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Introduction

Un peu partout dans le monde industrialisé, la notion de compétence a été adoptée comme concept porteur du développement des programmes scolaires, parce qu’elle répond bien à la vision des besoins de formation à venir (Carbonneau et Legendre, 2002 ; Tardif, 2006). Le concept de compétence a fait l’objet de nombreuses définitions (Jonnaert, 2002), mais celles-ci convergent autour de l’idée qu’il s’agit d’un savoir-agir complexe, qui prend appui sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources pour une famille de situations (Gagnon, 2000 ; Lasnier, 2000 ; Peters et Viola, 2003 ; Tardif, 2006).

En éducation, l’intérêt porté aux stratégies d’apprentissage s’est accru avec l’idée de compétences ; en effet, les stratégies sont considérées comme faisant partie des ressources que l’apprenant doit mobiliser dans l’exercice de ses compétences (Peters et Viola, 2003 ; Tardif, 2006). Ainsi, la nécessité d’en assurer l’enseignement a été maintes fois évoquée (Ouellet, 1997 ; Peters et Viola, 2003 ; Tardif, 1992 ; Weinstein et Hume, 2001). On retrouve d’ailleurs des suggestions de stratégies d’apprentissage à enseigner à l’intérieur de guides pédagogiques (Dulude, 2001 ; Lord, 2003 ; Lyons et Lyons, 2002).

Les écrits de recherche qui abordent spécifiquement les stratégies d’apprentissage portent sur trois grandes préoccupations : a) l’enseignement et les conditions d’enseignement des stratégies d’apprentissage pour favoriser leur utilisation et leur transfert (Ouellet, 1997 ; Peters et Viola, 2003 ; Pressley, El-Dinary, Brown, Schuder, Bergman, York et Gaskins, 1995) ; b) les effets de cet enseignement des stratégies sur le rendement et l’apprentissage (Hadwin et Winne, 1996 ; Hattie, Biggs et Purdie, 1996) et c) l’analyse comparative ou descriptive des stratégies d’apprentissage et leurs caractéristiques d’utilisation chez des étudiants d’ordres d’enseignement différents (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996 ; O’Malley, Russo, Chamot et Stewner-Manzanares, 1988 ; Romainville, 1993 ; Wolfs, 1998).

Toutefois, la façon de traiter des stratégies d’apprentissage semble avoir évolué vers plus de confusion que de clarté. D’ailleurs déjà, en 1992, Hensler évoque la difficulté de retrouver une utilisation harmonisée de ce qu’on désigne par la notion de stratégie d’apprentissage. De leur côté, Flippo et Caverly (1991) en arrivent à questionner les fondements de certaines conduites ou procédures enseignées à titre de stratégies d’apprentissage, parce qu’elles ne semblent pas apporter des améliorations significatives sur le plan des résultats obtenus par les étudiants qui devaient les acquérir et les utiliser.

Hadwin et Winne (1996) observent également des faiblesses similaires dans leur tentative d’analyser la portée des interventions orientées vers l’enseignement et l’utilisation des stratégies d’apprentissage. Ils attribuent la difficulté d’obtenir des résultats significatifs et constants, dans les travaux sur le sujet, à la trop grande variation de ce qui est considéré comme une stratégie d’apprentissage. À travers ces recherches, la confusion semble attribuable à deux facteurs particuliers : un sens trop variable attribué à la notion de stratégie d’apprentissage par les enseignants et les chercheurs, ainsi que les répertoires ou les taxonomies de stratégies qui en découlent.

Au moment où la réforme scolaire invite à tenir compte des stratégies d’apprentissage, il apparaît donc approprié de reconsidérer la façon dont le concept de stratégies d’apprentissage est utilisé, et comment celles-ci sont classées. Dans le cadre de cet article, les facteurs de confusion entourant le concept de stratégie seront d’abord précisés. Dans un deuxième temps, la notion de stratégie d’apprentissage sera replacée dans le cadre plus général de la psychologie cognitive dont elle est issue, pour rappeler son contexte d’origine et resituer le rôle auquel les stratégies devraient être associées. Enfin, nous proposerons une redéfinition de la notion de stratégie d’apprentissage ainsi qu’une nouvelle taxonomie des stratégies.

Deux facteurs de confusion

L’usage de la notion de stratégie

Dans le contexte de l’apprentissage scolaire, l’appellation stratégie d’apprentissage est actuellement utilisée comme terme générique pour désigner tous les comportements adoptés par l’apprenant en train d’apprendre, et tout ce qui peut influencer la façon dont il va le faire. Cette conception s’inspire grandement de la définition proposée par Weinstein et Mayer (1986). Pour ces chercheurs, les stratégies d’apprentissage sont des moyens que l’étudiant utilise pour acquérir, intégrer et se rappeler les connaissances qu’on lui enseigne. C’est probablement la définition la plus fréquemment citée dans les écrits de recherche et celle qui a influencé la plupart des auteurs par la suite. Malheureusement, la généralisation de cette conception du terme a mené à une très grande variété de désignations, qui ont souvent peu ou pas de correspondances entre elles.

