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S’agissant des émigrés africains, le mot « diaspora » a pendant longtemps été réservé aux descendants des esclaves victimes de la traite, en l’occurrence en Amérique et non dans les mondes arabe ou indien, qui constituaient jusqu’à récemment la « face cachée » du phénomène[1]. Depuis lors, le terme s’est répandu et a commencé à désigner des communautés migrantes dont le déracinement était moindre. Autrefois, la « diaspora noire » s’écrivait au singulier et reposait, rappelons-le, sur une « communauté de souffrance », bien plutôt que sur la notion fort controversée de « race ». Aujourd’hui, les « diasporas africaines » se déclinent au pluriel, en fonction de références nationales ou ethniques, et le déracinement du migrant contemporain ne peut se comparer à la déportation de l’esclave d’hier, qui avait délibérément été coupé de ses origines. Dans un monde global, il est plus facile à présent de garder des liens avec le pays des ancêtres.

Pour autant, peut-on véritablement parler de diasporas africaines? Les spécialistes retiennent habituellement quatre éléments constitutifs en la matière : une migration forcée ; le maintien d’un contact avec le pays d’origine ; la conscience d’une identité commune ; et l’établissement de réseaux transnationaux, y compris avec d’autres communautés de même ascendance à travers le monde (Sheffer 2003). Certains auteurs arguent ainsi que les diasporas sont d’abord et avant tout un projet politique et militant. Autrement dit, elles ne rassemblent pas simplement les migrants originaires d’un même territoire « national ». Ces derniers doivent également proclamer leur appartenance au groupe et leur attachement à la terre des ancêtres. Les migrants qui ne revendiquent rien de tel s’apparentent à des « agents dormants » et ne rentrent pas dans le cadre de la définition d’une « véritable » diaspora (Brubaker 2005).

De ce point de vue, les expatriés africains d’aujourd’hui ne répondent que très imparfaitement aux critères académiques du genre, surtout concernant le caractère forcé de leur migration et le développement de liens transnationaux avec des communautés de même origine dans d’autres pays. Depuis la période des indépendances des années 1960, l’échec du panafricanisme et la fragmentation des pseudo États-nations du continent noir n’ont pas permis d’établir les socles fondateurs d’une identité commune à l’échelle de la sous-région. À un niveau plus fin, l’émergence de « diasporas ethniques » relève plutôt de la dispersion au sens géographique du terme. Conjugués aux progrès des transports, les conflits politiques et les désordres économiques qui ravagent le continent noir ont en effet produit de forts courants migratoires et de graves traumatismes[2]. Parler de « diasporas de réfugiés » ne paraît donc pas insensé. La difficulté est de départager les ressorts politiques et économiques de telles migrations, d’une part, et d’apprécier la nature du lien entretenu avec le pays d’origine, d’autre part.

La migration sous contrainte : un panorama

Dans la plupart des cas, notamment concernant les peuples juif et arménien, la contrainte est censée assurer la nature « diasporique » d’une dispersion, voire d’une déportation. Bien souvent, elle fait référence à un événement dramatique et fondateur : le « déracinement » (déchoukage) des Haïtiens, le « grand dérangement » des Acadiens, le « bouleversement » (mfecane) des Zoulous d’Afrique du Sud, le « jour noir » (kara gün) des Tatars de Crimée ou la « catastrophe » (naqba) des Palestiniens. Toutefois, le caractère forcé d’une migration ne garantit nullement la pérennité et la formation d’une entité transnationale (Van Hear 1998 ; Koser 2003 ; Pérouse de Montclos 2003). Un exode répond à des causalités aussi diverses que variées. Parmi les facteurs de départ, les catastrophes naturelles — sécheresses ou inondations — retiennent d’abord l’attention.

En Afrique, plus particulièrement, la famine est revenue sur le devant de la scène après un demi-siècle d’accalmie. Alors que les lacs Victoria et Tchad enregistraient leur niveau maximal en 1961, le Kenya et la Tanzanie étaient frappés par la sécheresse moins de cinq ans plus tard, suivis du nord de l’Ouganda, de l’Éthiopie et de la Somalie, ainsi que du Mali, du Tchad et de la Mauritanie, dont le quart du cheptel devait mourir au début des années 1970. La corne de l’Afrique et le Sahel sont aujourd’hui connus comme des zones régulièrement sinistrées. Encore faut-il noter que les crises alimentaires doivent peu aux impondérables de la nature et beaucoup à la main de l’homme : soit que la gabegie de l’État, la planification de l’économie ou les tentatives de collectivisation perturbent la production agricole et le commerce ; soit que la création de frontières administratives, la délimitation de domaines privés ou, au contraire, la nationalisation des terres empêchent les paysans de s’établir et de circuler librement ; soit, enfin, que la faim, accompagnée d’un blocus militaire, devienne une arme de guerre à part entière, en vue d’exterminer sciemment une population « gênante ».

