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La multiplication des identifiants sur le Web (URL, URK, DOI, etc.), risque de relancer une question cruciale pour les bibliothécaires et les bibliothèques en Afrique subsaharienne francophone, mais qui, à notre avis, n’a jamais été systématisée : celle du catalogage des noms africains et du contrôle d’autorité qui en dépend. Tant que ces identifiants se contentaient de renvoyer à la localisation d’une ressource sur le Web, il suffisait d’inscrire les informations relatives à la ressource (Auteur, titre, date de publication, etc.) dans les métadonnées et de ne pas en mettre (ou d’en mettre le moins possible) dans l’identifiant pour que celui-ci ait plus de chances d’être pérenne. Par exemple, si le nom de l’auteur n’est pas dans l’identifiant, si l’on se trompe de quelque manière que ce soit dans sa présentation, on n’aura pas à changer ce dernier. On changera juste l’information dans les métadonnées et la ressource restera à sa place.

Par contre, avec le web sémantique, on évolue de plus en plus vers des identifiants qui relancent la question du Contrôle bibliographique universel (CBU). Comme le notent Dunsire & Willer (2014) :

La gestion des identités à l’échelle mondiale appelle un dispositif d’identifiants à l’échelle mondiale. Ce besoin est couvert par les normes ISO pour les systèmes de numérotation tels que l’ISBN, l’ISSN, l’ISRN, l’ISRC, et plus récemment l’ISNI : Code international normalisé des noms. De tels identifiants font partie intégrante de la description bibliographique puisqu’ils fournissent un lien nécessaire entre une description particulière (locale) et un système de numérotation mondial qui peut fournir une identification unique.

Considérons par exemple le code ISNI (International Standard Name Identifier) qui est défini par la norme ISO 27729 de 2012. C’est un code international normalisé servant à identifier de manière univoque les personnes et les organismes, sur le long terme et à l’échelle internationale. Selon la BnF[1], son objectif est d’identifier au niveau international les identités publiques des personnes ou des organismes impliqués dans la création, la production ou la gestion et la distribution de contenus intellectuels et artistiques. Les personnes identifiées peuvent être, par exemple, l’auteur, l’éditeur, le traducteur ou l’illustrateur. En somme des éléments de la Description bibliographique internationale normalisée (ISBD).

D’ailleurs, la base de données de l’ISNI s’est constituée à partir des données du Fichier d’autorité international virtuel (VIAF) qui lui-même a pour socle la base de données de l’OCLC. Le VIAF est destiné aux bibliothèques et à leurs utilisateurs, et entend simplifier l’accès aux principaux fichiers d’autorité de noms du monde entier. Le slogan qui résume la philosophie de ce projet sur le site d’OCLC est : « Synchronisez les données d’autorité entre les cultures et les langues pour faciliter la recherche »[2].

Cette synchronisation ne peut être effective pour le monde entier que si les agences bibliographiques nationales des bibliothèques nationales de tous les pays contribuent régulièrement à l’alimentation de la base de données VIAF. Or, dans la plupart des pays francophones, la faiblesse des bibliothèques nationales demeure et s’est même accentuée. Certains pays comme le Sénégal, n’ont toujours pas de bibliothèque nationale. Les Archives du Sénégal, qui abritent l’agence bibliographique nationale connaissent des difficultés importantes.

Il nous semble donc que la mise sur pied du VIAF rappelle à bien des égards les difficultés que posait le CBU. Pour démontrer ce point de vue, nous commencerons par rappeler l’histoire du projet de normalisation du catalogage des noms africains, de ses enjeux et des difficultés qu’il souleva. Nous parlerons de sa postérité et terminerons en faisant quelques remarques et recommandations allant dans le but relancer le projet de catalogage des noms africains afin d’éviter les écueils qui ont limité la participation des pays francophones d’Afrique subsaharienne au CBU.

Comme dans le cas du VIAF, l’idéal derrière le CBU est que chaque document soit catalogué une seule fois dans son pays d’origine et que les résultats de ce catalogage soient disponibles dans le monde entier. Le catalogage fournit essentiellement trois catégories d’information sur un document :

  • Le point d’accès qui a deux fonctions : il permet à l’utilisateur du catalogue de retrouver la notice et il regroupe ensemble tous les enregistrements partageant une caractéristique commune. Il peut être un nom, un terme, un code, etc., sous lequel un document peut être recherché, trouvé et identifié (IFLA, 2001). On parle également de vedette.

  • Une description bibliographique qui renvoie à l’ensemble des données bibliographiques relatives au document et servant à son dientification. La description bibliographique nécessite juste l’application de normes. C’est l’objet de la « Description bibliographique internationale normalisée » (ISBD) (IFLA, 2013).

  • La localistion ou le document en texte intégral attaché à la notice.

Le contrôle bibliographique est quasiment impossible sans contrôle d’autorité. Le contrôle d’autorité et le contrôle bibliographique constituent deux faces d’une même médaille. Il suppose des normes et des règles uniformes dans la création des points d’accès, donc une certaine normalisation (Gorman, 2004).

