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Introduction

Durant la première moitié du XIXe siècle, le commerce du bois et la construction navale constituaient la base économique de Québec et servaient de gagne-pain pour bon nombre de familles de travailleurs. Au cours de la décennie de 1860, plusieurs facteurs ont provoqué l’effondrement de ces deux activités économiques. Cette situation plongea Québec dans un marasme économique qui perdura jusqu’au début du XXe siècle. En conséquence, la population de la ville ne s’accrût que d’un peu plus de 9100 habitants entre 1871 et 1901. Par la suite, l’industrialisation et la tertiarisation ont transformé durablement son économie et le cadre de vie de ses habitants.

L’objectif de cette recherche est de comprendre les effets de la transformation de la base économique de Québec sur la localisation résidentielle des travailleurs regroupés par catégories socioprofessionnelles et par métiers témoins. Nous soutenons que, malgré l’ampleur des changements observés, ceux-ci n’eurent qu’un impact limité sur la localisation résidentielle des travailleurs dans la ville. Dans un premier temps, nous décrivons ces changements survenus au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. La seconde partie montre comment ils ont marqué les structures sociospatiales de la ville.

Une crise qui dura plus de trente ans

À Québec, la crise économique qui commença au cours des années 1860 allait durer une trentaine d’années. Elle fut causée notamment par le départ de plus de 1000 habitants à la suite de la perte de son titre de capitale fédérale au profit de Bytown (Ottawa) en 1865 (Hare et al., 1987 : 266). De plus, en 1871 près de 1000 militaires de la garnison de cette ville, et leur famille, rembarquèrent pour l’Angleterre. Un facteur aggravant de cette crise fut certainement l’absence de liaison ferroviaire directe avec l’extérieur, Québec n’ayant été rattachée au réseau continental qu’en 1879. Cependant, la cause principale de la récession fut sans aucun doute l’effondrement du commerce du bois et de la construction navale, qui, jusqu’au milieu des années 1860, servaient de piliers à l’économie de la ville.

Crise et population

Tout au long de la première moitié du XIXe siècle, la population de Québec s’accrût de façon constante, passant de 8968 habitants en 1805, à 59 699 en 1871, puis à 68 840 en 1901 (St-Hilaire et Marcoux, 2001 : 172). Toutefois, entre 1861 et 1901, ce chiffre n’augmenta que de 9141 habitants, alors qu’il allait doubler durant les trente années suivantes pour atteindre 130 594 personnes (tableau 1). L’accroissement moyen par année fut irrégulier : entre 1805 et 1861, il se situa entre 22 et 44 ‰, alors qu’il ne dépassa jamais 9 ‰ annuellement entre 1861 et 1901, avant de se stabiliser entre 14 et 32 ‰ jusqu’en 1931. Au plan démographique, en 1880, la crise fit glisser Québec du deuxième au troisième rang dans la hiérarchie urbaine canadienne au profit de Toronto (Hare et al. 1987). Pour ce qui est de la composition ethnique, la proportion des Franco-catholiques passa de 56,6 %, en 1851 à 82,9 % en 1901, pendant que celle des Anglo-protestants et des Anglo-catholiques, principalement d’origine irlandaise, chuta respectivement de 18,3 à 6,3 % et de 23,8 à 10,1 %. Au plan socioéconomique, la crise a eu des répercussions encore plus marquées. Voyons de quelle façon elle affecta la base économique de la ville et, par conséquent, le travail.

Tableau 1

Évolution de la population de la ville de Québec, 1805 – 1931

Année

Effectifs

Croissance annuelle moyenne (en ‰)

1805

8 968

 

1831

27 141

43,5

1851

45 940

26,7

1861

57 375

22,5

1871

59 699

4,0

1881

62 446

4,5

1891

63 090

1,0

1901

68 840

8,8

1911

78 710

13,5

1921

95 123

19,1

1931

130 594

32,2

Sources : 1805 - 1871 : Hare et al., 1987 : 324 ; 1881 - 1931 : Recensements du Canada

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La fin d’une époque

Sa situation le long du Saint-Laurent et son port en eau profonde ont longtemps favorisé le développement économique de Québec. En 1806, le blocus napoléonien sur le commerce du bois fit augmenter considérablement la demande britannique pour le bois en provenance des colonies nord-américaines de l’Angleterre. Ainsi, alors que 167 navires jetèrent l’ancre à Québec en 1803, il y en eut 1227 en 1843, et 1661 en 1863 (Hare et al, 1987 : 318). Dans le port de Québec, des centaines de journaliers affectés au chargement et au déchargement de tous ces navires profitèrent ainsi de cette manne, alors que la plupart des navires construits à Québec servirent à l’exportation de bois. Entre 1763 et 1893, c’est près de 1600 navires qui sortirent des chantiers navals de Québec (Marcil, 1993 : 359). Situés principalement le long de la rivière Saint-Charles, ces chantiers employaient plus de 3300 ouvriers en 1825, 2800 en 1840, 1500 en 1851 et près de 2000 en 1861 (Hare et al., 1987 : 188-190, 263). Ils fournissaient du travail à des journaliers, des scieurs de long et des charpentiers qui formaient le tissu social de la vallée de la Saint-Charles.

