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L’apprentissage de la science politique par les premiers politistes de l’enseignement supérieur camerounais s’opère dans les universités européennes – France et Italie. Ils y obtiennent le diplôme de doctorat d’État en science politique, qui permet leur intégration au sein du corps des enseignants d’université. Ils s’y rendent au lendemain de l’indépendance (1960), caractérisée sur le plan éducatif par la rareté des institutions destinées à la formation. L’université publique, qui en est encore à une étape embryonnaire durant cette conjoncture, n’est pas à même de satisfaire tous les besoins de formation, notamment les formations longues menant à la connaissance fine des disciplines. L’une des responsabilités des premiers politistes, qui, en étudiant en Europe, ont contourné cette insuffisance, est de contribuer à la formation de leurs compatriotes. Ils inaugurent le processus d’institutionnalisation locale de la science politique.

Les politistes pionniers s’appuient sur leur expérience universitaire européenne qui repose d’une part, en matière d’organisation institutionnelle, sur un management administratif autonome, et d’autre part, sur le plan de l’enseignement, sur des considérations disciplinaires. Leur détermination à autonomiser les structures managériales suivant leur expérience les engage dans des configurations de luttes – administratives et individuelles – contre des enseignants de sciences juridiques occupant des postes de responsabilité. Par contre, l’importation de trames théoriques dans le cadre de leurs activités professionnelles les place aussi au centre de configurations de concurrence intradisciplinaire. Ces dynamiques d’institutionnalisation cognitive et intellectuelle, indissociables des parcours des enseignants eux-mêmes, participent du transfert international (Dolowitz et Marsh, 2000) des normes et pratiques de cette discipline de l’Occident en tant qu’espace de légitimation intellectuelle de ces derniers (Mundimbé, 1982; Kom, 2000; Nkot, 2002) vers leur pays.

Cependant, l’opération n’est pas une reproduction à l’identique des trajectoires (Meny, 1993) occidentales de la discipline. L’implantation locale tient compte de ce qu’une trajectoire disciplinaire est aussi le produit d’une histoire (Favre, 1989; Heilbron, 1990; Almond, 1996) qui assure la constitution d’une identité propre, bien que conservant des points de convergence (Bennett, 1991; Meny, 1993). En effet, les luttes institutionnelles et épistémiques qui émaillent l’implantation de la discipline au sein de l’enseignement supérieur, la pluralité des ouvertures qu’opèrent les protagonistes relativement à leurs expériences occidentales (Dezalay, 2004) sont communes au champ universitaire et scientifique, ce qui est à l’origine d’une émulation intellectuelle qui, pour autant, mène à une connaissance alternative du réel. L’institutionnalisation de la science politique dans l’enseignement supérieur camerounais met ainsi en perspective ce contexte local – africain – dans son rapport à l’Occident, particulièrement en ce qui concerne la circulation et la production de la connaissance scientifique.

Articulée à cet enjeu de circulation et de production de la connaissance scientifique, l’Afrique est saisie comme objet d’abord marginalisé, puis réinvesti (Sindjoun, 1999; Gazibo et Thiriot, 2009), mais en général sous domination occidentale (Mlambo, 2006) pour plusieurs raisons historiques (Mundimbé, 1982; Kom, 2000), alors même qu’elle peut penser (Tonda, 2012; Mbembe, 2016) sans d’ailleurs rompre avec les exigences de l’universalité scientifique (Mbembe, 2018). De cette considération de l’Afrique se dégage un relativisme radical qui n’a pour seul enjeu que la promotion de sa spécificité scientifique. Ce positionnement la relègue pourtant au rang de sujet dans le marché du savoir, avec comme seul rôle d’opérer des « transferts de technologie intellectuelle » (Nkot, 2002 : 275) vers un espace local pour un usage désincarné. Or, l’observation du processus d’institutionnalisation d’une discipline scientifique par l’élaboration de ses cursus de formation, l’initiation aux théories fondatrices et les trajectoires de recherche (Bonnecase et Brachet, 2021) permet de rendre compte de la formation d’un cadre d’émulation universitaire. La matérialité de celui-ci est l’institution universitaire, dont les recompositions permanentes confèrent et consolident des dispositions intellectuelles reposant sur les savoirs auxquels elle forme.

L’objectif ici est de saisir la diffusion de la science politique d’un espace global, en tant que centre de la « communauté professionnelle » (Khun, 1972 : 25) et par conséquent de légitimation intellectuelle (Mundimbé, 1982; Kom, 2000; Nkot, 2002), vers un espace local considéré comme périphérique, mais dont les contributions s’insèrent dans le patrimoine universel de la discipline. Cette diffusion s’opère par les acteurs (Dolowitz et Marsh, 1996) – protagonistes de la discipline – dans le cadre des luttes auxquelles ils se livrent pour l’affirmation institutionnelle du savoir auquel ils s’identifient, et à travers les options de cadrage épistémique qu’ils promeuvent en situation de réalisation de leur profession.

