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Cet ouvrage reprend pour l’essentiel des communications présentées à l’occasion d’un séminaire tenu en avril 2000 dans le cadre du programme de recherche Environnement littoral, biodiversité et ressources marines dans le sud-ouest de l’océan Indien (1999-2001). Huit des douze textes formant le corps principal du livre ont d’ailleurs été écrits par des étudiants inscrits au doctorat (six) ou au DEA (deux), en anthropologie, en géographie ou en sociologie. Quatre textes plus théoriques et méthodologiques viennent compléter les études de cas réalisées par les étudiants. On s’étonnera d’abord du titre, qui réfère sans complexe à l’océan Indien alors que les contributions ne concernent directement que l’île de La Réunion (six textes), l’île Rodrigues à Maurice et l’île de Mohéli aux Comores, avec une couverture géographique se prolongeant sur l’Indianocéanie, les sociétés créoles de la zone américano-caraïbe et de la zone océan Indien ainsi que sur le Vanuatu. On remarquera également le délai relativement long entre la tenue du séminaire et la parution de l’ouvrage (décembre 2004), ce qui nous fait regretter que les informations factuelles et les références s’arrêtent, sauf pour de très rares exceptions, à 1999 et 2000.

L’introduction s’articule autour de l’hypothèse « qu’il existe une parenté certaine entre ces différentes pratiques [de l’espace littoral] à l’échelle des sociétés créoles qui sont le fruit des mêmes contraintes socio-historiques » (p. 12) et du constat que l’analyse de l’appropriation sociale et spatiale des littoraux étudiés est actuellement très fragmentaire. La validation de l’hypothèse demeure inachevée à mon avis, surtout en l’absence d’une conclusion qui aurait pu venir renforcer l’argumentation en puisant notamment dans les différents textes et en faisant référence aux espaces créoles oubliés (Maurice, Seychelles, Guadeloupe, Haïti, etc.). En revanche, l’ensemble des textes témoigne tout à fait de la grande diversité des situations littorales et de l’intérêt d’aborder le territoire littoral selon différentes approches.

Le volume est divisé en trois parties qui comprennent quatre textes chacune. La première s’intéresse aux repères de la territorialité avec des textes portant sur l’importance des ports dans les sociétés insulaires (R. Lucas), les approches méthodologiques du territoire et du littoral (G. David), l’approche socio-économique du territoire littoral récifal de La Réunion (E. Mirault) ainsi que sur l’historicité et l’imaginaire de l’appropriation du littoral dans les sociétés créoles des zones américano-caraïbe et indianocéanique (B. Cherubini). La seconde partie explore le lien entre tourisme et territorialité avec des contributions portant sur la mise en parc du territoire des Hauts à La Réunion (G. Dalama-Philotée), la fréquentation touristique extérieure et les pratiques locales à La Réunion (I. Musso), l’évolution historique de l’utilisation du lagon à La Réunion et le rôle de l’économique dans sa reconnaissance en tant que patrimoine écologique (D. Picard), ainsi que sur l’émergence d’une identité forte et d’un développement prometteur pour la commune de Saint-Leu par la valorisation d’activités sportives nouvelles et d’un patrimoine original dans le cadre de La Réunion (M. Papillon). Enfin, la troisième partie s’intéresse aux sociétés de pêcheurs et à l’environnement avec des textes portant sur l’enracinement territorial de la communauté de pêcheurs de Terre-Sainte à La Réunion (G. Marchand), sur une méthodologie développée au Vanuatu pour apprécier la pêche villageoise en milieu insulaire (G. David), sur le développement de l’exploitation des ressources marines dans le village de Port Sud-Est à Rodrigues (N. Teuma) ainsi que sur la place des tortues marines dans la société mohélienne et la valorisation de ce patrimoine dans le village d’Itsamia (V. Lilette).

Si ce livre ne me semble pas constituer un document de référence en ce qui concerne le territoire littoral, du moins parmi la littérature qui lui est consacrée en géographie, il contient néanmoins une majorité de textes d’excellente qualité. Ceux-ci témoignent de la multitude des pratiques littorales et des relations à l’espace littoral dans le contexte des petits États et territoires insulaires du sud-ouest de l’océan Indien, qu’ils appartiennent à l’aire culturelle créole ou swahilie. Il s’agit donc d’un travail qui ouvre la voie à une meilleure connaissance de l’appropriation sociale et spatiale du littoral dans ces petites îles et en articulation avec leurs aires géographique et culturelle respectives. En ce qui concerne tant le tourisme, la pêche que l’environnement littoral dans les îles étudiées, le lecteur intéressé pourra poursuivre son exploration au travers d’une littérature qui a été relativement féconde au cours des dernières années [1].