Notice d’autorité : du technique au culturel

Le contrôle d’autorité est le processus de sélection d’une forme unique et uniforme d’un nom d’auteur ou d’un titre pour présenter un document ou une ressource informationnelle. Il est essentiel à la recherche efficace des ressources documentaires. Il assure l’uniformité des points d’accès utilisés pour identifier les personnes, les familles, les personnes morales et les oeuvres dans les catalogues des bibliothèques. La création de fichiers d’autorité est nécessaire pour atteindre les objectifs du catalogue qui est de permettre à ceux qui recherchent l’information de trouver rapidement et facilement les oeuvres d’un auteur et de localiser toutes les oeuvres d’une personne physique ou morale sous la même vedette (Jin, Q. & Kudeki, 2019).

Afin d’atteindre un contrôle bibliographique universel les agences bibliographiques nationales ont la responsabilité de créer des notices bibliographiques de référence pour les publications faites dans leurs pays respectifs et de les mettre à disposition des autres agences bibliographiques (Anderson, 1974 ; Dunsire & Willer, 2014). Chaque pays doit créer son fichier d’autorité national et élaborer des listes d’autorité. Par fichier d’autorité auteurs on entend « des notices d’autorité contenant, outre la forme retenue en vedette, les formes rejetées et associées et des notes permettant d’identifier la forme retenue, d’expliquer les relations entre celle-ci et les formes rejetées et associées, d’indiquer les sources consultées ». Quant à la liste d’autorité auteurs, c’est « une liste qui contient les formes retenues en vedettes, les formes rejetées et associées, sans aucune note » (Beaudiquez & Bourdon, 1991).

Le processus d’établissement d’un contrôle bibliographique repose uniquement sur le respect des normes internationales pour la création à la fois des notices bibliographiques et des notices d’autorité (Anderson, 1974). Ces normes ont été énoncées par la Conférence internationale sur les principes du catalogage de Paris, tenue en 1961. Les principes de Paris stipulaient en leur article 12 que pour déterminer la vedette principale pour les noms de personnes dans les catalogues alphabétiques, lorsque le nom d’un auteur personne physique se compose de plusieurs mots, le choix de l’entrée est déterminé autant que possible par l’usage convenu dans le pays dont l’auteur est citoyen, ou, si ce n’est pas possible, par l’usage convenu dans la langue qu’il utilise généralement (IFLA, 1961). La Conférence de Paris identifiera parmi les projets à entreprendre, celui de la publication d’une déclaration de pratique approuvée par chaque pays pour l’enregistrement des noms de personnes de ses ressortissants. Cette idée est résumée par Gorman (2004) lorsqu’il note que pour atteindre le contrôle bibliographique nous devrions établir un fichier d’autorité global dans lequel chaque personne, personne morale, titre uniforme et sujet est identifié par un numéro (basé sur les idées qui fondent l’ISBN). Ce numéro identifie un document dans lequel se trouve la forme normalisée du nom ou du titre dans chaque contexte linguistique et culturel identifié comme tel. Cette référence au contexte linguistique et culturel introduit une plus grande complexité dans la normalisation. En effet, alors que la normalisation est un processus purement technique, la rédaction des notices d’autorités va porter sur un élément imminemment culturel : le nom. Or, comme le note Holas (1953) : « Le nom fait partie intégrale de la personnalité dans toutes les formes de civilisations ouest-africaines, selon une règle bien établie. […]. Le nom, au cours d’une évolution idéologique que l’on connaît, est, par la suite, devenu un substitut valable, en quelque sorte une abréviation symbolique, de la “sève de la vie” ».

Les formes du nom ne sont pas universelles et partagées par tous. La forme, la structure et la signification du nom peut varier d’un groupe socioculturel à un autre, au sein d’un même pays en Afrique. Comme le notent Mutula et Tsvakai (2002) :

Il y a aussi une grande variation dans les noms des personnes d’un pays à l’autre ou même à l’intérieur du même pays. Au Kenya, par exemple, des noms comme Tina, Daina, Dina et Diana sont des variantes du nom Dinah. De même, les noms du Président kenyan Daniel Arap Moi ont des variantes de formes selon la partie du Kenya d’où on vient. Dans l’ouest du Kenya, ce nom serait Daniel Moi, et dans la province du Centre, le nom est Daniel Wa Moi, tandis que dans la province de Nyanza, le même président s’appelle Daniel K’Moi. Ces variations du même nom causent des maux de tête même pour les catalogueurs les plus expérimentés et professionnels.

Toute normalisation du traitement du nom doit passer par une prise en compte des spécificités de chaque culture. C’est ce que semble exprimer Kisiedu (1980) lorsqu’elle note que :

L’identification du catalogue auteur / titre et son acceptation universelle suggèrent le besoin d’identifier correctement les élements qui forment le nom d’un auteur pour commencer et ensuite la nécessité de distinguer entre le nom et le ou les prénoms d’un auteur, surtout pour les non familiers.

