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Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), des mesures considérables et immédiates doivent être prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre ; ceci afin de ne pas dépasser un réchauffement global de +1,5°Celsius dans les décennies à venir (GIEC, 2019). Un réchauffement dépassant 1,5°Celsius pourrait entraîner la perte irréversible d’écosystèmes fragiles et des crises au sein des communautés les plus vulnérables. Bien que la plupart d’entre nous reconnaissent que les changements climatiques sont réels et constituent une des pires menaces pour l’Humanité (Atapattu, 2018), tous ne s’accordent pas quant aux actions à prendre pour les résoudre. En dépit des recommandations répétées en provenance d’instances internationales et non gouvernementales en faveur d’actions éducatives affirmées, l’éducation relative à l’environnement et au changement climatique (ERECC) reste sous-développée, tant dans les milieux d’éducation formels que non formels, à l’échelle de la planète. Le Canada n'échappe pas à cette tendance, malgré la reconnaissance par les Nations Unies du droit à un environnement sain essentiel à l’exercice des autres droits humains fondamentaux (Perruso, 2021). Les changements climatiques menacent quotidiennement la paix mondiale ; en effet, ces perturbations du climat entraînent une raréfaction des ressources nécessaires à la vie humaine, comme l’eau et les terres cultivables, et sont la cause d’événements climatiques extrêmes ravageant des régions entières. Cette raréfaction des ressources et ces dévastations peuvent déclencher à leur tour des mouvements de population qui risquent d’affecter la sécurité et la paix sociale.

Pour diminuer ces effets dramatiques sur nos écosystèmes et encourager la stabilité mondiale, l’ERECC devrait être étendue à tous les milieux d’éducation. Toutefois, on n’accorde pas à l’éducation l’importance et le financement qu’elle mérite pour atteindre les objectifs de la lutte climatique (ONU, 2019). Le droit à une éducation pour tous est bafoué dans plusieurs régions du globe, tout comme l’ERECC est largement négligée dans une majorité de pays, en l’absence d’une réforme des curricula et d’une formation enseignante adéquate dans ce domaine. Pourtant, les transformations sociétales nécessaires à la lutte aux changements climatiques exigent une réelle volonté politique, associée à un financement massif de l’éducation. En s’appuyant notamment sur des textes législatifs, cet article propose des jalons pour que s’amorce une véritable éducation environnementale et à l’action climatique dans les milieux scolaires du Canada et d’ailleurs.

Sous-financement de l’éducation, profit à outrance et droit à l’éducation bafoué

Que ce soit depuis la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous de Jomtien en Thaïlande (UNESCO,1990), en passant par le Forum mondial sur l’éducation à Dakar (UNESCO, 2000), ou plus récemment, le Forum mondial sur l'éducation d’Incheon en Corée (UNESCO, 2015), l’éducation pour tous est réclamée avec vigueur dans l’ensemble des milieux éducatifs du globe. Pourtant, trop souvent cette dernière est reléguée au second plan, après le « sacro-saint » développement économique. Bien que les populations prennent lentement conscience de l’importance de contrer les changements climatiques, on constate que nos sociétés continuent d’accorder la primauté au cycle production-consommation-élimination de biens matériels. Dans leur article paru en 2020 dans la revue BioScience, Ripple et coll. rappellent que plus de 11 000 scientifiques du monde entier ont confirmé « l’urgence climatique ». Selon eux, la crise climatique est étroitement liée à un mode de vie axé sur la consommation excessive (Ripple et coll.,2020). Cette consommation outrancière s’appuie sur des valeurs néolibérales, encouragée par un certain modèle économique et des technologies croissantes. On constate l’obsolescence du profit (Pratte, 2020) face à la lutte au changement climatique. Nous devons changer notre façon de vivre et nous tourner vers la frugalité, car, face à la crise écologique qui s’accentue - et la pandémie actuelle nous le rappelle vivement - nous avons besoin d’une nette décroissance des activités de production et de consommation, ainsi que d’une répartition plus juste des biens.

