Corps de l’article

1. Introduction

Les élèves issus de milieux défavorisés sont jusqu’à 20 % plus à risque de décrocher de l’école, une disparité que l’UNESCO (2020) qualifie de priorité dans la recherche d’équité en éducation. Ainsi, il importe d’identifier les actions pouvant être prises en classe afin de soutenir la motivation et la réussite de ces élèves. Le climat motivationnel, misant tant sur la maitrise que sur la performance, instauré par les enseignants fait partie de ces actions qui ont le potentiel d’orienter et de soutenir la motivation des élèves, tout particulièrement leurs buts d’apprentissage, également axés sur la maitrise et la performance, ainsi que leur rendement scolaire (Elliot et Thrash, 2001). Or, les défis plus nombreux rencontrés par les enseignants oeuvrant dans les écoles de quartiers défavorisés (Knoblauch et Woolfolk Hoy, 2008) font en sorte que le climat motivationnel mis en place par ceux-ci doit aussi être étudié en regard de leur sentiment d’efficacité professionnelle. En effet, les enseignants se sentant efficaces sont généralement à même de favoriser les buts d’accomplissement et le rendement de leurs élèves, s’accumulant ainsi aux bénéfices d’un climat de classe positif (Marsh et coll., 2012).

Bien que les rôles du climat de maitrise et de performance, ainsi que du sentiment d’efficacité des enseignants, soient relativement bien documentés lorsqu’étudiés en silos, on en sait très peu sur leur contribution additive, en particulier auprès des élèves de milieux défavorisés. La recherche d’une compréhension intégrative s’impose dès lors afin de représenter plus largement, et donc plus réalistement, les divers facteurs composant le contexte de classe dans lequel les élèves évoluent. Réalisée au sein d’écoles primaires situées dans des quartiers urbains centraux défavorisés, cette étude se penche sur le rôle combiné et synergique du climat de maitrise et de performance, ainsi que du sentiment d’efficacité des enseignants afin de soutenir les buts d’accomplissement et le rendement scolaire des élèves.

2. Cadre théorique

2.1 Buts d’accomplissement et rendement scolaire des élèves

Les buts d’accomplissement et le rendement scolaire des élèves vont généralement de pair puisque tous deux font partie de la réussite éducative, contribuant ainsi à un développement positif au fil de la scolarité (Olsson et coll., 2013). Le rendement scolaire, souvent évalué à l’aide des notes des élèves ou selon leurs résultats par rapport à la moyenne, est un indicateur des acquis réalisés au terme d’un processus d’apprentissage. De façon complémentaire, l’intérêt à s’engager dans les apprentissages et le développement de compétences sont des aspects non mesurés par le rendement scolaire, mais plutôt représentés par l’orientation et l’intensité des buts d’accomplissement de l’élève (Van Yperen et coll., 2014). Les buts d’accomplissement sont les motifs pour lesquels les élèves investissent temps et énergie à réaliser leurs travaux scolaires (Dweck, 1986 ; Kaplan et coll., 2002). La présente étude s’intéresse aux buts d’approche des élèves, c’est-à-dire à leur orientation vers des buts souhaités qui sont donc des cibles de promotion de la réussite éducative. Les élèves poursuivant des buts d’approche sont donc orientés vers l’apprentissage, l’amélioration et l’obtention de bons résultats scolaires (Elliot et Thrash, 2001). La théorie des buts d’accomplissement évoque deux types de buts d’approche, soit les buts de maitrise et de performance (Elliott et Dweck, 1988 ; Kaplan et coll., 2002). D’une part, les élèves poursuivant des buts de maitrise souhaitent développer et parfaire leurs connaissances, habiletés et compétences, tout en misant sur la compréhension et la maitrise des nouveaux apprentissages (Elliott et Dweck, 1988). Les buts de maitrise s’apparentent ainsi à la motivation intrinsèque de l’élève. D’autre part, les élèves poursuivant des buts de performance tendent à obtenir un jugement favorable de la part de leurs pairs ou enseignants en démontrant leur compétence. Ce type de buts reflète une motivation extrinsèque, c’est-à-dire que les élèves jugent de leur compétence en se comparant à leurs pairs (Elliott et Dweck, 1988).

Tout comme le rendement scolaire, les buts de maitrise et de performance ont le potentiel de contribuer positivement au développement scolaire des élèves (Kaplan et coll., 2002 ; Meece et coll., 2006 ; Van Yperen et coll., 2014). Tant les buts de maitrise que les buts de performance soutiennent le rendement scolaire des élèves (Huang, 2012 ; Hulleman et coll., 2010 ; Van Yperen et coll., 2014). À l’instar de la motivation intrinsèque, les élèves poursuivant des buts de maitrise rapportent aussi une adaptation socioaffective de bonne qualité (Harackiewicz et coll., 2002 ; Howard et coll., 2021). La poursuite de buts de performance, tout comme la motivation extrinsèque, pourrait être néfaste pour le développement des habiletés nécessaires à l’adaptation socioaffective (Howard et coll., 2021), notamment en suscitant une plus grande réticence quant à la demande d’aide et davantage d’anxiété (Hulleman et coll., 2010). Il importe dès lors de soutenir à la fois le développement des buts de maitrise et de performance, ainsi que le rendement scolaire des élèves (Harackiewicz et coll., 2002 ; Van Yperen et coll., 2014). Un élève qui considère à la fois l’importance d’apprendre et de performer serait en effet mieux adapté qu’un élève qui a de faibles buts d’approche lors de la réalisation de tâches scolaires ou qui adopte seulement l’un ou l’autre des buts. Ainsi, il semble tout indiqué de rechercher dans le contexte de classe les divers facteurs pouvant soutenir à la fois les buts de maitrise et de performance des élèves, tout en favorisant leur rendement scolaire.