Au milieu du XIXe siècle, plusieurs facteurs précipitèrent la chute de ces activités. Ainsi, le creusement d’un chenal dans le Saint-Laurent entre Québec et Montréal au cours des années 1840 et 1850 accéléra la croissance des activités portuaires à Montréal, et ce, au détriment de celles de Québec. En 1851, alors que le port de Québec accueillait 1194 navires et celui de Montréal 275, en 1889, 275 navires seulement s’arrêtaient à Québec et 695 à Montréal (Drouin, 2001 : 187). De plus, l’abolition des tarifs préférentiels avec la Grande-Bretagne, les difficultés croissantes d’approvisionnement en essences de pins et de chênes et une demande pour du bois plus travaillé contribuèrent également au déclin du commerce du bois. En 1860, plus de mille navires chargés de bois quittaient le port de Québec. À peine quelques années plus tard, ce nombre avait diminué de moitié (Drouin, 2001 : 188).

Enfin, au milieu du XIXe siècle, l’avènement des coques de fer entraîna le déclin des chantiers navals de Québec. La forte demande pour les navires à coque de métal, mieux adaptés à la navigation à la vapeur, rendait de plus en plus difficile la vente des navires en bois. En 1853, 79 navires étaient lancés des chantiers de Québec, 75 en 1864, 32 en 1871, et seulement deux en moyenne annuellement à partir de 1890 (Blanchard, 1935 : 204 ; Courville, 2001 : 198). En conséquence, la rivière Saint-Charles fut désertée par les chantiers navals à partir de 1875, le dernier chantier ayant fermé ses portes en 1877. Les chantiers se déplacèrent alors vers la rive-sud du Saint-Laurent, en face de Québec. Les travailleurs de cette industrie durent quitter la ville ou bien profiter des nouveaux emplois offerts par la lente croissance industrielle et la tertiarisation du travail que Québec connut à partir des années 1860.

Croissance industrielle

Cette première phase de l’industrialisation de Québec s’appuya largement sur deux segments traditionnels de son économie, soit la tannerie et la cordonnerie. Ainsi, l’ère industrielle de Québec débuta en 1864 avec la mécanisation de la cordonnerie par les frères Côté et Guillaume Bresse. L’avènement de l’industrie manufacturière amena la diversification des entreprises, fit s’accroître la productivité de même que la concentration de la main-d’oeuvre (Larocque, 1970). Signalons que pour de nombreux travailleurs, l’industrialisation conduisit « à la perte du statut artisanal et à la prolétarisation du travail » (Dickinson et Young, 1995 : 186). Elle se traduisit par une baisse du niveau et de la qualité de vie pour plusieurs d’entre eux (Linteau et al., 1989). À la manufacture, comme souvent l’apprentissage n’était pas nécessaire, on pouvait y employer facilement des travailleurs non qualifiés provenant des industries en déclin.

Entre 1864 et 1871, onze fabriques de chaussures ouvraient leurs portes, dont cinq comptaient plus de 70 employés (Courville, 2001 : 205). La taille des établissements devait ensuite s’accroître puisqu’en 1871, l’on comptait 181 établissements de plus de cinq employés. L’industrie de la chaussure était devenue le plus gros employeur de la ville (Ibid., 2001 : 204) : en 1901, il y avait 259 fabriques de chaussures (Ibid., 2001 : 205). De son côté, la construction navale occupait encore 13 % de la main-d’oeuvre alors que vingt ans plus tôt, elle en employait près de la moitié (47 %) (Ibid., 2001 : 205). La croissance industrielle toucha aussi les domaines de la fonderie, du meuble, de la fabrication d’articles de caoutchouc, du tabac et des brasseries, mais avec des succès variables.

La croissance industrielle se manifestait inégalement sur le territoire de la ville. Durant cette période, les nouvelles manufactures s’installèrent davantage dans le quartier Saint-Roch. Les tableaux agrégés des recensements de 1871 et de 1901 permettent de représenter sur une carte la croissance industrielle dans la basse ville de Québec. Alors qu’en 1871, on comptait 305 travailleurs oeuvrant dans 55 entreprises du domaine du cuir, ce nombre passa en 1901 à 71 entreprises qui fournissaient maintenant de l’emploi à 4954 travailleurs. Dans Québec-Est (quartiers Saint-Roch, Jacques-Cartier et Saint-Sauveur : figure 1), 48 entreprises du même domaine employaient 276 personnes en 1871, soit 11 % de la main-d’oeuvre industrielle de l’endroit qui comptait un total de 2392 travailleurs. En 1901, c’était l’ensemble des entreprises du domaine du cuir qui s’y retrouvaient et qui employaient plus de 66 % des 7422 travailleurs industriels de la ville. En 1871, le plus gros employeur de Québec-Est était la construction navale, avec 1223 travailleurs, soit un peu plus de la moitié (51 %) de la main-d’oeuvre industrielle du District. En 1901, seulement 43 travailleurs oeuvraient encore dans les sept chantiers navals restants. Au début du XXe siècle, le long de la Saint-Charles, les manufactures remplaçaient dorénavant les chantiers navals.

