Corps de l’article

Durant les dernières années, différentes formes de thérapies en ligne ont vu le jour afin de répondre à certaines contraintes des thérapies administrées en personne. Par exemple, les autotraitements en ligne pour des problèmes de santé mentale tels que le trouble de stress posttraumatique (TSPT) ou les troubles anxieux présentent un bon ratio coût-efficacité et permettent de favoriser une meilleure accessibilité à l’aide psychologique, en palliant les obstacles de la psychothérapie en personne, notamment les limites financières et les délais d’attente associés aux services en personne (Andersson et Titov, 2014 ; Commission de la santé mentale au Canada, 2014 ; Kumar et coll., 2017 ; Lindsäter et coll., 2019). Leur efficacité a été démontrée pour de nombreuses difficultés psychologiques, comme le TSPT, la dépression et l’anxiété (Andersson et coll., 2019 ; Andrews et coll., 2018 ; Barak et coll., 2008 ; Linde et coll., 2015 ; Simblett et coll., 2017).

Malgré les bénéfices et les avantages potentiels des autotraitements, les taux élevés d’abandon constituent une limite rapportée par de multiples études (Melville et coll., 2010 ; Peñate et Fumero, 2016 ; Simon et coll., 2019 ; Wangberg et coll., 2008). Selon la méta-analyse de Cuijpers et coll. (2019) ayant comparé les modalités de traitement cognitivo-comportemental pour la dépression, les taux d’abandon observés dans les études portant sur des autotraitements en ligne seraient significativement plus élevés que ceux observés dans celles portant sur les traitements administrés en personne. Une méta-analyse portant sur l’acceptabilité des interventions en ligne pour la dépression a montré que les études rapportent des taux d’abandon de 31,5 % en moyenne, et que ceux-ci peuvent aller jusqu’à 63 % (Rost et coll., 2017).

Outre la perte de participants au cours du traitement, des études ont également relevé d’autres difficultés d’adhésion des participants qui s’engagent dans les autotraitements administrés en ligne (Baumel et coll., 2019 ; Fleming et coll., 2018 ; Simco et coll., 2014). Selon Donkin et coll. (2011), l’adhésion peut être définie par la mesure selon laquelle les individus font l’expérience du contenu de l’intervention en ligne telle qu’elle a été conçue, soit en consultant tous les modules de l’intervention et en consacrant du temps à l’utilisation de la plateforme. Seulement deux tiers des participants en moyenne réalisent tous les modules des interventions pour l’anxiété et la dépression administrées en ligne, selon une recension systématique (Simco et coll., 2014). Celle-ci souligne également que la moitié des études recensées ne présentaient pas de données d’utilisation de l’intervention. Parmi celles qui en ont rapporté, la majorité n’a présenté que la proportion des participants qui ont complété l’intervention ou la proportion de l’intervention réalisée par les participants, sans inclure d’autres indicateurs d’utilisation (p. ex. nombre de connexions à la plateforme). Ces données sont pourtant utiles pour comprendre et optimiser l’adhésion aux interventions en ligne.

L’adhésion, telle que mesurée par le nombre de modules complétés, serait corrélée positivement avec l’efficacité des autotraitements en ligne ciblant la santé physique et mentale (Donkin et coll., 2011 ; Karyotaki et coll. 2017 ; Chen et coll., 2020). Selon la méta-analyse de Wright et coll. (2019), il s’agirait d’ailleurs d’un modérateur important de l’effet des traitements pour la dépression. L’étude de Fuhr et coll. (2018) a permis d’observer que le nombre de modules complétés et la durée d’utilisation d’un autotraitement en ligne pour la dépression constituaient des prédicteurs d’une plus grande réduction des symptômes. Une étude évaluant un traitement en ligne pour la phobie sociale est arrivée à une conclusion similaire ; les participants ayant complété plus de modules ont rapporté une plus grande amélioration de leurs symptômes, ainsi que les personnes s’identifiant au genre féminin (Chen et coll., 2020). Toutefois, Hilvert-Bruce et coll. (2012) ont observé que les participants ayant abandonné un traitement cognitivo-comportemental en ligne pour la dépression dans un contexte de soins de santé primaire avaient tout de même bénéficié d’une diminution significative de leurs symptômes dépressifs pour chaque module complété. Cette observation suggère qu’il pourrait y avoir une association positive entre le dosage de traitement reçu et la réponse aux interventions thérapeutiques administrées en ligne, et souligne l’importance d’explorer comment les participants interagissent avec une plateforme de traitement en ligne, au-delà des taux d’abandon de traitement.

