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Yellow Emperor: How is the impediment developed?

Qibo: The combination of wind, cold and damp Qi can cause impediment syndrome. Impediment disease caused by the dominant wind is termed migratory one; when caused by the cold, painful one; and when caused by the dominant damp, fixed one…

The Yellow Emperor’s Classic of Medicine — Essential Questions, pp. 190-194 (2019), Chapter 43: Impediment Syndrome

Introduction

Dès le début de la crise de la Covid-19 en 2020, les chercheurs en santé mentale ont alerté les pouvoirs publics sur les dangers de la situation. « Des pronostics incertains, de graves pénuries de ressources pour le dépistage, le traitement et la protection des intervenants et des prestataires de soins de santé contre l’infection, l’imposition de mesures de santé publique qui portent atteinte aux libertés individuelles, des pertes financières importantes et croissantes et des messages contradictoires des autorités sont parmi les principaux facteurs de stress qui contribueront sans aucun doute à une détresse émotionnelle généralisée et à un risque accru de maladie psychiatrique associée à la Covid-19. » (Pfefferbaum et North, 2020, p. 510)

Face à ces inquiétudes, de très nombreux articles académiques ont rapidement pointé des risques accrus de dépression et d’anxiété (Wang et al., 2020), d’insomnie (Pappa et al., 2020), une plus forte utilisation de substances (Pfefferbaum et North, 2020), ainsi qu’une augmentation du risque suicidaire (Courtet, Olie, Debien et Vaiva, 2020). Parmi les premières études empiriques, celle de Wang et al. (2020) portant sur 1 210 répondants chinois a révélé que 54 % des répondants étaient en risque psychologique modéré ou grave, tandis que 29 % ont signalé des symptômes d’anxiété modérés à sévères et 17 % des symptômes dépressifs modérés à sévères. De même, Pierce et al. (2020), en comparant des populations participant à plusieurs vagues d’enquête, mettent en évidence que la prévalence dans la population de niveaux cliniquement significatifs de détresse mentale est passée de 18,9 % en 2018-2019 à 27,3 % en avril 2020, un mois après le verrouillage du Royaume-Uni.

Parmi les troubles de santé mentale, le burnout est également évoqué. Les perturbations du travail liées à la propagation du virus (distanciation sociale, gestes barrières) et au confinement (fermeture de certains établissements, télétravail imposé) sont aussi de nature à fortement modifier le rapport de l’individu à son travail et d’engendrer des troubles mentaux, mais la population active la plus étudiée en matière de burnout est les professionnels de santé, en raison du rôle crucial qu’ils jouent pendant cette pandémie. Le caractère inédit de la crise sanitaire à laquelle s’ajoute l’afflux massif de patients qui occasionne des tensions en termes d’accueil de patients a suscité de nombreux travaux empiriques. De ce fait, de nombreux travaux ont mis en évidence les risques accrus de burnout pour les professionnels de santé (Matsuo et al., 2020 ; Jalili, Niroomand, Hadavand, Zeinali et Fotouhi, 2020 ; Talaee et al., 2020 ; Luceño-Moreno, Talavera-Velasco, Garcia-Albuerne et Martin-Garcia, 2020), avec des études précises sur les services d’urgence (Chor et al., 2020), les unités de soins intensifs (Sasangohar, Jones, Masud, Vahidy et Kash, 2020 ; Azoulay et al., 2020), les médecins (Dinibutun, 2020), les infirmières (Chen et al., 2020), les neurochirurgiens (Khalafallah et al., 2020) et les stagiaires en chirurgie (Kadhum, Farrell, Hussain et Molodynski, 2020).

Étonnement, les dirigeants propriétaires de PME[2] sont moins étudiés durant cette période, alors que la crise les expose directement à des conséquences économiques régressives. On relève sporadiquement quelques articles, mais qui axent davantage leurs préoccupations en termes de résilience (Castro et Zermeño, 2020), de faire face à l’adversité (Shepherd et Williams, 2020), voire même de défi à affronter (Salamzadeh et Dana, 2020) ou qui se focalise sur les seules start-up (Kuckertz et al., 2020). La crise sanitaire semble davantage appréhendée comme génératrice de nouveaux défis par la communauté en entrepreneuriat, qui semble avoir tendance à transformer les contraintes en opportunités, à renforcer les aspects positifs. Cette lacune est d’autant plus étonnante que les PME et leurs dirigeants jouent un rôle important dans les économies (Erken, Donselaar et Thurik, 2018), rôle encore plus crucial dans le cadre du redémarrage de l’économie (Eggers, 2020). La préservation de la santé mentale des dirigeants de PME d’aujourd’hui est un gage de l’efficacité de la relance de l’économie de demain.

