Corps de l’article

1. Introduction

Depuis les années 80, le développement de la compétence communicative occupe une place prédominante dans la recherche en didactique des langues. La focalisation sur le sens, le recours au matériel authentique ou encore la collaboration entre apprenants en vue d’accomplir des tâches sont autant de moyens ayant été validés afin d’apprendre une langue en communiquant (Long, 2014). MacIntyre, Dörnyei, Clément et Noels (1998) font toutefois remarquer qu’un meilleur niveau de maitrise de la langue seconde (L2) ne conduit pas nécessairement à plus de communication en L2; un paradoxe qu’ils associent au concept de volonté de communiquer (willingness to communicate, WTC). S’il est primordial de développer chez les apprenants de L2 les compétences nécessaires pour pouvoir communiquer efficacement, ces chercheurs sont également d’avis qu’il est tout aussi important de rendre les apprenants désireux d’utiliser la L2 pour communiquer. Il a en effet depuis été démontré le lien positif entre une forte WTC et la maitrise de l’oral, notamment en termes de fluidité et de précision (Wood, 2016; Yousefi et Ahmad Kasaian, 2014). C’est entre autres sur ce postulat que sont basées des initiatives canadiennes visant à pousser les apprenants à utiliser la L2 en dehors des murs de la classe. Pensons notamment au Passeport prise de risques linguistiques de l’Université d’Ottawa (Slavkov et Séror, 2019) ou au macaron « Je veux réussir en français » (Université Concordia, Montréal), qui permet de signaler aux francophones sa volonté de pratiquer le français au quotidien.

L’utilisation de la L2 à l’extérieur de la classe n’est toutefois pas sans représenter des défis de taille. En contexte montréalais, par exemple, le passage du français à l’anglais lors d’une conversation entre un apprenant de français L2 et un locuteur francophone bilingue (Montreal switch) est source d’anxiété langagière (Godfrey-Smith, 2015). Bien que plusieurs études empiriques aient permis d’affiner la compréhension des facteurs influençant la WTC, le manque de recherche sur les implications pédagogiques ayant pour but de renforcer la WTC se fait sentir. L'objectif de cet article à visée pédagogique est de présenter une tâche de simulation orale en ligne conçue pour soutenir la WTC en L2 à l’extérieur de la classe.

2. La volonté de communiquer

Le concept de WTC émerge d’abord dans la littérature en langue première pour décrire un trait de personnalité stable, qui peut toutefois varier selon le degré de familiarité avec l’interlocuteur (McCroskey et Baer, 1985). Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, le concept est repris et appliqué au contexte de L2 pour référer à une disposition individuelle à initier ou poursuivre la conversation en L2 dans une situation spécifique, lorsque l’occasion se présente (Kang, 2005). Le modèle heuristique de MacIntyre et coll. (1998) présente la WTC en L2 comme un ensemble complexe de facteurs influençant de pair ou en parallèle, directement ou indirectement, l’utilisation ou non de la L2 (en classe comme à l’extérieur). Selon les auteurs, des éléments aussi variés que le contexte sociolinguistique, la compétence communicative avérée d’un apprenant ou encore la motivation exercent une influence indirecte sur la WTC; tandis que le besoin de parler à une personne spécifique (renseignement à obtenir, par exemple) et la confiance en soi en L2 au moment d’initier une interaction sont les deux prédicteurs directs de la WTC. Au-delà d’une relative stabilité à travers les situations de communication et selon le profil du locuteur, la WTC en L2 est ainsi fugace et change d’un moment à l’autre lors d’une conversation, au gré d’éléments aussi variés que les attitudes de l’interlocuteur ou la capacité à se remémorer le vocabulaire nécessaire à la transmission du message (MacIntyre, 2020).

