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Introduction

Les élèves ontariens inscrits[1] dans les écoles secondaires de langue française en milieu minoritaire subissent les conséquences de leur milieu de vie. Parce qu’ils sont issus d’un contexte où le français a une faible vitalité sociale, ils vivent quotidiennement « en français » à l’école et « en anglais » en société. C’est ainsi que la plupart d’entre eux sont appelés à devenir « bilingues ». La baisse démographique des effectifs d’élèves dans les écoles de langue française en Ontario (Landry et Rousselle, 2003) et le taux élevé de leur assimilation inquiète et pose plusieurs défis aux conseils scolaires qui travaillent d’arrache-pied pour redresser la situation. Par ailleurs, les écoles de langue française accueillent davantage une clientèle étudiante hétérogène.

Dans un tel contexte, les perceptions peuvent diverger quant à la francophonie ontarienne, aux valeurs et aux comportements langagiers souhaités, entraînant ainsi des conflits idéologiques sur le terrain qui divisent la communauté francophone de l’Ontario. Dans ce débat, connaître ce que pensent et ce que vivent l’ensemble des jeunes des écoles de langue française se révèle important. Ces élèves doivent être consultés parce qu’ils seront les principaux participants de cette société en construction. Il est impossible de se limiter aux francos dominants ; la survie des écoles de langue française en Ontario dépend de la participation de tous les élèves. S’il existe une idéologie, elle ne peut réussir sans coller à leur réalité. Autrement, il y a risque d’aliéner et de conduire à l’assimilation une population minoritaire qui, au fond, est la population de souche de l’Ontario francophone.

L’objectif de cette étude est donc de consulter les adolescentes et adolescents âgés de 16 ans et plus qui sont inscrits dans les écoles de langue française de l’Ontario, afin d’identifier leurs perceptions des organismes francophones en Ontario, ainsi que de décrire leurs valeurs et leurs comportement langagiers.

Cadre théorique

La plupart des chercheurs reconnaissent qu’il existe en Ontario un discours anglo dominant qui nuit à l’épanouissement de l’Ontario francophone (Cummins, 1981, 2000 ; Landry et Rousselle, 2003). L’étude historique menée par Haché (1995) sur les luttes scolaires en Ontario français illustre d’ailleurs très bien ce type de relation hégémonique.

Deux discours

Il existe deux discours en Ontario francophone : un discours franco dominant et un discours minoritaire. Le discours franco dominant voudrait que l’Ontario français soit constitué d’une population francophone homogène, représentée par une élite modèle. D’après ce modèle, les personnes minoritaires bilingues sont souvent perçues comme moins francophones, car ayant des difficultés au niveau de leur compétence sociolinguistique. Gervais (1983), par exemple, écrit : « un dernier mythe à supprimer, c’est l’existence d’une nouvelle élite composée de “mutants” ou “d’hybrides biculturels” » (p. 89).

Par rapport au bilinguisme des jeunes minoritaires, Gérin-Lajoie (2003) constate :

Comme d’autres chercheurs l’ont fait avant moi, je pourrais facilement conclure que ces jeunes contribuent à leur façon à une mort lente, mais assurée, des francophones qui vivent en milieu minoritaire.

p. 148

Par contre, à la page suivante, elle ajoute :

Si l’on décortique la notion d’identité bilingue, on se rend vite compte qu’elle n’entrave en rien, pour plusieurs des jeunes interrogés, un attachement véritable à la langue et à la culture françaises.

p. 148-149

Mais qu’entendons-nous par culture ? Legendre (1993) nous propose cette définition :

Culture : « ensemble des manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de s’exprimer, de s’exprimer et de réagir ; ensemble des modes de vie, des croyances, des connaissances, des réalisations, des us et coutumes, des traditions, des institutions, des normes, des valeurs, des moeurs, des loisirs et des aspirations qui distingue les membres d’une collectivité et qui cimentent son unité à une époque ».

p. 284

Les francophones de l’Ontario ne s’entendent pas sur leurs perceptions (façon de voir), leurs valeurs et leurs comportements. Certains francos dominants perçoivent les francophones minoritaires comme une importante ressource humaine qui assurera la survie de l’Ontario français et de ses institutions ; d’autres les perçoivent comme un fardeau social, une population de personnes quasi-assimilées qui maîtrisent mal leur langue et qui compromettent l’avenir de l’Ontario français. Ils ne s’entendent pas sur les valeurs ; ce qui est important pour certains ne l’est pas pour d’autres. Par exemple, certains considèrent le bilinguisme comme une passerelle vers l’assimilation (Baker, 2000), tandis que d’autres le perçoivent comme un avantage (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1998, 2004).