Le droit à l’éducation a été reconnu comme un droit humain fondamental dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (Art.26, par.2) et, un peu plus tard, dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le droit à l’éducation « doit viser le plein épanouissement de la personnalité humaine » (Art.13, par.1). Toutefois, encore aujourd’hui, des millions d’enfants dans le monde n’ont pas accès à l’éducation malgré les termes clairs de la Convention des droits de l’enfant – CDE (ONU, 2021). En effet, la CDE stipule que « Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation » et affirme que cette éducation doit préparer les enfants à « assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux et avec les personnes d'origine autochtone » (CDE, Art.28 et 29). En dépit de cette reconnaissance légale, l’accès à l’éducation n’est pas équivalent pour tous les citoyens du monde, en particulier pour les filles. La situation de la scolarisation des filles en Afrique, particulièrement en zone subsaharienne, est particulièrement inquiétante. Les nombreux conflits armés forcent des communautés entières à fuir leurs régions pour s’entasser dans des camps de réfugiés. Ces camps n’ont pas la capacité de fournir des services d’éducation à toutes les personnes, les filles se trouvant souvent au cœur de cette exclusion. L’inscription à l’école dans les camps de réfugiés serait de l’ordre de 69 % au primaire et 30 % au secondaire (UNESCO, 2011). En 2022, il est incroyable de constater que des filles de 9-10 ans en Afrique, mais aussi dans d’autres régions du globe, sont réduites au statut de marchandise : elles sont vendues à des hommes, en échange d’argent pour nourrir les autres membres de la famille (UNHCR, 2015). En plus de perdre leur liberté et leur dignité, elles sont déscolarisés en majorité. Pourtant, l’éducation des filles est au cœur de la lutte contre la surpopulation et la pauvreté des familles. Ce non-respect des droits humains constitue une menace à l’égalité des sexes et à la paix sociale (Chalifour, 2021). Il est temps que les nations du monde s’unissent pour trouver des solutions au non-respect des droits fondamentaux comme la sécurité, la liberté et l’éducation des personnes les plus vulnérables de nos sociétés. Plutôt que de comparer la grandeur de leurs armées, les Nations, en misant sur le bien-être des familles et une offre d’éducation pour tous, préserveraient l’environnement et préviendraient les guerres, contribuant ainsi à une éthique de la paix (Sauvé et Girault, 2014). Ces politiques en faveur des familles permettraient d’éviter les déplacements forcés, en plus de garantir la scolarisation des filles, contribuant ainsi à plus de stabilité mondiale. Or, il appert que la crise climatique affecte et continuera à affecter de façon disproportionnée les individus et les groupes aux prises avec des inégalités systémiques, puisque les changements climatiques exacerbent les inégalités existantes et créent de nouvelles formes de discrimination (Chalifour, 2021). Selon Ingrid Waldron, de la Faculté de la santé de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse, les citoyens doivent être au fait de la présence du racisme environnemental (Girard-Bossé, 2021). Il est donc nécessaire de sensibiliser les jeunes au problème des injustices sociales et de les inviter à réfléchir aux solutions, car ce sont eux les dirigeants de demain.

Le droit à une éducation de qualité comme vecteur du droit à un environnement sain

Selon la Déclaration mondiale de l’éducation pour tous (UNESCO, 1990), le droit à une éducation de qualité inclut non seulement des apprentissages de base, mais également des connaissances, des aptitudes, des valeurs culturelles et morales, dans lesquelles les personnes développent leur sentiment de valeur personnelle (Initiative pour le droit à l’éducation, 2021 ; UNESCO, 1990). Une éducation de qualité comporte également, dans ses résultats d’apprentissage, l’acquisition d’une compétence relative à l’exercice de la pensée critique pour faire face aux changements climatiques dans un esprit de justice sociale. En 2015, avec l’Agenda 2030 : Les objectifs de développement durable (ONU, 2015b), la communauté internationale a renouvelé son engagement en faveur de l’éducation tout au long de la vie, avec un objectif spécifique dédié à l’éducation au développement durable (ODD, no. 4). Le développement durable auquel nous référons doit être conçu dans une perspective de protection environnementale, et non comme condition d’un essor économique continu qui mine les écosystèmes et les ressources terrestres (Sauvé, 2007).