Figure 1

Les quartiers et rues de la ville de Québec en 1901

Les quartiers et rues de la ville de Québec en 1901
Source : Recensement de 1901

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À la croissance de l’emploi dans le secteur industriel s’ajouta celle des emplois dans le secteur tertiaire, soit le commerce de détail, l’immobilier, le transport, l’administration publique, les finances, les services professionnels, les communications, l’éducation et les services sociaux et de santé (Linteau et al., 1989 ; Pelletier et Delfante, 2000 ; Poitras, 2003). Le marché du travail offrait de nouveaux emplois dans un plus grand nombre de domaines et les femmes en profitèrent pour s’y tailler une place. Par ailleurs, de nouvelles technologies vinrent transformer la vie quotidienne à Québec, principalement l’électricité qui y fit son apparition à la fin du XIXe siècle, ainsi que le chemin de fer qui relia enfin la ville à Montréal en 1879. Ces deux nouveautés favorisèrent la création d’emplois et la diversification économique de l’endroit.

Crise économique et structures sociospatiales de la ville

La crise qui sévit à Québec durant la seconde moitié du XIXe siècle y bouleversa la vie économique. Des types d’emploi disparurent au profit de nouveaux, ce qui affecta les travailleurs de différentes manières. D’après Françoise Choay, l’ère industrielle opéra une « bipartition des villes industrielles en deux fractions, l’une correspondant à la fonction économique de production et à la classe sociale des producteurs, l’autre à la fonction économique de consommation et à la classe sociale des consommateurs » (1972 : 23). Selon Serge Courville, l’industrialisation obligea les travailleurs à se trouver un emploi rémunéré, « auquel pourront participer tous les membres du ménage. Et pendant qu’ainsi l’économie se transformait, on migrait vers les lieux potentiels d’emploi, ce qui entraînait une dissociation du lieu de travail et du lieu de résidence, et une reconfiguration de l’habitat » (1995 : 76). Dès lors, il devient pertinent d’étudier comment à la fin du XIXe siècle, ces changements dans l’économie se sont répercutés dans la localisation résidentielle des groupes socioprofessionnels de Québec.

Au Canada, l’étude des effets de l’industrialisation sur la morphologie urbaine et la géographie sociale des villes n’est pas nouvelle. À titre d’exemple, on peut citer les travaux pionniers de Katz, réalisés sur Hamilton (1975), ou encore ceux de Darroch (1994) et de Darroch et Ornstein (1980), sur des villes ontariennes. Au Québec, Montréal fit également l’objet de nombreuses études sur ce thème, comme celles de Lewis (2000), Olson et Thornton (1993) et Thornton et Olson (1993), alors que, pour sa part, Québec ne retint pratiquement pas l’attention des chercheurs à ce chapitre. Le présent travail contribue à combler cette lacune.

Méthodologie

La recherche qui suit est basée sur les données des recensements canadiens de 1871 et de 1901 pour Québec. Outre les informations concernant le chiffre de la population de la ville à cette époque, ces recensements recèlent une foule de renseignements sur ses caractéristiques sociodémographiques, culturelles et socioéconomiques à l’échelle individuelle [1]. Signalons que le recensement de 1871 a été préféré à celui de 1861, puisqu’il est le premier à avoir été systématiquement réalisé par des agents recenseurs et qu’il permet pour la première fois de géoréférencer les individus à l’échelle du ménage. De plus, alors que le cycle de stagnation de la ville a débuté vers 1871 (Hare et al., 1987), sa relance économique débuta vers 1901.

Pour les fins de notre recherche, nous avons retenu les hommes et les femmes âgés de 15 à 64 ans qui déclaraient un emploi. Les militaires et les religieux furent exclus de cet échantillon parce que concentrés dans un ou des endroits bien précis dans la ville. Les individus en emploi étaient au nombre de 16 668 en 1871 et de 27 751 en 1901. Il a été possible de localiser les lieux de résidence de 13 217 employés en 1871, soit 79,3 %, et de 27 681 en 1901, soit 99,7 %. Pour connaître les localisations résidentielles, il a fallu s’appuyer sur des catégories socioprofessionnelles en raison du très grand nombre d’intitulés professionnels que comptaient les recensements (494 en 1871 et 952 en 1901).