2.2 Climat motivationnel de classe

La théorie des buts d’accomplissement (Elliott et Dweck, 1988 ; Kaplan et coll., 2002) postule également que l’enseignant crée un climat motivationnel véhiculant des valeurs de maitrise et de performance pouvant insuffler les buts des élèves, ainsi que soutenir leur rendement scolaire. D’une part, les élèves qui perçoivent que leur enseignant instaure un climat de maitrise sentent que celui-ci met l’accent sur la compréhension, l’amélioration et les défis à relever en fournissant des efforts, en respectant le rythme d’apprentissage de chacun. Ce type de climat tend non seulement à soutenir les buts de maitrise des élèves (Alivernini et coll., 2018 ; Lazarides et coll., 2018), mais favorise aussi leur rendement scolaire (Burns et coll., 2021).

D’autre part, les élèves qui perçoivent plutôt que l’enseignant véhicule un climat de performance ressentent une pression pour l’obtention de bons résultats et un désir de se montrer doués par rapport aux autres, dans un climat parfois marqué par la compétition (Deemer, 2004 ; Elliott et Dweck, 1988 ; Kaplan et coll., 2002 ; Meece et coll., 2006). Ici encore, il semble qu’un climat de performance suscite surtout des buts de performance chez les élèves (Shim et coll., 2013 ; Meece et coll., 2006). Or, le rôle d’un tel climat pour le rendement scolaire est plus mitigé (Murayama et Elliot, 2012). En effet, dans les écoles accueillant de faibles proportions d’élèves en difficulté, un contexte de performance tend généralement à soutenir le rendement scolaire (Hulleman et coll., 2010). En revanche, dans d’autres contextes, tels ceux des écoles secondaires en milieux défavorisés, il est possible que les élèves qui ressentent un climat de performance se retrouvent avec un plus faible rendement scolaire (Murayama et Elliot, 2012) et un manque de motivation (Mendez-Giménez et coll., 2018). Néanmoins, ces liens n’ont pas été étudiés dès le primaire. De telles disparités suggèrent que d’autres études sont nécessaires, tout particulièrement en milieux défavorisés et au primaire, afin de déterminer les contextes et conditions dans lesquels un climat de performance peut être favorable.

Par ailleurs, certains élèves perçoivent aussi que leur enseignant instaure à la fois des climats de maitrise et de performance et que ceux-ci ne sont pas mutuellement exclusifs (Huang, 2012). Il est ainsi possible que ces deux climats puissent agir en synergie afin de soutenir tant les buts d’accomplissement des élèves que leur rendement scolaire (Harachiewicz et coll., 2002 ; Méndez-Giménez et coll., 2018). Ainsi, les élèves seraient plus motivés et réussiraient mieux lorsqu’ils perçoivent qu’ils sont encouragés tant à maitriser les apprentissages qu’à offrir une bonne performance lors des évaluations (Harachiewicz et coll., 2002 ; Midgley et coll., 2000). En ajustant le climat de classe en fonction des tâches à accomplir et des caractéristiques des élèves, certains suggèrent que le climat de performance leur serait bénéfique s’il était accompagné d’un climat de maitrise (Boden et coll., 2020 ; Hulleman et coll., 2010). Or, cette combinaison stratégique a fait l’objet de très peu d’études, encore moins auprès des élèves d’écoles primaires situées en milieux défavorisés. Contrairement aux écoles plus favorisées où la clientèle présente moins de difficultés et est plus uniforme (Archambault et coll., 2012 ; Statistiques Québec, 2015), les enseignants oeuvrant en milieux défavorisés sont susceptibles de vivre de nombreux défis affectant leur sentiment d’efficacité (Knoblauch et Woolfolk Hoy, 2008).

