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Avec l’Atlas de La Réunion, la petite île française du sud-ouest de l’océan Indien acquiert une nouvelle synthèse géographique à jour et à maints égards innovatrice[1]. L’ensemble est d’abord conçu comme un diagnostic territorial qui doit permettre aux Réunionnais (qui sont aujourd’hui 750 000 sur leur petit caillou de 2512 km2, dont seulement 40 % se prête à l’occupation humaine) de mieux se préparer à accueillir les quelque 250 000 habitants supplémentaires attendus d’ici à 2025. Il tente également d’élargir l’horizon réunionnais (traditionnellement centré sur la Métropole, l’Europe communautaire et les îles du sud-ouest de l’océan Indien) à l’ensemble du bassin india-océanique. On peut certainement affirmer que la mission est largement accomplie pour l’équipe multidisciplinaire de 28 personnes provenant en très grande majorité de l’Université de La Réunion, mais aussi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de l’Association pour la Promotion en milieu Rural (APR), de la Chambre d’Agriculture et de la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion.

L’ouvrage est constitué de 41 planches réparties en cinq chapitres traitant respectivement de l’île et de son environnement, de la population et la société, de l’économie, de l’aménagement du territoire et de La Réunion dans le bassin india-océanique. Il s’agit essentiellement, dans les quatre premiers chapitres, d’une part, de présenter une vision originale et renouvelée des facteurs et dynamiques contribuant à l’organisation de l’espace réunionnais et, d’autre part, de mettre en lumière les grands défis contemporains auxquels l’île fait face. Ceux-ci découlent notamment d’une croissance démographique soutenue, d’une urbanisation qui a depuis longtemps quitté les limites des villes et de la nécessité de la durabilité du développement sur un territoire exigu où les ressources ne sont pas inépuisables (Jauze : 89). Sur le plan de l’environnement, on est un peu surpris qu’il n’y ait ni carte ni coupe topographique, pas plus que de planche sur les cyclones (trajectoires, fréquence, effets, prévention, etc.). On notera par contre une planche réussie sur les pluies médianes, bien que l’on aurait pu discuter un peu plus de l’irrégularité interannuelle et présenter quelques diagrammes ombrothermiques supplémentaires. En ce qui concerne les planches sur la population et l’économie, elles prolongent et complètent efficacement les données reprises annuellement dans le tableau économique de La Réunion publié par l’INSEE. Pour ce qui est du chapitre sur l’aménagement du territoire, il est particulièrement bien réussi et témoigne de l’importance des enjeux qui lui sont liés (habitation, activités, circulation, développement, environnement, patrimoine et cohésion sociale).

Quant au dernier chapitre, il représente une première véritable occasion d’introduire La Réunion dans le vaste espace régional qui se constitue autour de l’océan Indien, appelé ici le bassin india-océanique et ailleurs l’espace indianocéanique. Cela traduit bien la volonté de La Réunion, longtemps cloisonnée dans sa relation au caractère plutôt exclusif avec la France métropolitaine, de mieux s’intégrer à un environnement régional qui déborde désormais très largement le cadre classique des îles du sud-ouest de l’océan Indien. On regrettera cependant que ce changement d’échelle dans la perspective régionale ne s’accompagne pas d’une planche portant sur le voisinage immédiat qui reste pourtant d’un très grand intérêt pour La Réunion (que ce soit à travers la coopération régionale formelle – COI –, les nombreux réseaux inter-îles de natures extrêmement variées et l’action caritative, les flux touristiques, les relations commerciales et les flux financiers, etc). Une carte détaillée du sud-ouest de l’océan Indien aurait notamment permis d’aborder les enjeux concernant les îles éparses (Bassas da India, Europa, Juan de Nova, les Glorieuses et Tromelin, administrées et ravitaillées depuis La Réunion) et les zones économiques exclusives dans la région. La Réunion entretient aussi une relation privilégiée avec les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et, notamment, avec les districts de Kerguelen, de Saint-Paul-et-Amsterdam et de Crozet (missions scientifiques, ravitaillement, pêche, surveillance), un autre aspect que l’on aurait pu aborder dans ce chapitre.

En ce qui concerne le format A4 de l’Atlas, celui-ci convient parfaitement puisque, en raison de sa faible superficie, l’île peut être représentée avec un très bon niveau de détail sur une simple feuille de ce type. La mise en page est très agréable : les planches s’organisent en pages doubles qui se font face avec un texte explicatif à gauche et les documents à droite (essentiellement des cartes, mais aussi quelques graphiques). La cartographie est bien conçue, les cartes soignées et colorées. Cependant, un petit regret de ne pas retrouver une meilleure carte de localisation générale et un index géographique, d’autant plus que de nombreux lieux sont souvent mentionnés dans les explications sans être pour autant localisés sur la ou les cartes adjacentes. Enfin, le choix d’une couverture souple et d’un nombre de pages relativement limité permet de vendre l’ouvrage à seulement 22,90 Euros. C’est certainement une autre qualité pour cet atlas au caractère résolument utilitaire.

En conclusion, l’Atlas de La Réunion est un ouvrage de qualité qui porte un regard intelligent et innovateur sur l’organisation de l’espace réunionnais, les enjeux territoriaux et les défis que doit relever l’île dans sa quête d’un véritable développement durable. Il ne constitue pas une analyse détaillée de tous les aspects physiques et humains qui caractérisent l’île, mais présente plutôt une synthèse globale du système insulaire mettant efficacement en relation les facteurs, les dynamiques, les résultats, les enjeux et les défis.