Pour ces adolescentes et adolescents de l’Ontario francophone, le bilinguisme ou le multilinguisme n’est pas une passerelle à l’assimilation, mais représente une façon de conserver leur langue maternelle tout en s’ouvrant aux opportunités de la vie contemporaine et en investissant au niveau de leur culture avec leur famille et leurs pairs.

Il s’ensuit une mésentente quant au discours à promouvoir ou auquel adhérer, aux normes de comportements à privilégier sur le plan langagier ; cela donne lieu à des conflits de valeurs, à des luttes de pouvoir et à des relations hégémoniques à l’interne (Duquette et Morin, 2003). Traditionnellement, le comportement langagier souhaité chez les jeunes par les éducateurs est l’adoption de la langue normalisée, car cela démontre une parfaite maîtrise de la compétence linguistique. De plus en plus, cependant, on réalise que ces compétences se développent davantage à travers la communication en milieu social ; les compétences apprises sur le plan académique ne mènent pas nécessairement à des compétences pragmatiques sur le plan social (Giles et Coupland, 1991).

Le bilinguisme au Canada et dans le monde

Une de ces polémiques porte donc sur l’importance à accorder au bilinguisme en milieu francophone minoritaire. En effet, il semble exister un écart entre l’idéologie proposée dans le discours dominant en Ontario francophone et la réalité telle que vécue par l’ensemble des jeunes au sein des écoles de langue française en Ontario.

Depuis le Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et sur le biculturalisme publié en 1987, le Gouvernement du Canada a maintenu des politiques visant à soutenir et à encourager le bilinguisme au Canada, tant sur le plan institutionnel qu’individuel. Des recherches menées dans les années 1970 et 1980 ont par la suite démontré les nombreux avantages du bilinguisme individuel (Lambert et Tucker, 1972 ; Cummins, 1978, 1981). Depuis, des congrès internationaux, comme le 4th Annual Symposium on Bilingual Education tenu à Atlanta en 2003, ont regroupé plusieurs centaines de chercheurs. La plupart s’entendent sur l’importance de renforcer la langue maternelle minoritaire et sur les avantages du bilinguisme ou multilinguisme individuel. La globalisation de l’économie a entraîné des transformations au niveau des langues et des identités et a créé des conflits entre ceux qui souhaitent renforcer, maintenir et défendre ce qui les définit et les rend uniques et ceux qui adoptent et participent à ces changements (Heller, 2003).

Cependant, deux éléments demeurent inquiétants. Dans un premier temps, les inquiétudes suscitées par la présence d’un bilinguisme institutionnel sont compréhensibles. En 1968, l’Ontario se retrouve dans un contexte politique particulier et voit Pierre Trudeau accéder au pouvoir. La Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme a terminé ses travaux et décide d’ouvrir des écoles bilingues. Cependant, il est vite apparu que le bilinguisme institutionnel est une formule d’assimilation, les normes et les valeurs dominantes étant celles de la société majoritaire de l’Ontario. L’Ontario francophone a donc agi rapidement et a transformé, en 1972, ces écoles bilingues en écoles de langue française.

Dans un deuxième temps, les inquiétudes suscitées par la présence d’un bilinguisme soustractif (le remplacement d’une langue par une autre) sont concevables (Baker, 1997). Cependant, les jugements négatifs vis-à-vis des élèves bilingues qui ont grandi en milieu minoritaire ontarien sont souvent des messages d’exclusion qui contribuent au processus d’assimilation. Sans être associés à une politique d’aménagement linguistique, les tests de compétences linguistiques administrés par les conseils scolaires ou par les maisons de formation renforceraient cette exclusion.