2.3 Sentiment d’efficacité des enseignants

Considéré tout aussi, voire plus important que la compétence réelle (Marsh et coll., 2012 ; Wolters et Daugherty, 2007), le sentiment d’efficacité est un processus cognitif ou une croyance en ses capacités à atteindre un résultat souhaité (Bandura, 1997 ; Safourcade et Alava, 2009). Les enseignants ayant un bon sentiment d’efficacité se sentent aptes à contribuer à l’apprentissage et à la réussite de tous leurs élèves, y compris ceux ayant des difficultés ou une faible motivation (Fackler et coll., 2021). La contribution positive du sentiment d’efficacité des enseignants, autant sur le plan du rendement scolaire des élèves (Caprara et coll., 2006 ; Hajovsky et coll., 2020 ; Zee et Koomen, 2016) que sur celui de leurs buts de maitrise (Schiefele et Schaffner, 2015), a maintes fois été démontrée. À l’inverse, les enseignants ayant un faible sentiment d’efficacité pourraient susciter davantage de buts de performance chez leurs élèves (van Uden et coll., 2014). Tout comme les climats de maitrise et de performance, le sentiment d’efficacité des enseignants pourrait s’ajouter à ces composantes de classe (Fackler et coll., 2021) – en ayant un rôle conjoint ou synergique soutenant les buts d’accomplissement – et le rendement des élèves. En effet, les enseignants se sentant efficaces croient en leur capacité à faire progresser tous les élèves (Marsh et coll., 2012). Ainsi, si ces enseignants évoquent l’importance de fournir des efforts (climat de maitrise) ou d’obtenir de bons résultats (climat de performance), ils peuvent être plus susceptibles de convaincre leurs élèves de leur compétence réelle, suscitant du même coup des buts de maitrise et de performance, ainsi qu’un bon rendement scolaire. À l’inverse, les enseignants se sentant peu efficaces mettent généralement en place des mesures de contrôle pour pallier ce sentiment (Safourcade et Alava, 2009). Les élèves seraient donc plus à risque de percevoir que ces enseignants n’instaurent ni climat de maitrise ni de performance, rendant leurs buts d’accomplissement et leurs idéaux de rendement difficiles à atteindre. Bien que cette hypothèse n’ait jamais été validée, certains auteurs suggèrent que ce deuxième cas de figure serait plus fréquent en milieu défavorisé où les enseignants sont plus nombreux à se sentir peu efficaces, compte tenu des nombreux défis rencontrés (Knoblauch et Woolfolk Hoy, 2008).

2.4 Objectifs et hypothèses

Cette étude se penche sur le rôle combiné du sentiment d’efficacité des enseignants et du climat de classe (de maitrise ou de performance), dans le développement des buts d’accomplissement (orientés vers la maitrise ou la performance), ainsi que sur le rendement scolaire d’élèves de la quatrième à la sixième année fréquentant des écoles primaires de quartiers défavorisés. Dans un premier temps, il est attendu que le sentiment d’efficacité des enseignants et le climat de maitrise soient associés positivement à l’adoption de buts de maitrise et au rendement scolaire des élèves. En ce qui a trait au rôle mitigé du climat de performance en milieux défavorisés et pluriethniques, les études suggèrent qu’il serait associé à davantage de buts de performance, mais à un moins bon rendement scolaire et potentiellement à de moindres buts de maitrise (Mendez-Giménez et coll., 2018 ; Murayama et Elliot, 2012). Dans un second temps, en ce qui a trait au rôle synergique (c’est-à-dire l’effet d’interaction) du sentiment d’efficacité de l’enseignant et des climats de maitrise et de performance, il est attendu que les buts d’accomplissement et le rendement des élèves soient favorisés, d’une part, par la combinaison des climats de maitrise et de performance et, d’autre part, par la combinaison des climats de maitrise ou de performance à un sentiment d’efficacité des enseignants. L’ensemble de ces liens sont anticipés au-delà du rôle documenté des caractéristiques individuelles et familiales associées aux buts d’accomplissement et au rendement scolaire des élèves, soit : le sexe – les garçons ont des niveaux plus faibles que les filles (Alivernini et coll., 2018 ; Statistiques Québec, 2015) ; le statut d’immigration – les élèves issus de l’immigration entretiendraient davantage de buts de performance (Alivernini et coll., 2018 ; Huang, 2012 ; Van Yperen et coll., 2014) ; l’âge – les élèves plus vieux auraient un plus faible rendement et des buts d’accomplissement moindres (Harackiewicz et coll., 2002) ; les niveaux préexistants des buts et du rendement – ce qui permet de contrôler leur relative stabilité dans le temps (Bae et DeBusk-Lane, 2018 ; Lee, 2016).

3. Méthodologie

3.1 Participants et procédure

Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet Culture et engagement (Archambault et coll., 2015) dont l’objectif est de cerner les différents facteurs influençant la réussite des élèves. Ce projet a été approuvé par le comité d’éthique de l’université. Cinq écoles primaires de milieux défavorisés de Montréal (Canada) ont participé à l’étude. Les données utilisées ont été colligées durant le printemps 2013 (T1), l’automne 2013 (T2) et le printemps 2014 (T3). Quarante-quatre enseignants et leurs 435 élèves de la quatrième à la sixième année du primaire ont participé à l’étude. Pour chaque participant, un formulaire de consentement a été signé par un parent ou un tuteur. Afin de maximiser le taux de participation, une relance par téléphone a été réalisée. Étant donné la multiethnicité présente dans les écoles participantes, le formulaire a été traduit en six langues afin de rejoindre un maximum de parents. Cette procédure a permis d’atteindre un taux de consentement de 70 %.

Les élèves participants provenaient des quatrième (n = 149 ; 34,3 %), cinquième (n = 136 ; 31,3 %) et sixième années (n = 150 ; 34,4 %) du primaire. L’échantillon comprenait 203 filles (47,7 %) et 232 garçons (53,3 %) âgés de huit à 13 ans (μ = 10,342, σ = 1,067). Ces élèves provenaient de divers milieux ethniques, dont 356 (81,8 %) étaient issus de l’immigration, soit nés à l’étranger (n = 164 ; 37,7 %) ou nés de parents eux-mêmes nés à l’étranger (n = 192 ; 44,1 %). Enfin, la majorité des élèves participants parlaient le français à la maison avec leur père (56,6 %) et leur mère (58,0 %), suivi par l’arabe (10,0 %) et l’espagnol (10,0 %). Enfin, 64 % des élèves vivaient avec leurs deux parents et 13 % dans des familles monoparentales qui étaient prises en charge par la mère.

