie au 1/50 000. Le relief est stocké sous forme de fichier constitué des coordonnées kilométriques des noeuds dans le système Lambert tunisien et de leurs altitudes.

Chaque pluviomètre est affecté au noeud le plus proche, ce qui permet de lui définir un voisinage constitué par la grande maille de 12 x 12 mailles élémentaires centrées en ce noeud (Figure 4). À partir du relief, des descripteurs topographiques sont calculés pour décrire un site et caractériser son voisinage topographique.

Figure 4

Voisinage topographique d’un point.

Topographic neighbourhood of a point.

Voisinage topographique d’un point.

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Les variables adoptées sont issues pour la plupart du travail original de LABORDE (1984) auxquelles ont été ajoutées des variables de localisations géographiques (latitude, longitude et proximité à la mer). Dans ce qui suit, les variables sont retroupées en fonction de leur sens physique :

  • En premier, il s’agit de variables traduisant l’altitude du site abritant la station de mesure et celle de son voisinage (cinq variables au total). Elles sont définies à partir des altitudes des noeuds de la grande maille, ayant pour centre le noeud le plus proche du site (six mailles de part et d’autre du noeud). Nous choisissons ainsi l’altitude maximale, l’altitude minimale, l’altitude moyenne et l’écart-type des altitudes. Cette dernière variable traduit la compacité du relief et reflète, soit une forte pente, soit l’aspect plus ou moins accidenté du terrain.

  • Des variables d’encaissement du site ont été définies et obtenues en calculant la dénivelée ou différence d’altitude entre un poste et chaque noeud de son voisinage.

  • Les dénivelées sont considérées dans des directions privilégiées liées à l’exposition aux vents dominants. Compte tenu de la rose des vents au nord de la Tunisie, les directions nord-ouest, nord, nord-est, sud-est, sud-ouest (cinq directions) sont prises en considération. Dans ce cas, le voisinage est limité à un angle de plus ou moins 45 degrés autour de la direction de référence.

  • Afin de tenir compte de l’orientation des vallées et des versants, LABORDE (1984) propose une méthode qui paramétrise l’orientation des versants et l’encaissement du site. Il suppose qu’en « un point M à l’abri d’une crête montagneuse, l’influence de cette crête est d’autant plus forte qu’elle est élevée par rapport au site … et qu’elle en est proche ». La tangente est le rapport de l’altitude du poste à la distance le séparant d’un noeud de son voisinage (Figure 5). Elle est désignée par la tangente altimétrique et traduit la pente moyenne des versants, telle que la restitue le maillage.

avec di : distance séparant le point d’altitude Zi et le point station d’altitude Z0.

  • De plus, les dénivelées et les tangentes altimétriques sont pondérées par le cosinus de l’angle d’exposition au vent (c’est‑à‑dire projetées sur la direction). Le principe découle du fait que plus un point M est éloigné par rapport à la direction du vent, plus les effets des paramètres d’encaissement par rapport à cette direction diminuent. D’autre part, il est considéré que seule la composante du vent passant par M selon la direction principale a un effet (Figure 6), l’autre composante étant supposée sans effet.

Dénivelée pondérée :

Tangente pondérée :

  • Un site est par ailleurs décrit par son degré d’abri ou d’émergence dans le voisinage. Définissons comme voisinage réduit d’un poste, son voisinage dans une direction du vent donné, ce facteur est calculé comme la somme, sur les mailles du voisinage réduit du poste, des moyennes arithmétiques des dénivelées calculées pour les quatre noeuds de chaque maille que multiplie l’aire de la maille (Figure 7). Si le poste domine son voisinage, ce facteur est compté négativement. Il est compté positivement si le poste est abrité. Ce facteur est désigné par « volume de terre ».

où :

  • D(i,j) de même signe que la dénivelée au point M(i,j)

  • S : surface de la maille élémentaire.

Le volume de terre total abritant la station contre le vent est :

Ce volume est un volume algébrique, il peut être soit positif, dans ce cas on en déduit qu’il y a plus de terre au-dessus du niveau de la station qu’en‑dessous dans la direction considérée, soit négatif, dans le cas contraire.

  • La pluviométrie en un point dépend d’une composante régionale et d’une composante locale. Cette dernière intègre l’influence du relief alors que la composante régionale peut se traduire par la position géographique du point. De ce principe ont été intégrés les paramètres de la position géographique du site, à savoir sa longitude et sa latitude.