De nombreuses recherches empiriques ont depuis permis de mettre en lumière les deux antécédents psychoaffectifs immédiats de la WTC en L2 (Yashima, MacIntyre et Ikeda, 2018): l’anxiété langagière et le sentiment de compétence communicative perçue qui, combinés, déterminent la confiance en soi en L2 (Clément et Kruidenier, 1985). La confiance en soi étant l’antécédent direct de la WTC, nous avons cherché à créer des tâches de simulation en ligne reproduisant des interactions du monde réel (p. ex. commander un café en français) dans le but de renforcer le sentiment de compétence à l’oral en L2, tout en fournissant un environnement de pratique peu anxiogène. À cet égard, les environnements en ligne nous sont apparus un support idéal puisqu’il a été établi que les interactions orales en ligne (versus en personne) sont associées à une plus grande WTC, notamment parce que le format virtuel réduit l’inhibition lors de la prise de parole en L2 et diminue l’anxiété langagière (Lloyd, 2012). Les interactions en ligne augmentent également la prise de risque linguistique dans un environnement de pratique sécuritaire où la peur de l’échec et le sentiment de gêne sont moins présents que lors d’une interaction en personne (González-Lloret et Ortega, 2014). Ayedoun, Hayashi et Seta (2015) ont également démontré que le recours à un agent de conversation virtuel (un programme informatique), utilisé pour des tâches de simulation orales préprogrammées (p. ex. commander un repas au restaurant), permet de soutenir la WTC en langue étrangère. Toutefois, de l’aveu même des auteurs, de telles tâches gagneraient à être adaptées à différents contextes sociolinguistiques d’apprentissage afin de mieux soutenir la WTC.

3. Tâches de simulation à visée authentique en ligne

Nous utilisons ci-après le terme « tâche » de simulation au sens large, c’est-à-dire une unité d’enseignement-apprentissage plaçant « les apprenants dans des situations de communication reproduisant, à certains degrés, des situations de la vie réelle » (Payant et Michaud, 2020, p. 4), à la manière de certaines activités communicatives. Le recours à la tâche pour préparer à la communication authentique constitue une stratégie éprouvée pouvant s’intégrer à une séquence basée sur la tâche visant à encourager les apprenants à utiliser la L2 dans le monde réel (Ollivier, 2018). Un des principaux avantages de l’interaction dans une simulation en ligne est que celle-ci permet d’offrir aux apprenants de L2 un certain degré d’anonymat (utilisation d’un avatar ou d’un pseudonyme), limitant ainsi le risque de perdre la face, ce qui tend à diminuer l’anxiété langagière et à renforcer la WTC (Reinders et Wattana, 2014). De plus, selon Peterson (2010), même si les tâches de simulation en ligne ne permettront jamais de reproduire à l’identique les interactions du monde réel, elles représentent un fort potentiel pour le développement de la compétence orale, puisqu’elles donnent l’occasion à l’apprenant de négocier le sens lors d’interactions porteuses de sens (une caractéristique qu’Ellis (2003) inclut d’ailleurs dans sa liste des caractéristiques de la tâche) tout en conservant un sentiment de contrôle sécurisant. Selon Liu et Ding (2009), la mise en place de tâches de simulation par l’enseignant de L2 doit avant tout viser la pertinence, c’est-à-dire le réalisme de l’interaction (en comparaison avec une interaction du monde réel), tout en prenant en compte le contenu langagier, qui doit être approprié aux besoins communicatifs et au niveau linguistique des apprenants.

Quant à l’authenticité de la tâche, son avantage réside entre autres dans le fait de pouvoir refléter l’utilisation de la langue telle qu’elle est parlée dans le monde réel, ce qui est source de motivation pour les apprenants (Zohoorian, 2015). Par ailleurs, les tâches à visée authentique ont un impact positif sur le développement de la compétence communicative en L2 (Gilmore, 2011). Leur mise en place doit cependant être guidée par la prise en compte de la pertinence des besoins (linguistiques et culturels, notamment) des apprenants, en lien avec le contexte d’apprentissage (Ozverir, Osam et Herrington, 2017).