Le matériau sur lequel repose la présente recherche est obtenu à partir du retour d’expérience, de l’exploitation documentaire et des entretiens. Nous avons suivi un cursus de science politique entre 2000 et 2012 à l’Université de Yaoundé II (UY2) où, depuis 2011, nous occupons aussi un poste d’enseignant permanent au Département de science politique. Il s’agit incontestablement de deux temps – estudiantin et professionnel – qui nous donnent un regard privilégié sur la vie de la discipline. Cette posture facilite une proximité qui impose toutefois la prudence (Bourdieu, 1984). C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de nous attarder exclusivement sur des dynamiques ayant structuré durablement la discipline. Dans cette perspective, ne suivre dans ce temps contemporain que celles qui trouvent leurs fondements dans l’histoire de l’institutionnalisation de la discipline était une garantie d’objectivité. Son affirmation institutionnelle est, dans ce sens, une dynamique historique et contemporaine. Il en est de même de sa maturation épistémique. Ces dynamiques passées et présentes, au-delà de notre expérience, sont aussi consignées dans des documents dont l’exploitation s’est avérée indispensable[1].

L’institutionnalisation de la science politique est aussi saisie partant des biographies (Passeron, 1990) des politistes les plus en vue. La reconstitution de celles-ci n’a été possible qu’à partir de récits de parcours obtenus dans le cadre d’entretiens[2] et de conversations informelles[3], que présente le tableau ci-dessous.

Tableau 1

Présentation des entretiens

Présentation des entretiens

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C’est par conséquent une pluralité de techniques de collecte des données qui ont permis d’obtenir ce matériau composite pour rendre compte de l’institutionnalisation de la science politique dans l’enseignement supérieur camerounais suivant les dynamiques de son affirmation institutionnelle et de sa maturation épistémique, au gré des réformes de l’institution universitaire et des expériences occidentales des politistes les plus influents.

1. Les chemins de l’affirmation institutionnelle du champ politiste

Envisager l’affirmation institutionnelle de la science politique, c’est saisir son implantation locale partant des luttes pour son autonomie administrative. Comme en Occident, ces luttes sont menées par les institutions et les individus qui animent et assurent l’existence de la discipline (Favre, 1989; Surel, 2015). Cette affirmation s’inscrit particulièrement dans le temps long des rapports problématiques entre l’État et l’institution universitaire (Nga Ndongo, 2006).

1.1 Émergence de l’institution universitaire et prémices de l’enseignement de la science politique

L’accession du Cameroun à l’indépendance en 1960 ouvre la voie au développement d’une politique de l’enseignement supérieur. Celle-ci se traduit dès 1961 par la création de l’Institut national des études universitaires (INEU), qui accueille les premiers diplômés de l’enseignement secondaire. L’Institut est animé principalement par les universitaires français, conformément aux accords de coopération signés dans le cadre des négociations postindépendance entre le jeune État du Cameroun et l’ancien colonisateur, la France. En 1962, à la suite du référendum du 1er octobre 1961 qui fait du Cameroun un État fédéral à deux États fédérés[4], l’INEU est réformé et devient l’Université fédérale du Cameroun (UFC). Ses quatre sections sont réorganisées pour en constituer les trois facultés : Faculté des lettres et sciences humaines (FLSH), Faculté de droit et des sciences économiques (FDSE) et Faculté des sciences. En 1972, après l’abandon du fédéralisme et l’adoption de la forme unitaire de l’État, l’UFC est, elle aussi, réformée et devient l’Université de Yaoundé (UY), qui poursuit avec les mêmes offres de formation.

Dans ce contexte de construction de l’institution universitaire, les cursus de formation sont principalement tournés vers la fourniture à l’État des ressources humaines à même de prendre la relève des cadres coloniaux en partance. Le diplôme universitaire terminal est la licence, ce qui ne laisse aux Camerounais désireux de poursuivre des études que l’option de se rendre à l’étranger. Du fait des bourses d’études qu’offrent la France et la Grande-Bretagne en raison des liens coloniaux, ce sont particulièrement les universités françaises et britanniques qui sont choisies, et ce, même par ceux qui s’autofinancent. Les politistes les plus en vue de ce contexte de mobilité sont Adamou Ndam Njoya, Michael Aletum Tabuwe, Louis Paul Ngongo et Augustin Koncthou Kouomegni[5]. Leur diplôme de doctorat obtenu, ils retournent dans leur pays et intègrent l’enseignement supérieur lorsque recrutés comme enseignants. Ils prennent le relais des étrangers et se consacrent à l’enseignement de la science politique dans un espace universitaire marqué par l’hégémonie des sciences juridiques. Leur discipline ne fait effectivement l’objet que de trois cours fondamentaux dans le cursus de droit du Département de droit. Elle n’est donc à ce moment qu’un savoir complémentaire enseigné en appoint d’un autre.