    L’influence de la mer est également prise en compte comme composante locale. D’une part, plus une station est proche de la mer, plus elle sera exposée au vent porteur de pluie, et d’autre part, l’atmosphère humide que crée la mer dans son entourage favorise les précipitations ; la pression de saturation est atteinte plus rapidement dans ces conditions. De ce fait, ayant prélevé au départ les coordonnées de chaque point M de la frontière marine du domaine, nous calculons pour chaque station M0, la variable :

Figure 5

Les tangentes altimétriques.

Altimetric tangents.

Les tangentes altimétriques.

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Figure 6

Éloignement à la direction du vent dominant (d’après Laborde, 1984).

Distance in the dominant wind direction (from LABORDE, 1984).

Éloignement à la direction du vent dominant (d’après Laborde, 1984).

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Figure 7

Volume de terre abritant une station (d’après LABORDE, 1984).

Volume of soil linked to a station (from LABORDE, 1984).

Volume de terre abritant une station (d’après LABORDE, 1984).

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Pour chaque site, la moyenne, la valeur minimale, la valeur maximale et l’écart-type sont calculés sur le voisinage et cinq directions du vent ont été considérées. Au total, il y a 72 variables physiographiques et de position qui ont été utilisées comme prédicteurs.

En comparaison avec les travaux de LABORDE (1984), notre approche se distingue par la considération des écarts‑types des paramètres (altitude, dénivelées, pentes moyennes) pour rendre compte de la variabilité du relief. L’altitude fictive du poste, définie par LABORDE (1984) comme étant l’altitude du noeud le plus proche, n’a pas été retenue ici, compte tenu du maillage assez lâche (2 km de côté), pouvant conduire à une différence appréciable avec l’altitude réelle du poste.

4. Estimation des statistiques caractéristiques du climat

Les statistiques se rapportent à la moyenne et à l’écart‑type mensuels des mois correspondant à la période humide de l’année hydrologique, qui s’étale du mois de septembre au mois d’avril. Dans l’objectif d’améliorer l’estimation des statistiques aux sites, nous avons adopté l’approche bayésienne.

En hydrologie, cette approche a été adoptée pour l’estimation des quantiles de débits maximums (WOOD et RODRIGUEZ-ITURBE, 1985), pour l’optimisation des réseaux pluviométriques (MOSS, 1976) et la modélisation des étiages (BURN et GOULTER, 1991).

L’estimation bayésienne de la statistique consiste à combiner deux sources d’information : une information a priori et l’échantillon, pour aboutir à une nouvelle estimation dite a posteriori (BOX et TIAO, 1992).

Dans cette étude, l’approche de VICENS et al. (1975) est adoptée. L’échantillon est supposé distribué selon la loi Normale N(µ, σ2) où µ et σ2 sont respectivement la moyenne et la variance inconnues. Pour la moyenne µ et la variance σ2, la distribution conjointe a priori adoptée est le produit d’une distribution normale N et d’une Gamma inverse (IG2).

La moyenne a posteriori ou bayésienne y’’m est une fonction pondérée par la moyenne a priori y’m et de la moyenne de l’échantillon ym :

où :

  • θ est le poids donné à l’information a priori : equation: 037777are018n.png

avec :

n :

taille de l’échantillon

n' :

taille d’échantillon équivalente de l’information a priori :

I :

information a priori, indépendante de l’échantillon historique

E(σ2|I) :

moyenne a priori du champ des variances des pluies mensuelles

V(µ|I) :

variance a priori du champ des moyennes mensuelles.

La variance bayésienne est calculée par l’expression suivante :

avec :

ν =

n-1 : nombre de degrés de liberté de la distribution de l’échantillon

ν' =

1 + partie entière de éq.(9) avec v' : nombre de degrés de liberté de la distribution a priori

ν" =

ν' +  ν + 1 : nombre de degrés de liberté de la distribution a posteriori

s'2=

s :

écart-type de l’échantillon

n"=

n' + n : taille équivalente a posteriori

Var (σ2|I) :

variance a priori du champ des variances des pluies mensuelles.

L’information a priori est ainsi résumée dans les quatre statistiques a priori suivantes :

• E(µ|I

= moyenne spatiale du champ des moyennes ;

• E(σ2|I)

= moyenne spatiale du champ des variances ;

• V(µ|I)

= variance du champ des moyennes ;

• V(σ2|I)

= variance du champ des variances.

Pour l’estimation de ces statistiques a priori, nous avons considéré les stations du bassin versant de Medjerdah (dont le Tessa est un affluent) ayant au moins 30 ans d’observations. Cette information régionale est présentée au tableau 1.

Tableau 1

Les valeurs de l’information a priori.