La violence politique contribue largement aux problèmes alimentaires et aux flux migratoires qui s’ensuivent à l’intérieur ou à l’extérieur d’un cadre « national ». La singularité de l’Afrique dans ce domaine tient au rôle défaillant des pouvoirs publics, qui peut être bien aussi nuisible que la répression d’un régime totalitaire. Sur le continent noir, la plupart des déplacements liés à des conflits armés se caractérisent plutôt par un défaut d’État. Massifs, ils soulignent à leur manière l’anachronisme de la Convention de Genève de 1951, qui attribue un statut de réfugié à l’individu victime d’une persécution par des autorités gouvernementales. Signée au début de la Guerre froide, ladite Convention reflète une conception ethno-centrée et européenne des conflits armés, avec des États-nations au faîte de leur puissance. Par contraste en Afrique, les affrontements entre des armées étatiques ont toujours été rares. Traditionnellement, la distinction entre combattants et civils était très ténue du fait d’une mobilisation guerrière par lignages, classes d’âge ou villages. Avec leur cortège funèbre de pillages, de viols, de meurtres et de massacres collectifs, les troubles du temps présent étonnent surtout les observateurs ignorants des réalités historiques de la région. Non que les modalités des combats soient restées inchangées : la modernisation des armements, les progrès des transports et l’accélération des échanges ont évidemment bouleversé le déroulement des hostilités. Mais les motivations prédatrices et la confusion entre civils et militaires demeurent, elles, une constante, avec toutes les conséquences que l’on connaît sur le plan humanitaire.

Il se révèle nécessaire, à cet égard, de s’attarder un moment sur les diverses procédures qui président aux migrations forcées et, plus précisément, aux trajectoires de fuite (Pérouse de Montclos 2002). Du degré de coercition s’exerçant d’un bout à l’autre du « voyage » dépend en effet la nature du déplacement (tableau 1). À un niveau individuel, l’événement qui cause le départ relève parfois du drame familial, qui pousse l’enfant à la rue, ou bien de la persécution ciblée, qui conduit la victime à demander asile à l’étranger. Au niveau collectif, l’aspect anonyme des exodes qu’entraînent les conflits armés ne doit pas induire en erreur. Relativement à la déportation de l’esclave, la fuite ne prive pas entièrement le réfugié d’un certain libre-arbitre, notamment quant au choix de sa destination. Bien entendu, cela ne signifie pas que le parcours sera exempt d’embûches au vu de la difficulté à franchir les frontières du monde développé. Loin d’être passif, le candidat à l’expatriation ne se montre pas moins capable d’optimiser les possibilités qui se présentent à lui. Au final, la contrainte s’avère prendre des formes si variées qu’elle empêche de distinguer clairement les migrations de type économique ou politique, en particulier depuis des pays qui, ruinés par la guerre, n’offrent plus de perspectives de vie décentes à leurs habitants.

Tableau 1

La migration sous contrainte : un essai de typologie

Trajectoire migratoire

Coercition avec usage de la violence

Nature de la migration

Au départ

À l'arrivée

Oui

Oui

- déportation individuelle : extradition d'un criminel ; proscription avec internement (relégation dans un camp de travail ou un bagne insulaire) ou sans (bannissement en résidence surveillée).

- déportation collective : traite des esclaves ; collectivisation agricole ; regroupement des paysans dans des villages de la paix sous surveillance militaire.

Oui

Non

- fuite sans franchissement d'une frontière internationale : déplacement interne.

- fuite avec franchissement d'une frontière internationale : demande individuelle d'asile politique ; exode collectif, avec attribution on non d'un statut de réfugié sur une base prima facie.

- évasion : esclaves marrons, prisonniers.

- expulsion : « déguerpissements » dis bidonvilles ; évictions de squatters ; nettoyages ethniques.

Non

Oui

- migration de travail non sollicitée par le pays d'accueil, avec des procédures de refoulement, voire de rétention dans des centres de transit : sans papiers, clandestins.

Non

Non

- migration de travail classique, avec accord du pays d'accueil ou régularisation à l'arrivée : immigrés, expatriés sous contrats, diplomates.

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La trajectoire du réfugié ou du déplacé interne diffère cependant de la migration de travail classique, car elle résulte d’un traumatisme et ne répond pas, au départ, à la volonté propre de l’acteur économique. D’habitude, des accointances ethniques et villageoises facilitent par exemple la recherche d’un emploi en ville : en matière de recrutement, la recommandation d’un citadin qui cautionne son « pays » l’emporte fréquemment sur le critère de la qualification (Nelson 1979 : 82). En retour, le migrant conserve des liens étroits avec sa région d’origine, où il affiche l’intention de passer sa retraite et de construire une résidence secondaire lorsque ses revenus le permettent. À la faveur du prestige que lui confère le milieu urbain, il devient le « protecteur » du village… et le village demeure aussi sa base arrière en cas d’échec en ville (Gibbal 1974 : 358-363). Mais le déplacé, lui, ne dispose pas toujours d’une telle facilité de repli, en particulier lorsqu’il a franchi une frontière internationale et arrive dans un environnement fondamentalement étranger. Le déracinement et l’éloignement peuvent alors donner à son installation une tournure paradoxalement plus définitive que celle des migrants saisonniers qui, suivant un cycle écologique rural, profitent d’opportunités très conjoncturelles pour aller travailler en ville, quitte à s’en retourner dans les campagnes une fois leur « contrat » terminé.

