Résumés
Résumé
Dans cet article, nous situons le World Congress of Representative Women tenu à Chicago en 1893, première rencontre internationale de grande envergure organisée par et pour des femmes représentant diverses nations et divers groupes de femmes dans son contexte historique, celui de l’exposition universelle colombienne organisée par une Amérique en pleine expansion impérialiste. À l’aide d’un cadre d’analyse féministe intersectionnelle, nous analysons les intersections entre divers rapports de pouvoir en jeu lors de cet événement et nous illustrons certaines limites de la solidarité internationale lors de la constitution des premiers réseaux internationaux de groupes de femmes. En conclusion, nous nous interrogeons sur les pratiques actuelles de certains réseaux transnationaux de femmes en présence aux Nations Unies.
Abstract
The World Congress of Representative Women was held in Chicago in 1893. It was the first large-scale international gathering organised by and for women representing many countries and a wide variety of women’s groups. This article analyses the event in its historical context, that of a world peace exhibition organised by a United States characterised by rising imperialism. Using a feminist and intersectional framework, this article examines the intersection of the various power relations in play at this event and documents some of the limits to international solidarity evident when the first international women’s networks were being constituted. The conclusion raises questions about the practices of some contemporary transnational women’s networks at the United Nations.
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Parties annexes
Notes
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Voir entre autres les guides de l’ICREF sur les cadres d’analyse féministe intersectionnelle (CAFI) disponibles sur leur site : <www.criaw-icref.ca>.
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L’idée d’organiser une telle exposition universelle est elle-même inspirée par d’autres expositions de plus petites envergures organisées au cours du XVIIIe et au début du XIXe siècle telle l’exposition industrielle française de 1844 à Paris et au cours de laquelle des « biens coloniaux » sont exposés pour la première fois (Curien, 2003 : 75 ; Poirier, 1958 : 67) ; voir <http://www.nationmaster.com/encyclopedia/Great-Exhibition>, page consultée le 10 juin 2005.
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[3]
Par exemple, des expositions françaises ont lieu à Paris en 1855, 1867, 1878, 1889, 1900 ; une exposition austro-hongroise est tenue à Vienne en 1873 ; des expositions américaines ont lieu à Philadelphie en 1876 et à Chicago en 1893, une exposition espagnole est tenue à Barcelone en 1888 ; une première exposition belge a lieu à Bruxelles en 1897. L’Australie organise une exposition universelle à Melbourne en 1880. (Données tirées du tableau synthèse de Curien, 2003 p. 345 ; élaboré à partir des données de Schroeder-Gudehus et Rasmussen, 1992). L’Angleterre organise une dernière exposition universelle à Londres en 1862. Cette exposition qui reflète les conflits récents (Guerre de Crimée) et courants (Guerre de sécession américaine) en mettant l’accent sur l’industrie de l’armement sera vertement critiquée et aucune autre exposition universelle n’est tenue par la suite (Curien, 2003 : 79).
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[4]
<www.nationmaster.com/encyclopedia/Great-Exhibition>, page consultée le 10 juin 2005.
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Le premier Congrès international des droits des femmes a lieu du 29 juillet au 9 août 1878 en parallèle de l’exposition universelle de Paris. Ce Congrès est organisé par la Société pour l’amélioration du sort de la femme sous la présidence de Maria Deraismes. Onze pays et seize organisations participent officiellement à ce congrès (Moses : 1984 : 207). Lors de l’exposition universelle organisée à Paris en 1889 afin de commémorer le centenaire de la Révolution française, l’État français opte pour le financement d’un nombre important de conférences, congrès et expositions. Au nombre de ceux-ci, l’État subventionne le premier Congrès international des oeuvres et institutions féminines organisé en juillet 1889 sous la présidence du politicien français Jules Simon (Albistur et Armogathe, 1977 : 524 ; Moses, 1984 : 221). Ce congrès a pour but de décrire le rôle joué par les femmes dans les oeuvres charitables, l’éducation, les arts, la science et la littérature. Un congrès alternatif est également organisé par Léon Richer et Maria Deraismes : le deuxième Congrès français et international du droit des femmes qui se tient à Paris du 25 au 29 juin 1889 (Moses, 1984 : 221 et Albistur et al., 1997 : 524). Ce congrès couvre quatre sections (historique, économique, morale, législative) et traite davantage des droits politiques des femmes (Moses, 1984 : 222).
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[6]
Le premier pavillon des travaux féminins (Pavillon der Frauenarbeiten) de Vienne en 1873 est organisé par des hommes, mais des femmes actives au sein de l’Association viennoise des femmes professionnelles apportent une certaine contribution (Pepchinski, 2000 : 4).