A priori information.

Mois

E(μ/I) (mm)

V(μ/I) (mm2)

E(σ/I) (mm2)

[V(σ/I)]0.5 (mm)

Septembre

35

30

1 224

464

Octobre

49

182

2 146

1 365

Novembre

50

529

1 764

1 432

Décembre

64

1 444

2 792

3 407

Janvier

64

1 406

1 997

2 318

Février

57

824

2 074

2 563

Mars

56

444

1 577

1 585

Avril

48

203

1 265

954

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Pour les séries les plus courtes (< 10 ans), on trouve qu’un poids de 47 % résulte de l’application des éq. (6) à (10) relativement à l’information a priori. Des corrections substantielles de moyenne et d’écart-type sont obtenues pour ces stations (allant de -20 % à + 50 % pour les moyennes et de -25 % à +200 % pour les écarts-types).

Au contraire, pour les séries ayant 30 ans d’observations et plus, un poids inférieur à 15 % a été obtenu pour l’information a priori. Des écarts relatifs, dépassant 5 % en valeur absolue entre moyennes historique et bayésienne, sont obtenus pour seulement trois stations de plus de 30 ans. De plus, seules sept stations de plus de 30 ans ont vu leur écart-type historique modifié de plus de 5 % en valeur absolue.

Les statistiques bayésiennes contribuent ainsi à « corriger » l’effet des séries courtes, tout en restant fidèles aux statistiques d’échantillons pour les longues séries.

5. Modélisation de la relation entre les statistiques de la pluie et la topographie

Il s’agit d’étudier la relation entre la moyenne et l’écart‑type bayésiens mensuels, d’une part, et les variables physiographiques, d’autre part. Le modèle de régression linéaire multiple (JOBSON, 1991) est supposé adapté pour représenter cette relation. Cette technique statistique a pour objectif de relier une variable dépendante Y (la statistique de la pluie), à p variables explicatives xp, qui représentent p variables physiographiques et de position. Une relation est établie pour chaque mois (huit mois de la période pluvieuse sont considérés).

Afin de ne pas fixer à l’avance le nombre de variables explicatives, nous avons utilisé la méthode de régression pas à pas ascendante. Elle consiste à retenir la variable qui fait progresser le plus le coefficient de corrélation multiple de la régression. Un test de signification est effectué à chaque pas, pour ne pas introduire une variable qui ne serait pas informative, compte tenu de la dernière variable sélectionnée. L’algorithme de recherche s’arrête lorsqu’on ne peut plus ajouter de variable explicative pertinente. Le logiciel SYSTAT est utilisé à cet effet.

Le tableau 2 donne pour chaque statistique (moyenne, écart‑type) la valeur associée du coefficient de corrélation multiple R2 des modèles de régression identifiés. Il apparaît que les variables retenues et leur nombre sont très différents d’un mois à l’autre : le nombre de variables explicatives va de un à dix selon les mois. Une trentaine de variables (sur 72 identifiées) sont retenues sur l’ensemble des huit mois considérés. Finalement, nous avons décidé de conserver uniquement les variables explicatives qui apparaissent au moins trois fois sur l’ensemble des mois. Les résultats ainsi obtenus permettent de dégager quatre variables pour chaque statistique :

  • Pour la moyenne mensuelle : latitude, valeur minimale de la dénivelée dans la direction sud-ouest, valeur maximale de la tangente dans la direction sud‑est et distance à la mer.

  • Pour l’écart‑type mensuel : latitude, longitude, écart-type de la dénivelée dans la direction nord-est et écart-type de la dénivelée dans la direction nord-ouest.

Tableau 2

Récapitulatif des résultats d’estimation de la moyenne et de l’écart‑type pluviométriques par la régression avec les variables topographiques.

Summary of the estimated average and standard deviation of the rainfall data from the regression of topographic variables.

Mois

Coefficient de corrélation multiple R2 (estimation de la moyenne)

Coefficient de corrélation multiple R2 (estimation de l’écart-type)

Septembre

0,734

0,619

Octobre

0,759

0,569

Novembre

0,788

0,682

Décembre

0,894

0,835

Janvier

0,807

0,730

Février

0,792

0,726

Mars

0,376

0,373

Avril

0,625

0,592

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Comme la latitude est commune à ces deux listes, la procédure de classification des noeuds en groupes homogènes retiendra sept caractéristiques : latitude, longitude, écart‑type de la dénivelée au voisinage nord-est, la dénivelée dans le voisinage sud-ouest minimale, la tangente dans le voisinage sud‑est maximale, l’écart-type de la tangente au voisinage nord‑ouest et la proximité à la mer.