À elle seule, la contrainte ne suffit certes pas à construire une diaspora. Manque le sentiment d’appartenance commune à une nation, un peuple, une ethnie, une entité politique ou un groupe religieux. À partir du cas du Nigeria, l’étude qui suit vise ainsi à appréhender la complexité et à préciser les limites d’une diaspora en devenir, cela en revenant sur les différentes séquences historiques qui ont contribué à diluer ou, au contraire, à affermir des identités construites dans l’exil. Le propos n’est pas de détailler les modalités d’insertion de migrants africains dans une perspective anthropologique. Il est plutôt d’envisager de façon globale et empirique les articulations de communautés « transnationales » avec leur pays d’origine. Dans cette optique, l’analyse se concentre d’abord sur l’émergence d’une diaspora noire au sens classique du terme, à partir du déracinement de la traite. Avec la colonisation puis l’Indépendance sont ensuite passées en revue les caractéristiques d’une migration moderne qui tient à des facteurs politiques aussi bien qu’économiques.

De la coercition collective de l’esclavage à la stratégie d’investissement individuel dans l’exil, le Nigeria est assez exemplaire de ce point de vue. S’agissant du pays le plus peuplé du continent, la loi du nombre explique en effet la prépondérance de ses ressortissants dans les communautés noires établies récemment outre-mer. Avec environ 120 millions d’habitants, le Nigeria représente à peu près un Africain sur six, proportion qui se retrouve naturellement dans les flux migratoires en provenance du continent. Fait remarquable, le ratio n’a d’ailleurs pas beaucoup varié à travers les siècles, puisque le Nigeria était déjà un des premiers fournisseurs d’esclaves du temps de la traite transatlantique. Cependant, peut-on véritablement parler de diaspora nigériane?

Le temps de la traite

Historiquement, la traite transatlantique n’a pas permis l’émergence d’un sentiment national né de l’exil et du déracinement. Au mieux, elle a produit des consciences ethniques très largement recomposées d’un pays à l’autre. Originaires du sud-ouest de l’actuel Nigeria, les Yorouba en sont un exemple assez bien étudié, car ils ont fourni d’importants contingents d’esclaves, en particulier à destination du Brésil, de Cuba et de Saint-Domingue. De plus, leurs croyances religieuses ont fortement imprégné les pays d’accueil. Avec des variantes, leur culte des dieux orishas s’est retrouvé pratiqué sous le nom de candomblé au Brésil, santería à Cuba et vaudou à Haïti. L’islam yorouba a également contribué à rassembler les esclaves à l’origine de rébellions que l’on qualifierait aujourd’hui de transnationales et qui témoignent de l’ancienneté des phénomènes de contestation musulmane en terre chrétienne : un rappel opportun à l’heure où une certaine presse prétend découvrir la nouveauté d’un terrorisme sans frontières.

Appelée Malês à partir d’un mot yorouba (imale) qui désigne les musulmans, la révolte qui éclate à Salvador de Bahia en janvier 1835 mérite quelques explications à cet égard. Elle est en effet liée à la « guerre sainte » (jihad) qui, depuis le nord sahélien du Nigeria au début du XIXe siècle, a gagné les marches septentrionales du pays yorouba et alimenté les flux de prisonniers revendus sur la côte et déportés aux Amériques (Peel 2000). Une fois transplanté au Brésil, l’islam a essaimé en milieu urbain et inspiré une rébellion fort différente des troubles ruraux qui, peu avant, avaient ensanglanté les plantations de canne à sucre de la région de São Francisco do Conde en septembre 1827 puis mars, septembre et novembre 1828. À défaut de transcender les clivages ethniques qui divisaient les groupes africains, la religion musulmane a momentanément ligué les esclaves et les affranchis contre les autorités. Surtout, elle a contribué à forger une identité bien spécifique qui, dans une certaine mesure, rappelait l’esprit rebelle des maquis (les quilombos) fondés par des esclaves marrons arborant la couleur rouge du dieu du tonnerre Shango lors des insurrections de février 1814, décembre 1826 et avril 1830, également à Salvador de Bahia.