Pourtant, les dirigeants de PME, qu’ils soient artisans, commerçants, professionnels libéraux ou agriculteurs constituent généralement une population à revenus plus volatils (Patel et Rietveld, 2020), ce qui les rend plus vulnérables aux périodes de crise comme celle de la Covid-19. En utilisant trois vagues de données à deux semaines d’intervalle de l’étude, Patel et Rietveld (2020) montrent que par rapport aux salariés, les travailleurs indépendants éprouvent une plus grande détresse psychologique en raison de l’insécurité financière autodéclarée (le risque de manquer d’argent). Ils montrent également que le risque autodéclaré de perte d’emploi a un impact disproportionné sur la détresse psychologique des travailleurs indépendants. Ce résultat conforte celui de Torrès, Benzari, Fisch, Mukerjee, Swalhi et Thurik (2021a) qui montrent que le risque de déposer le bilan a plus d’impact négatif sur le risque de burnout que le risque sanitaire de contracter gravement la maladie de la Covid-19. Ensemble, ces résultats soulignent que les incertitudes économiques induites par la pandémie de Covid-19 frappent durement les travailleurs indépendants, notamment en aggravant leur détresse psychologique à court terme.

Cet article répond à l’une des interrogations de l’appel à projets de la RIPME : « De nombreux entrepreneurs, aux prises avec une incertitude grandissante, auront certainement subi des contrecoups importants sur le plan de leur santé mentale et physique. » (Janssen, Tremblay, Malaaoui, St-Pierre et Thurik, 2020)

Après avoir relaté l’état de la littérature académique sur le thème du burnout des dirigeants de PME, nous montrerons que la crise sanitaire intensifie ce risque, mais en modifie aussi et surtout la forme. La question de recherche de cet article peut se résumer en deux interrogations : comment la crise affecte-t-elle le niveau d’épuisement professionnel des dirigeants de PME et quels sont les éléments de l’épuisement qui sont particulièrement impactés par la crise ?

1. L’état du risque de burnout chez les dirigeants de PME

Si à la suite des travaux pionniers de Freudenberger (1975) et de Maslach (1976) d’innombrables travaux se sont multipliés sur l’épuisement professionnel chez les salariés, ce n’est que très récemment que cette question a été abordée chez les dirigeants de PME (Jamal, 2007 ; Shepherd, Marchisio, Morrish, Deacon et Miles, 2010 ; Ben Tahar, 2014 ; Fernet, Torrès, Austin et St-Pierre, 2016 ; Lechat et Torrès, 2016b ; Mol, Ho et Pollack, 2018 ; Omrane, Kammoun et Seaman, 2018 ; Benzari, Torrès, Khedhaouria et Cucchi, 2019 ; Palmer, Kraus, Kailer, Huber et Oner, 2019 ; Soenen, Eib et Torrès, 2019 ; Torrès et Kinowski-Moysan, 2019 ; Manzano-Garcia, Ayala-Calvo et Desrumaux, 2021 ; Torrès et al., 2021a). Les dirigeants de PME sont souvent des travailleurs non salariés, raison pour laquelle, en France ainsi qu’ailleurs, ils échappent aux services de santé au travail. Pourtant, c’est une population à risque, car ils cumulent de nombreux facteurs qui amplifient le risque de burnout comme la surcharge de travail (Shepherd et al., 2010 ; Palmer et al., 2019), les journées stressantes (Lechat, 2014 ; Lechat et Torrès, 2016a), un sommeil réduit (Guiliani et Torrès, 2018), de fortes responsabilités (Algava et Vinck, 2009 ; INSERM, 2011).

Ces travaux ont permis d’identifier les facteurs augmentant le risque de burnout comme la solitude (Fernet et al., 2016), le stress (Lechat, 2014 ; Wei, Cang et Hisrich, 2015), le technostress (Benzari et al., 2019), l’affect négatif (Lechat et Torrès, 2016b), l’ambivalence de rôle (Ben Tahar, 2014 ; Shepherd et al., 2010), le conflit de rôle et la surcharge de rôle (Shepherd, Marchisio, Morrish, Deacon et Miles, 2010), la passion obsessive (Mol, Ho et Pollack, 2018) ou, à l’inverse, atténuant le risque comme la satisfaction au travail (Lechat et Torrès, 2017), l’orientation entrepreneuriale (Fernet et al., 2016), la passion harmonieuse (Mol, Ho et Pollack, 2018) ou la justice organisationnelle (Soenen, Eib et Torrès, 2019).

Les rares travaux comparatifs avec les salariés ont montré que le niveau de burnout des travailleurs indépendants et dirigeants de PME est plus élevé (Jamal, 2007 ; Kuan-Han, Chau-Chung, Tzong-Shinn, Tien-Shang et Yen-Yuan, 2020), bien que d’autres montrent l’inverse (Sikora et Saha, 2009), mais de manière très infime (Bergman, Bernhard-Oettel, Bujacz, Leineweberleineweber et Toivanen, 2021). « Ces résultats contradictoires montrent clairement qu’il pourrait être avantageux d’étudier séparément différents types de problèmes de santé mentale et d’examiner attentivement les échelles utilisées. » (Bergman et al., 2021, p. 3)