La connaissance du fait politique émerge aussi en filigrane des enseignements et travaux de recherche relevant des disciplines de la FLSH de l’UFC puis de l’UY, notamment la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire et la géographie. Elle s’élabore également dans le cadre de la formation des ressources humaines de l’État au sein d’institutions spécialisées : d’abord, l’École normale supérieure, qui est créée en 1961 pour la formation du personnel enseignant dans les domaines de la philosophie, de l’histoire et de la géographie, et relevant de l’enseignement secondaire; ensuite, l’École supérieure de journalisme, créée en 1970 pour la formation d’un personnel apte aux sciences de la communication, qui, inévitablement, ouvrent à la connaissance du fait politique dans sa dimension communicationnelle; enfin, l’Institut des relations internationales du Cameroun, créé en 1971 pour la formation du personnel diplomatique de l’État (Ntuda Ebode et Ebogo, 2013), personnel dont la diplomatie en tant que « savoir d’État » (Delmas, 2006) est un outil indispensable de travail international.

L’enseignement de la science politique dans ce contexte d’émergence de l’institution universitaire s’effectue ainsi sous tutelle administrative d’autres disciplines. C’est dans la conjoncture d’une multiplication des universités publiques que les luttes pour son autonomie managériale oeuvreront à son affirmation.

1.2 Pluralité d’universités publiques et mouvements temporels différenciés d’autonomisation managériale de la science politique

En 1993, une réforme de l’enseignement supérieur fait passer le nombre d’universités publiques d’une à six. Cette transformation de l’architecture de l’enseignement supérieur est indissociable de la transition politique que connaît l’État à l’amorce de cette même décennie. Le Cameroun s’ouvre au libéralisme politique et par conséquent aux droits de l’Homme, ce qui favorise une exacerbation des revendications publiques. L’université étant en première ligne de ce mouvement, la réforme entreprise pour désengorger l’UY vise aussi à briser un foyer potentiel de la contestation politique (Ngwe et Prince Pokam, 2016). Le modèle des Facultés des sciences juridiques et politiques (FSJP) étant adopté au sein de quatre universités sur les six, soit l’UY2, l’Université de Dschang (UDs), l’Université de Douala (UD) et l’Université de Ngaoundéré (UNg), c’est en leur sein qu’émergent des enjeux d’autonomisation managériale de la science politique.

Si l’engagement universitaire (Tchingankong Yanou, 2018) pour l’affranchissement administratif de la science politique du joug du droit trouve ses origines à l’UY, il s’intensifie lors de la création de l’UY2, car ce sont les mêmes enseignants qui animaient le Département de droit de la FDSE de l’UY qui animeront désormais la FSJP de l’UY2. Le politiste au centre de cet engagement est Michael Aletum Tabuwe, sachant que, très tôt, ses collègues politistes Adamou Ndam Njoya et Augustin Kontchou Kouomegni intègrent le gouvernement, et Louis Paul Ngongo est nommé au sein de la haute administration universitaire. Dès 1980, il dirige le Département de droit et science politique au sein de la FDSE. En 1993, dans le cadre de la FSJP, il est à nouveau désigné pour diriger un département, celui de droit public et science politique cette fois, en remplacement d’un juriste ayant accédé à un poste ministériel. Deux décennies durant, il est confronté aux frictions avec les juristes quant à sa légitimité à administrer le droit public, ce qui exacerbe sa volonté de séparer la gestion administrative des deux disciplines, cette situation ayant pour corollaire qu’il assure sa charge sans marge de manoeuvre dans la prise de décision concernant cette question de l’autonomisation. Ses collègues et lui ne sont que quatre devant des juristes majoritaires, sans compter le contrôle qu’ont ces derniers sur la Faculté puisqu’il exerce ses fonctions de directeur du Département sous l’autorité permanente de doyens juristes.

La création à l’UY2 d’une FSJP donne sens aux revendications portées par Michael Aletum Tabuwe. Entre 1993 et 1998 s’ouvre pour lui une conjoncture favorable. À ce moment est désigné à la direction de l’Université un nouveau recteur, qui entretiendra en permanence un conflit de pouvoir avec le doyen de la FSJP. Il privilégie alors, comme interlocuteur dans cette faculté, Michael Aletum Tabuwe, qui cumule désormais les positions de directeur du Département et de vice-doyen. Les affinités linguistiques et ethniques ne sont pas à minimiser dans cette collaboration, tous deux étant ressortissants de la même aire culturelle. Aussi, les conflits de pouvoir et les liens culturels constituent des ressources qui permettent au politiste de contourner l’autorité du doyen en disgrâce avec le recteur. L’UY2 adresse ainsi en 1993 au ministre de l’Enseignement supérieur la demande de création d’un département autonome, mais ce n’est qu’en 2000 qu’elle est prise en considération, avec la désignation de Michael Aletum Tabuwe comme directeur du Département de science politique, même si ledit Département n’a pas encore été créé, la désignation l’instituant de fait. Le contournement du doyen en exercice de 1993 à 1999 conforte l’idée d’une résistance à l’autonomie de la discipline, et souligne la complexité des conditions de son émergence (Leca et Muller, 2008; Boussaguet et Surel, 2015).