Les déportations et les affranchissements qui s’ensuivirent allaient alors précipiter les sentiments d’appartenance à une communauté d’élection. Expulsés en Afrique, les insoumis du Brésil vont être appelés Aguda au Nigeria et Amaro au Ghana, d’après le nom (Maro) donné dans les villes yorouba au quartier des étrangers, généralement des musulmans venus du Nord sahélien. Plus occidentalisés que les autochtones, ces rapatriés forment les premières strates de l’élite nationaliste qui, bientôt, s’oppose à la colonisation britannique et demande l’indépendance. Bien que d’ampleur limitée au vu du faible nombre de personnes concernées, le mouvement de retour en Afrique a un tel impact que, d’après certains auteurs, le sentiment d’appartenance à une nation yorouba est d’abord né dans l’exil avant d’être introduit au Nigeria par le biais, notamment, des returnees de Sierra Leone, les Saro (Law 2004 : 360). D’une manière générale, les spécialistes considèrent que les descendants d’esclaves yorouba outre-mer ont fini par constituer une diaspora ethnique qui, à défaut d’être homogène, se serait créolisée en conservant, adaptant et développant une culture commune grâce à l’islam et au culte des orishas (Falola et Childs 2004).

Dans le même temps, il faut bien admettre que les identités tribales de l’époque se sont largement diluées au contact d’autres civilisations[3]. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les Yorouba ne formaient pas un groupe distinct. Dans leur pays d’origine, ils étaient déchirés par les guerres fratricides de la monarchie déliquescente de l’Empire d’Oyo. Et dans l’exil, ils n’étaient pas reconnus comme yorouba. On les appelait Lucumí à Cuba, Nagô à Salvador de Bahia, Mina à Rio de Janeiro et Aku ou Saro en Sierra Leone (voir tableau 2). Ces termes englobaient en l’occurrence des descendants d’esclaves qui ne parlaient pas tous yorouba mais partageaient une culture commune. En Sierra Leone, par exemple, les Aku, qui étaient des Yorouba libérés en mer par la marine britannique le long des côtes africaines, allaient côtoyer les affranchis revenus d’Amérique du Nord pour fonder Freetown en 1792. Malgré leurs différends, les uns et les autres finirent par former l’élite urbaine des Krio, des « Créoles » dont l’étymologie pourrait aussi provenir des mots yorouba akiriyo (« visiteur ») ou kiri (« commerçant ambulant »). Avec le temps, la spécificité yorouba devait ainsi s’effacer au profit d’une identité autochtone.

Tableau 2

Les différentes appellations des Yorouba de l'étranger

Pays d’établissement

Appellation

Étymologie

Brésil : Salvador de Bahia

Nagô

Anago, tenue utilisé à Ouidah, dans l’actuelle République du Bénin, pour désigner le clan yorouba des Egbado d’Ifonyin à l'ouest de la rivière Yewa

Brésil : Rio de Janeiro

Mina

Terme générique désignant les populations de « sang mélangé » du golfe de Bénin, notamment à Lomé au Togo

Cuba

Lucumí

Salutation yorouba (oluku mí) qui signifie « mon ami »

Sierra Leone

Aku ou Oku

Salutation yorouba (akushe)

Ghana

Tabon

« Tout va bien » en portugais

Source : Law 1997 ; Hall 2002.

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Le temps des indépendances

Par la suite, l’abolition du commerce de l’esclavage n’a pas seulement hâté le processus d’autonomisation des victimes de la traite dans les pays d’accueil. Elle a aussi eu des conséquences sur le ralentissement de l’émigration africaine. Après la parenthèse coloniale, il a fallu attendre la période des indépendances pour que les flux migratoires vers les pays du Nord reprennent de l’ampleur. Le Nigeria n’a évidemment pas échappé à la tendance. Mais, là aussi, les migrants « modernes » ont fini par former un ensemble éclaté et disparate qui mérite difficilement le qualificatif de diaspora nationale. À l’étranger, ils se sont plutôt regroupés en fonction d’allégeances lignagères, notamment en ce qui concerne les trois principaux groupes ethniques du pays : les Haoussa du Nord, les Ibo du Sud-est et les Yorouba du Sud-ouest.

Dans tous les cas, il est intéressant de revenir un moment sur la part de coercition qui a motivé certains départs. En effet, les violences qui ont ensanglanté le pays n’ont pas automatiquement débouché sur la formation d’une diaspora en exil. Ainsi, les pogroms de 1966 contre les Ibo chrétiens, qui vivaient dans le Nord musulman du Nigeria, ont plutôt provoqué un mouvement de repli centripète. Quelque deux millions de réfugiés internes ont choisi de revenir dans leur région d’origine, où ils devaient proclamer l’indépendance de la République du Biafra l’année suivante. À l’échelle du pays le plus peuplé d’Afrique, l’événement a son importance : il montre qu’il n’y a pas de corrélation systématique entre violences massives et migrations forcées constitutives d’une diaspora à l’extérieur des frontières. C’est seulement dans un second temps que, de 1967 à 1970, la guerre de sécession du Biafra devait envoyer son contingent de réfugiés à l’étranger (Simola 2000). Encore faut-il relever que ces flux étaient fort limités par rapport à la taille du Nigeria et aux exodes qu’ont suscités d’autres crises africaines. Encerclés par les troupes fédérales, les sécessionnistes ne pouvaient pas sortir du réduit biafrais. Ceux qui parvinrent à s’enfuir étaient essentiellement des Ibo qui vivaient dans d’autres régions du Nigeria. Ils allèrent alors s’installer dans des pays comme la Côte d’Ivoire, qui avait reconnu l’indépendance du Biafra et où ils ont été appelés Anago par référence aux Nagô yoroubaphones du Bénin.