En ce qui a trait aux caractéristiques des enseignants participants, l’échantillon comprenait cinq hommes (11,4 %) et 39 femmes (88,6 %). Parmi ceux-ci, huit (18,2 %) avaient entre 26 et 30 ans, neuf (20,5 %) entre 31 et 25 ans, 12 (27,3 %) entre 36 et 40 ans et sept (15,9 %) entre 41 et 45 ans. Le nombre d’années d’expérience des enseignants variait entre une et 25 années. La plus grande proportion d’entre eux (n = 11 ; 25,0 %) avait entre 11 et 15 années d’expérience. Enfin, 36 enseignants (81,8 %) ont indiqué travailler à temps plein.

3.2 Instruments de mesure

Buts d’accomplissement des élèves. Les élèves ont rapporté leurs buts de maitrise (approche) et de performance (approche) aux T1 et T3 à l’aide de mesures tirées du Patterns of Adaptive Learning Scale (Midgley et coll., 2000) traduites et validées en français (Archambault et coll., 2015). Les mesures comprennent chacune cinq items (buts de maitrise : par exemple, « il est important pour moi d'apprendre de nouvelles choses cette année » ; buts de performance : par exemple, « il est important pour moi d'avoir l'air intelligent comparé aux autres élèves de ma classe »). Les élèves ont répondu aux questions sur une échelle de réponse codée de 1 à 5 (1 = pas du tout vrai ; 2 = pas vrai ; 3 = neutre ; 4 = un peu vrai ; 5 = très vrai). Les échelles des buts de maitrise et de performance ont chacune une bonne consistance interne aux deux temps de mesure (buts de maitrise : T1 α = 0,799 ; T3 α = 0,864 ; buts de performance : T1 α = 0,931 ; T3 α = 0,937).

Rendement scolaire. Les enseignants ont évalué le rendement en lecture, écriture et mathématiques de leurs élèves aux T1 et T3 en les comparant à la moyenne de la classe sur une échelle codée de 1 à 5 (1 = clairement sous la moyenne ; 2 = sous la moyenne ; 3 = dans la moyenne ; 4 = au-dessus de la moyenne ; 5 = clairement au-dessus de la moyenne). Il a été démontré à l’aide de tests empiriques que cette mesure est une évaluation fiable du rendement scolaire (Duncan et coll., 2007). La mesure a également une bonne consistance interne aux deux temps de mesure (T1 : α = 0,965 ; T3 : α = 0,964).

Climat motivationnel de la classe perçu par l’élève. Les élèves ont évalué le climat de maitrise et de performance instauré par leur enseignant au T2 à l’aide de mesures tirées du Patterns of Adaptive Learning Scale (Midgley et coll., 2000) traduites et validées en français (Archambault et coll., 2015). Les deux mesures (climat de maitrise et de performance) comprennent chacune trois items (climat de maitrise : par exemple « mon enseignant veut que l’on comprenne notre travail, pas seulement que l’on apprenne par coeur » ; climat de performance : par exemple « mon enseignant nous dit où on se situe par rapport aux autres élèves de la classe ») évalués sur des échelles de réponse codées de 1 à 5 (1 = complètement en désaccord ; 2 = en désaccord ; 3 = neutre ; 4 = en accord ; 5 = complètement en accord). Les deux échelles ont une consistance interne acceptable (climat de maitrise : α = 0,639 ; climat de performance α = 0,736).

Sentiment d’efficacité de l’enseignant. Les enseignants ont rapporté leur sentiment d’efficacité professionnel au T2 à l’aide d’une mesure tirée du Patterns of Adaptive Learning Scale (Midgley et coll., 2000) traduite et validée en français (Janosz et coll., 2010). La mesure comprend six items (par exemple, « je suis capable d’aider tous les élèves de ma classe à s’améliorer de façon remarquable ») évalués sur une échelle de réponse codée de 1 à 5 (1 = complètement en désaccord ; 2 = en désaccord ; 3 = neutre ; 4 = en accord ; 5 = complètement en accord). Cette mesure a une bonne consistance interne (α = 0,706).

Variables de contrôle. Les élèves ont mentionné leur sexe (0 = garçon ; 1 = fille), leur niveau scolaire (quatrième, cinquième ou sixième année), ainsi que leur statut d’immigration (0 = non immigrant ; 1 = immigrant).

Traitement des valeurs manquantes

Une analyse préliminaire des valeurs manquantes sur les différentes variables a démontré que 292 élèves (67,13 %) ont des données complètes. La proportion de données manquantes sur les variables évaluées par les élèves se situe entre 0 % et 5,3 % tandis que la proportion se situe entre 0 % et 16,6 % sur les variables rapportées par l’enseignant. Les données manquantes ont été traitées à l’aide des procédures de Full Information Maximum Likelihood et Maximum Likelihood Robust implantées dans Mplus (Muthén et Muthén, 2017).