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[7]
Lors de la Philadelphia’s Centennial Exhibition, le gouvernement américain consent à la construction d’un Pavillon de la femme où des réalisations féminines sont exposées. Bien que des femmes afro-américaines participent à la souscription pour l’exposition, aucun espace au sein de ce pavillon ne leur est alloué (Rydell, 1984 : 28).
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[8]
Hubertine Auclert, qui participe dans les premiers temps au Comité d’organisation de ce congrès, entend y affirmer l’égalité intégrale des sexes, y compris le droit de vote, mais Léon Richer et Maria Deraismes qui préside le comité s’y opposent. Alors, elle démissionne du comité et publie le discours qu’elle a préparé sous le titre : Le droit politique des femmes, question qui n’est pas traitée au Congrès international des femmes (Rabaut, 1978 : 174).
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[9]
Murale « Primitive woman » de Mary Macmonnies-Low. Pour une illustration de cette murale, voir : <http://members.cox.net/academia/cassatt5.html#macmonnies>, page consultée le 30 mars 2005. Murale « Modern Woman » de Mary Cassatt. Pour une illustration de cette murale, voir <http://members.cox.net/academia/cassatt.html>, page consultée le 7 juin 2005.
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[10]
Les Américaines obtiennent le droit de vote au fédéral en 1920 avec l’adoption du 19e amendement à la Constitution américaine. Malgré leur affranchissement de l’esclavage en 1863, les hommes afro-américains ont obtenu le droit de vote seulement après la guerre civile et après l’adoption du 14e amendement à la Constitution en 1868 (Clinton et Lunardini, 1999 : 64). Les peuples autochtones obtiennent la citoyenneté américaine seulement en 1924 et le droit de vote encore plus tard ; voir <http://www.nebraskastudies.org/0700/stories/0701_0140.html>, page consultée le 8 septembre 2007.
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[11]
Les esclaves noirs s’affranchissent de leurs maîtres français et obtiennent l’indépendance d’Haïti en 1804 (Ballard, 2002 : 118).
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[12]
C’est en 1888, lors de la rencontre commémorative organisée par Susan B. Anthony et Elizabeth Cady Stanton et visant à souligner les 40 ans de la Seneca Falls Women’s Rights Convention, qu’un Conseil international des femmes est mis sur pied pendant huit jours (Clinton et Lunardini, 1999 : 125). À la suite de cette rencontre, le National Council of Women des États-Unis et l’International Council of Women (ICW) sont mis sur pied de manière permanente. En plus des cinquante et une organisations de femmes américaines, des déléguées du Canada, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Norvège, du Danemark, de la Finlande et de l’Inde participent à cette rencontre (Sewall, 1894 : 61). À ses débuts, l’International Council of Women ne compte que des groupes américains comme membres (Käppelli, 1991 : 505). Pour remédier en partie à l’absence de groupes non américains, sont élues au premier conseil d’administration de l’International Council of Women : une présidente anglaise (Milicent Garrett Fawcett qui démissionne en 1892) ; une vice-présidente et une secrétaire américaines (Clara Barton et Rachel Foster Avery) ; une secrétaire d’archives (“recording secretary”) danoise (Kristine Frederiksen) ; et une trésorière française (Isabelle Bogelot) (Sewall, 1894 : 60). Selon Sewall, dès mai 1893, des conseils nationaux sont en formation en Finlande, Norvège, Suède, Danemark et existaient déjà en France, en Belgique et au Canada (Sewall, 1894 : 44). Selon Käppelli, c’est seulement après la première rencontre quinquennale à Chicago en 1893 que des conseils nationaux sont officiellement fondés dans d’autres pays tels que le Canada (octobre 1893), l’Allemagne (1894), l’Angleterre (1895), la Suède (1896), l’Italie et la Hollande (1898), le Danemark (1899), et la Suisse (1900) (Käppelli, 1991 : p. 506). Lors de la rencontre de l’ICW de 1888, les participantes conviennent informellement que la première rencontre quinquennale de l’ICW permanent aura lieu à Londres en 1893 (Sewall, 1894 : 61). En raison de l’annonce de la tenue d’une exposition colombienne universelle à Chicago pour l’année 1892 (en fait 1893), les groupes de femmes américains proposent de tenir la rencontre de l’ICW au cours de cette exposition et d’organiser à cette occasion un congrès mondial des femmes représentantes (Sewall, 1894 : 43).
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[13]
En plus de la France, du Royaume-Uni, de la Suisse, des représentantes de l’Espagne, du Brésil, d’Amérique du Sud, du Canada, de la Pologne, de l’Islande, de la Syrie et du Siam ont pris la parole.
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[14]
Cependant, comme cette représentante autochtone n’est pas nommée, il nous a été impossible de distinguer sa communication dans l’ensemble des actes du Congrès.
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