Bien sûr, les troubles qui continuent d’agiter le Nigeria ont également produit leurs contingents de réfugiés, notamment des Ogoni des régions pétrolifères du delta du Niger et des Yorouba de l’opposition au temps de la dictature militaire. De 1994 à 1998, la répression du régime du général Sani Abacha, un des plus durs qu’ait jamais connu le Nigeria, a provoqué des mouvements d’émigration politique. Pendant cette période, par exemple, près de 3 000 Nigérians ont officiellement demandé l’asile en Afrique du Sud, où la fin de l’apartheid, l’instauration d’une démocratie et un bon niveau de développement économique ont exercé un fort pouvoir d’attraction (Inegbedion 1997). De même en Occident, on a assisté à une recrudescence des demandes d’asile en provenance du Nigeria après l’annulation des élections de 1993 et le retour aux affaires des militaires. De la Grande-Bretagne à l’Allemagne, les pays qui, à l’époque, accordaient le plus facilement des permis de séjour ont évidemment été privilégiés par les migrants. De nouvelles destinations sont ainsi apparues, telle l’Irlande, où l’on recensait un total cumulé de 14 000 demandeurs d’asile nigérians en 2003.

Toutefois, il est important de noter que, sur le vieux continent, la fermeture des frontières de l’espace de Schengen a largement contribué à politiser une migration autrefois qualifiée d’économique. Hormis les procédures de réunification familiale ou de régularisation des immigrés clandestins, la demande d’asile est en effet devenue une des dernières possibilités de pénétrer légalement à l’intérieur de la forteresse européenne. La relative augmentation de la part des Nigérians dans le nombre de réfugiés africains admis à rester sur le vieux continent vient aussi de ce jeu d’esquive, et non d’une intensification avérée des persécutions dans le pays d’origine. Rétrospectivement, les ressorts de la migration nigériane paraissent d’abord économiques : les retombées du boom pétrolier des années 1970, la crise des années 1980 et l’effondrement des niveaux de vie dans les années 1990 ont été d’importants facteurs de départ.

Les principaux points d’ancrage des Nigérians en Occident sont, précisément, des pays qui offrent certaines opportunités d’emploi, soit parce que le taux de chômage y est relativement faible, soit parce que les conditions de recrutement des Africains sans papiers y sont assez souples. Ancien colonisateur du Nigeria, la Grande-Bretagne est, de longue date, une destination privilégiée. À l’instar d’autres pays où existent un état civil et des recensements réguliers de la population, aucun chiffre ne permet certes de connaître véritablement le nombre de résidents originaires du Nigeria, car les naturalisations, les mariages et la clandestinité des migrants illégaux brouillent les pistes. Mais un sondage officieux mentionne 10 000 locuteurs yorouba rien que dans les écoles de Londres en 2003. Toutes ethnies et toutes catégories d’âge confondues, il ne paraît pas insensé de multiplier ce chiffre par dix pour obtenir une idée du nombre de personnes d’origine nigériane à l’échelle nationale.

Réputés pour leurs possibilités en matière d’emploi et de formation, les États-Unis, eux, réceptionnent traditionnellement de nombreux migrants africains anglophones. De fait, la capacité d’accueil des établissements d’enseignement supérieur américains représente environ un tiers de l’offre mondiale, avec plus d’un million d’étudiants étrangers en 1990, contre 250 000 dix ans auparavant. Selon certaines études, trois quarts des Nigérians vivant aux États-Unis sont ainsi arrivés comme étudiants, surtout dans les années 1970, avant que la crise des années 1980 ne précipite son contingent de migrants déjà diplômés, principalement des hommes dans la trentaine (Egbe et Ndubisi 1998 : 45 et 51). À présent, les Nigérians qui viennent s’installer en Amérique sont plutôt des travailleurs qualifiés ; d’après des chiffres de la Banque mondiale en 2000, 83 % d’entre eux auraient un cursus universitaire, contre 49 % seulement vers l’Europe (Özden et Schiff 2006 : 234). Au total, les États-Unis accueilleraient près de la moitié des Nigérians expatriés dans le monde, quelque 100 000 personnes, dont 22 000 à 33 000 médecins.