À ce propos, sur le plan méthodologique, aucun consensus ne se dégage concernant le choix des échelles de mesure. Le burnout est mesuré à l’aide de la Maslach burnout inventory general scale (MBI-GS) (Jamal, 2007 ; Shepherd et al., 2010 ; Mol, Ho et Pollack, 2018 ; Manzano-Garcia, Ayala-Calvo et Desrumaux, 2021), de l’échelle OLBI (Ben Tahar et Torrès, 2013 ; Ben Tahar, 2014), de la Dworkin’s occupational burnout scale (Sikora et Saha, 2009), de la Copenhagen burnout inventory (Kuan-Han et al., 2020), de la SMBM (Benzari et al., 2019) ou de la SMBQ (Shirom Melamed burnout questionnaire) (Bergman et al., 2021) et du BMS-10 de Pines (Fernet et al., 2016 ; Lechat et Torrès 2016b ; Soenen, Eib et Torrès, 2019 ; Torrès et Kinowski-Moysan, 2019 ; Torrès et al., 2021a). Toutefois, malgré cette diversité, l’usage du MBI et du BMS-10 semble le plus courant. Le choix de l’échelle de mesure n’est pas neutre et doit être en cohérence avec l’objet de la recherche. On peut distinguer deux optiques différentes.

Dans une optique psychiatrique clinique, il semble préférable de retenir le MBI (Maslach, Jackson et Leiter, 1996), surtout depuis que l’OMS (2019) a défini le phénomène du burnout en prenant appui sur cette triple dimension de l’épuisement émotionnel, de la dépersonnalisation et de la perte d’efficacité.

Mais dans une optique préventive infraclinique[3], il est préférable de retenir l’échelle du BMS-10 (Malach-Pines, 2005), car même si ses éléments constitutifs relèvent de trois aspects différents (émotionnel, mental et physique), c’est la seule échelle de burnout qui se focalise sur une seule dimension, celle de l’épuisement. Or, un consensus se dégage pour considérer que le processus du burnout commence avec l’épuisement avant de se propager à la dépersonnalisation et à la perte d’efficacité (Truchot, 2004 ; Palmer et al., 2019). C’est donc à ce niveau que peuvent se déceler les premiers signes d’enclenchement d’un processus de burnout. Toutefois, à ce jour, les travaux qui ont mobilisé l’échelle du BMS-10 ont peu prêté attention à l’analyse intrinsèque de l’épuisement. Or, chaque élément peut faire l’objet d’une politique de prévention adaptée. Si dans l’échelle du BMS-10 (Malach-Pines, 2005), l’évaluation globale du risque de burnout repose sur des éléments aussi différents que la fatigue, la difficulté à dormir, les sentiments de déception, de lassitude ou le désespoir, il est clair que la prévention de chacun de ces éléments appelle des dispositifs différents. Évidemment, on ne lutte pas contre la fatigue dans les mêmes termes que contre la lassitude ou le sentiment de désespoir. L’observation en détail de la façon dont s’échelonnent et se positionnent les différents éléments de l’épuisement permet d’obtenir un guide pour orienter la prévention vers les actions prioritaires. De plus, cela permet de voir si la hiérarchie des éléments est stable dans le temps avant et pendant la crise sanitaire.

La question de recherche est donc double : d’abord, parmi les éléments qui caractérisent l’épuisement, quels sont ceux qui généralement impactent le plus les dirigeants de PME ? En d’autres termes, quelle est la hiérarchie de la distribution des dix éléments de l’échelle de Pines ? Ensuite, il importe de voir si la crise sanitaire de la Covid-19 modifie ou non cette hiérarchie.

2. Description des sept échantillons

Les archives de l’observatoire Amarok constituent une opportunité pour analyser les effets occasionnés par la crise sur la santé et le risque de burnout des dirigeants de PME. Au fil de son existence, cet observatoire créé en 2010 a mesuré à 25 reprises le BMS-10 à l’aide de 10 populations différentes de dirigeants de PME.

La population cible est celle des dirigeants propriétaires de PME (au sens de la recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises [notifiée sous le numéro C(2003) 1422], JO L 124 du 20.5.2003, p. 36-41[4]) de toutes formes juridiques et de tous secteurs d’activité. Les répondants ont été retenus sur un critère de taille de l’entreprise qu’ils dirigent (effectif < 250) et sur un critère de propriété (détention du capital).

Dans le cadre de cette recherche, il a été décidé de ne pas retenir trois populations : celle de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, celle des experts-comptables d’Île-de-France et celle des dirigeants de PME de la Guadeloupe. Cette éviction répond à un choix de nature méthodologique. Ces échantillons sont soit confinés à un territoire restreint départemental ou régional (Saône-et-Loire, Guadeloupe, Île-de-France), soit ils ne sont pas interprofessionnels (experts-comptables, agriculteurs). Seules sont retenues les sept populations qui présentent à la fois une base nationale et plurisectorielle.