L’analyse des résultats de recherche laisse voir que l’usage de l’expression stratégie d’apprentissage désigne, de manière indifférenciée : 1) des groupes d’actions (Pressley, El-Dinary, Brown, Schuder, Bergman, York et Gaskins, 1995) ; 2) des procédures, des techniques ou des comportements particuliers (Ruph et Hrimech, 2001 ; Simpson et Nist, 1990) ; 3) l’objectif visé par l’utilisation de la stratégie comme la catégorie stratégie de répétition (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996 ; Weinstein et Mayer, 1986) ; 4) le domaine auquel réfère la stratégie, comme les stratégies cognitives, affectives (Boulet et collab., 1996 ; Hrimech, 2000 ; McKeachie, Pintrich, Lin et Palmer, 1987 ; Weinstein et Mayer, 1986) ; 5) le contexte d’apprentissage dans lequel la stratégie est utilisée, comme, par exemple, la stratégie d’apprentissage collaboratif chez Dansereau (1988) ; ou 6) la situation ou la tâche visée, comme, par exemple, les stratégies de résolution de problème de Montague (1992).

Cette grande variété d’éléments, de complexité différente, et désignant toutes sortes de comportements stratégiques, crée des difficultés importantes quand vient le temps de comparer les effets de l’enseignement des stratégies et le choix des stratégies à enseigner. Par exemple, Block (1993) enseigne un certain nombre de stratégies à plusieurs groupes d’enfants de la deuxième à la sixième année. Les stratégies auxquelles elle fait référence sont parfois relativement simples (effectuer des énumérations), alors que d’autres impliquent un ensemble beaucoup plus complexe d’étapes ou d’actions implicites supplémentaires (reconnaître les différents points de vue ou effectuer un raisonnement déductif, par exemple).

Deshler, Schumaker et leur collègue (Deshler et Schumaker, 1993 ; Ellis, Deshler et Schumaker, 1989) ainsi que Pressley et ses collaborateurs (1995) enseignent aussi des stratégies à différents groupes d’élèves, mais ces stratégies se différencient complètement de celles proposées par Block (1993). Deshler et Schumaker (1993) proposent notamment une stratégie qu’ils appellent SUCCES, un acronyme constitué de la première lettre de chacune des six stratégies qui la composent. De plus, certaines de ces stratégies sont également décomposables en sous-étapes, appelées également stratégies, mais qui ne sont pas du tout comparables à celles mentionnées par Pressley et ses collaborateurs (1995).

Dans une méta-analyse visant à mesurer les effets de l’enseignement de stratégies, Hadwin et Winne (1996) ont conclu qu’il était difficile de saisir clairement les effets en question et de les évaluer parce que, d’une étude à l’autre, la nature des stratégies impliquées était trop hétérogène. En fait, ils ne pouvaient dire si la présence ou l’absence d’un effet était due à l’intervention ou à la nature même des stratégies enseignées.

Généraliser ainsi la notion de stratégie d’apprentissage à presque tout ce qui pouvait favoriser l’apprentissage de l’apprenant a contribué à augmenter la confusion autour du concept et a eu évidemment des conséquences sur la façon de désigner et de classer les stratégies d’apprentissage.

La classification des stratégies

Les nomenclatures de stratégies d’apprentissage qu’on retrouve dans les écrits de recherche sont nombreuses et présentent de grandes différences entre elles. Weinstein et Mayer (1986) proposent une classification dans laquelle les stratégies sont organisées autour des processus d’emmagasinage et de traitement de l’information et autour de niveaux d’apprentissage selon les tâches visées (tâches simples et complexes). Les sous-stratégies sont plutôt bien détaillées pour leurs stratégies cognitives, mais elles le sont beaucoup moins pour les deux autres grands domaines de stratégies proposés, comme les stratégies métacognitives (appelées comprehension monitoring strategies) ou affectives.

McKeachie, Pintrich, Lin et Palmer (1987) proposent aussi une classification qui sépare les stratégies en fonction des tâches ou des situations impliquées, mais elle est peu précise et contient des stratégies qui se caractérisent par des niveaux de complexité très variables. D’ailleurs, certaines de ces stratégies s’apparentent plutôt à des tâches globales, comme c’est le cas pour la prise de notes.

De leur côté, Boulet et ses collaborateurs (1996) présentent une catégorisation des stratégies relativement élaborée. Ils les classent séparément selon les différents domaines cognitifs, métacognitifs, affectifs et de gestion des ressources, et opèrent une subdivision de chaque catégorie en fonction du rôle des stratégies ou des objectifs visés par leur utilisation. La taxonomie proposée par Hrimech (2000) possède des caractéristiques comparables, bien que certaines des catégories adoptées et plusieurs stratégies proposées soient différentes. Toutefois, chaque composante de leurs taxonomies respectives est considérée comme une stratégie en soi (lire, souligner, poser des questions, savoir utiliser adéquatement son matériel, etc.), ce qui implique que plusieurs stratégies nécessitent probablement d’autres stratégies pour être exécutées.