Il faut noter que le taitement des collections en langues africaines posent de nombreux défis aux catalogueurs. De manière plus général, les bibliothécaires chargés du traitement des collections en langues africaines sont souvent confrontés à des problèmes de diverses natures : connaissance des langues elles-mêmes, transcription et translitération, autorités personnes physiques, autorités matières, etc. (Joachim, 1993).

L’Afrique avec ses 54 pays est caractérisée par sa diversité culturelle et surtout linguistique. Les estimations du nombre de langues actuellement parlées sur le contient varient entre 1500 et 3000 langues. Lorsque ces langues ne sont pas transcrites en caractères latins, comme c’est le cas de l’amharique en Éthiopie et des langues utilisant une écriture arabe, comme le Wolofal au Sénégal, le catalogueur doit connaitre les règles de translitération. Suivent ensuite les défis liés à l’établissement des accès à la description bibliographique : les autorités personnes physiques (objet du présent article) et les autorités matières. S’agissant de ces dernières, elles posent la question de la prise en compte de certains concepts spécifiques à des réalités typiquement africaines dans les classifications et les thésaurus élaborés en Occident (Mutula & Tsvakai, 2002). Quant à la question des autorités personnes physiques, elle pose le problème du traitement des noms des auteurs africains. Il constitue l’un de ces défis majeurs que rencontrent les catalogueurs.

L’absence d’une prise en compte des spécificités culturelles africaines est parfois à l’origine d’une grande confusion dans le catalogage noms d’auteurs africains. Dans l’élaboration des vedettes noms de personnes physiques, il arrive que l’on retrouve différentes entrées pour le nom d’un même auteur. Par exemple, Kisiedu (1980) relevait au titre de ces confusions le fait que le nom de Michael Francis Dei Anang, fonctionnaire, écrivain, poète et romancier ghanéen soit présenté ainsi :

  • Sur le catalogue de la Bibliothèque du Congès : Anang, M. F. Dei.

  • Sur le catalogue de la Northwestern University : Dei-Anang, M. F.

  • Sur le catalogue de Harvard University : Anang, Dei.

Il arrive également que pour un auteur l’on ne choisisse pas la bonne vedette pour diverses raisons. C’est cas, par exemple, du malien Seydou Badian Kouyaté qui a signé la plupart de ses ouvrages avec le nom Seydou Badian. De ce fait, il apparait sous la vedette Badian, Seydou et Badian, Seydou Kouyaté au lieu de Kouyaté, Seydou Badian, même sur le catalogue CAURI de la Bibliothèque centrale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar comme le montre la copie d’écran (figure 1).

Figure 1

Copie d’écran pour Seydou Badian Kouyaté

Copie d’écran pour Seydou Badian Kouyaté

-> Voir la liste des figures

La difficulté que rencontre le catalogueur résulte de la structure du nom africain. En effet, comme le note Bein (1993) :

Les noms de personnes africains sont aussi nombreux, riches et variés que les langues africaines. Ils peuvent contenir des noms de famille, des prénoms, des patronymes, des expressions honnorifiques simples ou composées ; inclure des éléments indigènes, européens et/ou islamiques, des noms d’animaux, des noms de choses ; indiquer la caste, l’appartenance ethnique, le lieu d’origine, l’ordre de naissance, les jours ou le mois de naissance, la généalogie ; être entré sous le premier élément, le dernier élément, ou quelque chose entre les deux ; ou consister en un ou plusieurs éléments.

Le fait que, pour diverses raisons, des auteurs aient changé de nom ou donné juste une partie de leur nom (comme pour le cas de Seydou Badian Kouyaté ci-dessus) rend la tâche du catalogueur plus rude. Quant au changement de nom, le cas le plus extrême est celui de l’ex-Zaïre (actuel RDC), où pour des raisons politiques dans dans les années 1972, le Président Mubutu prônant un retour à l’authenticité, interdit les noms de style occidental et imposa des noms zaïrois à tous les citoyens. Ainsi, le président lui-même Joseph Désiré Mobutu devint Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga et l’universitaire Felix Malou devint Malu Wa Kalenga (Bein, 1993).

Des bibliothécaires africains se baseront sur ces différences dans la forme et la structure des vedettes noms de personnes des auteurs africains dans les catalogues pour affirmer que les règles existantes pour certaines catégories de noms de personnes, de groupes ethniques, de langues, de géographies, etc. devraient être changées et remplacées par de nouvelles règles dénuées de tout préjugé (Aman, 1980 ; Mutula & Tsvakai, 2002).

