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Bien que partant d’un point de vue particulier – l’expansion impériale des États-Unis sous George W. Bush – ce volume se situe en marge des nombreux ouvrages parus au cours des dernières années sur la mondialisation de l’économie néolibérale. Dans neuf chapitres, les auteurs présentent l’histoire de cet empire, la campagne de propagande politique basée sur l’argent qui a porté l’administration Bush au pouvoir, l’arrogance de personnalités comme George W. lui-même, Dick Cheney et Donald Rumsfeld ainsi que les coûts et l’expansion de leur politique impériale condensée dans leurs opérations en Irak. Ils terminent en évoquant l’espoir suscité par la montée d’un mouvement démocratique populaire qui s’élève contre l’empire américain.

Même si un peu partout dans le monde, des foules se sont prononcées massivement contre la guerre en Irak, le président Bush continue d’y faire la guerre grâce à l’appui des néoconservateurs, de la droite chrétienne et du complexe pétromilitaire. Son arrivée au pouvoir en l’an 2000 a profondément altéré la politique étrangère du pays en justifiant la guerre en Afghanistan et en Irak, soi-disant pour lutter contre le terrorisme d’al-Qaïda et assurer la sécurité intérieure du pays. Toutefois, cette rhétorique a été contredite par des actions qui ont révélé qu’on recherchait plutôt les intérêts d’une ploutocratie.

Les États-Unis étant devenus l’unique superpuissance dans le monde, les auteurs retournent brièvement à son histoire pour comprendre ce qu’est cet empire et comment il s’est formé. Cela nous fait réaliser que certains événements du passé ont quelque chose à voir avec la situation actuelle : par exemple, que l’aïeul de trois générations de la famille Bush était proche du puissant pouvoir financier de Wall Street au début du 20e siècle ou que les accords de Bretton Woods signés après la Seconde Guerre mondiale ont permis aux États-Unis de dominer le commerce et la finance. On comprend également que Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz, pour ne nommer que ces derniers, ne sont pas là par hasard. Ils font partie des 25 politiciens influents néoconservateurs qui, en 1997, ont signé les principes développés dans le Project for the New American Century (pnac) et adressé une lettre au président Clinton pour lui demander de retirer Saddam Hussein et son régime du pouvoir.

Le 11 septembre 2001, George W. Bush décide de sa propre initiative d’annoncer à la nation que les États-Unis sont en guerre et qu’aucune distinction ne serait faite entre ceux qui ont planifié l’attaque contre des sites américains et ceux qui ont hébergé les terroristes. Dès octobre, la guerre contre al-Qaïda, son chef Oussama ben Laden et les talibans accusés de les soutenir est déclenchée en Afghanistan. Aux États-Unis, un climat de peur est exploité, le Patriot Act restreint les droits civils, les barrières à l’immigration sont resserrées, etc. Moins d’un an plus tard, des informations filtrent au sujet de plans de guerre contre l’Irak élaborés par l’administration Bush.

C’est une guerre préventive unilatérale que les États-Unis planifient en Irak. On la justifie par la nécessité de lutter contre le terrorisme, mais ben Laden est introuvable. Il faut donc trouver un autre coupable : ce sera Saddam Hussein. Si les Cheney et Wolfowitz sont d’accord, il n’en est pas de même pour la communauté internationale et la majorité du peuple américain et des grandes religions. Malgré cela, en février 2003, les premières attaques américaines sont lancées sur Bagdad et la propagande sur les armes de destruction massive en Irak est engagée.

Quel prix les États-Unis devront-ils payer pour cette projection sans fin de leur pouvoir militaire qui engendre des dépenses grandissantes pour la sécurité, la défense et les aventures militaires outre-mer ; une érosion des libertés civiles à l’intérieur du pays et surtout, outre-mer, la mort de milliers de civils innocents et de combattants militaires des deux camps ?

En ignorant les leçons de l’histoire et les contestations de la communauté internationale, et en substituant la politique de prévention de la guerre par celle de guerre préventive, l’administration Bush a enlisé les États-Unis dans une longue guerre d’occupation et d’usure. La politique étrangère de Bush révèle « un radicalisme naïf allié à une incompétence opérationnelle ». La prise de Bagdad, le 9 avril 2003, a marqué le début de la fin des efforts de George W. Bush pour devenir le maître d’un nouvel empire. En fait, lui, Dick Cheney et Donald Rumsfeld sont les vrais perdants dans toute cette histoire.

Au début du livre, les auteurs ont posé une question fondamentale : si les empires précédents se sont effondrés lorsque les coûts engendrés pour leur expansion et leur protection ont été dépassés par la capacité et la volonté de payer des citoyens, les États-Unis courent-ils le même danger en s’engageant dans une voie similaire ? Au chapitre 9, ils affirment que les néoconservateurs et militaristes de George W. Bush ont lancé les États-Unis sur une route d’expansion impériale qui suit presque à la lettre le modèle qui a conduit des empires précédents à la ruine. Les États-Unis vivent un interrègne. Alors que Clinton et les présidents antérieurs ont créé et renforcé une série d’institutions internationales qui conduisaient à la coopération plutôt qu’au conflit, l’équipe Bush revient aux pratiques d’un État-nation classique qui tend à favoriser ses propres intérêts aux dépens des autres, même de ses alliés historiques. Dans cet interrègne, trois forces déstabilisent le pouvoir états-unien : 1) la tension grandissante au sein des pouvoirs dominants du Nord sur la poursuite ou non du processus de mondialisation ou le retour à la concurrence pour le contrôle des ressources mondiales ; 2) l’extrême polarisation de la richesse et du pouvoir entre les pays du Nord et du Sud ; 3) le mouvement altermondialiste qui proclame qu’« un autre monde est possible ».

En conclusion, on évoque l’espoir suscité par l’émergence d’un mouvement mondial pour la paix et la justice qui peut se transformer en un mouvement politiquement conscient. Il conteste l’empire tout en construisant un nouvel ordre international et prône des valeurs fondamentales comme la démocratie participative, la fin de toutes formes de racisme, etc. Entre un système international malmené par un empire polisson et les rêves et espoirs de la multitude, qu’adviendra-t-il ? L’avenir sera-t-il contrôlé par une ploutocratie économique ou la vaste majorité de l’humanité unie pour créer un monde harmonieux et libéré ?

Ce livre donne une information utile sur l’histoire de l’empire américain et la situation qui prévaut depuis l’arrivée au pouvoir de George W. Bush. Il met à découvert les dessous économiques, politiques et militaires qui ont conduit au déclenchement des guerres en Afghanistan et en Irak. Il analyse les raisons pour lesquelles le président Bush et son entourage ont formé un dessein de guerre préventive et comment ils l’ont mis à exécution. C’est un peu du Michael Moore mais rehaussé de beaucoup de détails historiques et d’explications sur les causes et les conséquences d’une politique étrangère aussi belliqueuse. Le livre se lit avec un intérêt soutenu du début à la fin et, pour les novices en la matière, permet une bonne initiation à la politique étrangère des États-Unis sous l’administration de George W. Bush. L’ouvrage est complété par une bibliographie et un index.