À la COP 26 tenue à Glasgow en 2021, les leaders ont réaffirmé aux Nations du monde l’urgence d’agir en matière de changements climatiques en nous rappelant que, dans un futur proche, ce seront les enfants à naître qui jugeront de l’efficacité de nos actions en faveur du climat (UNESCO, 2021). Ces dirigeants ont expliqué que pour diminuer les changements climatiques, il importe de promouvoir la formation enseignante en matière de protection de l’environnement (ONU, 2015b). Or, bien que les publications onusiennes réaffirment constamment le rôle déterminant que doit jouer une éducation de qualité dans la résolution de l’impasse climatique, il ressort que moins de la moitié des pays membres de l’ONU incluent dans leur scolarité obligatoire certains contenus qui abordent l’éducation au changement climatique (Ibid.). Par ailleurs, ce décompte ne nous éclaire pas sur la quantité et la qualité des contenus, ni sur la façon dont cette éducation est dispensée actuellement les pays concernés. Les pays nordiques comme la Finlande et la Norvège sont en avance en matière d’environnement et d’éducation environnementale dans leur cursus scolaire et leurs initiatives pourraient nous inspirer (UNESCO, 2018). D’autres pays régulièrement aux prises avec des désastres climatiques comme le Japon, l’Arménie ou encore la Nouvelle-Zélande, incluent une éducation aux catastrophes climatiques dans la formation obligatoire destinée aux ministres, au personnel de direction et au personnel enseignant (Shiwaku, 2014). Faudra-t-il atteindre ce point critique d’urgences climatiques au Canada afin que les provinces agissent enfin en faveur de l’institutionnalisation de l’ERECC ?

Il est reconnu qu’une éducation de qualité est censée permettre aux individus « [...] de prendre des décisions éclairées et de relever les défis locaux et mondiaux [...] » (UNESCO, Déclaration d’Incheon, 2015). Dans la conjoncture climatique actuelle, une éducation de qualité se doit d’inclure une éducation relative à l’environnement et au changement climatique (ERECC) si nous voulons conserver un environnement sain. Des obligations légales prévues par plusieurs textes de droit international, auxquels une très grande proportion des pays du monde a volontairement souscrit, stipulent que les divers curricula nationaux doivent comporter des objectifs d'apprentissage directement reliés à l’ERECC. De plus, ces documents légaux confirment l’obligation d’assurer une formation enseignante adéquate pour promouvoir cette éducation destinée à lutter contre les changements climatiques et préserver la nature.

Depuis l’automne 2021, dans la foulée des 156 pays qui ont convenu d’inclure ce droit dans leurs constitutions nationales, une déclaration des Nations Unies reconnaît officiellement que le droit à un environnement sain est un droit humain fondamental. Néanmoins, selon la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ONU, 1992) et les termes de l'Accord de Paris (ONU, 2015a), il est prévu que chaque pays décrive et communique ses actions climatiques, éducatives ou autres dans un rapport national, en les identifiant par le terme de « contributions nationales désignées (CDN) ». Des études récentes concernant ces communications nationales précise que, bien que la moitié des pays fassent mention de l’éducation dans leurs CDN, aucun ne réclame l’inclusion obligatoire de l’ERECC au sein de sa stratégie climatique nationale, étant donné qu’il n’y a pas de contrainte à le faire (Kwauk, 2021). Ces mêmes études témoignent d’une absence notoire de vision concernant l’éducation au changement climatique au sein des cursus scolaires des vingt pays les plus riches, ceux qui émettent le plus de CO2, et dont fait partie le Canada (Kwauk, 2021 ; UNESCO, 2019). En fait, seulement six pays membres des Nations Unies (aucun du G20) mentionnent dans leurs CDN, le besoin de former les personnes enseignantes afin qu’elles bâtissent leur capacité à intégrer l’ERECC dans leurs pratiques pédagogiques. Une telle absence de vision est certes inacceptable, car elle met en péril la réalisation effective du droit à un environnement sain, ce dernier étant intimement lié au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de l’enfant.

Des connaissances sur les lois et conventions internationales et une meilleure formation en ERECC pour le personnel enseignant

Rares sont les personnes, parmi le personnel scolaire au Canada, qui possèdent des connaissances approfondies en matière de qualité de l’éducation et de droit à un environnement sain. Il est grand temps que les ministères provinciaux d’Éducation renseignent leur personnel scolaire à l’effet que le droit à l’ERECC est affirmé et consacré dans le cadre de plusieurs conventions et traités, soit la Convention-cadre sur les changements climatiques ou CCNUCC (ONU, 1992, Art.6), l’Accord de Kyoto (ONU, 1997, Art.10e) et l’Accord de Paris (ONU, 2015a, Art.12). Peu de personnes savent que le Canada s’est formellement engagé à « améliorer l’enseignement sur les changements climatiques » (EdCan, 2020). En novembre 2021, les Nations Unies ont adopté une résolution qui insiste sur le fait qu’à tous les niveaux d’enseignement, des connaissances et des compétences doivent être mobilisées par les élèves, pour qu’ils soient outillés en vue de respecter le milieu naturel et de prendre des décisions importantes concernant leur avenir (ONU, 2021, Art.29 ; UNESCO, 2020 a, b).