Catégories socioprofessionnelles

Choisir des catégories socioprofessionnelles n’est pas chose facile, sachant que, comme le souligne Bouchard, « le rôle tenu par un individu à l’intérieur de l’univers technique du travail exerce une influence significative sur la position qu’il occupe dans la structure économique et sociale, sur son niveau et son genre de vie » (1996 : 71). Aussi il importe de trouver une catégorisation qui puisse tenir compte de la nature du travail et non pas seulement des secteurs économiques. Nous avons opté pour la grille d’Erikson, Goldthorpe et Portecarero (EGP) (1992), parce qu’elle permet de distinguer entre travailleurs non manuels et travailleurs manuels, et entre travailleurs manuels qualifiés et non qualifiés. Cette grille EGP s’apparente à celle que Bouchard a utilisée pour l’étude des populations historiques (Bouchard, 1996 ; De Sève et Bouchard, 1993).

La grille EGP offre plusieurs possibilités de regroupement. Un classement en sept catégories a été retenu, parce que : « non seulement […] c’est ce schème qui avait été choisi par l’IREP, […], de l’aveu même des créateurs du schème des classes EGP, le modèle à sept catégories est le schème le plus souvent utilisé » (Fleury et de Sève, 2000 : 3). Toutefois, de cette classification, nous avons retiré les deux catégories portant sur le secteur primaire en raison du petit nombre de travailleurs oeuvrant dans ce domaine à Québec (199 en 1871 et 152 en 1901).

Comme toute classification, la grille EGP possède des limites : certains types d’emplois sont difficiles à répartir parmi les sept catégories socioprofessionnelles qu’elle comprend. C’est le cas, par exemple, des domestiques, des forgerons et des modistes. À notre avis, les domestiques, classés comme travailleurs non manuels, auraient dû être classés comme travailleurs manuels non qualifiés et peut-être même faire l’objet d’une catégorie à part en raison de leur nombre élevé à Québec (2184 en 1871 et 2225 en 1901). Pour la plupart, elles (c’est un métier très majoritairement féminin) résident chez leur employeur. Quant aux forgerons et aux modistes, ils sont classés avec les entrepreneurs et commerçants. À la lumière des données de recensements, ces deux métiers auraient pu toutefois être regroupés avec les travailleurs manuels qualifiés, puisqu’une minorité seulement était propriétaire de petits commerces. Plusieurs forgerons travaillaient comme employés dans des fonderies, des chantiers navals ou chez des charrons. Selon le recensement de 1901, sur 144 forgerons, 97 se déclaraient employés, 25 travaillaient à leur compte et 19 étaient propriétaires d’entreprises. La situation était similaire chez les modistes, où 290 d’entre elles se disaient employées, 51 patronnes et 204 travaillaient à leur compte (Lanouette, 2004a : 9).

Enfin, parmi les sept catégories, la catégorie des services regroupe à la fois des emplois relevant des services supérieurs et des services inférieurs. Elle inclut ainsi les juges, les avocats, les notaires, les médecins, les infirmières, les institutrices et les policiers, pour ne nommer que ceux-là. Évidemment, ces métiers recoupent des réalités socioéconomiques particulières et ceux qui les pratiquent occupent des places fort différentes dans l’espace social de la ville. C’est là la principale limite de la classification EGP à sept catégories.

Outre ce regroupement des travailleurs en catégories socioprofessionnelles, un certain nombre de métiers ont été retenus pour servir de groupes témoins en vue d’illustrer les transformations du paysage du travail. Ils permettent de saisir les changements de localisation résidentielle des travailleurs à une échelle plus fine, tout en évitant de « faire disparaître sous les statistiques, des groupes de la société […] rendus encore une fois opaques par une histoire qui les dépasse » (Gribaudi et Blum, 1990 : 1366).

Échelles d’analyse

Les données des recensements ont été géoréférencées à l’échelle du ménage au cours de deux étapes. D’abord, à partir de diverses sources d’information, comme les annuaires municipaux, un fichier points des adresses civiques a été constitué pour chacune des années de recensement. Ensuite, les informations relatives à chaque ménage (et à chaque individu en faisant partie) ont été associées aux points créés sur la base des données nominatives [2]. Deux échelles d’analyse ont été choisies pour le traitement des données. La première, zonale, sert à l’analyse des catégories EGP. L’analyse zonale repose sur une grille hexagonale de 75 mètres de rayon. Cette grille a été retenue parce qu’elle laisse un minimum de cellules vides et que les cellules chevauchent très peu les grandes divisions de la ville (haute ville, basse ville et entre les quartiers). De plus, les effectifs de travailleurs regroupés par hexagone sont suffisants pour pouvoir effectuer des analyses statistiques. Le quotient de localisation, obtenu grâce à l’outil de mesure de la ségrégation résidentielle créé par Apparicio (2000), a été privilégié pour l’analyse spatiale des catégories socioprofessionnelles. Ce quotient calcule

le rapport entre la proportion du groupe dans l’unité spatiale et celle du groupe dans la ville. Si le quotient de localisation est supérieur à 1, alors le groupe est dit surreprésenté dans l’unité spatiale, et sous-représenté s’il est inférieur à 1. Pour une valeur de 1, le quotient de localisation signifie que la concentration du groupe x dans l’unité spatiale est égale à celle de la ville.