Si l’autonomie administrative est alors acquise, celle des cursus et programmes d’enseignement ne l’est pas encore. Les rapports de pouvoir qui soutiennent cet enjeu particulier sont à la faveur des directeurs de départements de droit, qui cumulent régulièrement cette fonction avec celle de doyen. Cette double position institutionnelle, couplée au double argument du faible effectif d’enseignants et d’étudiants[6], est mobilisée pour accroître l’hégémonie du droit sur la science politique. En effet, si le poids des doyens cumulant la fonction de directeur de département de droit est variable en ce qui concerne la délimitation du niveau d’études pour entamer un cursus politiste, il n’en demeure pas moins que le peu d’étudiants qui en font le choix commencent leur formation par le droit. De 1998 à 2005, l’accès au cursus politiste se fait effectivement à partir de la troisième année de licence. Au terme de cette année, il leur est délivré une licence en droit option science politique, et pareil au terme de l’année de maîtrise. Or, de 1993 à 1998, la discipline enregistrait déjà une individualisation partielle puisque les étudiants qui en faisaient le choix s’enregistraient distinctement dès la première année de licence, bien qu’ils suivent d’abord trois semestres de tronc commun avec ceux du cursus juridique. C’est une nette ouverture par rapport à la période antérieure à 1993, où il fallait attendre d’être en maîtrise pour intégrer le cursus de science politique.

L’émergence de la science politique à l’ombre du droit public est générale au sein des universités d’État issues de la réforme de 1993 et disposant d’une FSJP. À la FSJP de l’UD, l’autonomisation administrative de la science politique s’effectue six années après celle de la FSJP de l’UY2, soit en 2006. Jusqu’alors, un juriste s’attelait à la gestion de la discipline au sein du Département de droit public et science politique. À la FSJP de l’UDs, ce n’est qu’en 2012 que l’administration de la discipline est détachée du droit public et remise aux politistes à la suite de la création du Département de science politique. Ici également, c’est un juriste qui administrait la discipline au sein d’un département commun avec le droit public. À la FSJP de l’UNg, la science politique est administrée par des juristes jusqu’en 2009 au sein du Département de droit public. Un politiste prend par la suite l’administration du Département jusqu’en 2020, année de création du Département de science politique. La lutte pour l’autonomie administrative est le fait de ce politiste, qui commence par modifier la dénomination du Département en y adjoignant les termes « science politique » pour assurer la visibilité de cette discipline. L’arrivée de doyens de la même discipline que lui accroît les effectifs d’enseignants, ce qui constitue une ressource supplémentaire pour la revendication de l’autonomie. Pour autant, le contrôle du décanat et du Département par les politistes ne constitue pas une garantie d’autonomisation, comme en témoigne le temps que cela aura pris pour qu’elle advienne. Ce temps relativement long de création des départements à l’UDs, à l’UD et à l’UNg conforte l’idée que le chemin vers l’autonomie administrative est complexe. Par ailleurs, comme cela a été le cas à l’UY2, son obtention n’entraîne pas nécessairement l’autonomie des cursus et des programmes.

À la FSJP de l’UDs, le Département de science politique offre cinq cours sur les trente-six que compte le cycle de licence. Dans les FSJP de l’UD et de l’UNg, c’est quatre sur trente-six. Au sein de cette dernière, l’accès à une formation spécialisée s’effectue à partir de la première année de master. Cette formation débute néanmoins par un « tronc commun » à dominance juridique, ce qui révèle par ailleurs, une fois encore, que l’association doyen politiste et directeur de département politiste ne garantit pas l’autonomie. Ce passage par le « tronc commun » est aussi requis à l’UDs et l’UD. L’accès au cursus politiste ne se fait qu’à la troisième année de licence. Les doyens juristes se succédant à la FSJP de l’UDs et la supériorité numérique de ces juristes dans les organes délibérants – conseils de Faculté et de Département – sont des variables déterminantes de ce conservatisme. Il en est de même à la FSJP de l’UD. Cette marginalisation plus implicite dépend toutefois de l’identité disciplinaire des doyens. Les doyens juristes publicistes ont été moins conservateurs que les juristes privatistes[7], en raison notamment de la double filiation que conférait la réussite au concours d’agrégation du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) jusqu’en 2007. Les doyens juristes publicistes, qui étaient alors agrégés en droit public et science politique, par affinité, étaient ouverts aux revendications des politistes. À la FSJP de l’UD et de l’UNg, ils étaient ainsi disposés à ajouter des cours de science politique dans le parcours de « tronc commun ». Or, ce soutien ne manque pas d’être retiré à la FSJP de l’UNg pour des motifs budgétaires, les propositions de cours représentant un coût financier élevé du fait du déplacement d’enseignants d’autres universités.