3.3 Stratégie analytique

À la suite des analyses descriptives, nous avons procédé à la vérification des hypothèses de recherche à l’aide d’analyses de cheminement réalisées à partir du logiciel Mplus version 8.2 (Muthén et Muthén, 2017). Puisque les élèves sont regroupés (nichés) par classe, les analyses ont été réalisées avec l’option TYPE = COMPLEX disponible dans Mplus. Cette option applique une correction sur l’erreur standard afin de tenir compte de la structure nichée des données. Trois modèles ont été testés. Le premier modèle incluait l’ensemble des variables de contrôle (sexe, niveau scolaire, rendement scolaire et liens autorégressifs) ainsi que les liens directs des trois variables indépendantes (climat de maitrise, climat de performance et sentiment d’efficacité de l’enseignant) avec les trois variables dépendantes (buts de maitrise, buts de performance, rendement scolaire). Dans un second modèle, les interactions doubles entre les variables indépendantes ont été ajoutées, soit : 1) climat de maitrise ☓ climat de performance ; 2) climat de maitrise ☓ sentiment d’efficacité ; 3) climat de performance ☓ sentiment d’efficacité. Enfin, l’interaction triple a été ajoutée dans un dernier modèle (climat de maitrise ☓ climat de performance ☓ sentiment d’efficacité).

Afin de vérifier l’adéquation des modèles à chaque étape, nous référons à différents indicateurs suggérés par Marsh et ses collaborateurs (2005). Le Tucker-Lewis Index (TLI) et le Comparative Fit Index (CFI) suggèrent une bonne adéquation du modèle lorsque leur valeur est supérieure à 0,90 et excellente pour les valeurs au-dessus de 0,95. Le Root Mean Square Error Approximation (RMSEA) et le Standardized Root Mean Square Residual (SRMR) suggèrent un excellent ajustement du modèle lorsque leur valeur est en deçà de 0,01 et un bon ajustement lorsque leur valeur se situe entre 0,02 et 0,08. Puisque le test de khi carré est sensible à la taille d’échantillon, sa valeur est rapportée à titre indicatif.

4. Résultats

4.1 Analyses préliminaires

Le tableau 1 présente les corrélations entre les variables à l’étude ainsi que les statistiques descriptives. Parmi les relations entre les variables d’intérêt du modèle, on observe que seule la corrélation entre le sentiment d’efficacité de l’enseignant et le rendement scolaire des élèves est significative. Les autres corrélations liant le climat de maitrise ou de performance et le sentiment d’efficacité de l’enseignant aux buts de maitrise ou de performance et au rendement des élèves ne sont pas significatives. Par ailleurs, on remarque aussi que les climats de maitrise et de performance sont positivement associés, tout comme les buts de maitrise et de performance de l’élève.

Tableau 1

Corrélations et statistiques descriptives

Corrélations et statistiques descriptives

Note. * p < 0.05 ** p < 0.01

-> Voir la liste des tableaux

4.1.1 Modèle 1 : liens directs

Les résultats du premier modèle incluant les liens directs sont présentés au tableau 2. Le modèle a un bon ajustement aux données (χ2 = 46,263(24) = 0,004 ; RMSEA = 0,044 ; SRMR = 0,057 ; CFI = 0,950 ; TLI = 0,938). Ce modèle indique qu’au-delà de la contribution des variables de contrôle et du niveau initial des variables dépendantes au T1, le climat de maitrise de la classe, tel que perçu par les élèves, est marginalement associé de façon positive à leurs buts de maitrise. De plus, le climat de performance de la classe, tel que perçu par les élèves, et le sentiment d’efficacité autorapporté des enseignants sont tous deux positivement associés au rendement des élèves (marginalement pour le climat de performance). Enfin, aucune des variables indépendantes n’est associée aux buts de performance des élèves de façon significative.

Tableau 2

Résultats du modèle de cheminement avec liens directs (Modèle 1)

Résultats du modèle de cheminement avec liens directs (Modèle 1)

Note. Sexe = sexe de l’élève (0 = garçon ;1 = fille) ; Niveau scolaire (1 = 4e année ; 2 = 5e année ; 3 = 6e année) ; Statut d’immigration (0 = non-immigrant ; 1 = immigrant) ; b = coefficient de régression non standardisé ; SE = erreur standard du coefficient ; β = coefficient de régression standardisé ; R2 = proportion de variance expliquée par le modèle