Le discours franco-ontarien

Les inquiétudes par rapport à la survie de l’Ontario francophone ont abouti à un discours franco-ontarien qui est apparu au début des années 1970. Ce discours avait pour objectif de remplacer l’expression « canadienne-française », qui disparaissait du vocabulaire québécois, pour favoriser l’émergence d’une francophonie ontarienne, en même temps que le virage souverainiste québécois (Duquette et Morin, 2003). Ainsi, les deux premiers principes directeurs adoptés lors du Sommet de la francophonie ontarienne tenu à Toronto en 1991 identifient unilatéralement tous les francophones de l’Ontario comme Franco-Ontarien(ne)s « pour faire référence non seulement à l’héritage culturel canadien-français de la communauté, mais aussi au patrimoine ethnoculturel francophone auquel contribuent des Franco-Ontariennnes et des Franco-Ontariens de race et de culture diverses » (p. 10). Il existe des dangers réels dans une telle approche. Dès la fin des années 1970, le sociologue nord-ontarien Donald Dennie (1978) remettait en question la légitime représentativité de l’élite franco-ontarienne :

Existe-t-il, a-t-il déjà existé une réalité qu’on peut appeler société franco-ontarienne ? Dans le cadre de l’idéologie franco-ontarienne et pour ses définisseurs, il ne fait aucun doute. La société franco-ontarienne est une entité vivante qui a des traditions, des valeurs, des institutions. Mais lorsqu’on tente de la saisir empiriquement, on se bute à des obstacles majeurs qui laissent soupçonner que cette réalité est beaucoup plus une représentation idéologique qu’un fait tangible. Pour l’idéologue franco-ontarien, cette société est essentielle[...] Toutefois, lorsque le scientifique essaie de cerner cette réalité, de l’analyser, la mesurer, en tâter le pouls, il a de la difficulté à retrouver le corps.

p. 79

Il est donc pertinent de recenser les perceptions des élèves de la francophonie ontarienne telles qu’elles se formulent en contexte minoritaire, car elles sont intimement reliées à leurs valeurs et à leurs comportements langagiers. Par la suite, il sera possible d’examiner de plus près le lien éventuel qui existe entre le discours franco-dominant et le comportement langagier des jeunes. Actuellement, se voir à travers les yeux des franco-dominants peut avoir pour résultat de dévaloriser la population minoritaire de souche. La perception négative qu’elle engendre et l’aliénation qu’elle crée entravent l’identité et se dégagent des conflits de valeurs, surtout au niveau de l’usage de la langue, qui peuvent négativement affecter le concept de soi des jeunes minoritaires et les mener à la croisée des chemins entre l’assimilation et la conservation de la langue et de la culture française. Bernard (1999, 1993, 1990) déplore l’aliénation et l’assimilation que vivaient les Canadiens français de l’Ontario. Il considère que l’aliénation est l’effet d’une domination qui conduit à l’assimilation. Campeau, Sirois, Rheault et Dufort (1998) proposent une réflexion qui démontre que l’aliénation est la négation de l’identité. Dans un premier temps ils se réfèrent à Muchielli :

Selon Muchielli (1986, p. 103), l’aliénation se développe quand des contraintes s’exercent pour modifier son identité. Il ne s’agit pas ici de simples contraintes engendrées par la vie en société, mais par des effets négatifs des rapports sociaux de domination sur le développement de l’individu.

p. 373

Dans un deuxième temps, ils affirment que « l’aliénation est une forme d’identité négative » (p. 373) et dans un troisième temps ils donnent les trois phases de l’aliénation :

Dans une première phase, le dominateur définit l’identité de l’autre ou la nie. [...] En réaction, le dominé se voit à travers le regard négatif du dominateur. [...] Dans une deuxième phase, le dominateur prend l’autre comme objet qui lui appartient. [...] dans une troisième phase, le dominateur juge la culture de l’autre comme inférieure à la sienne. Il pense contribuer à civiliser l’autre en lui transmettant ses valeurs et ses moeurs ().

p. 374

Des études démontrent que les jeunes qui fréquentent les écoles de langue française de l’Ontario s’identifient comme bilingues (Haché, 2001). Baker (1997) donne quatre caractéristiques d’une identité ethnique : a) une catégorisation autodéfinie du groupe ; b) une ligne ancestrale réelle ou imaginée ; c) des traits culturels simples ou organisés ; d) des lignes de démarcation avec les « autres ». Baker souligne qu’une catégorisation imposée peut changer avec le temps alors qu’une catégorisation choisie par la population elle-même est plus stable. Pour partager une même culture, le discours doit correspondre la plupart du temps aux valeurs communes et aux comportements langagiers d’un même territoire.