Les deux premiers ensembles de données proviennent d’échantillons constitués par des dirigeants de PME volontaires, adhérents du Centre des jeunes dirigeants (CJD). Les données ont été collectées par téléphone. Le premier échantillon a été constitué en décembre 2012 avec 341 participants (17,4 % de femmes) et le deuxième en février 2013 avec 393 participants (27,4 % de femmes). L’effectif salarié moyen des entreprises interrogées est respectivement de 24,97 et 15,54.

Le troisième échantillon a été établi avec des dirigeants de PME adhérents de la Fédération française du bâtiment (FFB). Bien que cet échantillon soit monosectoriel, il a été retenu, car il englobe un grand nombre de métiers différents (maçonnerie, menuiserie, électricité, chauffagiste, géomètre, économiste de la construction…). Il est constitué de 348 dirigeants de PME, dont 21,33 % de femmes interrogées par téléphone en février 2015. L’effectif salarié moyen des entreprises interrogées est de 25,21.

Le quatrième échantillon a été constitué avec la Fondation MMA : 257 dirigeants de PME, dont 36,71 % de femmes, ont été interrogés par téléphone en mai 2017. L’effectif salarié moyen des entreprises interrogées est de 3.

Le cinquième échantillon est constitué de 493 dirigeants de PME, dont 35,7 % de femmes, adhérents à la Confédération des PME (CPME). La collecte de données a été réalisée en avril/mai 2018 à l’aide d’un questionnaire en ligne. L’effectif salarié moyen des entreprises interrogées est de 13,11.

Le sixième échantillon a été réalisé par téléphone en mars 2019 selon la méthode des quotas et par l’intermédiaire d’une plateforme CATI. Il est constitué de 1 490 dirigeants de PME, dont 41,77 % de femmes. L’effectif salarié moyen des entreprises interrogées est de 6,06.

Le septième échantillon est basé sur l’enquête nationale Covid-19 (2020) réalisée en ligne du 15 au 21 avril 2020 par l’observatoire Amarok en partenariat avec le réseau consulaire français. Il est composé de 2 297 dirigeants de PME, dont 38,56 % de femmes. L’effectif salarié moyen est de 5,55.

L’âge moyen des répondants de nos échantillons fluctue de 45 ans (échantillon 4) à 54 ans (échantillon 3). Toutes les enquêtes par téléphone ont été opérées par des chercheurs doctorants en PME ou des stagiaires en master PME à l’exception de l’échantillon 6.

Un aperçu des sept échantillons est présenté dans le tableau 1.

Tableau 1

Sept enquêtes auprès des dirigeants propriétaires de PME françaises utilisant le BMS-10 sur la période 2012-2020

Sept enquêtes auprès des dirigeants propriétaires de PME françaises utilisant le BMS-10 sur la période 2012-2020

* valeur estimée.

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3. L’échelle BMS-10

Le BMS-10 (Malach-Pines, 2005), outre sa simplicité et sa petite taille (dix éléments), est une échelle unidimensionnelle, ce qui facilite la comparabilité des situations et des populations. Elle se focalise sur l’épuisement, première étape du processus de burnout (Truchot, 2004). Dans une optique infraclinique de prévention, cette échelle constitue l’outil idéal (Torrès et Kinowski-Moysan, 2019). Cette échelle, traduite en français (Lourel, Gueguen et Mouda, 2007), évalue à quelle fréquence, de 1 (jamais) à 7 (toujours), un individu ressent un degré d’épuisement selon trois aspects (Lourel, Gueguen et Mouda, 2007) :

  • l’épuisement émotionnel qui correspond au sentiment d’avoir de plus en plus de difficultés à répondre efficacement aux sollicitations de son environnement professionnel (quatre éléments : impuissant, j’en ai marre, désespéré, déprimé) ;

  • l’épuisement mental qui exprime un état d’affaiblissement et d’abandon (trois éléments : coincé, déçu et sans valeur) ;

  • l’épuisement physique qui exprime les plaintes d’un individu liées à son état physique (trois éléments : difficultés à dormir, fatigué et physiquement faible).

À l’aide de cette échelle, Malach-Pines (2005) établit trois stades. Sur une échelle dont les scores s’échelonnent de 1 à 7, un niveau inférieur à 4 indique une absence de burnout. Entre 4 et 5,5, il y a une apparition du syndrome de burnout. Lorsque le score dépasse 5,5, Malach-Pines (2005) considère qu’il y a un besoin d’assistance. Ce sont ces deux seuils de 4 et 5,5 auxquels nous prêtons attention dans le tableau 1. Le double intérêt de cette échelle est qu’elle permet d’établir une moyenne générale, mais aussi des seuils critiques.

Facile d’accès, cette échelle est un outil de prévention très utile. L’identification des premiers signes de burnout est considérée par Maslach et Leiter (2008) comme une bonne démarche de prévention. De même, l’auto-observation est un mode qui donne de bons résultats en termes de prévention (Kanfer, Reinecker et Schmelzer, 2000 ; Carod-Artal et Vázquez-Cabrera, 2013).