Malgré l’existence de plusieurs traitements en ligne pour les personnes avec des troubles anxieux, du sommeil, de l’humeur et de stress posttraumatique, peu d’études se sont penchées sur les données d’utilisation de telles interventions. Parmi les études qui se penchent sur ces indicateurs, le lien entre les données d’utilisation et l’efficacité du traitement n’est souvent pas exploré (Sieverink et coll., 2017). Étant donné le potentiel de la modalité en ligne à pallier les obstacles limitant l’accès à l’aide psychologique, il importe de documenter les interactions des usagers avec ces outils en lien avec l’amélioration des symptômes ciblés. Mieux comprendre l’interaction des participants avec une plateforme de traitement en ligne déployée à grande échelle et son association avec les gains thérapeutiques pourrait permettre de mettre en place des moyens de favoriser la rétention des participants en traitement et, ultimement, d’optimiser les bénéfices qu’ils peuvent en retirer.

Contexte

Cette étude rapporte les données secondaires d’un essai randomisé contrôlé (ECR) évaluant l’efficacité de la plateforme de traitement en ligne RESILIENT, développée pour les personnes évacuées des feux de Fort McMurray de 2016 et ciblant les symptômes de TSPT, le sommeil et l’humeur (Belleville et coll., 2019). Les feux de forêt de mai 2016 à Fort McMurray, Alberta (Canada) ont entraîné l’évacuation massive d’environ 88 000 personnes, une des plus grandes évacuations causées par des feux de forêts dans l’histoire du Canada, et détruit environ 2 400 maisons et bâtiments (Government of Alberta, 2016). En août 2016, les services de santé de l’Alberta ont estimé que le personnel de santé mentale de la ville avait reçu 20 000 références en 3 mois, comparativement à 1 200 par année. En réponse à cet événement, notre équipe a reçu le mandat d’évaluer les besoins de la population de Fort McMurray en termes de santé mentale, ainsi que de créer et diffuser des outils fondés sur des données probantes pour promouvoir la résilience (la plateforme de traitement en ligne RESILIENT).

Objectifs

L’objectif de cette étude est de documenter les données d’utilisation de la plateforme de traitement RESILIENT par les personnes évacuées des feux de Fort McMurray et leurs impressions subjectives envers les composantes thérapeutiques présentées dans la plateforme (objectif 1). L’étude vise aussi à examiner le pouvoir prédictif des données d’utilisation sur la réduction des symptômes de TSPT, d’insomnie et de dépression (objectif 2), et sur l’adhésion au traitement, mesurée par le nombre de modules consultés par les participants (objectif 3).

Méthode

Participants et procédure

Une enquête téléphonique a été menée en mai 2017 auprès de 1 510 résidents de Fort McMurray sélectionnés au hasard par un logiciel d’échantillonnage standardisé (ASDE). Après l’enquête, les participants intéressés pouvaient poursuivre leur participation au volet longitudinal de l’étude, comprenant 4 évaluations en ligne à 6 mois d’intervalles chacune (T1 à T4) et la possibilité de faire partie du volet traitement. Chaque évaluation comprenait des questionnaires validés évaluant la sévérité des symptômes de TSPT (PTSD Checklist for DSM-5 [PCL-5]), d’insomnie (Insomnia Severity Index [ISI]) et de dépression (Patient Health Questionnaire, dépression subscale [PHQ-9]).