6. Résultats

La procédure d’identification des zones pluviométriques homogènes est fondée sur une classification des noeuds du maillage. Les attributs utilisés pour mesurer la distance entre noeuds sont ces sept variables qui semblent expliquer le mieux la variabilité de la pluviométrie. Leurs valeurs ont alors été calculées aux noeuds du maillage. La méthode de classification appliquée est la méthode des centres mobiles, présentée par SAPORTA (1990). Elle consiste en une partition de l’ensemble des noeuds en groupes homogènes, dont le nombre est choisi à l’avance. La méthode des centres mobiles consiste, à partir de k points (ou centres) pris au hasard parmi les noeuds du maillage, de chercher k centres de groupes de noeuds dont l’inertie serait minimale (celle-ci représentant en gros la distance moyenne entre les constituants du groupe et leur centre de gravité).

Pour l’application de cette méthode, le programme SYSTAT a été utilisé, en procédant comme suit :

  • Choisir k centres arbitrairement : ils peuvent être des points quelconques ou de préférence des centres de gravité des classes préalablement établies ;

  • Former k classes par l’ensemble des points les plus proches du centre de gravité ck ;

  • Remplacer les k points pris au départ par les k centres de gravité de ces classes et recommencer l’opération. L’algorithme converge rapidement vers la partition optimale, c’est-à-dire celle qui minimise l’inertie interclasse :

où :

Iw :

inertie interclasse

Pi :

poids de la classe i, dépendant du nombre de noeuds la constituant

Ii :

inertie de la classe i définie comme la moyenne des carrés des distances au centre de gravité calculée par la formule suivante :

où :

Ni  

est le nombre de noeuds du groupe i

d(j)

est la distance du noeud j au centre de gravité du groupe i. La distance euclidienne est considérée.

Les attributs (les sept variables descriptives du relief) utilisés dans la classification des noeuds du « Modèle Numérique de Terrain » sont hétérogènes et ne s’expriment pas avec les mêmes unités. Alors, pour éliminer tout effet d’échelle, les variables physiographiques qui jouent le rôle d’attributs ont été centrées et réduites.

En examinant la topographie des lieux, on distingue cinq zones importantes :

  1. l’aval de l’oued Tessa, qui fait partie de la basse vallée de Jendouba, où l’altitude ne dépasse pas 200 m ;

  2. les monts de Teboursouk, région caractérisée par ses reliefs, avec une altitude entre 200 m et 900 m ;

  3. la vallée du Sers, placée presque au centre du bassin et dont l’altitude varie de 200 m à 800 m ;

  4. la vallée de Zouarines, qui se trouve à l’amont de l’oued Tessa, où l’altitude varie de 200 m à 800 m ;

  5. la région de Djebel Massouge, qui confine le bassin au sud et sud‑est, où l’altitude varie de 700 m à 1 100 m.

GAUSSEN et VERNET (1950) (http://eusoils.jrc.it/esdb_archive/EuDASM/africa/lists/ctn.htm) subdivisent également le bassin versant de Tessa en cinq zones climatiques différentes, dont la pluie moyenne interannuelle varie de 300 mm à 800 mm par pas de 100 mm. Selon ces auteurs, les zones les plus humides (> 700 mm) sont localisées au niveau de Teboursouk, où la pluviométrie atteint 900 mm, et Djebel Maïz, situé au sud du bassin, qui est encerclé par l’isohyète 700 mm. Dans les vallées du Sers et Zouarine, les moyennes ne dépassent pas 500 mm. Ainsi, cinq classes sont retenues a priori.

Ainsi, nous avons sélectionné k = 5 pour réaliser la classification. On appellera « zone » ou « groupe » les noeuds d’une même classe qui se juxtaposent dans l’espace. Les noeuds des cinq classes résultant de l’application de la méthode des Centres mobiles résultent en des zones qui ne sont pas juxtaposées dans l’espace géographique et qui sont différenciables par leurs reliefs spécifiques : plaines, chaînes de montagnes, plateaux, versants, vallées encaissées (Figure 8).

Figure 8

Localisation des zones homogènes du point de vue climatique.

Locations of homogeneous climate zones.

Localisation des zones homogènes du point de vue climatique.