De manière générale, dans ces trois FSJP, le faible effectif de politistes a toujours été l’argument mobilisé par les doyens juristes pour maintenir le statu quo imposé à la science politique, ce qui n’a pas empêché l’affirmation institutionnelle du champ politiste grâce à la multiplication des universités et à la démocratisation de l’État (Keohane, 2009), puis sa maturation épistémique.

2. La maturation épistémique du champ politiste

L’évolution administrative de la science politique séparée du droit public contribue à mettre un terme aux prétentions tutélaires, ce qui favorise la reconnaissance institutionnelle du champ politiste (Millet, 2001) ainsi que son inscription sur le sentier universel de management des disciplines universitaires. Parallèlement à cette dynamique s’opère, par étapes, sa différenciation théorique.

2.1 Initiation à la recherche, production d’« héritiers » et différenciation théorique de la science politique

L’un des « pères fondateurs » (Garrigou, 2009) de la science politique dans l’université camerounaise, Augustin Kontchou Kouomegni, poursuit ses charges universitaires bien qu’exerçant la fonction de ministre. Il s’investit principalement dans l’initiation à la recherche. À travers elle, il transmet à ses étudiants une pratique de la discipline conforme à l’expérience qu’il a acquise en France, où il a achevé son apprentissage à l’Université Panthéon-Sorbonne par l’obtention en 1974 d’un doctorat d’État. Disciple de Marcel Merle, dans un contexte universitaire où la discipline est animée par les transfuges des sciences juridiques (Favre, 1989), il s’est familiarisé avec le behaviorisme lors de sa formation doctorale en relations internationales. C’est partant de cet acquis qu’il forme en retour des étudiants à la recherche à l’UY, puis à l’UY2. Six sont identifiables dans sa lignée, mais seuls deux, Luc Sindjoun et Ibrahim Mouiche, demeurent sur le sentier universaliste qu’il trace par l’inscription de leurs recherches doctorales dans le sillage de deux approches théoriques et méthodologiques, soit, d’une part, une approche sociologique appliquée à la sociologie politique et aux relations internationales, et, d’autre part, une approche anthropologique appliquée à l’anthropologie politique.

Luc Sindjoun est celui des étudiants d’Augustin Kontchou Kouomegni qui, par l’ancrage de sa recherche doctorale en sociologie politique, s’initie à l’approche sociologique. Celle-ci est caractérisée par la priorité accordée à l’analyse qualitative, à la théorisation des analyses empiriques et à la discussion des concepts, l’enjeu étant de parvenir à une connaissance obtenue par analyse déductive. Les travaux postdoctoraux de ce disciple en sont le reflet, notamment deux ouvrages parus en 2002. En s’appuyant sur cet héritage, le premier livre met en scène une sociologie de l’État hors d’Occident, tandis que le second envisage sociologiquement les relations internationales africaines. Ce dernier constitue un dépassement des analyses empiriques de son maître, qui systématisa en 1977 le « système diplomatique africain ».

Ibrahim Mouiche, dès ses premiers pas en recherche, adopte la perspective anthropologique d’Augustin Kontchou Kouomegni, qui se caractérise par les études de cas, et privilégie plus particulièrement la connaissance des unités sociales réduites pour mettre en valeur l’analyse inductive. La recherche est alors considérée comme une

démarche de pensée [qui] invite à insister sur plusieurs points cruciaux. D’abord, la mise en oeuvre de deux logiques différentes et complémentaires, l’induction et la déduction, qui nourrissent le va-et-vient constant entre théorie et empirie. Ensuite, la mise à jour de plusieurs opérations qui rythment l’élaboration scientifique : l’observation, la généralisation, la formulation d’hypothèses ou encore la prédiction

Surel, 2015 : 39

Augustin Kontchou Kouomegni assure ainsi, par les deux trajectoires éducatives et professionnelles de ces « disciples », une diversification de la science politique locale. Cependant, du fait de cette segmentation, des controverses (Kamdem et Ikellé, 1996) émergent entre ses disciples. Ceux-ci, partant à leur tour de leurs expériences occidentales postérieures à la collaboration avec leur maître, ouvrent de nouvelles perspectives. Les controverses sont aussi alimentées par des politistes qui intègrent le champ après leurs études en France ou au Canada. Tous accentuent par conséquent la segmentation théorique de la discipline (Almond, 1990).

2.2 Recrutement d’enseignants, « second souffle » et consolidation des différences théoriques de la science politique

La science politique en tant que discipline enseignée au sein de cursus universitaires, laquelle avait jusque-là un degré d’autonomie variable, est consolidée par les apports théoriques des politistes qui intègrent le corps universitaire durant la décennie 1990, ces derniers constituant dans ce sens un « second souffle » pour la discipline (Hassenteufel et Smith, 2002). Ces politistes sont soit docteurs de l’université camerounaise (l’UY et l’UY2), soit docteurs des universités étrangères (française et canadienne). Cette nouvelle génération, par la diversité de ses lieux d’obtention du doctorat, se démarque nettement de la première génération de politistes, principalement diplômés des universités européennes (françaises et italiennes). Enrichissant la discipline par l’injection, dans les cursus de formation, des évolutions tirées de ses expériences internationales, cette nouvelle génération compte parmi ses figures les plus influentes Luc Sindjoun, Ibrahim Mouiche, Joseph-Vincent Ntuda Ebodé et Fabien Nkot[8].