Pour être invités au traitement, les participants devaient présenter des symptômes modérés de TSPT (≥ 23 au PCL-5)[1], ou des symptômes légers de TSPT (≥ 10 au PCL-5) et de dépression (≥ 10 au PHQ-9) ou d’insomnie (≥ 8 à l’ISI). Après le T1 (novembre 2017 ; n = 364), 10 participants répondant aux critères d’inclusion et sélectionnés au hasard ont été invités dans le cadre d’un essai pilote pour tester la fonctionnalité de la plateforme (8 ayant accepté). Après le T2 (mai 2018 ; n = 310), les participants répondant aux critères d’inclusion (n = 136) ont été randomisés soit à un groupe de traitement (n = 69, 40 ayant accepté), soit à un groupe contrôle de type liste d’attente. Après le T3 (novembre 2018 ; n = 294), les participants randomisés au groupe contrôle (n = 67, 33 ayant accepté), ainsi que les participants qui répondaient désormais aux critères d’inclusion (n = 32, 16 ayant accepté) ont été invités à prendre part au traitement.

Intervention

La plateforme RESILIENT est un autotraitement en ligne guidé par un thérapeute qui cible les symptômes de TSPT, le sommeil et l’humeur. Elle a été développée à la suite d’une étude préliminaire effectuée auprès de résidents de Fort McMurray évacués lors des feux démontrant que ceux-ci présentaient des symptômes importants de TSPT, d’insomnie et de dépression (Belleville, Ouellet et Morin, 2019). Elle comprend 12 modules offrant des composantes psychothérapeutiques basées sur les données probantes, telles que la psychoéducation sur le TSPT, le sommeil et la dépression, l’exposition graduelle et prolongée à des situations et à des souvenirs évités, la TCC de l’insomnie, l’activation comportementale, la respiration diaphragmatique, les stratégies de résolution de problèmes, la restructuration cognitive, le traitement des cauchemars avec la révision et la répétition par imagerie mentale et des exercices de pleine conscience, d’autocompassion et d’acceptation radicale (tableau 1). Étant hébergée sur un site Web de l’Université Laval, la plateforme ne nécessitait pas de prérequis informatique ou d’installation de logiciel. Elle était accessible sur tout ordinateur ou appareil mobile ayant accès à Internet.

L’accès à un module était possible une semaine après l’achèvement du module précédent. Le matériel présenté était entrecoupé d’exercices de réflexion au cours desquels le participant pouvait écrire ses propres pensées. Pour que les participants puissent trouver leur compte à l’intérieur de chaque module, chacun d’eux était subdivisé en sous-sections touchant aux divers symptômes visés par le traitement (voir le tableau 1 pour les stratégies abordées par chaque sous-section). Il était donc proposé à tous les participants d’accéder aux 12 modules, mais ils avaient la liberté de ne pas effectuer les exercices moins pertinents quant à leur situation spécifique. La plateforme offrait également 6 outils interactifs, accessibles en tout temps : un journal du sommeil calculant l’efficacité moyenne hebdomadaire du sommeil et proposant des recommandations de temps pour la fenêtre de sommeil, un outil de suivi des exercices de respiration diaphragmatique, un planificateur d’activités pour soutenir l’activation comportementale, un outil de suivi des exercices d’exposition graduelle et prolongée, une série structurée de questions pour soutenir la restructuration cognitive, et un outil de résolution de problèmes. Les participants avaient la consigne de remplir le journal du sommeil chaque matin et l’outil d’activation comportementale chaque semaine. Il était suggéré de pratiquer la respiration diaphragmatique 2 fois par jour et l’exposition graduelle et prolongée plusieurs fois par semaine. Il était suggéré d’utiliser les outils de restructuration cognitive et de résolution de problèmes au besoin.