Apparicio, 2000 : 12

La seconde échelle d’analyse, ponctuelle, sert à l’étude des métiers témoins et consiste à cartographier des lieux de résidence des individus exerçant l’un ou l’autre de ces métiers.

Résultats

Les grandes structures socioprofessionnelles présentent une étonnante stabilité entre 1871 et 1901. En 1871, les travailleurs manuels qualifiés, comprenant des travailleurs de la construction, de l’alimentation ainsi que des travailleurs de manufacture spécialisés (cordonniers, couturières, etc.) dominaient la main-d’oeuvre avec près de 40 % des hommes et des femmes en emploi (tableau 2). Ils étaient suivis des employés non manuels, c’est-à-dire des travailleurs de bureau, des commis, et des domestiques qui comptaient pour presque le quart de la main-d’oeuvre. Avec un peu plus du cinquième des gens en emploi, le troisième groupe en importance comprenait les travailleurs manuels non qualifiés, en grande partie des journaliers et des travailleurs des chantiers navals, tels que les calfats et les scieurs de long, ou les débardeurs et les cochers. Enfin, la catégorie des entrepreneurs et commerçants regroupait un dixième de la main-d’oeuvre, alors que celle des travailleurs des services (supérieurs et inférieurs), n’en comptait que 6 %.

En 1901, la distribution de la main-d’oeuvre présentait une structure très similaire. Les travailleurs manuels qualifiés n’y avaient gagné, en proportion, qu’un point de pourcentage par rapport à 1871, alors que celle-ci aurait pu être plus grande en raison d’une spécialisation accrue du travail durant la période industrielle. De son côté, la proportion des travailleurs manuels non qualifiés a diminué d’un peu plus de deux points de pourcentage, tandis que les trois autres catégories socioprofessionnelles sont demeurées comparables avec des mouvements de moins d’un point. Ainsi, la croissance industrielle ne semble pas avoir affecté les proportions de travailleurs regroupés dans les grandes catégories socioprofessionnelles retenues. Toutefois, une analyse des catégories socioprofessionnelles ventilées en fonction des hommes et des femmes laisse entrevoir des différences plus marquées.

Tableau 2

Distribution des travailleurs de 15-64 ans selon les catégories EGP Québec, 1871 – 1901

Catégorie

1871

1901

Code1

Titre

Effectifs

%

Effectifs

%

I-II

Services

890

5,5

1 346

6,2

IIIab

Employés non manuels

3 779

23,4

5 248

24,0

IVab

Entrepreneurs et commerçants

1 787

11,1

2 364

10,8

V-VI

Travailleurs manuels qualifiés

6 163

38,2

8 573

39,3

VIIa

Travailleurs manuels non qualifiés

3 521

21,8

4 308

19,7

Total

 

16 140

100,0

21 839

100,0

1

Le code renvoie au regroupement en sept catégories établi par Erikson, Goldthorpe et Portecarero (1992)

Source : Manuscrits des recensements 1871 et 1901, PHSVQ-CIEQ

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Selon le tableau 3, à Québec la proportion de la main-d’oeuvre masculine est passée de 77,2 % en 1871 à 72,1 % en 1901, et celle de la main-d’oeuvre féminine, de 22,8 à 27,9 %. Cependant, signalons que les recensements de 1871 et de 1901 ne comptabilisaient pas le travail domestique, ni bon nombre de femmes qui travaillaient dans des commerces familiaux. La nouvelle ère industrielle permettait maintenant aux femmes d’occuper un emploi rémunéré en dehors du ménage, ce qui a incité un grand nombre de jeunes femmes de la campagne à aller travailler et vivre à Québec (Linteau, et al., 1989 ; Bradbury, 1995).

Tableau 3

Proportion des travailleurs hommes et femmes de 15-64 ans, selon les catégories EGP Québec, 1871 – 1901

Catégorie

1871

1901

Code1

Titre

% Hommes

% Femmes

% Hommes

% Femmes

I-II

Services

6,1

3,5

7,2

3,6

IIIab

Employés non manuels

14,5

53,7

17,3

41,4

IVab

Entrepreneurs et commerçants

11,9

8,1

10,0

12,9

V-VI

Travailleurs manuels qualifiés

40,6

30,0

43,6

28,1

VIIa

Travailleurs manuels non qualifiés

26,9

4,7

21,9

14,0

Total

 

100,0

100,0

100,0

100,0

Effectifs totaux

 

12 465

3 675

15 737

6 102

1

Le code renvoie au regroupement en sept catégories établi par Erikson, Goldthorpe et Portecarero (1992)

Source : Recensements 1871 et 1901, PHSVQ-CIEQ

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La répartition des hommes et des femmes par catégories socioprofessionnelles présente des écarts importants. Pour plus du tiers de leurs effectifs, les hommes étaient des travailleurs manuels qualifiés alors qu’un homme sur cinq occupait un emploi de travailleur manuel non qualifié. Le travail féminin était quant à lui réparti en deux catégories : 1) les employées non manuelles comptant pour plus de 50 % en 1871, et 2) les travailleuses manuelles qualifiées, pour presque le tiers. Ainsi, la montée de l’industrie semble avoir affecté davantage la répartition socioprofessionnelle des femmes.