Cette tendance à proposer des stratégies de complexité fort différente ou qui varient d’une taxonomie à l’autre rend équivoque l’identification des stratégies les plus pertinentes à enseigner. Dans le guide pédagogique qui accompagne un des manuels scolaires recommandés par le ministère de l’Éducation du Québec pour le français au second cycle du primaire (Dulude, 2001), on retrouve des stratégies qui réfèrent à des procédures ou à des étapes pour aborder des tâches de lecture ou de production de texte (comme comprendre les dialogues dans un texte ou comprendre une phrase longue qui contient un marqueur de relation). De leur côté, Peters et Viola (2003) proposent des activités pour aider à l’enseignement de certaines stratégies en milieu scolaire. Les stratégies choisies proviennent de la classification de O’Malley et Chamot (1990), mais elles ne s’inspirent pas du tout de ce qu’on retrouve dans les manuels scolaires recommandés, que ce soit pour le français (Dulude, 2001), pour les mathématiques (Lyons et Lyons, 2002) ou pour des contenus transdisciplinaires (Lord, 2003).

On observe par ailleurs que la classification de certaines stratégies tient peu compte de la réalité des processus cognitifs. Par exemple, les stratégies pour maintenir la concentration sont habituellement classées dans les stratégies affectives. Il est vrai que le domaine affectif influence l’apprentissage, mais le contrôle de la concentration ne peut se faire par un contrôle de l’affect. Au contraire, la concentration est un mécanisme mental qui relève du domaine métacognitif ; elle implique le contrôle de ses activités mentales, pour les orienter vers une tâche spécifique, dans le but, entre autres, de tenter d’isoler les processus cognitifs de l’impact d’un affect trop important (Bégin, 1992 ; Rapoport, Gill et Schafer, 1973).

Enfin, certaines stratégies se retrouvent parfois dans deux catégories différentes pour une même taxonomie. Chez Boulet et ses collaborateurs (1996), par exemple, les stratégies se fixer des objectifs, établir des horaires de travail, établir des plans de travail sont classées dans les stratégies de gestion des ressources, alors qu’elles présentent des similitudes évidentes avec les stratégies se fixer des buts, estimer le temps nécessaire et sa répartition, prévoir des étapes à suivre qui sont classées dans les stratégies métacognitives. Cette répartition de stratégies comparables dans des catégories différentes ajoute à la difficulté de différencier les stratégies entre elles.

Une telle singularité des stratégies proposées par chacun met en lumière la grande variabilité dans la façon de les identifier, de les considérer et signale l’absence d’un cadre de référence qui permettrait une meilleure harmonisation de leur usage. Il apparaît dès lors nécessaire de replacer la notion de stratégie d’apprentissage dans son contexte d’origine pour en resituer le rôle et déterminer ce qui la compose.

La notion de stratégie en psychologie cognitive

L’utilisation de la notion de stratégie en apprentissage provient des travaux et des recherches issus de l’approche cognitive en psychologie. Celle-ci aborde deux grands aspects : la cognition, qui réfère aux différentes activités mentales liées au traitement de l’information (Martineau, 1998 ; Matlin, 2001), et la métacognition, qui s’intéresse à la connaissance ou à la conscience que possède la personne de son propre fonctionnement (Lafortune et St-Pierre, 1994 ; Martineau, 1998 ; Peters et Viola, 2003).

Sur le plan de la cognition, la psychologie cognitive attribue une importance primordiale au fonctionnement de la mémoire pour expliquer les mécanismes d’apprentissage (Grégoire, 1999 ; Reisberg, 2001). Les modèles cognitifs réfèrent à des systèmes qui intègrent différentes étapes pour le traitement de l’information et pour l’utilisation et la production des connaissances en mémoire. À ce titre, l’apprentissage est conçu comme un changement ou une transformation du contenu ou de la structure interne de la mémoire à partir du traitement de l’information ou du travail sur les connaissances elles-mêmes (Carbonneau et Legendre, 2002 ; Reisberg, 2001). Quant à la métacognition[1], elle trouve son existence dans le fait qu’il est nécessaire d’avoir un certain regard sur son propre fonctionnement cognitif afin de l’ajuster aux situations (Matlin, 2001 ; Peters et Viola, 2003).

La psychologie cognitive se centre principalement sur les structures et les processus mentaux (Matlin, 2001). Les processus mentaux sont les activités mentales déclenchées automatiquement ou mises en action pour traiter les informations. Ils sont à la base des modèles qui décrivent le fonctionnement de la mémoire, parce qu’ils sont considérés comme responsables des modifications et du traitement de l’information, des récepteurs sensoriels jusqu’à la transformation des représentations des connaissances en mémoire, en passant par la résolution de problème, la compréhension et la production du langage (Matlin, 2001).

Habituellement, les processus sont considérés comme agissant de façon automatique et inconsciente. Les stratégies sont alors les moyens conscients par lesquels ces processus sont activés et organisés (Matlin, 2001). En ce sens, elles s’appliquent à tous les types de contenus (mathématiques, français, etc.) et peuvent être utilisées dans tous les types de tâches (écriture, lecture, etc.). Elles ne constituent pas des automatismes, qui seraient de simples habitudes de fonctionnement, mais plutôt des moyens pour faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances ou l’utilisation de connaissances déjà acquises (Lasnier, 2000 ; Peters et Viola, 2003 ; Weinstein et Hume, 2001). Toujours orientées vers un but (Martineau, 1998 ; Weinstein et Hume, 2001), pour celui qui les utilise, elles sont liées à des objectifs ou servent à atteindre des finalités particulières (Lasnier, 2000 ; Martineau, 1998).