Tableau 1

Contenu des modules de l’intervention en ligne

Contenu des modules de l’intervention en ligne

Tableau 1 (suite)

Contenu des modules de l’intervention en ligne

Note. a Chaque module commence par une sous-section intitulée « Bienvenue au module X ! », qui donne un aperçu du contenu du module, et se termine par une sous-section intitulée « Beau travail ! », qui résume les tâches de la semaine et offre un bref aperçu du contenu du prochain module.

b Chaque module comprend une révision des stratégies précédemment couvertes.

* Stratégies autoévaluées au module 12 (dernier module).

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Des étudiants au doctorat en psychologie clinique, supervisés par une psychologue d’expérience, effectuaient des contacts hebdomadaires pendant 12 semaines par vidéoconférence ou par téléphone, selon la préférence du participant. Ces contacts, d’une durée approximative d’une demi-heure, visaient à répondre aux questions relatives au contenu de la plateforme, réviser l’adhésion aux exercices et fournir des encouragements ; ils permettaient aussi d’identifier et référer rapidement les participants en cas de besoin (p. ex. détérioration significative du fonctionnement, crise suicidaire). Afin de respecter le rythme de tous, les participants avaient 6 mois pour compléter les 12 modules, bien qu’il était suggéré de compléter un module par semaine. De plus, un soutien technique était assuré par des membres du Centre de services en technologies de l’information et en pédagogie de l’Université Laval.

Mesures

Symptômes psychopathologiques. Pour rendre compte des symptômes de TSPT, de dépression et d’insomnie, des questionnaires autorapportés validés ont été utilisés. Le PCL-5 est une échelle qui évalue la sévérité des symptômes du TSPT selon les critères du DSM-5. Un seuil de 33 est utilisé pour identifier les personnes présentant un TSPT probable (Weathers, 2013). La sous-échelle de dépression du PHQ-9 évalue les symptômes de dépression. Un score de 5 au PHQ-9 représente un niveau léger de symptômes de dépression (Kroenke et coll., 2001). L’ISI (Bastien et coll., 2001) est un questionnaire évaluant la sévérité des symptômes d’insomnie. Un score de 10 est optimal pour détecter l’insomnie dans un échantillon communautaire (Morin et coll., 2011).

Utilisation de la plateforme. Le nombre de modules consultés, le nombre de connexions à la plateforme, le délai entre la première et la dernière connexion, le nombre de mots dans les exercices de réflexion pour chaque module et le nombre d’entrées dans les outils interactifs (individuels, puis synthétisés à l’aide d’une somme totale) ont été recueillis automatiquement via la plateforme. D’autres mesures d’utilisation étaient intégrées au contenu de la plateforme et autoévaluées par les participants. Au module 7 (mi-parcours), les niveaux d’efforts autorapportés du participant aux outils introduits jusqu’à ce moment (le journal du sommeil, les outils de respiration diaphragmatique, d’activation comportementale, d’exposition graduelle et prolongée et de restructuration cognitive), ont été mesurés à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 (très peu) à 5 (beaucoup). Étant donné la forte corrélation entre les niveaux d’efforts autorapportés pour ces 5 outils, la moyenne a été utilisée dans les analyses. Au module 12 (dernier module), les principales stratégies apprises étaient présentées aux participants qui devaient indiquer si, oui ou non : 1) ils avaient trouvé la stratégie utile ; 2) ils y avaient mis des efforts ; 3) ils comptaient continuer à l’appliquer.

Analyses statistiques

Des analyses descriptives sont utilisées pour présenter les données d’utilisation de la plateforme (objectif 1). Afin de prédire la réduction des symptômes de TSPT, de dépression et d’insomnie (objectif 2), ainsi que le nombre de modules consultés par les participants (objectif 3), des modèles de régressions séquentielles ont été effectués, avec un contrôle statistique pour les symptômes au prétraitement, l’âge et le genre. Tous les participants étaient inclus dans les analyses, sans égard à leur niveau de symptômes. Pour chaque variable prédite, un premier modèle multivarié a été généré incluant toutes les variables prédictives à l’étude. Chaque variable non significative, présentant un problème de multicolinéarité ou ayant un effet de suppression a ensuite été retirée pour produire les modèles finaux. Les variables prédites avaient entre 0 et 19 % de données manquantes. Aucune méthode de remplacement des données manquantes n’a été utilisée dans le cadre de cette étude.