Le tableau 1 montre qu’avant la crise de la Covid-19, le pourcentage de dirigeants de PME en fort risque (score supérieur à 5,5) a oscillé entre 0,01 % pour l’échantillon CJD C1 et 5,27 % pour celui de la CPME. Pendant la Covid-19, cette proportion a augmenté à 9,16 %. Si l’on compare les échantillons 6 et 7 (proches dans le temps et par le montant de l’effectif), le score moyen du BMS-10 passe de 2,89 à 3,39, portant le pourcentage de dirigeants de PME affichant une présence de burnout de 17,4 à 34,65 et ceux qui nécessiteraient une intervention de 1,75 à 9,18 %, soit plus du quintuple.

Si le score global moyen et les seuils critiques sont en progression durant le confinement, il importe à présent d’analyser dans le détail comment les dix éléments du BMS-10 se hiérarchisent entre eux et si ce classement est stable ou évolutif, surtout dans le contexte de la crise sanitaire. Être fatigué ou avoir du mal à dormir, le fait de se sentir impuissant, déprimé, désespéré, coincé ou sans valeur… sont autant d’éléments qui contribuent ensemble à l’évaluation globale de l’épuisement dans le BMS-10, mais qui n’ont pas la même signification. Or, ce sont bien les signes de l’épuisement qui intéressent cette recherche.

4. Statistiques descriptives

Dans le tableau 2, les scores des éléments des sept échantillons fournissent deux enseignements distincts, l’un qui est récurrent avant la crise sanitaire, l’autre qui est inédit durant la crise.

Tableau 2

Moyennes des éléments du BMS-10 par échantillon

Moyennes des éléments du BMS-10 par échantillon

N : taille de l’échantillon ; M : moyenne ; SD : écart-type.

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Tableau 3

ANOVA, Variation des éléments du BMS-10 avant la Covid-19

ANOVA, Variation des éléments du BMS-10 avant la Covid-19

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Tableau 4

ANOVA, Variation des éléments du BMS-10 avec la Covid-19

ANOVA, Variation des éléments du BMS-10 avec la Covid-19

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Le premier enseignement est qu’il apparaît très nettement qu’un classement récurrent s’établit en ordonnant toujours les différents éléments selon les mêmes positions. Si l’on excepte l’échantillon Covid-19 2020 qui a été constitué pendant la crise de la Covid-19, tous les autres échantillons présentent le même quatuor de tête : sentiment de déception, lassitude (j’en ai marre), fatigue et difficultés à dormir. Ce quatuor de tête, maintes fois observé, fournit une indication utile pour envisager de manière efficace et durable les bonnes pratiques pour lutter contre l’épuisement (Torrès et Kinowski-Moysan, 2019). Réduire les attentes du dirigeant de PME vis-à-vis de ses parties prenantes, diversifier ses activités et déléguer celles qui le lassent le plus, augmenter son temps de sommeil et de récupération (sieste, relaxation…) seraient autant de pistes qui permettraient de réduire les principales sources de l’épuisement du dirigeant de PME. Par ailleurs, et c’était aussi une constante, le sentiment d’être sans valeur, c’est-à-dire la faible estime de soi, a toujours été en queue de classement. Plusieurs travaux ont montré que le fait d’occuper une position de dirigeant de PME confère à l’individu un sentiment d’auto-efficacité renforcé, ce qui nourrit l’estime de soi (Peng, Liu et Lin, 2015 ; Chen, Greene et Crick, 1998), voire même amplifie la bonne image que le dirigeant de PME a de lui-même (Leung et al., 2021).

Parmi les dix éléments, ceux qui augmentent le plus en période de crise sanitaire sont les sentiments d’impuissance et d’être coincé. S’ils occupent généralement les cinquième et sixième positions dans les échantillons pré-Covid-19, ils sont les deux déterminants les plus forts du risque d’épuisement professionnel des dirigeants de PME en période de crise sanitaire. Même si les facteurs habituels demeurent à un niveau élevé (difficulté à dormir, fatigue, sentiment de déception et lassitude), le risque d’épuisement a pris une tout autre allure, comme s’il avait muté lors du premier confinement. Le confinement semble empêcher les dirigeants de PME d’exploiter pleinement leurs compétences et leurs ressources. L’empêchement lié au confinement a souvent réduit le chiffre d’affaires, ce qui peut conduire aussi à une perte de l’accomplissement au travail. Cet empêchement peut induire aussi une perte d’efficacité personnelle. On constate en effet que les éléments « désespérés », « déprimés » et le sentiment d’être « sans valeur, comme un échec » sont à un niveau plus élevé qu’avant la Covid-19. Le fort sentiment d’auto-efficacité des dirigeants de PME semble avoir été entravé par une inactivité plus ou moins forte imposée par les pouvoirs publics, induisant une hausse du sentiment « d’être sans valeur ».

Or, le deuxième enseignement est le nouveau classement des éléments qui se dégage pendant la crise de la Covid-19.