Dans la Déclaration d’Incheon (UNESCO, 2015), les États et les autres parties prenantes se sont d’ailleurs engagés en faveur d’une éducation de qualité, mais aussi d’une amélioration des conditions professionnelles faisant en sorte que les personnes éducatrices aient les moyens d’agir. Ces personnes devraient être recrutées adéquatement, être motivées, avoir accès à des formations et des qualifications professionnelles satisfaisantes, et être soutenues et dotées de ressources suffisantes. À l’échelle internationale, dans de nombreux établissements universitaires qui offrent des programmes de formation à l’enseignement, l’ERECC n’a pas encore été intégrée comme composante de base. Cette situation fait en sorte que plusieurs personnes enseignantes ne possèdent pas tous les savoirs nécessaires pour pérenniser cette forme d’éducation (CMEC, 2012, p. 27). Au pays, selon nos observations, plusieurs facultés d’éducation tardent à intégrer dans leurs programmes ces éléments d’éducation, la situation étant particulièrement critique au sein de plusieurs programmes francophones. Il en résulte qu’une fois en poste, les nouvelles recrues ne se sentent pas en mesure de s’acquitter de cette tâche importante qui est d’intégrer l’ERECC à leurs pratiques pédagogiques. De récents sondages tendent à confirmer ces observations, à l’effet que le personnel enseignant se sent insuffisamment formé (EdCan, 2020). Une étude réalisée auprès de 1231 personnes enseignantes au Canada (M-12) nous informe que 45 % d’entre elles affirment enseigner certaines notions reliées au changement climatique en classe et se sentir assez compétentes. Elles y consacreraient entre une heure et dix heures par semestre ou par année, ce qui est très peu (EdCan, 2020). Ceci revient à dire que, selon cette étude, moins d’une personne sur deux qui enseigne, se sent assez compétente pour éduquer au changement climatique et que ces contenus occuperaient moins de 1 % du temps d’enseignement. Selon les mêmes personnes sondées, les principaux obstacles à l’intégration de l’éducation au changement climatique seraient le manque de temps, la rareté des ressources d’enseignement, ainsi que des connaissances et compétences professionnelles lacunaires en la matière. Puisque l’ERECC devrait être intégrée de manière obligatoire dans les écoles, il importe de contribuer à bâtir la capacité du futur personnel enseignant et de celui déjà en poste.

À l’étape de la formation initiale, on souligne l’importance d’une formation du personnel enseignant axée sur l’enquête et sur les approches interdisciplinaires en ERECC (CMEC, 2012). Les systèmes d’éducation au Canada devraient être capables, pour la scolarité obligatoire, de nous conduire vers l’établissement d’un nouveau paradigme : soit d’éduquer l’ensemble des personnes à lutter contre les changements climatiques et protéger nos écosystèmes.

Des curricula et programmes provinciaux à réviser pour promouvoir l’EECC

Relativement aux buts de l’éducation, la Convention des droits de l’enfant (CDE) précise que « l’éducation doit inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel » (ONU, 1989, art.29). Cette convention, ratifiée par le Canada en 1991, mentionne que les systèmes scolaires provinciaux au Canada ont l’obligation d’offrir une éducation qui prenne en compte le droit à un environnement sain et de l’actualiser au quotidien (Institut du Nouveau Monde, 2021). Selon la CDE, les compétences de base qui doivent être enseignées aux enfants, comprennent des compétences et des aptitudes à la vie courante comme la capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre des conflits et d’adopter un mode de vie sain, incluant l’importance de conserver un environnement sain. Il s’agit également de favoriser explicitement l’acquisition de compétences permettant aux élèves d’établir des liens sociaux enrichissants, de faire preuve d’un sens des responsabilités, de manifester une pensée critique et de démontrer leur créativité. Ces compétences offrent aux enfants un éventail d’outils leur permettant de réaliser des choix appropriés dans la vie (Right to Education Initiative, 2021).