Catalogage des patronymes africains francophones et malgaches : historique et position du problème

La plupart des pays africains francophones subsahariens venaient d’obtenir leur indépendance politique en 1960, soit seulement un an avant la Conférence de Paris. Le développement des bibliothèques y était encore très embryonnaire. Aussi, la formation de bibliothécaires professionnels ne débutera qu’en 1962 avec la création par l’UNESCO, à la suite d’un accord avec le Gouvernement du Sénégal, du Centre régional de Formation de Bibliothécaires (CRFB), qui deviendra, à partir du 1er juillet 1967, l’École de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD) de l’Université de Dakar (Dione, 2015). De même, la plupart de ces pays n’ont pas encore inscrit parmi leurs priorités la mise en place d’une bibliothèque nationale. Ce sont les Centres de l’Institut Fondamental d’Afrique noire (IFAN) qui continuaient de recevoir le dépôt légal. La mise en oeuvre de la recommandation de la Conférence de Paris était donc plus que problématique.

L’ouverture du CRFB constituait un premier jalon. Avec le démarrage de la formation des bibliothécaires professionnels, on allait disposer de cadres capables d’appliquer les normes de l’ISBD. Le premier cours de « Catalographie » est ouvert pendant l’année universitaire 1964-1965. Il est dispensé par Jean Fontvieille, conservateur des Bibliothèques, chargé du Département de la Documentation de l’IFAN à l’Université de Dakar, qui jusqu’en 1970 restera une université française malgré l’indépendance du Sénégal. Les cours sont basés sur les normes françaises. Il en est ainsi d’ailleurs jusqu’à présent. Or, comme le note Fontvieille (1968b, p.1) :

Les différents fascicules de normes françaises NF Z 44-050, 44-060, 44-062 et 44-070 ou le guide pratique « Bibliothèques : traitement, catalogage, conservation des livres et des documents » ne présentent pas d’exemples de catalogage de noms africains et ne peuvent être utilisés comme si les stagiaires étaient des européens. J’avais remarqué que ces étudiants s’intéressaient de tout autre manière à la catalographie lorsque nous cataloguions des ouvrages d’écrivains noirs. Je m’étais même aperçu que certaines règles étaient beaucoup plus rapidement comprises si je présentais les oeuvres d’Amadou Hampathé BA, de Seydou Badian KOYATE, de Toussaint Viderot MENSAH ou de Mamadou Seyni M’BENGUE. C’était là tout le problème de l’africanisation des programmes.

Outre l’objectif de combler la lacune que constitue l’absence de documents et de manuels sur le sujet et les raisons pédagogiques, Fontvieille (1968b) justifie son projet d’africanisation de son cours de catalogage par les nombreuses erreurs de catalogage constatées sur les bibliographies africaines et les fichiers des bibliothèques du continent. Il note :

À consulter les bibliographies africaines et malgaches ou les fichiers des bibliothèques d’Afrique, je m’aperçois sans cesse de nombreuses erreurs de catalographie même lorsque le nom africain était hybride, c’est-à-dire lorsque à des composants traditionnels s’ajoutaient des prénoms chrétiens ou coraniques. Par ailleurs les éditeurs d’ouvrages écrits par des auteurs africains ne respectent pas dans la présentation typographique de ces noms les règles logiques précisées par M. le Président de la République du Sénégal par le décret n°63-448 M. J. du 3 juillet 1963

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La question du catalogage des noms des auteurs africains au départ semble être un problème professionnel, un travail technique relevant de la normalisation. Mais très vite, il apparait que dans la réalité la question est beaucoup plus complexe qu’elle ne parait. Elle engage également des aspects liés à l’anthropologie culturelle, à l’onomastique et même à la politique comme semble l’évoquer la référence au décret n°63-448 M. J. du 3 juillet 1963 du Président Léopold Sédar Senghor.

Les aspects liés à l’anthropologie culturelle et à l’onomastique renvoient d’abord à la signification du nom dans le contexte traditionnel en Afrique, ensuite aux modifications que celui-ci a subi avec l’islamisation, la colonisation et la christianisation.

Fontvieille (1968ab), malgré le fait qu’il reconnaissait n’être pas un spécialiste de l’anthroponymie africaine, décida donc de poser le problème du traitement catalographique des noms africains dans le but de proposer une norme. L’ancrage culturaliste du projet est clairement affirmé. Il repose sur la différence et la spécificité des cultures africaines et européennes. Il postule que l’on ne peut pas former des bibliothécaires africains en leur inculquant ses connaissances qui ne reflètent pas leurs réalités et leurs vécus. Fontvieille (1968b) souligne que :

En effet il n’y a que peu de rapport entre les noms de personnes africaines et leurs correspondants européens. Ces derniers […] « cristallisés depuis des siècles, ont perdu leur valeur primitive pour évoquer un lien, un individu ou un groupe déterminé ». Ce sont des « signes à la seconde puissance ». Les noms de personne d’Afrique noire sont des signes à la première puissance. Ils demeurent des fenêtres ouvertes sur l’histoire, la vie, le mentalité africaines. S’ils sont des symboles, ils sont toujours vivants et n’ont pas perdu leur poids de magie

p. 3

Nomina, numina[3] : Signification et fonction du nom en Afrique subsaharienne

Dans le contexte traditionnel africain, le nom est par essence associé à l’identité mais surtout, à l’être profond de la personne ainsi nommée. Il fournit, le socle pour les schémas de conception d’identité au sens ontologique. Nommer, c’est connaitre, c’est également posséder, maitriser. Dire le nom, c’est dévoiler la personne. Les noms et le système de dénomination sont donc cruciaux et stratégiques en Afrique dans la mesure où tout ce qui est sans nom, ou même ne porte pas un nom approprié est cause d’anxiété. La centralité des noms dans la vie humaine implique une dialectique ontologique et épistémologique non négociable entre le langage et la vie. Produits de la culture et expression de la culture, les noms sont invariablement liés à la dignité humaine, à la visibilité et à l’authenticité (Mumpande, Chabata & Muwati, 2017).