Pour que l’Ontario francophone puisse survivre, il doit tenir compte des perceptions des élèves, refléter leurs valeurs, reconnaître et respecter leurs comportements langagiers.

Méthodes et procédures

Population

Dans l’optique d’obtenir un profil de l’importance des facettes identitaires chez les jeunes fréquentant les écoles secondaires de langue française de l’Ontario, 11 des 12 conseils scolaires de langue française de l’Ontario ont accepté de participer à l’étude. Leurs écoles secondaires offrant des programmes réguliers ont été invitées à participer. Ainsi, 41 écoles sur 72 ont répondu positivement à l’invitation, ce qui représente 56,9 % des écoles admissibles.

Selon le Groupe de gestion de l’information du ministère de l’Éducation de l’Ontario (2002), 14 866 élèves âgés de 16 ans et plus étaient inscrits aux écoles secondaires de langue française de l’Ontario au cours de l’année scolaire 2001-2002. De ce nombre, 2888 ont retourné des questionnaires valides, pour un taux de participation global de 19,4 %. Si nous faisons le calcul en fonction des élèves admissibles inscrits seulement dans les écoles qui ont accepté de participer, le taux de participation s’élève à 50,9 % pour les écoles appartenant aux conseils scolaires publics et à 40,2 % pour les conseils scolaires catholiques. Précisons que les élèves considérés éligibles étaient ceux qui avaient rempli un formulaire d’autorisation sur lequel ils affirmaient avoir 16 ans et plus et qui s’engageaient librement à remplir le questionnaire. La signature était obligatoire et elle confirmait leur engagement. Le Tableau 1 présente la distribution des conseils, des écoles, des élèves éligibles ainsi que les taux de participation à l’étude.

Tableau 1

Nombre de conseils scolaires, d’écoles, d’élèves et taux de participation

Nombre de conseils scolaires, d’écoles, d’élèves et taux de participation
*

Le chiffre se réfère aux écoles secondaires régulières et non pas à celles qui répondent à des besoins spéciaux ou qui ont une clientèle adulte.

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Le nombre d’élèves inscrits au secondaire, ainsi que le nombre de ceux ayant 16 ans et plus proviennent des statistiques officielles fournies par le ministère de l’Éducation de l’Ontario (Groupe de gestion de l’information). Le niveau d’éducation et le revenu familial ont été utilisés pour déterminer le niveau socio- économique des jeunes de l’échantillon. Ce dernier s’est avéré élevé, ce qui concorde avec les données du recensement de Statistique Canada fait en 2003. Pour ce qui est de la distribution de la population selon le sexe, le Tableau 2 en donne la représentation par région de la province. Nous pouvons ainsi remarquer que 10 % de plus de filles que de garçons ont participé à cette recherche.

Tableau 2

Nombre d’élèves de l’échantillon par région et par sexe

Nombre d’élèves de l’échantillon par région et par sexe
*

2888 questionnaires furent retournés, mais neuf élèves n’ont pas répondu à cette question.

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Instruments et collecte des données

Le questionnaire utilisé dans cette étude a été développé en collaboration avec R. Landry de l’Université de Moncton. Les questions (sauf les questions sur l’identité) ont été normalisées au cours d’études antérieures effectuées par Landry et Allard (1990). Plusieurs des questions posées visaient à diriger les réponses des élèves selon un continuum subdivisé en neuf ou sept sections. Les jeunes devaient placer un x sur le continuum entre les deux pôles contraires.

Avec l’approbation des conseils scolaires et la permission et/ou la collaboration des écoles secondaires, des boîtes et des enveloppes de questionnaires ont été acheminées aux écoles qui avaient exprimé leur désir de participer. De plus, une tournée de la province a permis de rencontrer certaines directions d’école qui n’avaient pas répondu à l’appel et de distribuer un bon nombre de questionnaires supplémentaires.