Bien que le recours à des tâches de simulation à visée authentique pour développer la WTC n’ait pas encore fait l’objet de recherches empiriques systématiques, des résultats indiquent que de telles tâches, réalisées en ligne dans un environnement 3D immersif, sont associées à une forte motivation chez les apprenants, qui se déclarent plus concentrés sur la tâche du fait du sentiment de réalisme et de présence accru, propre à l’environnement 3D (Kaplan-Rakowski et Wojdynski, 2018). Ceci nous a conduits à créer et mettre en place des tâches de simulation en ligne dans le but de soutenir la WTC en L2 d’apprenants de français.

En somme, de telles tâches de simulation se démarquent avantageusement des jeux de rôle en salle de classe du fait de leur format virtuel, qui fournit aux apprenants des situations de communication réalistes dans lesquelles il est possible de négocier le sens tout en prenant de nouveaux risques linguistiques, sans peur toutefois d’en subir les conséquences potentiellement négatives (anxiété langagière et embarras en cas d’erreur, entre autres). Les résultats d’une étude (Papin, à paraître) portant sur les tâches présentées dans cet article indiquent d’ailleurs que la réalisation de telles tâches renforce le sentiment de compétence et conduit à une augmentation de la WTC et de la pratique de la L2 chez les apprenants.

4. La création des tâches de simulation authentiques

En prenant en compte les résultats et recommandations de la recherche, des tâches de simulation immersives (utilisant des vidéos 360 degrés), plaçant virtuellement les apprenants dans des situations du quotidien, ont été créées grâce à la plateforme en ligne ImmerseMe. Même si le site propose déjà plusieurs tâches de simulation en français (p. ex. commande dans une boulangerie; ouverture d’un compte en banque; arrivée à la réception d’un hôtel), le choix de réaliser nos propres tâches de simulation avait pour but de proposer des tâches se rapprochant le plus possible des situations de communication que les apprenants peuvent rencontrer dans leur quotidien montréalais. Au fil des collaborations qui pourront être tissées entre ImmerseMe et des enseignants québécois, il est à espérer que la bibliothèque de contenu s’enrichira de nouvelles tâches de simulation.

4.1 Conception des scénarios

Trois scénarios de simulation adaptés au niveau débutant sont proposés afin de placer les apprenants dans des tâches de simulation à visée authentique en ligne : commander un café, payer à l’épicerie et commander dans un bar. L’objectif de ces tâches étant de préparer à la communication dans le monde réel, les scripts (voir Figure 1) ont été conçus de manière à offrir un éventail de réponses jugées authentiques, tout en prenant soin d’incorporer des éléments lexicaux propres au français parlé au Québec (p. ex. « payer comptant »). Dans le cadre de ces scénarios, l’interaction entre l’apprenant et la tâche de simulation préprogrammée débute avec la vidéo d’un acteur ou d’une actrice posant une question en français (en italiques, dans la Figure 1), incitant l’apprenant à produire spontanément une réponse à l’oral (en gras, dans la Figure 1). Pour plus de détails sur le fonctionnement des tâches de simulation, voir la section « Mise en place en salle de classe ».

Figure 1

Extraits du script de la tâche de simulation « Payer à l’épicerie » (voir Annexe A pour une version plus développée)

Extraits du script de la tâche de simulation « Payer à l’épicerie » (voir Annexe A pour une version plus développée)

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4.2 Tournage et mise en ligne des tâches de simulation

Des sollicitations ont été envoyées par écrit à différents commerces montréalais afin de recruter des volontaires pour prendre le rôle d’acteurs dans les vidéos servant de support aux tâches de simulation. Nous nous sommes rendus dans trois établissements : une épicerie de la rue du Parc ainsi qu’un café et un bar sur la rue Saint-Laurent, à Montréal. Dans une perspective authentique, les acteurs et actrices francophones ont été recrutés sur leur lieu de travail et ont d’ailleurs contribué à ajuster le script des scénarios afin de refléter au mieux la réalité des interactions du quotidien en français. De plus, chaque réplique a été enregistrée en français et en anglais, afin de pouvoir par la suite reproduire le Montreal switch dans les tâches de simulation en ligne, lors desquelles trois réponses orales erronées conduisent la simulation à passer en anglais (dans quel cas, l’apprenant doit continuer à répondre en français pour que la simulation repasse en français).