Toutefois, dans les ouvrages consacrés à la psychologie cognitive (Balota et Marsh, 2004 ; Matlin, 2001 ; Reisberg, 2001), les termes stratégie et apprentissage n’apparaissent à peu près jamais ensemble. Les stratégies sont surtout associées à des processus plus spécifiques du fonctionnement de la mémoire : stratégie ascendante, stratégie descendante, stratégie mnémonique.

On retrouve tout le contraire en éducation et en enseignement, où le terme stratégie semble aller de pair avec celui d’apprentissage. Cette tendance vient probablement de la transposition des concepts de la psychologie cognitive à l’éducation et à l’enseignement. Gentaz et Dessus (2004) précisent qu’on cherche ainsi à outiller l’enseignant pour qu’il intervienne mieux auprès de l’apprenant en ajoutant des dimensions qui ne sont pas prises en compte dans la recherche en psychologie. C’est peut-être d’ailleurs ce glissement progressif de l’utilisation du concept de la psychologie cognitive en enseignement qui a pu causer une généralisation de son usage à toutes les situations ou tâches scolaires, sans distinction des processus cognitifs impliqués.

Par ailleurs, la détermination des stratégies dans les taxonomies proposées en éducation s’est faite habituellement à partir des comportements rapportés ou observés par les apprenants en situation de tâches (par exemple, O’Malley, Russo, Chamot et Stewner-Manzanares, 1988), ou encore elle provient d’une analyse de sources documentaires diverses pour constituer le matériel servant à identifier et à proposer des stratégies d’apprentissage (par exemple, Boulet et collab., 1996). De telles approches s’éloignent de la méthode en psychologie cognitive, qui cherche plutôt à modéliser les mécanismes cognitifs de base des actions mentales nécessaires à la réalisation des tâches (Anderson, Reder et Simon, 1995). Conséquemment, on obtient des stratégies qui varient aussi bien selon le contexte ou le contenu de la tâche que des sujets observés, parce qu’elles sont issues d’activités effectuées sur des contenus différents ou par des clientèles différentes. Pourtant, les stratégies devraient plutôt être indépendantes des contextes ou des contenus disciplinaires, puisqu’elles font référence à des actions ou des processus mentaux (Matlin, 2001).

Le cadre de référence simplifié

La proposition d’un cadre de référence simplifié vise une meilleure adéquation entre le concept en psychologie cognitive et son utilisation en éducation. La première étape est de proposer une définition qui permette de différencier la stratégie des actions qui la composent et par lesquelles elle peut être mise en action. Ce premier choix vise à clarifier le sens du terme, afin d’éviter que tout ce qui concerne les actes entourant les situations et les tâches scolaires ne prenne le vocable de stratégies d’apprentissage, comme l’usage actuel semble le suggérer.

La deuxième étape est d’identifier des stratégies dont les composantes peuvent être décrites de façon simple, compte tenu qu’elles ne sont pas d’une grande complexité ou ne contiennent pas en elles-mêmes des stratégies. Bien que, sur le plan cognitif, le terme apprentissage soit peu lié au terme stratégie, cette relation sera maintenue pour l’instant afin de garder l’idée qu’il s’agit de stratégies de base servant à favoriser l’apprentissage en contexte scolaire.

Une nouvelle définition

Une stratégie d’apprentissage en contexte scolaire est une catégorie d’actions métacognitives ou cognitives utilisées dans une situation d’apprentissage, orientées dans un but de réalisation d’une tâche ou d’une activité scolaire et servant à effectuer des opérations sur les connaissances en fonction d’objectifs précis.

Dans cette définition, le fait de considérer les stratégies comme des catégories d’actions se démarque de façon importante de l’ensemble des définitions et de l’usage habituellement proposés dans les écrits. La généralisation du terme, déjà mentionnée auparavant, nous amène à considérer l’obligation de bien séparer les stratégies des actions, techniques, méthodes, procédures qui les composent ou par lesquelles elles sont mises en application. En effet, la confusion vient justement du fait que le terme stratégie est utilisé à la fois pour identifier l’ensemble et les éléments. Or, dans le dictionnaire, une stratégie est un ensemble.

Interpréter les stratégies comme des catégories d’actions sert aussi à évoquer la nécessité qu’elles puissent s’opérationnaliser par plusieurs actions différentes. En ce sens, créer des notes personnelles, formuler des questions, établir des analogies ou paraphraser l’information ne sont plus des stratégies différentes, comme on le retrouve souvent dans les écrits de recherche (Boulet et collab., 1996 ; Jones, 1988 ; O’Malley et collab., 1988 ; Weinstein et Mayer, 1986). Ce sont plutôt des actions, des procédures ou des moyens variés d’opérationnaliser la stratégie élaborer.

Parler de catégories d’actions permet aussi d’introduire la notion d’objectifs précis, qui fait référence aux finalités recherchées par l’application des stratégies. Les stratégies sont donc choisies en fonction des objectifs visés, c’est-à-dire que l’objectif détermine la stratégie, et que les actions ou procédures possibles rattachées à cette stratégie deviennent des moyens différents pour atteindre cet objectif. Il ne s’agit donc plus de parler, par exemple, de stratégies d’élaboration. Il sera plutôt question de la stratégie élaborer qui permet d’effectuer des opérations amenant des changements ou des transformations de l’information (objectif visé par la stratégie) à l’aide d’actions ou de procédures variées : se créer des notes personnelles, paraphraser ou développer des analogies.