Résultats

Analyses descriptives et préliminaires

Les participants (tableau 2) avaient en moyenne 46 ans (ET = 11,4 ; étendue = 19-71) et étaient majoritairement des femmes (n = 68 ; 70 %). La majorité était mariée ou en couple (n = 71 ; 73 %) et avait une scolarité postsecondaire (n = 76 ; 78 %). La majorité s’identifiait comme blanche (n = 84 ; 88 %) et citoyenne canadienne (n = 85 ; 95,5 %).

Afin de rendre compte de l’efficacité de la plateforme pour la réduction des symptômes psychopathologiques, des analyses de la variance (ANOVA) à mesure répétées ont révélé que les participants ont connu une amélioration significative au PCL-5 (F[1,78] = 50,01 ; p < .001 ; η2 partiel = 0,39), au PHQ-9 (F [1,78] = 28,86 ; p < .001, η2 partiel = 0,27) ainsi qu’à l’ISI (F [1,78] = 38,93 ; p < .001 ; η2 partiel = 0,33).

Tableau 2

Caractéristiques sociodémographiques

Caractéristiques sociodémographiques

Note. Les pourcentages réels sont présentés, et tiennent compte des données manquantes (non présentés).

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Figure 1

Moyenne, moyenne cumulative et médiane des mots entrés dans les exercices de réflexion, par module (1 à 12)

Moyenne, moyenne cumulative et médiane des mots entrés dans les exercices de réflexion, par module (1 à 12)

Note. Les participants ont écrit davantage de texte dans les modules 8, 9 et 10, soit ceux où il était demandé d’écrire le contenu de leurs souvenirs traumatiques et de leurs cauchemars.

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Données d’utilisation de la plateforme (objectif 1)

Les participants ayant accepté de participer au traitement (n = 97) ont consulté en moyenne 6 modules (ET = 5,3 ; médiane = 6), ont passé en moyenne 76 jours, ou environ 11 semaines sur la plateforme (ET = 69,5 ; étendue = 0-370 ; médiane = 79), et se sont connectés en moyenne 18 fois (ET = 20,6 ; étendue = 0-97 ; médiane = 12). Quarante-neuf (49) participants ont consulté au moins la moitié du traitement, et 48 participants se sont retirés avant d’avoir accédé à la moitié du contenu. Les participants ont entré en moyenne 2 124 mots dans les exercices de réflexion (ET = 3 200 ; étendue = 0-15 336 ; médiane = 359 ; figure 1).

Outils interactifs. Les participants ont fait en moyenne 21 entrées dans les 6 outils fournis (ET = 34,4 ; étendue = 0-216 ; médiane = 5). Plus précisément, en moyenne, les participants ont fait 13 entrées dans le journal du sommeil (équivalant à 13 jours, ET = 20,1 ; étendue = 0-88 ; médiane = 2), 4 entrées dans l’outil d’activation comportementale (équivalant à 4 semaines, ET = 6,1 ; étendue = 0-34 ; médiane = 1), 2 entrées dans l’outil de respiration diaphragmatique (ET = 5,2 ; étendue = 0-46 ; médiane = 0), et une entrée dans les outils d’exposition graduelle et prolongée (ET = 4,6 ; étendue = 0-33 ; médiane = 0), de restructuration cognitive (ET = 2,5 ; étendue = 0-20 ; médiane = 0) et de résolution de problèmes (ET = 1,9 ; étendue = 0-2 ; médiane = 0).