5. Tests statistiques

Afin d’analyser les différences entre les six échantillons pré-Covid-19 et l’échantillon Covid-19 2020, nous procédons à deux tests statistiques. Il convient d’abord de tester si les scores des dix éléments du BMS-10 obtenus pendant la crise sont en effet significativement plus élevés qu’avant la crise. Puis, en comparant tous les échantillons, il convient de voir si l’échantillon de la Covid-19 se distingue des autres échantillons. Plus particulièrement, nous cherchons la distinction temporelle (une rupture dans le temps) parmi les dix éléments ou parmi les trois aspects émotionnel, mental et physique (Malach-Pines, 2005 ; Lourel, Gueguen et Mouda, 2007).

Dans un premier temps, l’objectif est d’examiner les variations des éléments du BMS-10 entre les différents échantillons et de comparer leurs moyennes pour obtenir des informations précises au sujet de ces variations. Le test utilisé pour analyser les données est l’ANOVA à un facteur. L’ANOVA à un facteur est une méthode simple qui peut être utilisée pour comparer les moyennes d’échantillons en utilisant le test F de Fisher (Howell, 2002 ; 2013).

Les tableaux 3 et 4 présentent respectivement les résultats de l’analyse de variance pour six groupes d’échantillons (sans l’échantillon Covid-19) et pour sept groupes d’échantillons (avec l’échantillon Covid-19). Avant la Covid-19, la variation du BMS-10 global (BMS-10 score) est significative (R² = 0,04 ; F = 27,70, p < 0,0001). L’aspect « physique » est le plus discriminant (R² = 0,06 ; F = 43,41 p < 0,0001). Spécifiquement, les éléments du BMS-10 marquant une différence significative élevée sont : « fatigué(e) » (R² = 0,08 ; F = 54,26, p < 0,0001) et « physiquement faible ou malade » (R² = 0,06 ; F = 45,14, p < 0,0001).

Avec la Covid-19, la variation du BMS-10 dans son ensemble (BMS-10 score) est relativement plus importante (R² = 0,07 ; F = 66,45, p < 0,0001). Les aspects « émotionnel » (R² = 0,08 ; F = 86,57, p < 0,0001) et « mental » (R² = 0,05 ; F = 46,81, p < 0,0001) présentent des variations significatives plus importantes par rapport à l’aspect « physique » (R² = 0,04 ; F = 40,24, p < 0,0001). Les éléments du BMS-10 particulièrement discriminants sont « impuissant(e) » (R² = 0,20 ; F = 230,93, p < 0,0001) et « coincé(e) » (R² = 0,07, ; F = 73,75, p < 0,0001).

Dans un second temps, nous réalisons le test post hoc de comparaisons multiples de Tukey HSD (honestly significant différence). Le test HSD compare les échantillons deux par deux pour distinguer parmi les échantillons des différences significatives (Keselman et Rogan, 1977) en utilisant des données brutes. Ce test, qui utilise la moyenne des groupes, M, est particulièrement adapté à notre problématique, car il permet de tester si l’échantillon Covid-19 présente une singularité par rapport aux six autres échantillons et d’identifier élément par élément quelles sont les différences significatives.

Dans le tableau 5, la synthèse des comparaisons multiples par paires d’échantillons de Tukey (HSD) démontre une différence significative à p < 0,05 de l’échantillon Covid-19 avec les autres échantillons. Cette analyse répartit les échantillons en groupe (a, b, c, d et e) ayant des variances homogènes. Le classement de ces groupes est fait selon l’importance de leur moyenne (le groupe « a » en haut du classement avec la moyenne la plus élevée et le groupe « e » en dernier du classement avec la moyenne la plus basse).

Une différence significative de l’échantillon Covid-19 2020 se trouve dans le score global du BMS-10 avec une moyenne M plus élevée que les autres groupes (groupe a : M = 3,39 ; p < 0,05). Cette tendance est également confirmée dans les dimensions du BMS-10. L’aspect « émotionnel » (groupe a : M = 3,48 ; p < 0,05) et l’aspect « mental » (groupe a : M = 3,35 ; p < 0,05) distinguent particulièrement l’échantillon Covid-19. À l’opposé, le seul échantillon à constituer à lui seul le groupe à score le moins élevé (c, d ou e selon le nombre de groupes distincts en fonction des éléments) est l’échantillon MMA 2017[5]. Les cinq autres échantillons se répartissent sur trois groupes (b, c et d).

Plusieurs différences significatives de l’échantillon Covid-19 2020 se trouvent sur les éléments suivants : « impuissant(e) », « déprimé(e) », « désespéré(e) » (aspect « émotionnel »), « coincé(e) » et « sans valeur » (aspect « mental ») et « difficultés à dormir » (aspect « physique »). Plus précisément, il y a un écart significatif et positif important pour les moyennes des éléments : « impuissant(e) » (groupe a : M = 4,49 ; p < 0,05), « coincé(e) » (groupe a : M = 3,87 ; p < 0,05) et « difficultés à dormir » (groupe a : M = 3,81 ; p < 0,05).

Tableau 5

Tests de groupement de Tukey

Tests de groupement de Tukey

Les moyennes M des groupes sont affichées. Groupes homogènes a, b, c, d et e.