Intégrer l’idée de l’atteinte d’un but dans la définition rejoint en cela la majorité des autres définitions et des conceptions relatives au terme stratégie (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996 ; Martineau, 1998 ; Peters et Viola, 2003 ; Weinstein et Mayer, 1986). Dans la définition, ce but est aussi lié à l’action de réaliser une activité ou une tâche scolaire pour bien situer le contexte et les situations où le concept de stratégie s’applique.

Enfin, on retrouve souvent le terme processus associé à ce qui est activé par les stratégies (Romainville, 1993). Opération nous semble cependant plus approprié en raison d’une certaine confusion qui entoure souvent l’usage de processus, selon Legendre (1993). Le concept d’opération apparaît plus englobant, puisqu’il sous-entend aussi la notion de processus quand on parle d’opérations mentales (Romainville, 1993) ou cognitives (Legendre, 1993).

La taxonomie des stratégies d’apprentissage

Pour identifier les stratégies répondant à la définition et aux critères énoncés précédemment, deux approches ont été adoptées. Premièrement, plusieurs taxonomies ont été analysées (Boulet et collab., 1996 ; McKeatchie et collab., 1987 ; O’Malley et collab., 1988 ; Weinstein et Mayer, 1986) pour identifier les actions ou techniques déjà proposées (qu’on retrouve habituellement sous le vocable stratégie) qui répondaient aux caractéristiques de simplicité recherchées et représentant des actions cognitives de base face aux tâches. Deuxièmement, un échantillon caractéristique des tâches et des situations scolaires (Bégin, 1992) a été analysé et enrichi par l’apport des domaines d’étude propres à la psychologie cognitive, pour en tirer des actions cognitives qui n’auraient pas été évoquées ailleurs, notamment les mécanismes en résolution de problème, en compréhension et en production du langage ainsi que les mécanismes en lecture (Balota et Marsh, 2004 ; Matlin, 2001 et Reisberg, 2001).

Il est possible que la liste des stratégies issue de l’analyse ne soit pas exhaustive, parce qu’un cadre de référence est toujours susceptible d’être modifié et enrichi par l’apport d’idées ou de connaissances nouvelles (Jonnaert et Vander Borght, 2003). Elle constitue néanmoins l’ensemble qui répond le mieux, pour l’instant, aux conditions recherchées.

La taxonomie des stratégies d’apprentissage comprend deux plans distincts qui renvoient à ceux qui composent habituellement les taxonomies : le plan métacognitif et le plan cognitif.

Les stratégies métacognitives

En éducation, la métacognition est reconnue d’une importance primordiale pour améliorer la capacité des apprenants à faire face aux situations scolaires (Hagen et Weinstein, 1995 ; Pintrich, 1995 ; Weinstein et Van Mater Stone, 1993 ; Zimmerman et Paulsen, 1995). De façon générale, les deux éléments importants de la métacognition sont la conscience de ses propres processus cognitifs et la connaissance des tâches et des situations dans lesquelles une activité cognitive est impliquée (Lafortune et St-Pierre, 1994 ; Martineau, 1998 ; Matlin, 2001).

D’une part, les composantes de la conscience métacognitive sont de deux ordres : la connaissance de soi en tant que personne apprenante, et la connaissance des activités mentales utilisées dans les situations d’apprentissage (Lafortune et St-Pierre, 1994 ; Norton et Crowley, 1995 ; Peters et Viola, 2003). La connaissance de soi en tant que personne apprenante fait référence à la connaissance que l’apprenant a développée de ses propres caractéristiques, de ses rapports et de ses comparaisons aux autres personnes qui apprennent et des connaissances générales concernant l’apprentissage qu’il a pu acquérir (Lafortune et St-Pierre, 1994). La connaissance des activités mentales fait référence à la connaissance des processus cognitifs et des stratégies utilisées, et concerne donc directement l’activité mentale de l’apprenant en situation d’apprentissage ainsi que les résultats auxquels il arrive.

D’autre part, la composante de la métacognition qui concerne la connaissance des tâches et des situations dans lesquelles l’activité cognitive est impliquée réfère à la connaissance des exigences propres aux tâches et à la connaissance des procédures ou des stratégies particulières qui doivent être mises en action pour les réaliser.

Les stratégies métacognitives proposées dans la présente taxonomie sont au nombre de deux : anticiper et s’autoréguler. Il s’agit là d’une différence importante par rapport au nombre de stratégies métacognitives proposées dans les écrits de recherche. Cette différence s’explique par le fait qu’une stratégie est définie ici comme une catégorie d’actions, alors qu’ailleurs, chaque action ou procédure rattachée à la métacognition est traitée comme une stratégie en elle-même (Boulet et collab., 1996 ; McKeachie et collab., 1987).