De même, Holas (1953) fait remarquer que le nom fait partie intégrale de la personnalité dans toutes les formes de civilisations ouest-africaines, selon une règle bien établie. Il note qu’« Autrefois, et bien souvent encore de nos jours, l’échange des noms entre deux personnes créait entre elles un lien indéfectible. Il constituait ainsi une fraternité rituelle qui, dans ses formes archaïques, était scellée par l’échange du sang » (p. 77).

Traditionnellement, certains personnages de la vie politique comme les chefs de villages, de clans, de cantons portaient souvent des noms multiples pouvant aller de trois à cinq. D’après le R. P. Placide Tempels, chez les Loubas du Congo, un individu possède, « en général trois noms : le nom intérieur, de vie ou d’être ; le nom donné à l’occasion d’un accroissement de force, comme la circoncision ; et enfin, le nom extérieur, que le porteur choisit à son gré et abandonne quand bon lui semble ». (Tempels, 1949, p. 73).

Il est possible que cette coutume soit liée à la croyance mystique qui entoure le nom. Delmond (1953), dans ses observations sur l’état civil indigène au Soudan occidental, note que les parents donnent à leur enfant un nom individuel (le togo). Celui-ci a surtout pour but d’écarter de l’enfant les maléfices des mauvais génies. Il peut être assimilé au prénom en Occident. Mais ce nom reçoit de multiples altérations dans l’usage. Chaque individu a également le nom du clan (le diamou) et nom de la famille. Le nom du clan a différents substituts, notamment des équivalents. Ce sont ces derniers que la personne adopte quand il se déplace. Quant aux soldats ils portent des noms de guerre. Dans certaines circonstances, le fait de connaitre le nom peut faire que l’on puisse avoir une emprise sur le porteur. C’est pour cette raison, que les féticheurs demandent toujours le nom de la personne à marabouter (Diao, 1987) et ceux de ses parents.

Étudiant les noms sénégalais, Diao (1987) souligne que :

on considère qu’une fois que l’enfant a intégré la société, c’est-à-dire quand il a reçu son nom, il a un idéal à réaliser, sa propre personnalité à établir, le tout en fonction du signifié de son nom, sorte de programme de vie ou de souhait selon le sens du mot, ou selon la personnalité qui le portait précédemment, ou les circonstances de la naissance

p. 4-5

Le nom a également plusieurs fonctions. Il peut servir à véhiculer un message, à souligner un évènement historique ou un état d’âme des parents avant la procréation. Il peut décrire un trait physique de l’enfant ou encore rappeler l’existence d’un ancêtre qui serait revenu parmi les vivants. Le nom peut être un indicateur d’appartenance à un groupe, à une profession, ou une caste. Dans ce cas, il renvoie à la profession exercée par l’ancêtre fondateur du clan. Enfin, le nom peut aider à spécifier le lignage et la filiation patrilinéaire ou matrilinéaire. Pour ce dernier cas, Diao (1987) donne deux exemples sénégalais :

  • Chez les Pulaar qui ont une filiation patrilinéaire, dans le nom « Birane Yéro BOCOUM », le premier élément (Birane) désigne le prénom propre à l’enfant, le second élément (Yéro) donne le nom du père et le dernier élément (Bocoum) désigne le patronyme de la famille du père.

  • A contrario, chez les Bassaris qui, eux ont une filiation purement matrilinéaire, le nom « Jean-Paul Thiartiar BIDIAR » est composé de « Jean-Paul », nom d’origine chrétienne, de « Thiartiar », qui est le prénom traditionnel de l’enfant et « Bidiar », le nom de la mère qui sert de patronyme.

En somme, on peut dire qu’il y a beaucoup dans un nom au-delà de son simple usage d’identité. L’étude des divers aspects des noms africains, permet d’apprendre davantage sur le passé, le présent et la façon dont ces communautés ont été organisées au cours du temps (Mumpande, Chabata & Muwati, 2017). C’est pour cette raison qu’avant de présenter le projet « de normalisation pour le traitement des noms des écrivains africains d’Afrique noire francophone », Fontvieille (1968b) s’est fixé pour tâche « de résumer la signification des composants patronymiques africains traditionnels », parce que, comme il le souligne si bien, ce sont les noms traditionnels qui peuvent donner du souci au bibliothécaire. Les prénoms chrétiens et musulmans sont faciles à repérer dans les noms, même s’ils sont parfois curieusement déformés.