-> Voir la liste des tableaux

4.1.2 Modèle 2 : interactions doubles

Les interactions doubles (climat de maitrise ☓ climat de performance ; climat de maitrise ☓ sentiment d’efficacité ; climat de performance ☓ sentiment d’efficacité) ont été ajoutées dans un second modèle qui, lui aussi, a un bon ajustement aux données (χ2 = 59,901(42) = 0,036 ; RMSEA = 0,031 ; SRMR = 0,067 ; CFI = 0,962 ; TLI = 0,965). Les interactions doubles ne sont pas significativement associées aux buts de maitrise (= 0,404 à = 0,772) ni au rendement scolaire (= 0,374 à = 0,579). Deux interactions se sont cependant avérées associées de façon significative aux buts de performance des élèves, soit entre le climat de maitrise et le climat de performance (= -0,131 ; SE = 0,064 ; = 0,040  ; β = -0,084) ainsi qu’entre le climat de performance et le sentiment d’efficacité (= -0,103 ; SE = 0,044 ; = 0,020 ; β = -0,071). Les analyses du tracé des pentes sont respectivement présentées aux figures 1 et 2. Comme démontré à la figure 1, pour les élèves qui perçoivent être exposés à un haut climat de maitrise dans leur classe, le climat de performance perçu n’est pas associé à leurs buts de performance. À l’inverse, pour les élèves qui perçoivent être exposés à un climat de maitrise faible ou modéré, le climat de performance est associé à une augmentation des buts de performance au cours d’une année. De façon similaire, tel que présenté à la figure 2, lorsque l’enseignant rapporte un haut sentiment d’efficacité, le climat de performance perçu dans la classe par les élèves n’est pas associé à leurs buts de performance. Néanmoins, lorsque l’enseignant rapporte un sentiment d’efficacité moyen ou faible, le climat de performance perçu est associé positivement à l’adoption de buts de performance par les élèves.

Figure 1

Analyse des pentes de l’interaction climat de maitrise ☓ climat de performance associée aux buts de performance de l’élève au T3

Analyse des pentes de l’interaction climat de maitrise ☓ climat de performance associée aux buts de performance de l’élève au T3

-> Voir la liste des figures

Figure 2

Analyse des pentes de l’interaction climat de performance ☓ sentiment d’efficacité associée aux buts de performance de l’élève au T3

Analyse des pentes de l’interaction climat de performance ☓ sentiment d’efficacité associée aux buts de performance de l’élève au T3

-> Voir la liste des figures

4.1.3 Modèle 3 : interactions triples

Dans un troisième et dernier modèle, l’interaction triple (climat de maitrise ☓ climat de performance ☓ sentiment d’efficacité) a été ajoutée. Tout comme les modèles précédents, ce modèle a un bon ajustement aux données (χ2 = 74,186(48) = 0,009 ; RMSEA = 0,035 ; SRMR = 0,071 ; CFI = 0,946 ; TLI = 0,953). Cependant, aucune interaction triple ne s’est avérée avoir d’apport significatif sur les buts de maitrise (= 0,518), les buts de performance (= 0,118) et le rendement scolaire des élèves (= 0,888).

5. Discussion

Soutenir la motivation et la réussite des élèves dès le primaire et tout particulièrement dans les milieux défavorisés est un enjeu de taille pour les divers acteurs du milieu scolaire, mais fait aussi partie des priorités en matière d’éducation soulignées par l’UNESCO (2020). C’est en tenant compte de cet objectif que la présente étude s’est penchée sur le climat motivationnel de classe, incluant le climat de maitrise et de performance (perçu par les élèves) et le sentiment d’efficacité des enseignants comme facteurs pouvant contribuer aux buts d’accomplissement et au rendement scolaire des élèves d’écoles primaires situées en milieux défavorisés. Qui plus est, et de façon novatrice, l’étude s’est penchée sur la possibilité que les deux types de climats ainsi que le sentiment d’efficacité des enseignants puissent agir en synergie afin d’offrir de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves.

D’abord, nos résultats préliminaires indiquent que les élèves entretenant des buts de maitrise tendent également à poursuivre des buts de performance (association positive), suggérant que les élèves cherchant à s’accomplir tentent à la fois de s’améliorer et de se démarquer des autres. Ces résultats confirment ainsi que ce mécanisme déjà identifié chez d’autres élèves (Van Yperen et coll., 2014) s’applique également aux particularités de ceux évoluant en milieu primaire défavorisé et pluriethnique (Kurdi et Archambault, 2020), mais également aux perceptions qu’ont les élèves des climats instaurés par leur enseignant. En effet, ceux-ci perçoivent que leur enseignant tend à valoriser simultanément la maitrise et la performance, soulignant du même coup la nécessité de se questionner sur un possible effet synergique de ces climats (Boden et coll., 2020 ; Hulleman et coll., 2010). Les résultats soutiennent bel et bien cet effet synergique, en particulier pour les buts de performance des élèves, tandis que des mécanismes plus directs semblent en jeu pour les buts de maitrise et le rendement des élèves.

Soutenir les buts de maitrise et le rendement scolaire des élèves

Conformément aux hypothèses, nos résultats démontrent que la perception qu’ont les élèves des climats de maitrise et de performance contribue à leurs buts de maitrise et à leur rendement scolaire. Bien que ces résultats soient marginaux, ils corroborent néanmoins ceux d’études antérieures (Alivernini et coll., 2018 ; Lazarides et coll., 2018), suggérant, d’une part, que les élèves qui perçoivent que leur enseignant accorde de l’importance à l’amélioration et aux efforts ont tendance à se fixer des objectifs personnels pour maitriser des apprentissages. D’autre part, ceux qui perçoivent que l’enseignant valorise les bons résultats et les élèves performants obtiennent généralement un meilleur rendement (Hulleman et coll., 2010). Ce dernier résultat est tout particulièrement intéressant puisqu’il suggère que, contrairement à d’autres études, le climat de performance ne serait pas associé négativement au rendement scolaire des élèves de milieux défavorisés ou pluriethniques (Muramaya et Elliot, 2012). Or, notre étude ne permet pas de déterminer si ce rôle est spécifique à l’école primaire, ou plutôt, au contexte d’immigration plus favorable au Canada comparativement à d’autres pays (Washbrook et coll., 2012). D’autres études seront donc requises pour approfondir ces hypothèses.