La migration vers les pays voisins du Nigeria est également de nature économique. En direction du Nord, c’est-à-dire au Niger, au Mali, au Soudan, au Tchad, dans l’Adamaoua camerounais et jusque dans les régions frontalières du Ghana et du Burkina Faso, on trouve plutôt des Haoussa dont les réseaux commerçants sont structurés par des liens religieux, lignagers ou régionaux (Adamu 1978). Au Sud, il s’agit essentiellement d’Ibo et de Yorouba qui ont investi les milieux d’affaires. Au Bénin, l’ambassade du Nigeria recensait 4 000 Ibo à Cotonou en 1993, peut-être 12 000 selon d’autres estimations (Bekpa-Kpinhou 1995). Au Cameroun, les Nigérians sont concentrés dans le sud-ouest anglophone et pour la plupart originaires des régions voisines à dominante ibo et ibibio. Sachant que l’ouest du Cameroun était géré par le Nigeria du temps de la colonisation, il est très difficile de démêler l’écheveau. Les chiffres sur le nombre de migrants nigérians à l’échelle du pays varient entre 265 000… et trois millions d’après des déclarations tonitruantes du ministre de l’Intérieur, qui en comptabilisait 500 000 rien qu’à Douala.

Des « diasporas financières »

En l’absence de données statistiques, on ne peut guère dresser le profil sociodémographique et politique de ces diverses communautés, mais seulement distinguer plusieurs cercles, suivant qu’il s’agit de déplacements de proximité vers l’Afrique de l’Ouest ou de mouvements de plus grande ampleur vers l’Europe, l’Amérique du Nord et les pays arabes. Dans tous les cas, de telles migrations ne correspondent pas vraiment aux critères constitutifs d’une diaspora, car elles ne relèvent pas de la contrainte ou très peu. En outre, elles ne paraissent pas porter de projet national. Le lien avec la région d’origine se base d’abord sur des considérations lignagères ou économiques. De ce point de vue, il y a plutôt lieu de parler de « diaspora financière », dans le sens où il s’agit de groupements d’intérêts.

Le migrant s’envisage alors comme un investisseur et un protecteur de la famille restée au pays. Ses remises de fonds, en particulier, jouent un rôle économique et social non négligeable. Au Nigeria, elles frôlent les trois milliards de dollars et constituent la deuxième source de devises du pays après les revenus du pétrole (Ratha et Shaw 2006 : 90). Mieux encore, elles accompagnent la tendance générale et ne cessent d’augmenter, les transferts de migrants à destination des pays en développement ayant atteint 126 milliards de dollars selon la Banque mondiale en 2004. Au fil des années et des crises économiques, le Nigeria est ainsi devenu en valeur absolue le plus important récipiendaire au Sud du Sahara, suivi du Lesotho, du Soudan, du Sénégal et de l’île Maurice (l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, l’Angola, l’Egypte et le Botswana étaient, eux, les plus gros contributeurs africains au cours des années 1990).

Certes, le Nigeria n’atteint pas les niveaux de l’Égypte et du Maroc, où les remises de fonds des migrants font vivre une bonne partie de la population et financent des secteurs entiers de l’économie. Officiellement, les envois d’argent des expatriés ne représentent que 1,3 % du produit national brut du continent noir. À l’échelle mondiale, l’Afrique ne reçoit que 10 % des transferts de ce type à destination des pays en développement : 12 milliards de dollars en 2004, dont 4 seulement pour les pays au Sud du Sahara. Encore faut-il en effet que le migrant parvienne à gagner sa vie correctement. Sa capacité d’investissement dépend beaucoup, parmi de nombreux paramètres, des conditions d’insertion dans le pays d’accueil. Or, les expériences vécues par les expatriés nigérians révèlent une grande variété de situations à cet égard.

Dans certains cas, les migrants sont si bien assimilés que leur identité d’origine finit par se diluer. C’est manifeste au Bénin, petit pays que l’on qualifie parfois de trente-septième État de la fédération nigériane, notamment sur la frontière, où les Goun sont très proches ethniquement des Nagô, c’est-à-dire des Yorouba. Ailleurs, les Nigérians ne se distinguent tout simplement pas des autres migrants africains. Dans les îles du Cap Vert, par exemple, on les appelle Mandjaco par référence à une ethnie de Guinée-Bissau dont le terme générique a fini par désigner tous les Noirs en provenance du continent. Dans un troisième cas de figure, au contraire, les Nigérians sont si mal intégrés qu’ils finissent par être expulsés ou revenir d’eux-mêmes au pays. Ainsi, autant les pogroms de 1966 avaient produit des déplacements internes en incitant les citoyens ibo à retourner habiter la région de leurs ancêtres et à créer une République du Biafra, autant les violences à l’encontre des migrants nigérians à l’étranger ont conduit à des mouvements de rapatriement déconstruisant, là encore, la relation entre déracinement, déplacement forcé et exil.