On ne peut pas parler des noms traditionnels sous leur structure actuelle constituée d’un ou de prénom (s) et d’un nom sans évoquer un épisode de la politique coloniale. Il faut noter que pendant les périodes de colonisation l’importance stratégique de nommer l’humanité est toujours amplifiée. Dans toutes les formes de domination, les colonisateurs ont délibérément mis en place des politiques visant à complètement éroder et effacer les noms de leurs victimes. On peut citer à titre d’exemple l’occupation japonaise de la Corée. Selon Ngugi (cité par Mumpande, Chabata & Muwati, (2017)), « lorsque le Japon a occupé la Corée en 1906, il a interdit les noms coréens et exigé que les colonisés s’attachent des noms japonais ». De même, les Africains ont été contraints de rejeter leurs noms autochtones, qui étaient associés au paganisme et à la barbarie et devaient prendre les noms de leurs colonisateurs (Mumpande, Chabata & Muwati, 2017).

L’état-civil indigène : une invention coloniale

En Afrique de l’Ouest francophone ce projet d’érosion et d’effacement des noms traditionnels africains est clairement énoncé par Delmond (1945, 1953), qui fut administrateur-adjoint des Colonies. Ce dernier, après avoir analysé les différents types de noms, arrive à la conclusion que tout dans l’onomastique des africains était compliqué et constituait un véritable casse-tête pour l’administration coloniale. La difficulté était renforcée par le flottement des transcriptions orthographiques. Il proposa une solution assez élémentaire : dresser la liste des patronymes indigènes dans chaque cercle, par peuple, par canton et par caste, avec une orthographe fixe. Le principe de cette liste consistait à ne conserver que deux composants et à considérer l’un comme le nom et l’autre comme le prénom. Cette réflexion de Delmond (1945) explique la philosophie de l’opération :

C’est une manie bien française que de ne pouvoir imaginer les autres peuples que bâtis à notre image (…). Il faut convenir, en effet, qu’il est assez surprenant de vivre avec des gens qui ne sont pas pourvus d’un nom et d’un prénom : cela choque la logique, ou ce que l’on croit tel, et qui n’est qu’une longue habitude. Et à vrai dire, c’est aussi bien incommode. Il était donc naturel, étant donné notre vieil esprit d’assimilation, qu’une de nos premières créations, en Afrique noire fut l’état civil indigène. On se heurta tout de suite à une première difficulté : trouver à chaque individu un nom et un prénom. »

p. 54

Delmond (1945) note que dans certaines régions africaines le patronyme est inconnu ; parfois, on ajoutera « fils d’Un Tel » en cas de nécessité de précision. Dans certaines zones comme au Sahel, les patronymes sont connus, on ne rencontrera donc aucune difficulté à calquer l’état civil français, etc. Après analyse des noms, il finit par proposer la structure à deux éléments : le nom et le prénom.

Ce sont ces péripéties politiques qui sont à l’origine « des modifications dans les patronymes africains et malgaches qui posent des problèmes quant au choix des vedettes pour la catalographie des noms d’auteurs d’expression française » souligne Fontvieille (1968a). Il note :

En général, les patronymes inscrits sur les registres officiels, à la Cité Universitaire, par exemple, ou sur les cartes d’identité, ne correspondaient qu’à une partie du nom de famille. Et le plus souvent, le choix de la vedette n’avait aucun sens. Je me souviens d’un étudiant en Droit, inscrit sous le nom de : Joseph GNONLONFOUN, actuellement Magistrat au Dahomey. Lorsque je lui demandai son nom, il écrivit : Gnonlonfoun Hounwanou Houessou Joseph et il m’expliqua que : Gnonlonfoun était le nom de son père, Hounwanou celui de son grand-père, Houessou son prénom traditionnel et Joseph son prénom chrétien. En vacances, dans sa famille dahoméenne, il s’appelle : Gnonlonfoun Houwanou Houessou et Joseph GNONLONFOUN est une création des bureaucrates français, qui pour lui n’a aucun sens.

S’appuyant sur une population de 43 étudiants bibliothécaires qui représentaient alors un 15 pays d’Afrique francophone au Sud du Sahara des promotions 1964-1965 et 1965-1966, sur les catalogues des éditeurs et les fichiers des bibliothèques, Fontvieille va recueillir des données pour étudier les patronymes avant de proposer un projet de norme.