Une caméra 360 degrés (Samsung Gear) a été utilisé pour chacun des trois tournages, d’une durée d’environ 90 minutes. Une fois le tournage des scènes terminé, les fichiers audio-vidéo ont été extraits de la carte mémoire de la caméra, puis embranchés sur le site ImmerseMe selon le scénario défini dans le script. Les tâches de simulation ont ensuite été testées par des enseignants et des apprenants pour s’assurer de leur bon fonctionnement technique.

5. Mise en place en salle de classe

Chaque tâche de simulation en ligne prend de 2 à 3 minutes à réaliser, soit une durée comparable au même type d’interaction dans le monde réel. Il est à noter que divers modes de pratique sont proposés, comme l’option d’afficher ou non les propositions de réponses à l’écran. Ceci permet à l’enseignant (ou à l’apprenant, s’il travaille en autonomie) de complexifier progressivement la tâche. Nous offrons ci-après des pistes pour la mise en place et l’exploitation de ces tâches de simulation.

5.1 Partage d’expérience et réactivation des connaissances (temps suggéré : 15 minutes)

Avant de faire réaliser une simulation en ligne aux apprenants, l’enseignant propose, dans le cadre d’une séquence didactique visant entre autres à soutenir la WTC, une période de discussion quant à leur utilisation de la L2 dans leur vie quotidienne. Ceci peut se faire en plaçant les apprenants en petits groupes afin d’instaurer un environnement d’échange moins intimidant et propice à la WTC en salle de classe (Zarrinabadi, Ketabi et Abdi, 2014). Un retour en grand groupe a ensuite lieu, ce qui permet de faire réaliser aux apprenants que les difficultés qu’ils rencontrent (p. ex. le Montreal switch) sont partagées par d’autres parmi eux. À ce stade, l’enseignant peut également orienter la discussion sur les stratégies de réalisation à l’oral (Bange, 1992), comme la paraphrase et le recours à des synonymes pour pouvoir faire passer son message, puisque l’enseignement de telles stratégies contribue à renforcer la WTC (Mesgarshahr et Abdollahzadeh, 2014).

Après cette première étape, qui vise aussi à dédramatiser la communication orale en L2, les apprenants sont invités à un remue-méninge en lien avec la tâche de simulation à venir. Pour reprendre l’exemple de la tâche de simulation à la caisse d’une épicerie, l’objectif serait là encore d’offrir un partage d’expérience et d’effectuer une mise en commun des mots et expressions fréquemment entendues dans ce contexte (p. ex : « Avez-vous la carte de points ? »; « Besoin d’un sac ? »).

5.2 Réalisation d’une simulation en ligne (temps suggéré : 15 minutes)

La réalisation d’une tâche de simulation en ligne gagne à se faire dans un laboratoire multimédia équipé d’ordinateurs et de casques audio avec microphone, pour une expérience optimale. Cela dit, les tâches de simulation sur ImmerseMe étant accessibles depuis n’importe quel appareil équipé d’une connexion internet (ordinateur, tablette, téléphone intelligent), elles représentent une excellente occasion pour un « apprentissage n’importe où, n’importe quand » (Cárdenas-Robledo et Peña-Ayala, 2018). Avant de laisser les apprenants se lancer individuellement dans la réalisation des tâches, il est judicieux pour l’enseignant de modéliser l’utilisation d’ImmerseMe (en utilisant un rétroprojecteur ou tableau numérique interactif).