Les Yorouba établis au Ghana, par exemple, ont suscité la jalousie des commerçants locaux, qui enviaient leur réussite économique. Repliés sur leur propre communauté et moins intégrés que les Haoussa, ils sont les premiers à avoir fait les frais des expulsions de 1969, au cours desquelles environ 150 000 Nigérians ont dû retourner dans leur pays. Marqués par le souvenir traumatisant des pogroms de 1966 contre les commerçants ibo du Nord haoussa du Nigeria, la plupart n’ont pas attendu d’être chassés manu militari et sont partis avant l’expiration de l’ultimatum du gouvernement militaire au pouvoir à l’époque à Accra (Eades 1993 et 1987). Autre exemple de rapatriement forcé : le Libéria, où les troupes nigérianes sont d’abord intervenues afin d’exfiltrer leurs ressortissants au moment où les rebelles de Charles Taylor renversaient la dictature de Samuel Doe et entraient dans Monrovia en août 1990. Par la suite, l’armée nigériane est restée dans le pays pour s’interposer entre les belligérants avec un mandat de la communauté internationale. La guerre civile lui a alors fourni l’occasion de piller les richesses locales et a attiré son contingent d’aventuriers. Après l’organisation d’élections en juillet 1997, le Nigeria a annoncé l’existence d’une communauté de 30 000 ressortissants au Libéria, jusqu’à ce qu’il faille de nouveau renvoyer l’armée, cette fois pour évacuer 4 000 d’entre eux pris dans les combats qui devaient mener à la chute du régime de Charles Taylor en juin 2003.

Parallèlement à ces procédures de rapatriement, il est d’ailleurs intéressant de noter que le Nigeria a lui-même pu être un pays hôte pour des réfugiés du continent. Pendant la lutte contre l’apartheid, il s’est d’abord enorgueilli d’accorder l’asile à des exilés sud-africains noirs (Inegbedion 1991 chap. 8). Puis, du fait de son implication politique et militaire à Monrovia à partir de 1990, il a également accueilli des réfugiés libériens dans un camp construit à Oru près d’Ijebu Ode dans l’État d’Ogun. Dans une large mesure, la politique d’asile du gouvernement a ainsi reflété les intérêts de la diplomatie nigériane. Et réciproquement, la méfiance des autorités militaires et civiles à l’égard de leurs ressortissants à l’étranger a aussi relevé de considérations politiques, les exilés étant toujours suspectés de comploter et d’être plus exigeants en matière de démocratie (Pérouse de Montclos 2005).

Une pareille attitude a évidemment contribué à freiner l’émergence d’une diaspora nationale. À la différence de pays comme Israël, l’Arménie ou le Cap Vert, qui ont essayé de mettre en valeur les atouts économiques et politiques de leurs émigrés, voire se sont bâtis pour eux, l’État nigérian a préféré maintenir à distance ses ressortissants outre-mer[4]. Reprenant un discours classique de la période des indépendances, il a plutôt tenté d’endiguer la « fuite des cerveaux », accusée d’entraver les possibilités de développement endogène. Depuis lors, des études ont en réalité montré qu’en général, le départ de l’intelligentsia pénalisait peu les économies du Sud et ne concernait qu’une petite minorité. Sur la base d’un échantillon de 33 pays caractérisés par un fort taux d’émigration, le phénomène ne touchait que 10 % des travailleurs diplômés dans les deux tiers des cas, selon la Banque mondiale en 2003 (Haas 2005). Le Nigeria n’en a pas moins continué d’ignorer le potentiel économique de ses ressortissants outre-mer. Contrairement à l’Inde avec ses informaticiens ou les Philippines avec ses infirmières, il n’a pas cherché à investir dans la formation de certains secteurs bien spécialisés en vue d’exporter une main d’oeuvre qualifiée et de capter ses remises de fonds. Au contraire, il n’a pas caché son hostilité à des travailleurs dont l’expatriation était un désaveu pour les autorités, démontrant l’échec de leur politique de développement.

Une diaspora « incomplète »

Une rapide rétrospective historique de la migration nigériane découvre ainsi l’extraordinaire variété des procédures qui ont présidé à la constitution d’une diaspora en devenir. Du temps de la traite des esclaves, la nature coercitive de la dispersion était évidente du départ jusqu’à l’arrivée, depuis les golfes du Bénin et du Biafra jusqu’aux Amériques. Mais avec la colonisation puis l’Indépendance, les mécanismes de l’émigration nigériane ont beaucoup moins obéi à des logiques de contrainte et de déportation. Seule une minorité a fui les crises politiques qui ont déchiré le pays, notamment pendant la guerre du Biafra (1967-1970) et la dictature du général Sani Abacha (1993-1998). Au-delà des réticences de l’État à voir partir ses ressortissants, ce sont surtout les autorités des régions d’accueil qui ont dressé des obstacles sur la route des migrants. Par comparaison avec le traumatisme de la traite, la dispersion nigériane d’aujourd’hui n’en paraît que plus délibérée, sachant qu’elle répond davantage à des stratégies d’ascension sociale dans et par l’exil.