Luc Sindjoun est le premier à faire sa marque. Alors qu’il intègre le corps en 1991, après l’obtention de son doctorat d’État en 1990[9], il acquiert dès 1993 une renommée d’abord grâce à ses publications régulières au sein des revues internationales de premier rang, ensuite à sa réussite au concours français d’agrégation de science politique en 1999, et enfin à ses fonctions au sein des forums internationaux de promotion de la science politique. Il est, en effet, vice-président de l’Association africaine de science politique de 2001 à 2005, et il occupera le même poste au comité exécutif de l’Association internationale de science politique de 2003 à 2009. En 2008, il intègre l’Académie française des sciences d’outre-mer. Tout cela contribue à le situer à l’échelle nationale comme référence du champ politiste, ce qui mènera à sa désignation en 2006 comme directeur de département pour remplacer Michael Aletum Tabuwe. Son entrée en fonction révèle un intérêt pour la diversification du cursus de formation en science politique, ce à quoi il s’attaque d’abord dans les niveaux d’études consacrés à l’initiation à la recherche, le diplôme d’études approfondies (DEA) et le doctorat. Dès 2006, il fait passer le nombre de cours offerts et évalués en vue de l’obtention du DEA de sept à huit. Le cours nouvellement introduit est celui de politiques publiques. Quant au doctorat, il dirige et fait soutenir en 2007 la première thèse consacrée à ce domaine théorique. Par la suite, toujours en 2007, il reconfigure les programmes d’enseignement du cycle inférieur, particulièrement celui menant au diplôme de maîtrise, dont il fait passer le nombre de cours de onze à seize, y introduisant aussi le cours de politiques publiques. Il opère ainsi une ouverture de la formation, mais également de la recherche à un savoir en plein essor dans l’espace universitaire occidental. Il s’agit d’une première rupture de sa part avec la trajectoire classique qui était jusque-là opératoire à l’échelle locale.

La mise en application du système LMD (licence-master-doctorat) à partir de 2007 est l’occasion pour Luc Sindjoun de marquer une deuxième rupture, ce système libérant des perspectives nouvelles de cours pour la science politique, dont le cursus du premier cycle débutera désormais en première année comme celui de droit[10], avec des effectifs plus considérables que par le passé[11] et seulement deux cours qui relèvent du droit[12]. À partir de 2009, le Département reconfigure le cycle de licence et celui de master pour proposer trois offres de spécialité dès la troisième année du cycle de licence et la première année de celui de master. Il s’agit d’une spécialisation en institutions, relations internationales et études stratégiques, en systèmes électoraux, idéologies et partis politiques et en socioanthropologie et communication politique. Dans la troisième année de licence de cette spécialité qui compte douze cours au programme, deux sont consacrés aux questions de politique et action publique, les dix autres oscillant entre la sociologie politique, l’anthropologie politique et, dans une moindre mesure, le droit. Aucun cours en lien avec les politiques publiques ne figure au programme de la première année de master dans cette spécialité. En 2011, cette spécialisation est réorientée en socioanthropologie et communication politique. Désormais, seule la troisième année de licence y est consacrée, la première année de master à laquelle elle conduit étant entièrement spécialisée en administration et politiques publiques, comptant huit cours parmi lesquels cinq s’articulent autour de savoirs liés à l’administration et aux politiques publiques, deux portent sur les questions de méthode et d’épistémologie en science sociale, et un est lié au droit.

Luc Sindjoun mène aussi un travail de promotion des politiques publiques comme savoir théorique pertinent à l’échelle régionale du CAMES, où il préside de 2007 à 2017 le concours d’agrégation. Après avoir oeuvré au sein de cette instance pour la scission, en 2009, de la science politique et du droit public, il met sur pied une spécialité en administration et politiques publiques à côté des spécialités en sociologie politique, en relations internationales, en théorie politique et histoire des idées et en méthodes des sciences sociales. Cela lui permet d’orienter vers cette spécialité ses premiers docteurs ayant déjà obtenu des postes d’enseignants. C’est ainsi que le premier enseignant camerounais, qui est un de ses doctorants, est admis au terme de ce premier concours dont il préside le jury dans la spécialité administration et politiques publiques. Cette troisième rupture opérée par Luc Sindjoun en fait un des principaux promoteurs de la discipline en Afrique (Darbon et al., 2019). Dans le contexte local de l’UY2, son travail de promotion est performatif en raison d’un ensemble de propriétés de pouvoir qu’il cumule et qui lui permettent, bien au-delà de sa position de directeur du Département, d’obtenir des compromis. Au moment où il prend les commandes du Département, en plus de son autorité internationale déjà consacrée, il y est le seul à avoir atteint le grade terminal, ce qui le place en position ascendante au sein du conseil de Département quant à la proportion des cours à concéder aux collègues. Ainsi, malgré les innovations que Luc Sindjoun opère par l’ouverture aux politiques publiques, le cursus politiste demeure le reflet du compromis entre la tendance romano-germanique dont est issue la tradition française unitaire de la science politique (à laquelle Sindjoun s’identifie) et celle anglo-saxonne, qui fonde la tradition nord-américaine segmentaire de la discipline (à laquelle ses collègues s’identifient).