Tableau 1

Taxonomie des stratégies métacognitives

Taxonomie des stratégies métacognitives

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L’anticipation fait partie des stratégies métacognitives déjà évoquées par plusieurs auteurs (Boulet et collab., 1996 ; Dhillon, 1998 ; Jones, 1988 ; O’Malley et collab., 1988 ; Wolfs, 1998). Anticiper est toutefois souvent confondu dans son usage avec la notion de planification. Dans son Dictionnaire actuel de l’Éducation, Legendre (1993) donne au terme planifier le sens d’une opération de mise en ordre ou en séquence d’un ensemble d’éléments selon des critères déterminés, ce qui n’oblige pas nécessairement à porter un regard sur les connaissances que l’apprenant peut avoir de ses expériences antérieures. Anticiper suggère beaucoup plus la nécessité d’observer et d’analyser des connaissances déjà acquises relativement aux situations impliquées (Hoc, 1987), ce qui se rapproche de ce qu’on attribue habituellement au domaine métacognitif.

Compte tenu de la définition donnée à la notion de stratégie, la planification devient une action ou une des procédures possibles permettant d’anticiper, en autant qu’il y ait nécessité d’utiliser les connaissances sur soi-même et sur les tâches, au même titre qu’émettre des hypothèses, deviner, prévoir. Ce sont ainsi des actions diverses qui servent à atteindre un même objectif de prédire des actions, des connaissances ou des conséquences futures.

La seconde stratégie métacognitive, s’autoréguler, est reconnue comme devant permettre une meilleure adaptabilité aux situations d’apprentissage (Pintrich, 1995 ; Weinstein et Van Mater Stone, 1993 ; Zimmerman et Paulsen, 1995). Cependant, d’autres stratégies se sont toujours ajoutées à celle-ci lorsqu’il était question des stratégies métacognitives, que ce soit l’auto-observation (self-monitoring) (Butterfield, Hacker et Albertson, 1996 ; O’Malley et collab., 1988 ; Thomas et Rohwer, 1986), le contrôle de la gestion de ses activités cognitives (Boulet et collab., 1996 ; O’Malley et collab., 1988 ; Thomas et Rohwer, 1986) ou l’autoévaluation (Peters et Viola, 2003). Pourtant, les actions de contrôler, juger ou encore s’auto-observer sont, du point de vue métacognitif, toutes orientées de façon naturelle vers l’autorégulation, c’est-à-dire la recherche d’un meilleur ajustement de l’utilisation de ses ressources pour faire face aux situations. C’est pourquoi s’autoréguler devient maintenant la stratégie, tandis que l’auto-observation (ou introspection), le jugement, le contrôle, la régulation ou l’ajustement en constituent les principales composantes.

La composante s’informer est ajoutée aux actions métacognitives possibles pour s’autoréguler, parce qu’elle vise à assurer une mise à jour ou un approfondissement des connaissances reliées aux tâches, aux contextes, aux situations d’apprentissage et aux ressources disponibles ou pertinentes pour y faire face. En fait, cette action correspond à ce qui pouvait être considéré ailleurs comme une stratégie de gestion des ressources.

Les stratégies cognitives

La description habituelle des stratégies cognitives tient compte, de façon presque exclusive, des situations où l’apprenant doit traiter les informations dans le but de les apprendre. Bien que les situations scolaires requièrent effectivement une part importante d’apprentissage, cette orientation semble restrictive par rapport aux réalités scolaires et au fonctionnement cognitif. Les taxonomies élaborées jusqu’à maintenant ne tiennent pas compte des situations de performance, de production de connaissances ou d’exécution de tâches. Ce sont pourtant des situations scolaires fréquentes. Les situations dans lesquelles les apprenants doivent faire état de leurs connaissances et apporter la preuve qu’ils ont appris nécessitent des procédures ou des actions particulières, spécifiques, que ce soit pour répondre à des questions d’examens (Towns et Robinson, 1993 ; Wolfs, 1998) ou pour faire face à des situations variées d’évaluation et de production des connaissances (Cosnefroy, 1997 ; Lafortune et St-Pierre, 1994). Une part importante des tâches scolaires consiste à utiliser ou à montrer la maîtrise des connaissances acquises en fonction d’exigences particulières ou dans des contextes spécifiques. Pour tenir compte de ces deux types de situations (l’apprentissage et la réutilisation des connaissances), deux catégories distinctes de stratégies cognitives sont alors proposées dans la taxonomie : les stratégies cognitives de traitement et les stratégies cognitives d’exécution.

Les stratégies cognitives de traitement

Compte tenu de la définition adoptée, six stratégies cognitives de traitement entrent dans la taxonomie : sélectionner, répéter, décomposer, comparer, élaborer, organiser. Les deux premières et les deux dernières sont présentes dans les taxonomies déjà existantes (Boulet et collab., 1996 ; O’Malley et collab., 1988 ; Weinstein et Mayer, 1986). Elles sont considérées comme nécessaires dans différentes tâches ou situations scolaires (Barnett-Foster et Nagy, 1996 ; Breetvelt, Van den Bergh et Rijlaarsdam, 1994 ; Butterfield et collab., 1996 ; Dhillon, 1998 ; Towns et Robinson ; 1993).