Pour réaliser une simulation, les apprenants se connectent sur le site www.ImmerseMe.co, puis entrent leurs identifiants. Ils accèdent ainsi à la tâche de simulation désirée et entrent dans l’interface dans laquelle ils vont pouvoir interagir virtuellement avec les acteurs via les scènes préenregistrées. Il est à noter que plusieurs abonnements institutionnels sont disponibles (prix flexible selon le nombre d’apprenants et la durée de l’abonnement), avec également la possibilité de profiter d’un essai individuel gratuit en utilisant les identifiants disponibles dans la section « Request trial » du site. En termes de gestion de classe, un nombre de 15 à 20 apprenants réalisant dans la même salle une simulation sur ImmerseMe nous parait optimal, puisque le système de reconnaissance vocale peut avoir de la difficulté à prendre en compte des réponses à l’oral si le bruit ambiant est trop fort.

La tâche de simulation débute par une salutation et une question de la part de l’acteur ou l’actrice apparaissant dans la vidéo. Ceci initie le processus d’interaction virtuelle dans la plateforme ImmerseMe : une icône d’enregistrement vert apparait (voir Figure 2) pour signaler à l’apprenant qu’il peut enregistrer sa réponse orale. Celle-ci est traitée automatiquement grâce à la reconnaissance vocale. Si la réponse est intelligible et suffisamment proche des propositions de réponses suggérées à l’écran, la tâche de simulation se poursuit de manière dynamique, selon l’embranchement préprogrammé (basé sur le script). Par exemple, pour la tâche de simulation à l’épicerie, lorsque l’actrice propose un sac, une réponse positive influencera le montant total à payer en fin de simulation (10 ¢ en plus), pour plus de réalisme (voir Annexe A).

Figure 2

Capture d’écran de la tâche de simulation « Payer à l’épicerie »

Capture d’écran de la tâche de simulation « Payer à l’épicerie »

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Dans le cas où un apprenant ne comprend pas la question qui lui est posée, il lui est possible de rejouer la vidéo ou de faire apparaitre la traduction anglaise. Si sa réponse orale n’est pas reconnue par le logiciel de reconnaissance vocale, l’apprenant peut aussi faire jouer la prononciation des suggestions de réponses (court enregistrement audio créé automatiquement par synthèse vocale), puis retenter d’enregistrer sa réponse. En somme, en plus de renforcer la confiance en soi en L2 en plaçant les apprenants dans des situations de communication à visée authentique, les technologies de la parole permettent au passage de travailler l’intelligibilité et la compréhensibilité (O’Brien et coll., 2018).

L’exactitude grammaticale et lexicale n’étant pas l’objectif principal de ces tâches de simulation, le logiciel de reconnaissance vocale est programmé pour considérer les réponses orales correctes tant que le taux de correspondance entre le message oral détecté par reconnaissance vocale et le script préprogrammé atteint 75 %. Ce choix pédagogique s’explique par deux raisons : premièrement, il reflète la réalité des situations de communication authentiques (lors desquelles la conversation suit généralement son cours tant que les mots clés d’une commande ou d’une transaction sont compris par les deux interlocuteurs); et deuxièmement, il permet d’éviter une réaction anxiogène ou une perte de confiance soudaine chez l’apprenant qui ne parviendrait pas à faire reconnaitre ses réponses à 100 % par reconnaissance vocale (ce qui irait à l’encontre de l’objectif de développement de la confiance en soi et de la WTC en L2).

Enfin, puisque les tâches de simulation proposées utilisent des vidéos 360 degrés, les apprenants peuvent observer virtuellement les alentours en changeant l’angle de vue avec leur souris (ordinateur) ou leur doigt (téléphone ou tablette), tel qu’ils le feraient sur des plateformes de type Google Maps. Au-delà du sentiment de présence et de réalisme ainsi créé, ceci permet à celui qui prend part à la tâche de simulation de s’appuyer sur des indices visuels et contextuels pour mieux comprendre certaines des questions posées (p. ex. « se pencher » pour lire le menu qu’un acteur pointe du doigt; réaliser qu’une actrice propose d’activer une carte de points).

Puisque le site propose différents modes de pratique au niveau de difficulté progressive (p. ex. simulation avec ou sans sous-titres) et fournit les scripts de l’ensemble des scénarios, l’apprenant qui a des questions ou des incompréhensions pourra s’y référer au besoin, puis demander l’assistance de l’enseignant, le cas échéant. 