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Le groupe 1 représente la partie aval de l’oued Tessa, dont les altitudes varient de 100 m à 300 m. Le groupe 2 caractérise trois zones indépendantes dans l’espace. En effet, on distingue la zone de Teboursouk (Gr2a) et Djebel Goraa (Gr2b) au nord et une partie de la Dorsale (Gr2c) au sud, toutes caractérisées par des altitudes qui varient de 300 m à 1 100 m. Le groupe 3 est défini par deux versants de l’oued Tessa situés au centre du bassin. Les altitudes y varient de 400 m à 600 m. Le groupe 4 est constitué par une seule zone topographique constituée par les vallées du Sers et Zouarine (Gr4). Cette zone constitue la rive droite du cours d’eau au centre du bassin. Enfin, le groupe 5 est constitué de trois zones, la première abritée dans la direction sud par Djebel Maïz (Gr5b), la deuxième occupant les hauts versants de l’Atlas au sud du bassin (Gr5a), dont les altitudes varient de 700 m à 900 m, et la troisième abritée par Djebel Sidi Bou Rouis (Gr5c).

En examinant la répartition spatiale du réseau pluviométrique global (Figure 8), nous constatons que les zones 2a, 2b et 2c correspondent à des régions montagneuses, où il n’existe pas de postes de mesure. Ces zones sont forestières à accès difficile et sont très peu peuplées. De même, les zones abritées par les Djebel (5b et 5c) ne sont pas contrôlées par des postes de mesure. Par contre, au niveau de Djebel Maïz, le poste 56 255 (station de Sidi Bou Rouis) peut être exploité pour surveiller cette région, vu son emplacement près d’un sommet. Ainsi, nous pouvons constater que l’identification de zones homogènes nous a permis de déceler les insuffisances au niveau de la répartition spatiale des postes du réseau pluviométrique en place et notamment les possibilités de renforcement de celui-ci afin de mieux cerner la variabilité de la pluie.

Par ailleurs, pour juger de la compatibilité des zones homogènes avec les données pluviométriques aux stations, nous avons présenté celles appartenant à une même zone homogène, dans le plan de la moyenne et l’écart‑type bayésiens (Figure 9). Pour cela, nous avons considéré le mois le plus pluvieux de l’année, le mois de décembre. Cette démarche a permis de confirmer en partie les résultats obtenus. En effet, nous constatons clairement dans le graphique de la figure 9 quatre groupes de stations qui correspondent à des postes présentant des régimes pluviométriques comparables et qui couvrent les zones homogènes précédemment identifiées, à savoir : zone 1, zone 4 et les zones 3b et 3a. Néanmoins, les autres groupes ne peuvent être identifiés dans ce plan ; la faible couverture du réseau peut être à l’origine de cette dispersion.

Figure 9

Représentation des stations pluviométriques et des régions homogènes dans le plan des attributs pluviométriques.

Representation of rainfall gauges and the homogeneous regions in the space of the rainfall characteristics.

Représentation des stations pluviométriques et des régions homogènes dans le plan des attributs pluviométriques.

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7. Conclusions

En tirant parti de la relation relief-pluviométrie, nous avons mis en évidence une méthode permettant l’identification de régions pluviométriques homogènes dans un bassin versant. Cette méthode a consisté en l’identification de régions où les caractéristiques topographiques ayant une influence significative sur la pluviométrie moyenne mensuelle sont homogènes. Pour cela, chaque point de l’espace, représenté par un noeud, dans un modèle numérique de terrain discrétisé en mailles élémentaires carrées de 2 km de côté, a été caractérisé par des variables topographiques et de positions telles que : l’altitude, la dénivelée, l’exposition, la distance à la mer, etc., définies à partir de son voisinage topographique. Au total, 72 variables physiographiques ont été considérées. Parmi elles, les plus explicatives de la variabilité spatio‑temporelle de la pluviométrie à l’échelle mensuelle, ont constitué les attributs dans une procédure de classification. Les groupes ainsi obtenus correspondent à des zones dont les caractéristiques topographiques sont homogènes.

L’identification de régions pluviométriques homogènes dans le bassin versant de Tessa a conduit à distinguer dix zones géographiquement différentes, représentant cinq classes de caractéristiques topographiques dans des endroits peu explorés ; en altitude, sur des versants exposés perpendiculairement aux vents dominants, ou encaissés par des Djebels.

Ainsi, la présente étude pourrait déboucher sur des modèles d’optimisation des réseaux de suivis des ressources en mettant en évidence le critère de représentativité spatio‑temporelle du réseau. Ainsi, les postes de mesure de la pluviométrie pourront offrir, par leur bon emplacement, de précieuses informations sur la répartition spatiale des précipitations, surtout dans les régions arides et semi‑arides qui manifestent un régime pluviométrique très irrégulier.