Dorénavant, l’émigration est en effet comprise comme un moyen de s’enrichir et de réussir, quitte à revenir au pays une fois fortune faite. De ce point de vue, les transferts financiers des expatriés nigérians révèlent l’existence d’un lien étroit avec la terre des ancêtres. Bien que très critiquées parce que dilapidées dans des dépenses ostentatoires destinées à impressionner l’entourage du migrant, de telles remises de fonds attestent de l’attachement au terroir d’origine et, dans des économies non structurées, elles peuvent parfois avoir des effets d’entraînement positifs en réduisant les inégalités sociales et en compensant le manque d’investissements étrangers. Après tout, la construction de résidences secondaires nourrit le secteur du bâtiment, les placements des migrants dans le petit commerce créent des emplois et le paiement des frais d’éducation de la progéniture restée au pays contribue à former des travailleurs qualifiés.

Des diasporas de réfugiés aux diasporas « financières », il y a certes une nuance de taille, qui interroge directement les sciences humaines. Paradoxalement, la dilution du caractère contraignant de la migration a pu faciliter l’entretien de liens plus étroits et plus durables avec le pays d’origine : par rapport au temps de la traite, l’amoindrissement du déracinement a favorisé l’émergence de « sentiments ethniques transnationaux » dont témoignent bien à présent les mobilisations d’expatriés nigérians en faveur de l’indépendance d’une République d’Oduduwa pour les Yorouba, du Biafra pour les Ibo ou du Delta pour les Ijaw. En revanche, la migration moderne n’a pas vraiment permis de fonder une identité nationale qui se serait par exemple exprimée au moment des élections, et pas seulement de façon virtuelle sur Internet.

Conclusion

Vaste collection de communautés « ethnico-financières » et plus ou moins disparates, les expatriés nigérians ne constituent finalement qu’une diaspora en devenir. S’ils affirment clairement la spécificité de leurs origines et entretiennent effectivement des liens étroits avec la terre de leurs ancêtres, ils ne répondent que très imparfaitement à deux des critères constitutifs d’une diaspora, à savoir le caractère forcé et la dimension transnationale de leur migration (Sheffer 2003). En effet, quoiqu’il en soit des obstacles dressés sur le parcours du candidat à l’expatriation, les contraintes qui pèsent sur le migrant d’aujourd’hui s’avèrent bien moindres que du temps de la traite des esclaves. De plus, les communautés nigérianes à l’étranger communiquent assez peu entre elles, d’un pays à l’autre. Contrairement à la diaspora juive, arménienne ou même capverdienne, elles n’ont pas encore développé de véritables institutions transnationales qui, sous la forme de fondations, de forums ou de congrès, les rassembleraient autour d’un projet politique ou étatique.

À notre connaissance, la seule exception en la matière est la plate-forme de la NADECO (National Democratic Coalition) qui, de 1994 à 1998, a réuni l’opposition en exil et qui, de Londres à Washington en passant par Lagos, a structuré la lutte contre le régime militaire du général Sani Abacha (Oshun 2002). Mais il s’agissait d’une organisation ad hoc. La NADECO s’est dissoute après le retour des civils au pouvoir au Nigeria en 1999. Pour le reste, les tentatives de mobilisation politique des migrants sur une base plus durable et moins ponctuelle sont surtout d’ordre ethnique et répondent à des initiatives dispersées. Les Ibo des États-Unis favorables à une République du Biafra, par exemple, ne semblent guère se concerter avec leurs compatriotes en Grande-Bretagne.

À l’échelle du pays, la méfiance de l’État nigérian à l’égard de ses ressortissants à l’étranger explique en partie une telle fragmentation, car elle a entravé le développement d’une conscience nationale au sein d’organisations transnationales. Mais le comportement de migrants repliés sur leurs allégeances lignagères n’y est pas pour rien non plus. Les Nigérians outre-mer ont plutôt cherché à contourner l’administration de leur État d’origine, dont ils partageaient la méfiance. Les conditions d’insertion dans les pays d’accueil ont de surcroît influencé la nature du lien politique, social et économique entretenu avec le terroir natal. Réputés pour leur implication dans divers trafics et groupements criminels, les Nigérians à l’étranger n’ont pas bonne presse et certains d’entre eux ont été soit expulsés soit condamnés à vivre dans la clandestinité. Résultat, ces communautés migrantes se caractérisent, au mieux, par des « bribes d’éléments diasporiques ». Aujourd’hui, elles sont partagées entre deux extrêmes : la fragilité et la précarité, d’une part, ou l’intégration et la dilution de leurs spécificités africaines, d’autre part. Dans un cas comme dans l’autre, le parcours du migrant peut aussi aller jusqu’à la rupture complète avec le pays d’origine.