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En plus de faire le point sur le concept, la première qualité de l’ouvrage L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce (2006), rédigé sous la direction de Christiane Gagnon et de Serge Gagnon, est de ne pas tomber dans le piège du sacro-saint écotourisme. Dès les premières pages, les auteurs (Gagnon et Lapointe) mettent en lumière les différents aspects du cadre interprétatif du terme. On y souligne – comme le fait si bien le titre de l’ouvrage – les problématiques et les contradictions auxquelles fait face le concept : respect des écosystèmes et des cultures locales tout en promulguant l’exploitation commerciale des premiers et le droit des seconds au développement économique et surtout à la participation dans la gouvernance. Pourtant, « il ne va pas de soi […] que la rencontre des objectifs d’écotourisme rencontrent ces énoncés déclaratifs », soulignent Gagnon et Lapointe (p. 15). Ainsi, loin d’encenser l’écotourisme, le livre montre au contraire que ses objectifs entrent parfois en conflit avec la réalité des habitants des localités où se déroule cette forme de tourisme. Le texte de Nathalie Lahaye : « Lorsque conservation et tourisme se rencontrent » est particulièrement intéressant à ce propos.

Le livre de Gagnon et Gagnon, réalisé par l’assemblage de textes recueillis lors d’un colloque sur le thème, est divisé en quatre parties. La première, « Écotourisme sous tension », propose trois chapitres consacrés à ce concept. La seconde partie, « Les parcs nationaux », comprend cinq chapitres qui portent sur le rôle que joue cette ressource comme attrait dans les communautés situées à proximité tout en abordant certains aspects de la gestion. La troisième partie de l’ouvrage, « Forêt, terre et mer », propose trois chapitres sur l’activité écotouristique comme alternative pour la mise en valeur des ressources. Les trois derniers chapitres, regroupés sous le thème « L’écotourisme : un nouveau marché ? », nous amènent à approfondir la question de la certification, de l’authenticité et de l’éthique.

La force de cet ouvrage collectif est d’alterner entre des questions théoriques et des situations pratiques. Les études de cas permettent au lecteur de faire un tour d’horizon de situations particulières à différentes zones écologiques, de l’Australie-Occidentale à la France ; de la forêt humide (Costa Rica) à l’Arctique (Nunavik).

Le marché francophone du livre scientifique néglige encore le sujet. On se réjouira donc de l’arrivée de L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce qui a la qualité de tendre des ponts entre divers univers culturels et linguistiques encore trop souvent séparés. Ainsi, on note la participation à l’ouvrage des professeurs Juan Antonio Aguirre G., du Costa Rica, et du réputé Ross K. Dowling d’Australie. Cependant, dans un ouvrage qui met l’accent sur l’équité et l’éthique, on se demandera pourquoi un texte sur les impacts sociaux et culturels du tourisme (Luce Proulx) se réfère encore (p. 92) aux touristes « sioux » et « huron » de Didier Urbain (1991), alors que Plog (1974) nous a depuis longtemps offert un système sans connotation ethnique : le modèle des allocentriques, moyens centriques et psychocentriques.

Malgré des textes de valeur inégale, les lecteurs intéressés par les questions de gestion, de la sociologie et de la philosophie (éthique) du tourisme de nature y trouveront toutefois leur compte.