5.3 Retour sur la tâche (temps suggéré : 20 minutes)

À la suite de la réalisation de la tâche, l’enseignant lance une activité métacognitive supplémentaire pour inviter les apprenants à réfléchir sur la tâche accomplie (potentielles difficultés rencontrées, mais aussi progrès perçus). Il peut notamment leur demander de faire le lien entre la réalisation de la tâche et leur utilisation du français dans une situation similaire à l’extérieur de la salle de classe. Cette activité prend soit la forme d’un retour en grand groupe, soit celle d’un journal de bord réflexif, comme le suggèrent Gregersen et MacIntyre (2014).

La réalisation des tâches en ligne est suivie d’une pratique similaire en personne en binôme. Le jeu de rôle en face à face constituera l’occasion d’introduire des variations linguistiques et scénaristiques, ce qui augmentera la confiance des apprenants en leur capacité à mener à bien une interaction en L2. À cet égard, les tâches de simulation proposées semblent idéales pour renforcer le sentiment d’efficacité (Bandura,1990) au niveau débutant, en parallèle à la WTC. En effet, Bandura (1990) définit le sentiment d’efficacité comme la croyance de l’individu en sa capacité à atteindre certains objectifs (dans notre cas, communicatifs). Or, le fait de mener à bien les tâches de simulation en ligne tend à renforcer chez les apprenants de L2 la croyance qu’ils seraient capables de transposer cette expérience avec succès dans le monde réel (Papin, à paraitre). Proposer la tâche sous différents formats permet aussi de prendre en compte les différences individuelles en termes de style d’apprentissage, mais aussi de WTC (Wen et Clément, 2003).

Les différentes tâches de simulation en ligne n’ont bien sûr pas à être réalisées immédiatement les unes à la suite des autres. Au contraire, leur espacement durant la session ou l’année scolaire permettra de les intégrer de manière appropriée, selon la thématique et les objectifs linguistiques de la séquence didactique visée. Ainsi, les apprenants accumuleront au fil du temps des expériences peu anxiogènes de pratique de la L2, ce qui s’avère avoir un impact positif sur la WTC à long terme (MacIntyre, 2020).

6. Conclusion

Le présent article a permis d’exposer le processus de création et la mise en place de tâches de simulation en ligne ayant pour objectif de renforcer la WTC en L2. Plus de recherche est toutefois nécessaire pour déterminer l’influence de ces tâches lors de la communication dans le monde réel, étant donné que divers facteurs situationnels (anxiété liée à une incompréhension, peur du jugement de l’interlocuteur, confiance en sa capacité à communiquer un message spécifique) peuvent rapidement faire fluctuer la WTC et l’utilisation de la L2 (MacIntyre, 2020).

En termes d’implications pédagogiques, l’enseignant qui souhaiterait utiliser les tâches de simulation proposées ici pour renforcer la WTC de ses apprenants devrait garder à l’esprit le besoin de les contextualiser dans une séquence didactique plus large. Il conviendra alors de s’assurer de la pertinence des activités proposées avant et après la réalisation des tâches de simulation (lexique adapté au contexte sociolinguistique d’apprentissage et correspondance avec les expériences linguistiques pouvant être vécues hors de la salle de classe), tout en instaurant un environnement de classe peu anxiogène et favorable au développement du sentiment d’efficacité. À l’heure actuelle, le principal défi au développement d’autres tâches de simulation à visée authentique en ligne reste certainement l’investissement de temps. La plateforme ImmerseMe propose néanmoins déjà plusieurs tâches de simulation en français, accessibles en tout temps aux apprenants disposant d’un accès utilisateur. Enfin, une collaboration enseignants-chercheurs gagnerait selon nous à être mise en place afin de créer d’autres tâches de simulation à l’avenir. En attendant, les enseignants souhaitant en apprendre plus sur ImmerseMe (forces et faiblesses de la plateforme) peuvent se référer à la revue critique réalisée (en anglais) par Berti (2020).