Contrairement aux hypothèses courantes, le sentiment d’efficacité des enseignants ne semble pas contribuer aux buts de maitrise des élèves. Ainsi, ceux-ci n’adhèrent pas davantage aux buts de maitrise lorsque le climat de maitrise est appliqué par des enseignants qui rapportent se sentir efficaces. Le climat de maitrise et le sentiment d’efficacité sont pourtant positivement corrélés selon la littérature et nos résultats (Schiefele et Schaffner, 2015). Il est donc possible que le sentiment d’efficacité de l’enseignant contribue aux buts de maitrise des élèves, mais de façon indirecte ou médiatrice, par exemple à travers le climat de maitrise de la classe (Lazarides et coll., 2018).

De façon complémentaire, les résultats de cette étude soulignent que le sentiment d’efficacité des enseignants contribue au rendement scolaire des élèves, mais, contrairement aux attentes formulées en introduction, que ce n’est pas le cas du climat de maitrise. Il est cependant possible que l’apport du climat de maitrise perçu par les élèves agisse de façon indirecte sur leur rendement scolaire (Burns et coll., 2021). En effet, les élèves entretenant des buts de maitrise tendent à avoir une plus grande motivation intrinsèque, ce qui stimulerait d’abord leur engagement scolaire et, en retour, leur rendement (Skinner et coll., 2009 ; Uçar et Sungur, 2017). Des études portant sur les mécanismes sous-jacents aux effets des climats motivationnels permettraient d’explorer davantage ces hypothèses.

5.1 Contribution synergique aux buts de performance des élèves

Les divers aspects du climat motivationnel de classe et du sentiment d’efficacité des enseignants semblent jouer un rôle plus complexe quant à leur contribution aux buts de performance des élèves, confirmant les hypothèses en lien avec leur apport synergique. Il semble en effet que la combinaison d’un climat de maitrise et de performance en classe permette aux élèves de maintenir des buts de performance stables à travers le temps. Il en est de même pour la synergie entre le climat de performance et le sentiment d’efficacité des enseignants, suggérant que les élèves qui perçoivent un fort climat de performance en classe instauré par un enseignant se sentant efficace, tendent à maintenir des buts de performance stables au fil du temps. Ainsi, au contact d’un enseignant percevant être en mesure d’aider chacun de ses élèves à progresser au cours de l’année, les élèves n’auraient pas tendance à donner davantage d’importance à la comparaison sociale, même s’ils perçoivent un environnement compétitif. À l’inverse, les élèves qui perçoivent être exposés à un climat motivationnel visant uniquement la performance et la compétition, non complémenté par la maitrise, instauré par un enseignant se sentant peu efficace, sont plus à risque de rapporter que leurs buts de performance augmentent en cours d’année scolaire. Ces élèves tendent donc à chercher davantage un jugement favorable vis-à-vis leur compétence et souhaitent paraitre meilleurs que leurs pairs.

Comme mentionné en introduction, les buts de performance des élèves ont le potentiel de favoriser leur rendement scolaire, mais peuvent également nuire à leur adaptation socioaffective (Howard et coll., 2021 ; Huang, 2012 ; Van Yperen et coll., 2014). Il est en effet préférable que les élèves adoptent des buts de performance de façon modérée, au lieu de poursuivre ardemment des buts marqués par la compétition et la comparaison entre eux. Ainsi, pour soutenir l’intérêt des élèves à apprendre, favoriser leur réussite tout en limitant le risque de développement d’anxiété de performance, il serait bénéfique de miser sur l’établissement d’un climat de performance de concert avec un climat de maitrise, tout en promouvant le développement d’un fort sentiment d’efficacité chez les enseignants. En somme, ces résultats soulignent la nécessité de discuter des conditions rendant le climat de performance bénéfique pour les élèves (Harackiewicz et coll., 2002), tout particulièrement en milieux défavorisés où les enseignants sont plus à risque d’avoir un faible sentiment d’efficacité (Knoblauch et Woolfolk Hoy, 2008).

5.2 Limites de l’étude

Cette étude présente quelques limites au regard desquelles il est nécessaire d’interpréter les résultats. Premièrement, l’échelle de mesure des buts de performance utilisée dans cette étude, tirée du Patterns of Adaptive Learning Scale, est discutée dans certaines études (Huang, 2012 ; Hulleman et coll., 2010). Des méta-analyses ont notamment démontré que les liens observés varient en fonction de l’outil utilisé pour mesurer les buts d’accomplissement (Huang, 2012). Il est possible que le mode évaluatif sous-entendu dans la formulation des items du Patterns of Adaptive Learning Scale soit de type « normatif » pour le climat motivationnel (comparer au meilleur résultat de la classe) alors qu’il serait de type « apparence sociale » pour les buts de performance de l’élève (par exemple avoir l’air intelligent aux yeux des autres élèves). Il importe dès lors de répliquer nos résultats avec des échantillons variés s’appuyant sur des mesures complémentaires au Patterns of Adaptive Learning Scale. Deuxièmement, l’étude s’appuie en grande partie sur les perceptions des élèves. C’est une force qui permet de comprendre les processus motivationnels individuels, mais cela limite notre capacité à tirer des conclusions s’appliquant à l’ensemble de la classe (Marsh et coll., 2012). Enfin, l’échantillon utilisé pour cette étude comporte des caractéristiques spécifiques. L’étude a été menée dans cinq écoles primaires situées en milieu urbain défavorisé. Les résultats ne peuvent donc pas être généralisés à l’ensemble de la population.