Décomposer et comparer sont toutefois des stratégies qui n’apparaissent habituellement pas dans les taxonomies. Pourtant, il s’agit de stratégies tout aussi importantes pour la réalisation de tâches impliquant notamment l’analyse et la résolution de problème (Audy, 1992 ; Barnett-Foster et Nagy, 1998 ; Butterfield et collab., 1996 ; Dhillon, 1998 ; Jonassen, Hannum et Tessmer, 1989) ou pour le traitement des connaissances servant à en faire ressortir les composantes (Audy, 1992 ; Jonassen et collab., 1989). C’est pourquoi nous les avons intégrées dans les stratégies cognitives de traitement.

Tableau 2

Taxonomie des stratégies cognitives de traitement

Taxonomie des stratégies cognitives de traitement

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Les stratégies cognitives d’exécution

Les quatre stratégies cognitives d’exécution (évaluer, vérifier, produire, traduire) représentent une catégorisation des différentes actions ou procédures habituellement associées aux situations de performance, de production et d’exécution. Elles font partie des composantes proposées par Sternberg (1998) et par Audy (1992) dans leur modèle respectif de l’intelligence et du fonctionnement efficient. Elles sont aussi répertoriées dans les recherches portant sur la description des processus de rédaction et de production de l’écrit (Breetvelt et collab., 1994 ; Butterfield et collab., 1996 ; Hayes et Flower, 1980 ; Kellog, 1994) et de résolution de problème (Dhillon, 1998).

Tableau 3

Taxonomie des stratégies cognitives d’exécution

Taxonomie des stratégies cognitives d’exécution

* Ce qui distingue la stratégie cognitive d’exécution évaluer de l’action juger pour la stratégie s’autoréguler, c’est que la stratégie évaluer n’est pas orientée vers l’obtention d’une meilleure connaissance de son propre processus cognitif, non plus que pour une meilleure connaissance de son propre fonctionnement. L’action vise plutôt l’estimation ou la détermination d’une valeur ou de rapports qui se situent en dehors du regard de l’apprenant sur lui-même et sur ses propres connaissances.

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L’ajout de cette catégorie de stratégies permet de rendre compte de la complexité des situations scolaires en considérant les exigences cognitives et métacognitives des tâches pour lesquelles les élèves et les étudiants doivent faire usage des connaissances qu’ils ont apprises. Il est alors possible d’enseigner des stratégies qui s’appliquent aussi à l’utilisation et à la mise en action des connaissances déjà acquises dans les situations de production et de performance.

Les conditions d’utilisation des stratégies d’apprentissage

Dans la présente classification, deux catégories de stratégies qu’on retrouve dans la plupart des autres taxonomies (par exemple, celles de Boulet et collab., 1996 ; Hrimech, 2000 ; McKeachie et collab., 1987 ; O’Malley et Chamot, 1990) ont été exclues : ce sont les stratégies affectives et les stratégies de gestion des ressources.

Éliminer de la taxonomie les stratégies dites affectives ne signifie pas que le domaine affectif n’est pas important pour l’apprentissage. Au contraire, l’affectif, aussi bien que le social, fait partie des variables dont il faut tenir compte en éducation, mais elles ne s’intègrent pas dans la taxonomie présente en raison, d’une part, de la définition et des critères qui ont mené à son élaboration. D’autre part, suggérer que le contrôle ou l’amélioration du domaine affectif puisse se limiter à quelques stratégies, comme on en rencontre l’idée dans certaines taxonomies, implique que l’impact des facteurs affectifs sur l’apprentissage pourrait se réduire à des actions faciles à circonscrire et à des suggestions simplistes ou peu opérationnelles.

La complexité du domaine affectif ou social et les variables qui y sont associées, comme la motivation, le stress, les habiletés interrelationnelles telles que la coopération ou d’autres encore, devraient être définies par des cadres de référence qui leur sont propres. Issues de domaines complètement différents de celui des stratégies, elles font également appel à des réalités plus larges que l’apprentissage scolaire et le fonctionnement cognitif. C’est pourquoi elles ne font pas partie de la taxonomie.

En ce qui concerne les stratégies de gestion des ressources, certains les considèrent (Boulet et collab., 1996 ; Cartier, 2000) comme des stratégies que l’apprenant utilise pour se créer un environnement adéquat (ses ressources environnementales), pour faire appel aux ressources dont il pourrait avoir besoin (ressources matérielles ou humaines) ou encore pour tenir compte des conditions temporelles auxquelles il doit faire face. Wolfs (1998) mettait toutefois en doute la pertinence de la description des stratégies de gestion des ressources parce que plusieurs des éléments en question faisaient déjà partie, selon lui, des connaissances métacognitives reconnues chez l’apprenant.

En ce sens, ce qui était attribué ailleurs aux stratégies de gestion des ressources sera principalement considéré ici comme des conditions d’utilisation des stratégies, qui se rapportent aux caractéristiques temporelles, environnementales et matérielles nécessaires pour effectuer convenablement les tâches. Ces conditions concernent des informations qui réfèrent directement à la connaissance des conditions et des caractéristiques des tâches ou des situations et qu’on classe habituellement dans le domaine des connaissances métacognitives nécessaires à l’apprenant (Martineau, 1998 ; Ouellet, 1997 ; Romainville, 1993).