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En résumé, ces résultats statistiques montrent, comme les résultats descriptifs dans la section précédente, que la crise de la Covid-19 a induit non seulement une augmentation significative du niveau de burnout des dirigeants de PME, mais aussi une variation dans sa composition.

Depuis la Covid-19, cette variation du burnout se manifeste dans le score global du BMS-10, dans ses aspects « émotionnel » et « mental » et spécifiquement dans les éléments « impuissant(e) » et « coincé(e) ».

6. Discussion

Les tests de cette recherche mettent en évidence non seulement que le niveau moyen de l’épuisement des dirigeants de PME a significativement augmenté pendant le confinement, ce qui corrobore d’autres résultats (Torrès, Fisch, Mukerjee, Lasch et Thurik, 2021b), mais que la composition de cet épuisement s’est substantiellement modifiée en laissant apparaître pour la première fois des scores du sentiment « d’impuissance » et de « se sentir coincé » qui occupent les premières places des dix éléments constitutifs de l’épuisement mesuré par le BMS-10.

Le confinement a induit ce que nous proposons d’appeler un syndrome d’épuisement d’empêchement. Dans cette perspective, les niveaux élevés de l’impuissance et du sentiment d’être coincé retentissent comme un signal inédit. Si on compare les échantillons pré-Covid-19 avec celui après la Covid-19, ce positionnement est statistiquement significatif et ce serait commettre une grave erreur que de ne pas tenir compte de ce fait[6].

Si le score global élevé atteste bien d’une situation particulière, c’est bien les positionnements anormalement élevés du sentiment d’impuissance et d’être coincé qui illustrent le mieux ce syndrome d’épuisement d’empêchement lié au confinement imposé en raison de la crise sanitaire. Mais ces signaux ne doivent pas occulter le score plus élevé également des sentiments d’être déprimé, désespéré et sans valeur. Même si ces éléments demeurent en queue du classement des dix éléments, leurs scores sont significativement plus élevés que dans les autres échantillons. Le test de Tukey met en évidence leur appartenance exclusive au groupe a (Tableau 5). Le confinement semble avoir induit une forme d’épuisement inédite.

Ce syndrome d’épuisement d’empêchement est d’autant plus nocif qu’il peut être mal vécu par une population dont on connaît les longues heures et la charge de travail élevée (Lurton et Toutlemonde, 2007 ; Algava et Vinck, 2009). Cette population très active est même parfois en hyperactivité. De nombreux travaux ont montré une association entre les dirigeants de PME et le trouble HDAD qui comprend deux composantes, le déficit d’attention et l’hyperactivité. Les recherches montrent que c’est principalement l’hyperactivité qui se connecte le plus aux formes d’activité entrepreneuriale des dirigeants de PME (Antshel, 2018 ; Wismans et al., 2020 ; Yu, Wiklund et Pérez-Luño, 2021). La situation du confinement, où l’économie tourne au ralenti ou est même totalement à l’arrêt pour certaines activités, intensifie le contraste entre une inactivité imposée et une activité (même hyperactivité) habituelle. Lors du confinement, les dirigeants de PME se sont retrouvés dans une situation qui est aux antipodes de leur façon d’agir, de penser et finalement à l’opposé de ce qu’ils sont d’abord et avant tout, des femmes et des hommes d’action. Le repos forcé a certes quelques avantages puisqu’il a atténué la fatigue et le fait d’être physiquement faible, occasionnant même une amélioration de la santé physique perçue (Torrès et al., 2021b), mais cette inactivité semble avoir induit des nuisances plus considérables avec une dégradation émotionnelle et mentale[7].

En conclusion, l’ANOVA et le test de Tukey mettent en évidence la singularité de l’échantillon Covid-19. Le niveau d’épuisement des dirigeants de PME est significativement plus élevé pendant la crise (Tableau 2) et ce sont six éléments sur les dix qui jouent un rôle important (Tableaux 3, 4 et 5). Parmi ces six éléments, ce sont surtout l’impuissance et le sentiment d’être coincé qui sont les facteurs majeurs de cette dégradation de la santé mentale, au point de faire apparaître selon nous une forme d’épuisement inédite. Les sentiments d’être impuissant et d’être coincé, anormalement positionnés en première et deuxième position, spécifient le mieux ce phénomène de syndrome d’épuisement d’empêchement.

À la manière du syndrome d’empêchement qui selon Qibo, le conseiller de l’empereur jaune chinois, résulte d’un vent massif, d’un froid glacial et d’une forte humidité (Fu, 2019), la crise de la Covid-19 avec son lot d’incertitudes, de fermetures et de ruptures englue les dirigeants de PME dans une incapacité à agir et à prévoir.

7. Limites et perspectives

Cette recherche se limite à une perspective infraclinique avec l’échelle du BMS-10 qui mesure le stade initial du processus de burnout. À des fins cliniques et diagnostiques, il serait intéressant de mesurer le processus global du burnout avec, par exemple, l’échelle MBI-Global Survey qui est l’échelle la plus usitée.