Figure 2

Stratégies autoévaluées en fin de traitement

Stratégies autoévaluées en fin de traitement

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Niveaux d’efforts autorapportés du participant au module 7 (mi-parcours). Les participants ont rapporté en moyenne avoir investi un niveau d’effort moyen (M = 3,5/5 ; ET = 0,6). Plus précisément, ils ont rapporté une moyenne de 4,0/5 pour l’outil d’activation comportementale (ET = 0,8 ; médiane = 4), 3,6/5 pour l’outil de respiration diaphragmatique (ET = 0,9 ; médiane =3), 3,6/5 pour la restructuration cognitive (ET = 1,0 ; médiane = 4), 3,4/5 pour le journal du sommeil (ET =1,2 ; médiane = 4) et 2,9/5 pour l’outil d’exposition graduelle et prolongée (ET = 1,3 ; médiane = 3).

Revue des stratégies principales de la plateforme au module 12 (dernier module). Seuls les participants ayant consulté la totalité des sessions (n = 42) ont répondu à l’autoévaluation de 17 stratégies, présentée au module 12. Ils ont mentionné avoir mis des efforts pour 5 stratégies en moyenne (ET = 4,5 ; médiane = 4). Ils ont identifié en moyenne 10 stratégies comme étant utiles (ET = 5,4 ; médiane = 10,5), et ont mentionné qu’ils continueraient à appliquer, en moyenne, 7 des stratégies apprises (ET = 5,6 ; médiane = 7). L’outil d’activation comportementale a été particulièrement apprécié par les participants. En effet, 57 % (n = 24) ont mentionné avoir mis des efforts pour cet outil, 79 % l’ont trouvé utile (n = 33) et 64 % (n = 27) ont mentionné vouloir continuer à l’appliquer au-delà du traitement (figure 2)

Prédicteurs de la réduction de symptômes (objectif 2) et du nombre de modules consultés (objectif 3)

Symptômes psychopathologiques. Les données d’utilisation de la plateforme permettent d’expliquer 79 % de la variance de la réduction des symptômes de TSPT (R2 = 0,79 ; R2 ajusté = 0,77 ; F[5 ;36] = 27,82 ; p < 0,001), 51 % de la variance de la réduction des symptômes de dépression (R2 = 0,51 ; R2 ajusté = 0,44 ; F[5 ;36] = 7,45 ; p < 0,001) et 48 % de la variance de la réduction des symptômes d’insomnie (R2 = 0,55 ; R2 ajusté = 0,48 ; F[5 ;36] = 8,64 ; p < 0,001). Spécifiquement, une réduction des symptômes de TSPT, de dépression et d’insomnie était prédite significativement par le nombre de modules consultés (β = -0,41 ; -0,53 ; -0,49 respectivement, tous p < 0,001) ainsi que par le niveau d’efforts moyen autorapportés au module 7 (β = - 0,43 ; p < 0,001 ; β = - 0,38 ; p = 0,005 et β = - 0,36 ; p = 0,007 respectivement).

Chaque module supplémentaire consulté était associé à une réduction de 1,33 point au PCL-5 (IC 95 % [- 1,85 ; - 0,81]), 0,65 point au PHQ-9 (IC 95 % [- 0,96 ; - 0,35]) et 0,68 point à l’ISI (IC 95 % [- 1,01 ; - 0,36]). Chaque point d’efforts moyen supplémentaire autorapportés au module 7 était associé à une réduction de 11,47 points au PCL-5 (IC 95 % [- 16,23 ; - 6,70]), de 3,92 points au PHQ-9 (IC 95 % [- 6,55 ; - 1,29]) et de 4,12 points à l’ISI (IC 95 % [- 7,02 ; ‑ 1,22]).

Nombre de modules consultés. Les données d’utilisation permettaient aussi d’expliquer 70 % de la variance du nombre de modules consultés (R2 = 0,70 ; R2 ajusté = 0,69 ; F[5,88] = 41,46 ; p < 0,001). Le nombre de mots dans le 4e module (β = 0,34 ; p < 0,001) et dans le 7e module (β = 0,44 ; p < 0,001) ainsi que le nombre d’entrées dans le journal du sommeil (β = 0,28 ; p < 0,001) prédisaient une augmentation du nombre de modules complétés. Chaque mot additionnel dans les boîtes de texte du 4e module représentait une augmentation de 0,03 module complété (IC 95 % [0,02 ; 0,05]), et chaque mot additionnel dans le 7e module représentait une augmentation de 0,02 module complété (IC 95 % [0,01 ; 0,02]). Chaque entrée supplémentaire au journal de sommeil représentait une augmentation de 0,07 module consulté (IC 95 % [0,04 ; 0,11] ; tableau 3).