Le travail masculin présente une certaine stabilité entre 1871 et 1901, progressant de un à trois points dans trois catégories, la catégorie des entrepreneurs et commerçants perdant deux points et celle des travailleurs manuels non qualifiés en cédant cinq, perte qui s’explique par l’avènement des manufactures. Chez les femmes, les variations observées entre les catégories socioprofessionnelles apparaissent nettement plus grandes. Ceci s’explique, en partie, par l’éventail restreint des types d’emplois occupés par les femmes. En 1871, 51 % de la main-d’oeuvre féminine déclarait occuper un emploi de domestique; en 1901, c’était le cas du tiers des femmes en emploi. Cette situation affecta la proportion des travailleuses non manuelles qui perdit un peu plus de 12 points de pourcentage entre 1871 et 1901. La catégorie des entrepreneures et des commerçantes gagna près de 5 points de pourcentage en raison de la forte croissance du nombre de modistes. Enfin, la proportion de travailleuses manuelles non qualifiées augmenta de près de dix points de pourcentage en raison d’un plus grand nombre de journalières travaillant dans les manufactures, alors que la proportion des femmes oeuvrant dans les services demeura stable.

Au cours du dernier tiers du XIXe siècle, les proportions des effectifs étaient relativement stables au sein des grandes catégories socioprofessionnelles. Voyons maintenant comment cette évolution se reflèta dans l’espace résidentiel de la ville.

Une apparente stabilité

Les transformations sociales et économiques que connut Québec semblent ne pas avoir eu d’impact majeur sur le lieu de résidence des hommes en emploi, répartis en fonction des catégories socioprofessionnelles [3] retenues. La répartition dans l’espace habité des différents groupes de travailleurs et de travailleuses présente une structure similaire pour les années 1871 et 1901 ; s’il y a changement, il semble refléter une spécialisation accrue de ces espaces.

Pour 1871, nos données font ressortir une division haute ville - basse ville (figure 2). Ainsi, les travailleurs manuels qualifiés étaient surreprésentés dans la vallée de la Saint-Charles et sous-représentés dans la partie murée de la ville, ainsi que sur le front du fleuve Saint-Laurent. Les employés des services supérieurs et inférieurs étaient également surreprésentés à l’intérieur des murs de Québec. Quant aux entrepreneurs et aux commerçants, ils tendaient à occuper certaines rues huppées de la ville : Grande-Allée et Saint-Jean pour la haute ville, Saint-Joseph pour le quartier Saint-Roch, Saint-Vallier, dans le secteur de l’église, dans Saint-Sauveur, et la rue Saint-Pierre dans le quartier du même nom. De leur côté, les employés non manuels se retrouvaient principalement dans la partie haute de la ville ainsi que dans le quartier Saint-Pierre. Les travailleurs manuels non qualifiés, quant à eux, habitaient les secteurs périphériques de la ville et dominaient très largement le quartier Champlain.

Figure 2

Quotients de localisation des hommes en emploi en 1871

Travailleurs manuels qualifiés (V-VI)

Travailleurs manuels qualifiés (V-VI)

Services supérieurs et inférieurs (I-II)

Services supérieurs et inférieurs (I-II)

Entrepreneurs et commerçants (IVab)

Entrepreneurs et commerçants (IVab)

Employés non manuels (IIIab)

Employés non manuels (IIIab)

Travailleurs manuels non qualifiés (VIIa)

Travailleurs manuels non qualifiés (VIIa)

Quotient de localisation

Quotient de localisation

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En 1901, la répartition dans la ville des hommes en emploi s’apparentait à celle observée pour l’année 1871 (figure 3). Toutefois elle dénote une spécialisation accru de l’occupation de l’espace en fonction de l’appartenance aux catégories socioprofessionnelles. Ainsi, les travailleurs manuels qualifiés étaient surreprésentés dans le quartier Saint-Sauveur, là où leur concentration s’était encore accrue. Les travailleurs des services supérieurs et inférieurs débordaient la ville murée, progressant le long des rues Saint-Jean, Grande-Allée et Des Érables. La répartition des lieux de résidence des entrepreneurs et commerçants était plus contrastée, puisque ceux-ci tendaient à se regrouper semble-t-il par petites grappes dans la ville, tout en étant surreprésentés le long des rues Saint-Jean et Grande-Allée, ainsi que dans le quartier Saint-Roch. Pour leur part, les employés non manuels demeuraient largement surreprésentés dans la partie haute de la ville et avaient tendance à aller s’établir dans les quartiers situés plus à l’ouest, soit Saint-Jean et Montcalm. Enfin, les employés manuels non qualifiés habitaient dans les zones périphériques de la ville, notamment dans le quartier Champlain où ils étaient largement surreprésentés.