5.3 Études futures

Les résultats soulignent différentes orientations pour de prochaines recherches. Cette étude visait à comprendre comment les perceptions des élèves de leur contexte de classe peuvent influencer leurs buts d’accomplissement et leur rendement scolaire, tout en contrôlant la structure nichée des données. Or, l’emploi d’analyses multiniveaux aurait fourni une perspective complémentaire en démontrant en quoi le climat de classe contribue aux buts et au rendement moyen de l’ensemble des élèves qui la fréquentent, et ce, au-delà des perceptions individuelles (Marsh et coll., 2012). Par ailleurs, plusieurs travaux présentent les buts d’accomplissement comme étant à la fois le résultat de traits individuels stables dans le temps et d’états relevant de situations spécifiques (par exemple Lee, 2016 ; Monni et coll., 2020). Dès lors, d’autres études pourraient s’appuyer sur des méthodes permettant de départager si l’influence du climat motivationnel de classe est restreinte aux situations spécifiques (états), ou s’il a de potentielles répercussions à long terme (traits). Finalement, la mise en place par l’enseignant de climats motivationnels s’appuyant sur la maitrise ou la performance est une stratégie faisant partie d’un registre plus large de pratiques pédagogiques qui pourraient contribuer aux buts d’accomplissement et au rendement des élèves. À titre d’exemple, les résultats indiquent que le sentiment d’efficacité de l’enseignant est négativement corrélé au climat de performance, alors que tous deux prédisent positivement le rendement scolaire. Il est donc possible que les enseignants qui se sentent efficaces utilisent d’autres stratégies complémentaires au climat de performance pour soutenir la réussite éducative de leurs élèves. S’intéresser à un plus large éventail de pratiques pédagogiques pourrait ainsi contribuer à identifier un ensemble qui, ultimement, favorise la persévérance scolaire. Enfin, sur le plan théorique, cette étude s’est penchée sur les buts d’approche des élèves. Des travaux futurs pourraient évaluer si ces conclusions s’appliquent de façon similaire aux buts d’approche et aux buts d’évitement des élèves. Alors que les buts d’approche sont assez favorables au cheminement scolaire, les buts d’évitement sont généralement plus néfastes, d’où l’intérêt d’aussi identifier les facteurs permettant de les diminuer ou, à tout le moins, de ne pas les favoriser (Hulleman et coll., 2010).

6. Conclusion

En conclusion, alors que les buts de maitrise des élèves ne sont que marginalement influencés par le climat de maitrise perçu en classe, il semble que ceux-ci soient plus sensibles au contexte motivationnel de la classe et au sentiment d’efficacité de leur enseignant en ce qui a trait à leurs buts de performance. En effet, les élèves qui perçoivent que leur enseignant met l’accent sur la performance, la comparaison et la compétition avec les camarades de classe tendent à poursuivre davantage des buts de performance, augmentant leur envie de paraitre compétents aux yeux des autres. Or, si les élèves perçoivent que l’enseignant nuance les attentes de performance en valorisant aussi la maitrise des apprentissages et en démontrant une confiance en ses capacités à aider tous les élèves à progresser et apprendre (sentiment d’efficacité), leurs buts de performance individuels demeurent stables au fil du temps, indiquant qu’ils n’accordent ni plus ni moins d’importance à l’opinion des autres, soit l’issue la plus souhaitable. Bien qu’il puisse être bénéfique pour les élèves d’entretenir un certain niveau de buts de performance, leur augmentation résultant d’un contexte misant exclusivement sur la performance pourrait être délétère (Murayama et Elliot, 2012), surtout en milieux défavorisés où la proportion d’élèves présentant des difficultés est souvent plus importante (Kurdi et Archambault, 2020). Enfin, en démontrant que le climat de performance ainsi que le sentiment d’efficacité des enseignants contribuent tous deux au rendement scolaire des élèves, et que seul le climat de maitrise favorise l’adhésion aux buts de maitrise, notre étude suggère que l’utilisation judicieuse et combinée des deux types de climats motivationnels ainsi que de la perception d’efficacité de l’enseignant pourrait fournir aux élèves de milieux défavorisés de meilleures conditions d’apprentissage propices à leur réussite.

forme: 2290115.jpg
Elizabeth Olivier
Professeure, Université de Montréal

forme: 2290116.jpg
Zoé St-Onge
Étudiante à la maitrise, Université de Montréal

forme: 2290117.jpg
Isabelle Archambault
Professeure, Université de Montréal