Tableau 3

Résultat des analyses de régression

Résultat des analyses de régression

Tableau 3 (suite)

Résultat des analyses de régression

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Discussion

La présente étude visait à explorer l’utilisation de la plateforme RESILIENT, un autotraitement guidé en ligne pour promouvoir la résilience après un événement traumatique. Plus spécifiquement, elle visait à documenter les données d’utilisation des différentes stratégies et outils proposés par la plateforme, d’examiner leur association avec l’efficacité du traitement sur les symptômes de TSPT, d’insomnie et de dépression et d’explorer les déterminants de l’adhésion au traitement, mesurée à l’aide du nombre de modules consultés.

Les résultats ont confirmé qu’une plus grande interaction avec la plateforme influence positivement l’efficacité du traitement. Lorsque les participants accèdent à un plus grand nombre de modules et considèrent mettre des efforts à l’application des stratégies apprises, ils constatent une amélioration plus importante de leurs symptômes de TSPT, de dépression et d’insomnie. Il est particulièrement intéressant de constater qu’un seul point supplémentaire d’efforts autorapportés par les participants à la mi-parcours, évalué sur une échelle de 1 à 5, était associé à une amélioration cliniquement significative pour les symptômes de TSPT (représenté par une diminution du score au PCL-5 de 10 ou plus ; National Center for PTSD, s.d.). Pour ce qui est des symptômes de dépression et d’insomnie, un seul point d’effort supplémentaire était aussi associé à une amélioration qui se rapprochait du stade de changement significatif clinique (5 pour le PHQ-9 [McMillan, Gilbody et Richards, 2010] et 6 pour l’ISI [Yang, Morin, Schaefer et Wallenstein, 2009]). Ces résultats démontrent l’importance de stimuler l’effort et l’engagement des participants dans les traitements autoadministrés en ligne pour qu’ils puissent en retirer le maximum de bénéfices.

Dans cet échantillon, les meilleurs prédicteurs de l’adhésion au traitement étaient l’engagement aux 4e et 7e modules et l’utilisation du journal de sommeil. Le 4e module semble représenter la dernière porte de sortie majeure des participants. En effet, 85 % des participants qui n’accèdent pas au contenu complet ont quitté la plateforme avant le 4e module. La grande majorité (84 %) des participants qui ont complété le 4e module ont accédé au traitement complet. Comme les premiers modules présentent la majorité du contenu de l’intervention, les participants qui abandonnent le traitement à ce moment le font probablement s’ils ne se sentent pas interpellés par le contenu, ou que celui-ci n’est pas adapté à leur situation. Le fait de percevoir l’intervention comme n’étant pas appropriée à son expérience personnelle est un facteur identifié pour expliquer le manque d’adhésion (Beatty et Binnion, 2016) et a d’ailleurs été souligné par les thérapeutes ayant fourni le traitement RESILIENT aux participants de l’étude (Békés et coll., 2020). De plus, pour adhérer à des traitements en ligne, le participant doit présenter de bons niveaux de motivation et être prêt au changement (Al-Asadi et coll. 2014). Il pourrait s’avérer utile de mesurer le niveau de motivation et le stade de préparation au changement des participants au début du traitement (Prochaska et coll., 1988), et de se pencher sur des interventions spécialisées à cet égard pour les participants qui en démontrent de faibles niveaux. Une telle approche pourrait réduire l’attrition observée dans les premiers modules d’un traitement en ligne.