Ces trois sortes de conditions peuvent être connues de l’apprenant si celui-ci a déjà effectué les tâches concernées et qu’il a pris conscience de leur état lorsqu’il a fait preuve d’efficacité, notamment par l’activation de ses stratégies métacognitives. Il est aussi possible qu’il n’ait pas encore accès à ces connaissances. Dans ce cas, il serait bon de les lui décrire ou de l’amener à en prendre connaissance pour qu’il puisse mieux analyser les circonstances qui sont favorables à son fonctionnement et à l’utilisation de ses stratégies.

Les conditions temporelles

Ces informations réfèrent aux caractéristiques temporelles qui peuvent avoir un impact sur la qualité de l’activité cognitive et des ressources physiques et mentales de l’apprenant. Il s’agit notamment de la durée ou des moments pendant lesquels l’apprenant peut maintenir une tâche ou effectuer un travail cognitif. Ce temps peut se déterminer en termes de durée continue, de durée totale dans un temps donné, de temps d’arrêt nécessaire pour se reposer entre deux ou plusieurs tâches, etc. Il se définit aussi en fonction des périodes de la journée ou du déroulement de l’activité (au début, au milieu, à la fin d’une période), etc.

Les conditions environnementales

Les conditions environnementales concernent principalement les caractéristiques physiques des espaces ou des lieux où s’effectue la tâche. Elles peuvent affecter la capacité ou la qualité du travail et influencer l’intensité ou la durée des efforts cognitifs investis par l’apprenant. Ces conditions portent notamment sur les caractéristiques physiques du milieu (éclairage, bruit, climat, installations physiques, disposition ou facilité d’accès au matériel, etc.).

Les conditions matérielles et de ressources

Les conditions matérielles impliquent l’ensemble des ressources (livres, documents, outils, personnes, etc.) et du matériel (d’écriture, de consignation de ses connaissances, de communication, de référence, etc.) dont l’apprenant pourrait avoir besoin ou auxquels il aurait accès pour faire face aux exigences scolaires ou effectuer ses tâches.

Conclusion

Le cadre de référence proposé ici se veut un moyen d’harmoniser les différentes façons de présenter et de concevoir les stratégies d’apprentissage, particulièrement pour leur enseignement (voir le tableau 4 en annexe). Au lieu de faire apprendre des dizaines de stratégies, on fera ressortir certaines stratégies de base applicables dans la majorité des situations scolaires. Par exemple, il sera beaucoup plus constructif de montrer l’importance d’organiser ses connaissances (la stratégie) et de décrire différents moyens pour y parvenir (faire des schémas, des tableaux, etc.) que de parler de stratégies différentes en évoquant la construction de schémas, de tableaux, le regroupement en catégories, etc. La stratégie étant clairement identifiée, l’apprenant est en mesure de comparer les différents moyens qu’il a en sa possession (les actions, techniques, procédures) pour effectuer cette organisation ; conséquemment, on peut l’orienter vers les actions les plus appropriées selon les circonstances, comme faire un tableau plutôt que construire un schéma parce que l’information s’y prête mieux.

Par exemple, au primaire, il est question de différentes stratégies de lecture : s’aider de l’image qui accompagne le texte pour connaître le thème ou essayer de prévoir les mots de la phrase au fil de la lecture grâce aux idées qui peuvent venir (Dulude, 2001). Bien que ces suggestions soient habituellement enseignées comme deux stratégies différentes, il s’agit pourtant de deux façons d’anticiper la lecture. La taxonomie propose d’enseigner aux élèves que l’anticipation est une stratégie importante pour la lecture (et pour d’autres tâches) et qu’elle peut s’opérer de diverses façons, en s’inspirant de l’image ou en s’aidant de ce que l’élève connaît de ce qu’il a déjà lu. On lui fournit alors le principe et le rôle de la stratégie avec diverses techniques ou actions qu’il aura le loisir de choisir pour la mettre en pratique, plutôt que de lui enseigner des stratégies qu’on lui présente comme différentes. On pourra ensuite lui proposer des combinaisons organisées de stratégies pour effectuer les tâches lorsque celles-ci deviendront plus complexes.

Si on veut présenter aux apprenants des façons particulières de mieux faire face aux situations scolaires et leur proposer des méthodes de travail (souvent regroupées sous l’appellation méthodologie du travail intellectuel : prise de notes, fiches de lecture, etc.), des façons d’étudier ou des approches à la lecture (comme la méthode SQ3R proposée en 1970 par Robinson), on pourra parler de méthodes, de moyens, de procédures ou de techniques qui ne seront pas des stratégies d’apprentissage en elles-mêmes, mais dans lesquelles l’utilisation de certaines stratégies s’avérera pertinente.

L’adoption d’un usage mieux circonscrit de la notion de stratégie et d’une simplification de la taxonomie qui en découle devrait faciliter la sélection de ce qui est le plus pertinent à enseigner, parce qu’on fera alors appel à des actions cognitives ou métacognitives de base pour effectuer les apprentissages, qui demeurent indépendantes des contenus, des situations ou des ordres d’enseignement. Une telle approche devrait rendre plus transparentes les ressources cognitives dont les apprenants peuvent disposer et qu’ils pourraient ensuite eux-mêmes choisir, appliquer, transférer ou mettre en relation pour développer leurs compétences.