En 2011, Luc Sindjoun est nommé ministre, ce qui le rend moins disponible pour la gestion quotidienne du Département. Afin de pallier cette indisponibilité, il transfère à Ibrahim Mouiche cette charge. Celui-ci, en assurant la continuité managériale, procède aussi à la diversification de l’offre de formation au profit de l’anthropologie politique. Il reconfigure alors la deuxième année du cycle de master, créant une spécialisation en anthropologie et sociologie politique à côté de celle en relation internationale et études stratégiques, ce qui lui permet d’élargir l’offre de cours relevant de ses centres d’intérêt, un seul y figurant jusque-là. Cet attachement des spécialisations et des cours à ses centres d’intérêt est étroitement lié à sa double expérience doctorale, la première à l’UY2 auprès d’Augustion Kontchou Kouomegni, qui s’achève par l’obtention du doctorat 3e cycle[13], et la seconde aux côtés de Peter Geschiere et de Piets Konings à l’Université de Leiden, aux Pays-Bas, où il obtient le diplôme de Ph. D[14]. Il est aussi lié aux nombreuses bourses de recherche qui le placent en situation permanente de mobilité professionnelle, à travers laquelle il éprouve les nouveaux paradigmes de l’anthropologie politique.

De fait, plus que la position de directeur de département, les choix disciplinaires et l’ascension professionnelle d’Ibrahim Mouiche lui permettent de négocier des compromis. En raison de son accession au grade de maître de conférences en 2007, grade qui consacre l’accession au rang magistral en tant que niveau élitaire du corps universitaire, il avait déjà pu obtenir en 2009 l’introduction dans les programmes de cours supplémentaires relevant de son champ. C’est ainsi que trois cours sur douze au programme de la troisième année de licence dans la spécialité socioanthropologie et communication politique lui avaient été concédés. Son accession au grade terminal de professeur titulaire des universités en 2012 accentuera davantage son autorité. L’effet immédiat sera l’essor de l’anthropologie politique, qui, entre 2012 et 2014, constituera une spécialisation dès la deuxième année du cycle de master, avec quatre cours sur neuf au programme.

Tout comme Ibrahim Mouiche, le poids de Joseph-Vincent Ntuda Ebodé dans la structure du cursus de science politique est lié à l’autorité acquise dans le champ scientifique local plus qu’à celle que confère la position de directeur de département, position qu’il n’a d’ailleurs jamais occupée. Dès 2009, Joseph-Vincent Ntuda Ebodé met sur pied une spécialisation en institutions, relations internationales et études stratégiques. Cette nouvelle offre propose onze cours en troisième année de licence, huit en première année du cycle master et neuf en deuxième année, soit vingt-huit cours, dont dix sont particulièrement liés aux études stratégiques. Ils se confondent étroitement avec ceux offerts au sein du master professionnel en stratégie, défense, sécurité, gestion des conflits et des catastrophes, dont il est le promoteur dans le cadre du Centre d’études et de recherche politique et stratégique (CREPS). Ils sont principalement orientés vers des savoirs prospectifs, une préférence paradigmatique qu’il acquiert durant ses études doctorales en France, où il se rend après l’obtention d’une licence en sociologie politique du Département de philosophie, sociologie et psychologie de la FLSH de l’UY.

L’orientation donnée à sa thèse de doctorat est le déterminant majeur de l’identité de Joseph-Vincent Ntuda Ebodé en science politique. Séduit par l’usage de la discipline que font les États-Unis dans leurs relations avec l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) dans le contexte de la guerre froide, et particulièrement par la perspective réaliste qui s’en dégage, il envisage la mobilisation de la science comme instrument au service de l’intérêt national[15]. À son retour en 1997, il s’investit dans la dimension fondamentale de la discipline, option qu’il délaisse en 2007 pour la dimension prospective de la thèse en tant qu’appropriation du projet de carrière au sein du CREPS et, par la suite, du Département, au gré des positions de pouvoir qu’il occupe dans l’administration de la FSJP et dans le corps[16].