Outre des articles et un projet d’ouvrage, Fontvieille présentera ses conclusions à la Conférence internationale sur la bibliographie africaine, organisée par Institut International Africain à l’University College de Nairobi au Kenya du 4-8 décembre 1967 (Pearson & Jones, 1970). Les recommandations faites à l’issu de cette conférence mentionnent spécialement l’intérêt de traduire en Anglais et de diffuser la communication de Fontvieille à ses homologues anglophones. Le communiqué de la conférence recommande :

8. La communication de M. Fontvieille sur le catalogage des noms africains, dans une version anglaise, devrait être portée à la connaissance de ceux qui s’occupent de problèmes identiques en Afrique anglophone

Pearson & Jones, 1970, p. 30

Quelle postérité a été réservée à ces recherches pionnières de bibliothéconomie africaine ? À notre connaissance, très peu de recherches ont été effectuées par la suite sur la question. Nous n’avons trouvé qu’un mémoire du côté francophone (Diao, 1987). Par contre, du côté anglophone, c’est l’une des questions souvent abordées par les bibliothécaires travaillant dans les African studies confrontés aux traitements des documents en langues africaines. Cependant, à notre connaissance, les auteurs se contentent juste de donner des recettes et des conseils pour traiter les noms africains.

D’abord, du côté francophone, nous n’avons trouvé que le mémoire de Diao (1987) sur le catalogage des noms sénégalais qui, du reste mentionne que « les professionnels tant qu’africains qu’européens émettent des réserves quant à l’utilisation de cet essai de catalographie » (p. 2). Il relève des imperfections dans l’interprétation des noms sénégalais et leur structure. Il faut dire que les noms sahéliens en général et sénégalais en particulier ne posaient pas beaucoup de problèmes.

En outre, Fontvieille lui-même avait reconnu « l’imperfection » de son projet de normalisation (Fontvieille, 1968b, p. 16). La difficulté de la tâche étant surtout liée au fait que dans chaque pays, on retrouve divers groupes ethniques et culturels ayant des pratiques différentes dans l’attribution du nom. Néanmoins, ses observations, ainsi que les règles qu’il propose, si elles étaient systématisées auraient constitué une base solide pour le catalogage des noms de personnes dans ces pays. Il permettrait à leurs agences bibliographiques d’établir des fichiers d’autorité et de contribuer ainsi au contrôle bibliographique. Par conséquent, nous pensons que ce travail de systématisation mérite d’être poursuivi par les chercheurs de la région. Cela passe par la mise sur pied d’équipes de recherche pluridisciplinaires composées de linguistes, de spécialistes de l’onomastique, de philosophes, de sociologues, de bibliothécaires, etc. pour étudier la structure et la signification des noms dans les différents pays.

En effet, bien que les prénoms africains de soient de plus en plus supplantés par des noms d’origine chrétienne ou musulmane, certains parents continuent d’ajouter des noms traditionnels à l’appellation de leurs enfants par nationalisme et par affirmation de leur authenticité.

En l’absence de cette systématisation, le problème ne peut être résolu qu’en se limitant à la présentation typographique des documents. Fontvieille pense, en effet, lui-même qu’en réalité, le problème pourrait être bien plus simple qu’il n’en a l’air. Il note : « il est évident que le problème catalographique du choix de la vedette auteur serait en grande partie résolu si : (1) la place du patronyme était fixe, (2) les éditeurs n’utilisaient les capitales que pour le patronyme ».

Afin d’imposer cette règle, le président Léopold Sédar Senghor, écrivain lui-même dont on retrouvait le nom entré dans certains catalogues à « Sédar Senghor, Léopold » au lieu de la forme correcte qui est « Senghor, Léopold Sédar » avait tenté de la réglementer administrativement par un décret. Dans le décret n°63-448 M. J. du 3 juillet 1963 en son article I, il stipule que :

Dans tous les actes officiels, décrets, arrêtés, décisions, dans toutes les correspondances et tous les documents administratifs, lorsque les prénoms et noms des personnes mentionnées dans lesdits actes, correspondances et documents sont juxtaposés, le prénom doit obligatoirement figurer en lettres minuscules avant le nom, lui-même en majuscules.

Cette pratique devrait être étendue à l’édition. Mais cette obligation n’était pas toujours respectée. Elle était, à bien des égards, tout simplement méconnue. Ainsi, lorsque l’on a deux noms de famille (patronymes) juxtaposés faisant croire à un nom composé, (ex. Abdoulaye Diouf Sarr), ou chez les femmes mariées qui, sous influence occidentale du nom de jeune fille, ajoutent à leur nom de famille le patronyme de leur époux, des erreurs de vedettes peuvent survenir. C’est le cas des ouvrages de la professeure Amsatou Sow Sidibé. Une recherche sur les catalogues de la Bibliothèque du Congrès (LC) et sur celui de la Bibliothèque centrale de l’Université Cheikh Anta Diop (BUCAD) permet d’illustrer le type de problèmes que l’on peut rencontrer. La même auteure est entrée à « Sow Sidibé, Amsatou » sur le catalogue de la LC et à « Sow, Amsatou Sidibé » sur le catalogue de la BUCAD, comme le montre les captures d’écrans en (figures 2 et 3).