La croissance ou la diminution de la population dans les quartiers de Québec permet d’évaluer la spécialisation accrue des espaces résidentielles à savoir. Entre 1871 et 1901, la population de la basse ville (quartiers Saint-Pierre et Champlain) passa de 7712 à 4937 habitants (Lanouette, 2006 : 22). Le quartier Champlain perdit à lui seul 1757 habitants, soit 44 % de ses effectifs. Les chiffres varient à peine à la haute ville : 23 928 en 1871 et 24 578 en 1901. Cependant, on observe à l’intérieur des remparts une légère baisse de population, alors que le quartier Saint-Jean-Baptiste situé à l’extérieur des murs accroît ses effectifs. La vallée de la Saint-Charles (Saint-Roch, Saint-Sauveur et Limoilou), siège de l’industrie manufacturière, vit sa population s’accroître fortement durant la période, passant de 28 307 à 39 326 habitants en 1901, les quartiers Saint-Sauveur et Limoilou accueillant plus de 70 % de cette augmentation. Les manufactures du quartier Saint-Roch attiraient les travailleurs qui s’installaient dans la vallée de la Saint-Charles, tandis que les quartiers où prévalaient le commerce et les activités portuaires furent désertés. Certains quartiers gagnèrent quand d’autres perdirent.

Enfin, la répartition des lieux de résidence des travailleurs masculins en fonction des catégories socioprofessionnelles aide à dresser un portrait qui permet d’aller au-delà de la traditionnelle division haute ville - basse ville à Québec. Les regroupements spatiaux de travailleurs par catégories socioprofessionnelles laissent entrevoir une division de la ville en trois secteurs : 1) la partie murée, financièrement à l’aise, qui regroupait le travail supérieur et les travailleurs non manuels; 2) le quartier Saint-Sauveur, un quartier ouvrier type, où habitaient des travailleurs manuels; et 3), le quartier Champlain, qui perdit le plus d’habitants entre 1871 et 1901. On y trouvait une main-d’oeuvre manuelle non qualifiée qui voyait ses conditions de vie se dégrader sans cesse. Dans les autres quartiers de Québec (Saint-Roch, Saint-Pierre, Saint-Jean-Baptiste, Montcalm), les portraits étaient plus nuancés. Aucune catégorie socioprofessionnelle de travailleurs ne s’y trouvait surreprésentée. Tout au plus formaient-ils une zone d’intersection dans laquelle s’accroissait le nombre des travailleurs non manuels et des services, tandis que le nombre des travailleurs manuels qu’on y retrouvait tendait à diminuer.

Figure 3

Quotient de localisation des hommes en emploi en 1901

Travailleurs manuels qualifiés (V-VI)

Travailleurs manuels qualifiés (V-VI)

Services supérieurs et inférieurs (I-II)

Services supérieurs et inférieurs (I-II)

Entrepreneurs et commerçants (IVab)

Entrepreneurs et commerçants (IVab)

Employés non manuels (IIIab)

Employés non manuels (IIIab)

Travailleurs manuels non qualifiés (VIIa)

Travailleurs manuels non qualifiés (VIIa)

Quotient de localisation

Quotient de localisation

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Continuités et mouvements

La répartition des lieux de résidence des travailleurs pratiquant les métiers témoins retenus changea à des degrés divers entre les deux recensements. À titre d’exemple, voyons comment varie la localisation résidentielle des cordonniers, des médecins, des teneurs de livres et des laitiers.

Les travailleurs pratiquant ces quelques métiers témoins étaient très majoritairement de sexe masculin (tableau 4). Les cordonniers et les teneurs de livres appartenaient à deux secteurs économiques en croissance, soit la transformation et le tertiaire (figure 4). Quant au nombre de médecins et de laitiers, il n’augmenta que faiblement et leur localisation résidentielle ne changea pas (figure 5).