Les transformations du cursus de science politique précédemment évoquées sont le produit des rivalités paradigmatiques entretenues au sein du Département. Chacune des spécialités instituées à partir de 2009 correspond aux traditions de filiations des uns et des autres. Il en est de même des aménagements effectués au sein de chacune de ces spécialités. Si ces transformations s’opèrent au terme de confrontations manifestes, il en ira différemment de celles apportées en 2019 par Fabien Nkot parce qu’il conserve certains acquis. Alors qu’il est directeur du Département de science politique de la FSJP de l’UY2, il ouvre de manière considérable les cursus à ses influences paradigmatiques. Cette année-là, la nomination d’un nouveau doyen aux commandes de la FSJP entraîne une refonte des programmes. Les premier et deuxième semestres du cycle de master connaissent une hausse du nombre de cours : de dix, ils passent à quatorze. Parmi les quatre enseignements qui s’y ajoutent figure la sociologie politique du droit. À travers cette diversification, Fabien Nkot oriente les étudiants vers la connaissance du droit comme autre site de matérialité du politique. Le corollaire de cette diversification est le choix offert aux étudiants en 2021, lors de leurs troisième et quatrième semestres du cycle de master, de mener leurs recherches de fin de cycle autour des problématiques relevant de ce domaine.

La trajectoire théorique de Fabien Nkot est marquée par ses études doctorales menées à l’Université Laval, au Canada. Son directeur de thèse le place sur le sentier de la sociologie politique du droit au motif que son cursus initial est en sciences juridiques, que ses premiers travaux de recherche sont effectués dans le domaine du droit public, bien qu’il soit passionné par la science politique. Son identité de politiste se forge ainsi au détour de cette bourse d’études canadienne, alors qu’il est titulaire depuis 1993 d’un poste d’enseignant au Département de droit public de la FSJP de l’UDs. De retour au Cameroun en 2005 pour poursuivre cette charge, il est invité par Luc Sindjoun dès 2007 à faire la présentation de ses travaux aux étudiants de DEA du cursus politiste de la FSJP de l’UY2. Ses interventions suscitent un intérêt auprès de certains, qui le sollicitent dans le cadre de leur mémoire de recherche. Il a ainsi l’occasion de les initier à cette ouverture disciplinaire pour laquelle aucun cours n’est encore offert. Le transfert de son poste d’enseignant à la FSJP de l’UY2 en 2012 consolide son engagement à l’initiation à la recherche à partir de sa trajectoire, ce qui sera accentué par sa nomination comme directeur du Département à partir de 2019.

Conclusion

En définitive, en examinant le développement de la science politique dans l’enseignement supérieur camerounais, nous poursuivions l’objectif de reconstituer la dynamique d’institutionnalisation de la discipline en tenant compte des rivalités entre savants, savoirs et services. Cette institutionnalisation s’opère par sédimentation progressive des apports qu’y injectent les politistes en fonction des expériences acquises, tant lors de leurs cursus universitaires au sein d’établissements occidentaux qu’au cours de leurs mobilités professionnelles dans les milieux internationaux de débats sur la discipline. L’institutionnalisation de celle-ci est alors un processus de diffusion (Dolowitz et Marsh, 2000) de ses normes et pratiques managériales et universitaires. Cependant, l’institutionnalisation est exacerbée par la position de pouvoir qu’occupent au sein des universités ceux des politistes qui s’y attellent, notamment celle de directeur de département, mais aussi par l’autorité scientifique qu’ils acquièrent grâce à leurs travaux de recherche et à partir de laquelle ils accèdent au grade le plus élevé du corps universitaire. Ce milieu professionnel au sein duquel les politistes se mettent en scène, à travers leurs rivalités disciplinaires et les luttes administratives interdisciplinaires, délimite par conséquent un champ politiste où les positions et la notoriété constituent les ressources (Bourdieu, 1980) de sa structuration (Abé, 2008) en ce qui concerne, d’une part, la création de départements de science politique autonomes de ceux de droit, et, d’autre part, la diversification, au sein du cursus politiste, des programmes de formation.

Sur le plan pratique, il apparaît que ce mouvement d’institutionnalisation de la science politique en partant d’expériences occidentales contribue à l’hégémonie de la tradition scientifique occidentale. L’universalisation des normes et pratiques scientifiques (Mbembe, 2018) et universitaires liées à la science politique en ce qui a trait à son organisation administrative, à la distribution des cours fondamentaux au sein des différents diplômes, à l’équilibre au sein des cursus avec les cours relevant d’autres disciplines jugées complémentaires, à l’instar du droit, consolide la place des traditions occidentales à l’échelle locale. Cela se dégage aussi des travaux de doctorat des politistes étudiés en raison de l’extraversion des débats menés autour des objets qui y sont construits. Toutefois, les résultats de ces travaux ne conduisent pas à une uniformité de la connaissance, car bien qu’étant cumulative, elle se révèle être une connaissance alternative du réel, ce qui bat en brèche la thèse d’une division internationale du travail scientifique présentant l’Occident comme apte à la construction des cadres théoriques et l’Afrique assignée à leur application sur son terrain indigène (Nkot, 2002 : 274-275).