Figure 2

Entrée Sow Sidibé sur le catalogue LC

Entrée Sow Sidibé sur le catalogue LC

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Figure 3

Entrée Sow, Amsatou Sidibé sur le catalogue de la Bibliothèque centrale de la BUCAD

Entrée Sow, Amsatou Sidibé sur le catalogue de la Bibliothèque centrale de la BUCAD

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L’établissement d’un fichier d’autorité et un catalogage à la source fait par l’Agence bibliographique du Sénégal et versé dans la base de données de la VIAF aurait permis d’éviter cette différence dans le choix de la vedette et à terme faciliter l’attribution du numéro ISNI.

Du côté anglophone par contre, la question du traitement des noms africains a été beaucoup abordée aux USA dans les bibliothèques ayant des collections en langues non-européennes. En 1980, un ouvrage collectif, composé de onze contributions rédigées par bibliothécaires exerçant pour la plupart dans une bibliothèque d’une université américaine, coordonné par Mohammed M. Aman sur le catalogage et la classification des collections non-occidentales aborde le sujet. Dès l’introduction, Aman (1980) annonce d’emblée la nature du problème :

Au moment où l’industrie du livre ne cesse de se développer dans le monde entier, des bibliothécaires occidentaux créent et adoptent des règles nouvelles qu’ils veulent à vocation universelle. Mais leurs collègues d’Afrique ou d’Asie leur reprochent à la fois de ne pas tenir compte de leurs avis et de ne pas bien comprendre les problèmes de l’édition hors des pays occidentaux.

Aman (1980) plaide pour une plus grande prise en compte des spécificités culturelles dans le « Names of persons » de l’IFLA et dans les Anglo-American Cataloguing Rules (AACR2).

Pour ne pas conclure

En somme, on peut penser qu’avec le Web sémantique et les projets de création codes normalisés visant à identifier de manière univoque les personnes et les organismes, sur le long terme et à l’échelle internationale, les différentes problématiques qui ralentissaient une participation active des agences bibliographiques des pays africains subsahariens francophones au CBU se poseront à nouveaux. Parmi ces obstacles figurait la question de la normalisation des noms africains subsahariens et le choix des vedettes auteurs dans le but de mettre en place des fichiers d’autorité. Une normalisation des formes du nom, par pays et par groupes ethniques et culturels est sans doute difficile mais nécessaire. L’idée de ne tenir en considération que de la forme typographique du nom qui apparait sur les documents ne suffit pas.

À défaut d’une prise en compte effective des patronymes africains dans les normes internationales, ce sont des règles élaborées par des catalogueurs expérimentés qui servent de base de travail. Voilà par exemple, comment Bein (1993) règle le problème en l’absence d’une véritable normalisation :

Parfois, il y a des lignes directrices claires sur la page de titre. De nombreux auteurs sud-africains utilisent un format initial et un nom de famille qui ne donne qu’une seule option pour l’élément d’entrée. Les noms avec des éléments combinés européens et africains se décomposent habituellement en prénom(s) européen(s) et nom(s) africain(s). Souvent, les combinaisons islamo-africaines se décomposent de la même façon, bien qu’elles soient plus difficiles à analyser correctement pour les catalogueurs occidentaux. Les éditeurs en Afrique francophone (et en France aussi) placent souvent l’élément du nom de l’auteur en capitales, avec d’autres éléments en majuscules et minuscules. […]. Les bibliographies nationales peuvent être utiles pour établir des noms. Consultez les index ; même si votre auteur n’est pas là, vous pouvez souvent avoir une idée de la façon dont les noms de même type sont entrés et structurés. Vous devez être sûr du pays d’origine et si possible, de l’appartenance ethnique de votre auteur et ensuite espérer qu’il corresponde à l’information qui est disponible dans les outils qui répertorient les noms. Autrement, il est difficile de déterminer les critères à appliquer. Ma propre règle de base est de traiter un nom comme si c’était un nom de langue anglaise si je ne peux pas trouver un traitement plus probable. Je fais beaucoup de références croisées sur mes dossiers d’autorité et j’espère pour le meilleur.

On le voit donc, la question reste irésolue. La seule solution radicale consisterait à reprendre le projet de catalogage des noms africains. Par conséquent, nous recommandons que, sous l’égide de l’IFLA, les spécialistes des sciences de l’information qui s’intéressent à la question en Afrique et en Occident collaborent pour mettre en place des équipes de recherche pluridisciplinaires pour étudier les noms dans chaque pays et dans chaque groupe socioculturel africain afin d’arriver à établir des règles uniformes et univoques à intégrer dans la norme internationale Names of persons. Une telle étude devrait être faite par pays et, dans chaque pays, par groupe socioculturel parce qu’il peut y avoir des différences notables d’un groupe à l’autre.

Il est indispensable que les bibliothèques nationales ou les agences bibliographiques nationales soient associées à ce projet. Ce qui implique la redynamisation de ces institutions dans les pays africains subsahariens francophones. Les résultats de l’étude sur les patronymes africains devraient leur permettre d’établir des fichiers d’autorités fiables pouvant contribuer efficacement au projet du VIAF. A notre avis, un tel projet devrait être une activité prioritaire inscrite parmi les projets de la Bibliothèque francophone numérique du Réseau Francophone Numérique (RFN).