Tableau 4

Effectifs des métiers témoins, 1871-1901

Titre

1871

1901

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Cordonniers

686

16

1790

80

Médecins

62

--

83

3

Teneurs de livres

51

--

235

13

Laitiers

67

6

92

7

Source : recensements 1871, 1901, PHSVQ-CIEQ

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L’accroissement des effectifs du domaine de la cordonnerie permet d’illustrer ce qui s’est passé dans le secteur industriel à Québec, au cours de la période à l’étude. De 1871 à 1901, la proportion de ces travailleurs passa de 6 à 11 % de la main-d’oeuvre masculine de cette ville. De plus, alors qu’ils habitaient de préférence dans la vallée de la Saint-Charles et dans Saint-Jean-Baptiste en 1871, en 1901 on les retrouvait massivement dans le quartier Saint-Sauveur. En 1871, 25 % des cordonniers résidaient dans Saint-Sauveur, tandis que 22 % d’entre eux habitaient dans Saint-Jean ; en 1901, près de 69 % résidaient dorénavant dans Saint-Sauveur, alors qu’il n’en restait plus que 6 % dans Saint-Jean.

La tertiarisation concomitante du marché du travail, accroissait l’importance relative de métiers jusque-là marginaux, comme celui de teneur de livres. En 1871, des teneurs de livres résidaient principalement dans les quartiers Saint-Roch et Saint-Jean, ainsi qu’à l’intérieur des murs de la ville. On en retrouvait également quelques-uns dans Saint-Pierre. En 1901, ils ont essaimé dans tous les quartiers de la ville, mais habitaient souvent aussi dans les quartiers Saint-Jean et Saint-Roch, le long des deux principales rues commerciales de Québec (Saint-Jean et Saint-Joseph).

De leur côté, les médecins habitaient majoritairement dans la partie murée de la ville, que ce soit en 1871 ou en 1901. En 1901, à cet endroit, ils avaient tendance à se regrouper le long des rues Sainte-Anne, d’Auteuil et Saint-Louis. Hors des murs, on observe en 1871 la présence de quelques médecins le long de la rue Saint-Jean et dans le secteur de l’église Saint-Roch; aucun médecin ne résidait dans le quartier Champlain. En 1901, deux concentrations de médecins existaient, l’une dans Saint-Jean-Baptiste, près de l’église du quartier, et l’autre dans Saint-Roch, toujours près de l’église. Par ailleurs, leur nombre s’accroît le long de la rue Saint-Vallier. La localisation des hôpitaux ne semble pas avoir influencé le choix des lieux d’habitation des médecins.

Étonnamment, les laitiers de 1871 et ceux de 1901 demeurent encore dans les mêmes quartiers. En 1871, une forte concentration de ces travailleurs existait dans la partie ouest de Saint-Jean-Baptiste, aux limites de la ville, concentration qui était toujours en place en 1901. Malheureusement, nos données ne nous permettent pas d’expliquer cette constance en matière résidentielle, sinon que les laitiers avaient intérêt à demeurer en périphérie de la ville, c’est-à-dire aux abords de la campagne où ils se procuraient leur lait.

Figure 4

Cordonnier et teneur de livres, 1871-1901

Cordonniers, 1871

Cordonniers, 1871

Cordonniers, 1901

Cordonniers, 1901

Teneurs de livres, 1871

Teneurs de livres, 1871

Teneurs de livres, 1901

Teneurs de livres, 1901

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Ces quelques exemples mettent en relief deux phénomènes que masquaient nos grandes catégories socioprofessionnelles précédentes, soit la redistribution importante dans l’espace urbain de Québec des travailleurs pratiquant des métiers particuliers, et la quasi immobilité des médecins et des laitiers. Ceci montre que malgré une répartition spatiale stable des grandes structures socioprofessionnelles, les praticiens de métiers individuels devaient s’ajuster à des réalités spécifiques, par exemple, en se déplaçant vers Saint-Sauveur, dans le cas des cordonniers, et en élargissant leur distribution spatiale en raison de l’accroissement du nombre d’entreprises, Quant aux médecins, ils semblaient privilégier certains lieux en raison de leur statut social, alors que les laitiers choisissaient de minimiser la distance qui les séparait de leurs clients et de leurs fournisseurs.

Figure 5

Médecin et laitier, 1871-1901

Médecins, 1871

Médecins, 1871

Médecins, 1901

Médecins, 1901

Laitiers, 1871

Laitiers, 1871

Laitiers, 1901

Laitiers, 1901

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Conclusion

La crise économique et démographique qui secoua la ville de Québec entre 1871 et 1901 et l’industrialisation qui s’ensuivit ne transformèrent pas les grands traits de sa structure sociospatiale, telle que révélée par la localisation résidentielle des différents groupes socioprofessionnels. Durant cette période, il apparaît toutefois qu’une spécialisation socioprofessionnelle accrue des quartiers s’est produite en fonction des différentes catégories de travailleurs qui y habitaient. Par ailleurs, une analyse plus détaillée à partir d’un groupe de métiers témoins a montré que derrière la stabilité apparente de la structure sociorésidentielle basée sur les catégories professionnelles retenues, des déplacements résidentiels importants se sont produits à l’échelle de ceux et celles qui pratiquaient des métiers particuliers. Cette étude indique aussi que, sur le plan socioprofessionnel, le paysage de Québec ne peut se réduire à un simple clivage haute ville - basse ville.