Une autre perspective est liée à la durée du syndrome d’épuisement d’empêchement. En cas de persistance, l’impuissance soudaine constatée lors du premier confinement ne risque-t-elle pas de devenir une impuissance acquise ? La théorie de l’impuissance acquise (Seligman et Maier, 1967) montre qu’un individu placé plusieurs fois ou trop longtemps dans une situation d’impuissance finit par altérer ses capacités d’initiative. Cet effet joue d’autant plus que l’individu présente un lieu de contrôle du destin interne (Peterson et Seligman, 1983), ce qui est l’un des traits souvent associés aux dirigeants de PME (Ahmed, 1985 ; Mueller et Thomas, 2001). Dans ces conditions, il importe de poursuivre cette recherche par une autre mesure lors d’un deuxième confinement pour voir si l’impuissance et le sentiment d’être coincé persistent à un niveau élevé et de tester les liens entre ces deux éléments et les capacités managériales et entrepreneuriales. C’est du reste l’une des interrogations évoquées par l’appel d’offres du numéro spécial : « Quel impact la crise a-t-elle sur l’activité entrepreneuriale ? » (Janssen et al., 2020) L’orientation entrepreneuriale ou la vigilance entrepreneuriale pourraient être mobilisées à cette fin. Pollack, Vanepps et Hayes (2012, p. 790) ne disent pas autre chose : « Si vous êtes confronté à un stress économique, vous sentiriez-vous désespéré, tomberiez-vous victime d’une impuissance acquise et vous retireriez-vous de futures opportunités d’entrepreneuriat ? » Ces questions ne peuvent que nous inciter à mesurer à nouveau les effets du confinement sur la santé des dirigeants de PME et leurs comportements managériaux et entrepreneuriaux.

Conclusion

La crise sanitaire et tout particulièrement le confinement qui en découle ont un impact sur la santé des dirigeants de PME en général (Torrès et al., 2021b) et leur niveau d’épuisement en particulier (Torrès et al., 2021a).

En scrutant le niveau du burnout et ses caractéristiques, les données collectées montrent une augmentation de l’intensité du burnout. Les dirigeants de PME ont mal vécu cette situation et cela a affecté leur niveau d’épuisement, mais le contexte singulier a suscité aussi une transformation du syndrome. Loin de sa forme habituelle qui correspond à un risque de burnout frénétique (Farber, 1990) lié à une surcharge de travail, à une forte ambition et à une forte implication (Montero-Marin et al., 2016), la période de confinement a mis en évidence une forme d’épuisement inhabituelle. L’augmentation du niveau d’épuisement s’explique en grande partie par la hausse spectaculaire du sentiment d’être coincé et surtout d’impuissance, caractéristiques habituellement relativement faibles en temps normal. Cette situation d’empêchement contrevient à l’état d’esprit des dirigeants de PME plus enclins à l’action qu’à l’inactivité. Il est possible de tirer deux enseignements généraux de ces résultats.

D’abord, on aurait tort de considérer que le confinement est un phénomène éphémère. Le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2020) considère que la pandémie de coronavirus allait probablement être « très longue ». On peut donc prévoir que d’autres décisions de (re)confinements généralisés, localisés ou temporels – couvre-feu le soir ou confinement d’une aire d’agglomération délimitée – seront prises pour faire face à d’autres vagues de l’épidémie, ce qui affectera à nouveau les dirigeants de PME concernés. Ainsi, nous savons désormais que l’épuisement professionnel des dirigeants de PME s’accroît et se transforme pendant ces périodes. Agir pour réduire cet épuisement d’empêchement paraît judicieux. Une solution consisterait à organiser des webinaires pour entretenir le moral des dirigeants de PME et les inciter à accroître leur vigilance entrepreneuriale en période de confinement. De même, promouvoir des solutions de travail et de commerce à distance est également une piste à envisager, même si le télétravail peut engendrer à son tour d’autres effets positifs et négatifs sur la santé en général (Tavares, 2017) et l’épuisement professionnel en particulier (Sardeshmukh, Sharma et Golden, 2012).

Ensuite, en PME, les situations d’empêchement peuvent s’observer consécutivement à un accident ou lors du déclenchement d’une maladie handicapante qui peuvent immobiliser le dirigeant de PME plusieurs semaines, voire plusieurs mois (Ha-Vinh et al., 2012). L’empêchement du dirigeant de PME est en soi un risque non seulement pour la gestion d’une petite entreprise qui s’en trouve fort perturbée, mais aussi un risque de santé mentale qui affecte le dirigeant lui-même. Le marché de la prévoyance consiste à se couvrir contre les aléas de la vie liés à la personne, tant à titre particulier que professionnel. Parmi les risques couverts, les risques liés à une incapacité pour cause d’inaptitude temporaire totale ou partielle donnent lieu généralement à des versements d’indemnités journalières pour maintenir le salaire. Nous ne saurions trop recommander aux organismes de prévoyance d’ajouter à leur prestation de service un dépistage systématique et une prévention du risque de burnout en de telles situations.