À l’école, les élèves étaient libres d’accepter ou de refuser de remplir le questionnaire. Avant même de remplir celui-ci, les élèves étaient informés de la confidentialité de leurs réponses et, s’ils décidaient de remplir le questionnaire, ils devaient également remplir le formulaire d’autorisation. Les éducateurs en fonction à l’école ont administré le questionnaire en suivant une procédure standardisée. Les élèves avaient environ 30 minutes pour compléter le questionnaire. Ceux-ci étaient ensuite recueillis, placés dans une enveloppe scellée et retournés au chercheur principal par l’école. Chaque questionnaire reçu a ensuite été vérifié pour s’assurer que la feuille d’autorisation avait bien été remplie, ce qui déterminait l’éligibilité ou la non-éligibilité du questionnaire. Les formulaires d’autorisation ont ensuite été détachés des questionnaires éligibles et les questionnaires ont été codés en fonction du conseil scolaire, de l’école, de la région, de la municipalité et du code régional.

Les questionnaires ont ensuite été envoyés au Centre de recherche et de développement en éducation (CRDE) de l’Université de Moncton et les renseignements ont été saisis informatiquement. Une rencontre de quelques jours de l’équipe de recherche à l’Université de Moncton avec le statisticien a permis de déterminer l’approche à utiliser pour présenter les données et produire les tableaux présentés dans cet article.

Limites de l’étude

Même si l’objectif était que chaque élève de 16 ans ou plus ait l’occasion de participer à l’étude, certaines écoles ont choisi d’administrer le questionnaire dans certaines classes seulement. Certains éducateurs ont mentionné que les élèves ont trouvé le questionnaire trop long et que, même si les questions n’étaient pas difficiles, elles exigeaient une concentration soutenue. De plus, malgré le nombre important de questionnaires éligibles retournés (2888), il demeure que 4110 élèves n’ont pas participé, ce qui limite les possibilités de généraliser les résultats de cette étude. Étant donné que nous ne connaissons pas les raisons du refus de participer des directions d’écoles ou des élèves des écoles participantes, il est impossible de généraliser les résultats. Enfin, il faut reconnaître que cette approche est une première étape.

Analyse des résultats

L’objectif de cette étude était de connaître les perceptions, les valeurs et le comportement langagier dans la langue maternelle et dans la langue seconde des élèves inscrits dans les écoles secondaires de langue française de l’Ontario.

Perceptions

Au niveau de leurs perceptions de la francophonie ontarienne (voir Tableau 3), les répondants trouvent plus agréables les contacts avec leur famille (7,8 sur 9), leur école (6,9 sur 9), les activités sportives (6,3 sur 9) et la Caisse populaire (6,2 sur 9). Ils trouvent moins agréables leurs contacts à travers les activités artistiques (5,9 sur 9), avec les organismes religieux (5,7 sur 9), avec le centre communautaire, les mouvements de défense de la langue française (5,6 sur 9) et les clubs sociaux (5,5 sur 9).

De nombreux jeunes indiquent qu’ils ne sont pas en contact avec ces groupes ou institutions (voir Tableau 4) : la caisse populaire (25,5 %), les organismes religieux (18,4 %), les clubs (25 %), le centre communautaire (27,0 %), les activités artistiques (22,0 %), le mouvement de défense de la langue française (27,3 %) et les activités sportives (19,5 %).

Tableau 3

Appréciation des contacts avec les groupes et les institutions

Appréciation des contacts avec les groupes et les institutions

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Tableau 4

Appréciation des contacts avec les groupes et les institutions selon le pourcentage de contacts

Appréciation des contacts avec les groupes et les institutions selon le pourcentage de contacts

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Valeurs

Au niveau des valeurs, les données ont démontré que les répondants considèrent leur avenir (8,3 sur 9), les membres de leur famille (8,2 sur 9), leur éducation (8,1 sur 9), leurs amis (8,1 sur 9) et leurs croyances (7,6 sur 9) comme étant prioritaires dans leur vie. Ils considèrent que leur langue maternelle (7,4 sur 9), leur culture (7,3 sur 9) et leur langue seconde (6,9 sur 9) sont relativement importantes. Moins importants sont les écoles qu’ils ont fréquentées (6,2 sur 9), l’histoire de leurs ancêtres (6,0 sur 9) et leur groupe ethnique d’appartenance (5,9 sur 9). Ceux qui ont le français comme langue maternelle partagent les mêmes valeurs que ceux qui ont l’anglais comme langue maternelle.