Les provinces canadiennes ne rencontrent pas toutes leurs obligations de la même manière, certaines étant plus avancées que d’autres en matière d’ERECC. Bien que les curricula comportent certaines attentes en matière d’éducation relative à l’environnement, la grande majorité des provinces ont encore des programmes élaborés en silo, ne permettent pas d’intégrer des pratiques pédagogiques inter ou transdisciplinaires qui pourraient faciliter l’ERECC en milieu scolaire. De plus, les curricula actuels, surchargés à notre avis, épuisent le personnel enseignant qui se sent dépassé par l’ampleur de la tâche. Les ministères de l’Éducation au Canada, en collaboration avec des représentants de la recherche et des milieux de pratique en éducation, doivent revoir les programmes de manière à s’assurer que tous les intervenants travaillent ensemble à développer une éducation holistique. Cette éducation visera à former aux valeurs, aux connaissances et aux compétences favorisant la réduction de notre empreinte écologique et la protection de la nature. Cette transformation de l’éducation contribuera à créer une société citoyenne critique, éthique, compétente, créative et engagée (Sauvé, 2013). En accord avec ce que nous proposons, une équipe de l’Université de Toronto (Inwood et Jagger, 2014), confirme la nécessité d’ajuster les programmes pour intégrer l’ERECC, tout en optimisant l’utilisation d’approches interdisciplinaires et axées sur l’investigation pour l’enseignement et l’apprentissage de l’ERECC, en plus d’offrir de la formation et des ressources aux personnes enseignantes dans ce domaine.

Adopter une pédagogie holistique en milieu scolaire fournirait la chance à tous les enfants de mieux apprendre sur les changements climatiques et sur les solutions à y apporter. Atteindre cette éducation de qualité, laquelle constitue un droit fondamental pour les enfants, nécessite que de réels changements imprègnent les pratiques éducatives. Il importe donc que nos systèmes éducatifs adhèrent au paradigme inventif de l’éducation et délaissent le paradigme industriel, qui met l’accent sur la croissance économique continue (Bertrand et Valois, 1981). Le paradigme inventif de l’éducation repose sur une vision globale et holistique dans laquelle l’élève est un membre de la Terre et du Cosmos, fondamentalement uni aux autres personnes et à l’environnement par des liens multiples (ibid.). Ce paradigme se caractérise par des valeurs postmodernes où une vision positive du futur est partagée avec les élèves (Levrini, Tasquier, Barelli et coll., 2020).

Conclusion

À la lumière de ces éléments qui confirment l’obligation légale qu’ont les États, y compris le Canada, de respecter le droit à une éducation de qualité pour tous, à un environnement sain et la nécessité de former l’ensemble des personnes pour protéger la nature et la vie, souhaitons que les mois à venir soient constructifs pour institutionnaliser l’ERECC dans toutes les écoles canadiennes, au sein de la scolarité obligatoire. L’environnement est notre affaire à tous et appelle à l’engagement individuel et collectif (Sauvé, 2013). Dans l’attente de mesures concrètes réalisées au niveau des ministères et des universités canadiennes pour ajuster les curricula et la formation enseignante, il importe que le personnel scolaire actuellement en poste soit encouragé à se mobiliser pour développer des initiatives ou à se joindre à des projets d’ERECC (par exemple, via l’initiative du Lab22 à Montréal). Même si les personnes enseignantes ne possèdent pas toute une expertise équivalente en matière d’écologie et de changement climatique, elles peuvent avantageusement tirer profit de leur rôle de modèle « pour aller au-delà de l’enseignement des faits » (EdCan, 2020). Ces personnes enseignantes peuvent permettre aux élèves de « participer à des activités ayant des répercussions réelles sur les changements climatiques » (ibid.), contribuant ainsi à acquérir diverses compétences socioécologiques (Sauvé, 2013). Certes, cette mobilisation enseignante librement consentie peut contribuer à l’atteinte des cibles d’émission de GES. Toutefois, des changements majeurs de la part des décideurs de la sphère éducative sont requis en matière d’ERECC afin de mobiliser l’ensemble des milieux de formation – comme la société en général – dans un vaste effort collectif pour ne pas dépasser 1,5 degré Celsius de réchauffement dans les prochaines années.