Le 7e module de la plateforme RESILIENT représente la mi-parcours du traitement et les participants y sont invités à réfléchir sur leur progrès ainsi qu’à formuler des buts spécifiques pour la suite. Le fait que la consultation de ce module prédise l’adhésion au traitement semble souligner l’importance d’évaluer les progrès concrètement dans les traitements en ligne et de fixer des buts spécifiques. Ces résultats sont en accord avec l’approche de conception des systèmes persuasifs, associée à une meilleure adhésion à des interventions de santé administrées en ligne (Oinas-Kukkonen et Hariumaa, 2009). Des stratégies de soutien au dialogue, qui incluent des rétroactions, des récompenses et des suggestions, ont été associées à l’adhésion (Kelders et coll., 2012). À la lumière des résultats de cette étude, il s’avère important de fournir un soutien régulier (El Alaoui et coll., 2015 ; Lancee et coll., 2013 ; Postel et coll., 2010 ; Titov et coll., 2013), misant sur les rétroactions, l’élaboration d’objectifs spécifiques et l’évaluation des progrès afin de soutenir l’adhésion du participant.

Également, le journal de sommeil est présenté dès le premier module et nécessite une discipline particulière, puisqu’il requiert une entrée par jour, contrairement aux autres outils qui sont à utiliser au besoin. Ces résultats suggèrent qu’une interaction accrue et soutenue en début de traitement semble être un bon prédicteur de l’achèvement du traitement. Ce type de stratégies devrait être accompagné par des contacts ou des rappels réguliers, ce qui a été associé à une meilleure adhésion ainsi qu’à un meilleur engagement des participants (Alkhadi et coll., 2016 ; Beintner et Jacobi, 2019 ; Fry et Neff, 2009 ; Kelders et coll., 2012).

Finalement, l’évaluation du niveau d’utilité perçue, d’efforts et de volonté de continuer d’appliquer les stratégies principales par les participants a permis de souligner ce qui semble convenir le mieux aux participants d’un tel traitement en ligne. La stratégie d’activation comportementale a été la plus souvent mentionnée comme utile, et les participants y ont mis des efforts et veulent la continuer. La respiration diaphragmatique, l’optimisation du soutien social et l’inclusion de l’exercice physique dans leur quotidien ont également été identifiées par les participants. Il s’agit de stratégies simples et faciles à intégrer, et que les participants apprécient. Miser sur ces stratégies pourrait soutenir l’adhésion des participants au traitement, et favoriser l’adhésion aux composantes qui nécessitent plus d’efforts et qui sont plus confrontantes, comme la restructuration cognitive et l’exposition graduelle et prolongée. Ces stratégies ont d’ailleurs été mises de côté par les participants de cette étude comme le démontrent les données sur leur utilisation moyenne et de leur niveau perçu d’utilité.

Dans le cadre de cette étude, les participants qui présentaient un certain niveau de symptômes se faisaient proposer de faire partie du volet intervention de l’étude longitudinale. Ceci étant, les participants n’avaient pas activement recherché à obtenir un traitement, ce qui a pu avoir un impact sur l’adhésion et l’engagement au traitement. De plus, cette étude n’a pas prévu de récupération des données inscrites ailleurs que dans la plateforme, si un participant préférait inscrire ses pensées et réflexions sur papier, par exemple. Il est possible que des données précieuses aient été manquées pour cette raison. Finalement, le nombre de contacts entre les thérapeutes et leurs participants n’a pas été inclus dans cette étude. Il sera intéressant de constater l’impact du nombre et de la nature des contacts sur l’adhésion au traitement.

Les résultats de cette étude font émerger la nécessité de tester de façon expérimentale de nouvelles façons de stimuler l’engagement, favoriser l’adhésion et d’identifier les moments clés pour intégrer ces stratégies dans le traitement. De telles informations pourraient nous instruire sur les moyens les plus acceptables et efficaces pour aider les participants à initier le traitement, à demeurer engagés à travers les différents modules, et à appliquer les stratégies proposées, des plus simples aux plus difficiles.