Cependant, ceux qui ont une autre langue que le français ou l’anglais partagent des valeurs davantage reliées à leur avenir (8,5 sur 9), leur famille (8,2 sur 9), leurs croyances (8,2 sur 9) et leur éducation (8,1 sur 9). Ils accordent une plus grande priorité à leur culture (7,8 sur 9) et leur langue maternelle (8,0 sur 9) (voir Tableau 5).

Pour l’ensemble des répondants, l’identité qui contribue le plus à l’estime de soi est l’identité canadienne (7,5 sur 9). Viennent ensuite l’identité bilingue (7,3 sur 9), l’identité ontarienne (7,1 sur 9), l’identité francophone (6,8 sur 9) et l’identité canadienne-française (6,7 sur 9). Il n’y a pas d’identité prépondérante qui semble ressortir. Le Tableau 6 présente la contribution de l’identité à l’estime de soi selon les régions ; ainsi, il est possible de voir les différences, mais aussi de constater les ressemblances entre les gens des trois régions de l’Ontario.

Tableau 5

Valeurs des élèves

Valeurs des élèves

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Tableau 6

Élément positif de ton identité

Élément positif de ton identité

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Comportement langagier

Au niveau de leur comportement langagier dans la langue maternelle et dans la langue seconde, les répondants perçoivent que les ressources et les services disponibles en anglais sont plus nombreux que ceux en français et que l’accessibilité aux ressources et aux services en français est plus limitée. Les élèves qui ont le français comme langue maternelle souhaitent davantage travailler en français (7,4 sur 9) que les élèves qui ont l’anglais comme langue maternelle (5,9 sur 9) ou une autre langue que le français et l’anglais (6,9 sur 9). Les répondants sont beaucoup plus en contact avec les médias anglophones, surtout la musique (7,8 sur 9), le cinéma (7,7 sur 9), la radio (7,3 sur 9), les journaux (7,2 sur 9) et la télévision (7,1 sur 9) (voir Tableaux 7 et 8).

Tableau 7

Les ressources et les services de la région

Les ressources et les services de la région

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Tableau 8

Accessibilité souhaitée avec les ressources et les services de la région

Accessibilité souhaitée avec les ressources et les services de la région

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Les répondants qui ont le français comme langue maternelle disent être plus en contact avec les médias anglophones que les médias francophones : la musique (7,5 sur 9), le cinéma (7,5 sur 9), la radio (7,0 sur 9), les journaux (6,8 sur 9) et la télévision (6,8 sur 9). Les répondants qui ont une langue maternelle autre que le français ou l’anglais disent être plus en contact avec les médias anglophones que les médias francophones, mais le degré de contact est moins élevé par rapport à la musique (7,7 sur 9), le cinéma (7,4 sur 9), la radio (6,7 sur 9), les journaux (6,6 sur 9) et la télévision (6,8 sur 9) (voir Tableaux 9 et 10).

Tableau 9

Contacts avec certains médias francophones et anglophones

Contacts avec certains médias francophones et anglophones

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Tableau 10

Contacts avec certains médias francophones et anglophones

Contacts avec certains médias francophones et anglophones

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Au niveau du vécu langagier, les répondants indiquent qu’ils utilisent plus le français avec leur parenté (6,4 sur 9) et leur mère (6,1 sur 9) et qu’ils l’utilisent moins avec leurs amis (4,6 sur 9), leurs voisins (3,8 sur 9), lorsqu’ils assistent à des spectacles (3,4 sur 9), regardent la télévision (3,3 sur 9) et écoutent la radio (3,0 sur 9). Ils indiquent aussi qu’ils regardent davantage la télévision (7,2 sur 9), écoutent la radio (8,0 sur 9) et assistent à des spectacles (7,9 sur 9) en anglais. Ils utilisent moins l’anglais pour parler avec leur parenté (5,7 sur 9) ou avec leur mère (5,6 sur 9). Les répondants qui ont le français comme langue maternelle indiquent une utilisation plus élevée du français que les autres élèves (voir Tableau 11).

Tableau 11

Degré d’utilisation du français

Degré d’utilisation du français

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Une autre langue est utilisée par les répondants dont la langue maternelle est autre que le français et l’anglais. Cette langue est utilisée surtout en situation familiale et sociale (voir Tableau 12).

Tableau 12

Degré d’utilisation d’une autre langue

Degré d’utilisation d’une autre langue

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Les élèves affirment que les milieux familial et scolaire favorisent les réseaux en français, tandis que le milieu communautaire favorise les réseaux de contacts en anglais. Les jeunes qui ont une autre langue maternelle que le français et l’anglais soutiennent la même affirmation. Dans le sud de l’Ontario, l’école est perçue comme une institution offrant les meilleures conditions pour établir et pour renforcer des réseaux en français (voir Tableau 13).

Comme le démontre le tableau 14, il y a cependant une décroissance de l’utilisation du français avec l’âge et une augmentation de l’utilisation de l’anglais. Ceux qui ont une langue maternelle autre que le français ou l’anglais indiquent aussi une décroissance avec l’âge de l’utilisation du français et une augmentation de l’utilisation de l’anglais. Par contre, ceux qui ont l’anglais comme langue maternelle indiquent une augmentation de l’utilisation du français et de l’anglais jusqu’à l’âge de 12 ans.

Tableau 13

Réseau de contacts francophones

Réseau de contacts francophones

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Tableau 14

Ambiance française et anglaise à l’extérieur des cours

Ambiance française et anglaise à l’extérieur des cours

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Discussion

L’anglais est une réalité incontournable pour les élèves de langue minoritaire en Ontario. Le bilinguisme individuel est donc une façon idéale pour ces jeunes minoritaires de retenir leur langue maternelle et leur culture du foyer. Étant donné que les emplois et les possibilités d’avancement en Ontario francophone semblent limités, surtout pour les élèves minoritaires dont les compétences en français sont moins bonnes, un grand nombre d’élèves entrevoient surtout leurs perspectives d’avenir du côté anglophone. Même ceux qui réussissent bien en français reconnaissent que l’anglais est essentiel dans leur vie.

L’étude cherchait à connaître les perceptions des organismes francophones qu’ont les adolescents inscrits dans les écoles secondaires de langue française de l’Ontario, ainsi que leurs valeurs et leurs comportements langagiers.

Les perceptions qu’ont les élèves des organismes francophones et leur non-implication dans ces derniers ne sont pas prometteuses. Examinons pourquoi. Les expériences des jeunes francophones minoritaires avec le français devraient être des plus agréables afin de faire multiplier les contacts et favoriser la rétention. Par contre, en milieu minoritaire, le fort accent mis sur la qualité de la langue et les tests de compétences linguistiques peuvent devenir des instruments d’exclusion, à moins qu’ils soient accompagnés d’un programme en actualisation sociolinguistique.

Les valeurs des élèves âgés de 16 ans et plus démontrent un attachement au bilinguisme. Construire une identité francophone doit donc tenir compte du bilinguisme et cela veut dire être accueillants et ouverts à une clientèle hétérogène. Cependant, pour favoriser le développement des compétences dans la langue maternelle en milieu minoritaire, les institutions de langue française doivent être unilingues et homogènes et doivent stimuler l’intérêt, encourager et favoriser la vie en français. L’unité au niveau de la langue et de la culture construite ensemble dans la diversité permet aux jeunes de se retrouver et de se valoriser en français à l’intérieur de leurs propres institutions en milieu minoritaire. Le respect de l’élève minoritaire et de son cheminement langagier devrait faire partie des préoccupations de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Les comportements langagiers dans les deux langues officielles du pays sont donc cohérents avec les perceptions et les valeurs des élèves.

Conclusion

Les adolescentes et adolescents inscrits dans les écoles de langue française en milieu minoritaire de l’Ontario qui ont répondu au questionnaire valorisent leur foyer et leurs amis. Ils ont peu de contacts et ils accordent peu d’importance aux organismes francophones. Ils considèrent leur éducation et leur avenir plus importants que l’histoire de leurs ancêtres. Ils sont en contact surtout avec les médias anglais et ils préfèrent les ressources de langue anglaise, mais ils privilégient les réseaux de contact dans leur langue maternelle, surtout au niveau de la famille. Ils vivent dans les deux langues, mais ils affirment que les ressources en français sont peu disponibles.

Le bilinguisme est donc une réalité du milieu minoritaire en Ontario et cela se reflète au niveau de leurs perceptions, leurs valeurs et leurs comportements langagiers.