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Je voudrais d’abord remercier les organisateurs de cet événement et vous offrir la bienvenue la plus cordiale et la plus chaleureuse à ce 8e Symposium du Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique (GIRA) qui a pour thème : État, conditions et diffusion de la recherche en archivistique. Je suis conscient du privilège que j’ai de lancer nos échanges dans le cadre desquels nous nous intéresserons plus spécifiquement au fondement même de ce qui a été à l’origine du GIRA, soit la recherche en archivistique.

Au milieu des années 1980, Jacques Ducharme, Jean-Yves Rousseau et moi-même avions un rêve : développer davantage la recherche dans notre domaine d’activité. Nous étions à ce moment « … convaincus que l’archivistique ne saurait se développer véritablement sans des activités de recherche fondamentale et appliquée… [nous voulions donc] créer un milieu propice à la recherche » (GIRA, 2019a). C’est dans cet esprit qu’en 1987, nous avons mis sur pied le Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique, mieux connu sous son acronyme GIRA. Cela s’est fait en un temps où la recherche en archivistique en était à ses débuts. Mis au fait de notre projet, un archiviste m’avait alors affirmé qu’il considérait participer à la recherche en archivistique en créant des instruments de recherche pour les fonds d’archives. Cette anecdote permet de comprendre où nous en étions en ce domaine. Cela s’est fait aussi en une période où la recherche en archivistique s’en tenait plutôt à des réflexions que se permettaient de mener des archivistes qui devaient dédier la majorité de leur temps à la gestion des archives au quotidien. Ainsi devaient-ils consacrer à leurs réflexions une grande partie de leurs loisirs, de leurs fins de semaine, voire de leurs vacances, pour aborder des questionnements plus théoriques sur la pratique de leur profession et diffuser le fruit de leurs avancées dans des revues professionnelles qui commençaient à peine à traiter des problématiques s’éloignant de la pratique professionnelle. Vous me permettrez de nommer ici quelques-uns de ces archivistes qui réfléchissaient au-delà de leur quotidien et qui n’hésitaient pas à sortir des sentiers battus en publiant et en diffusant dans le cadre de congrès ou de colloques, ou encore en se lançant dans l’aventure de l’enseignement dans les programmes naissants en archivistique. J’évoque notamment le souvenir de ces collègues qui nous ont quittés trop rapidement, tels Jacques Ducharme, Terry Cook, Robert Garon, Normand Gouger, Jacques Grimard, Jean-Pierre Wallot et Bernard Weilbrenner.

Bien sûr, sans qu’il soit possible de toutes et tous vous nommer, plusieurs parmi vous faites aussi partie de celles et ceux qui ont su très tôt que pour que l’archivistique devienne une véritable discipline, une science, il fallait prendre du recul, en questionner les bases et se projeter dans l’avenir pour en assurer le développement. Il fallait analyser les expériences archivistiques, les codifier, en reconnaitre les principes fondamentaux, les confronter à une approche scientifique. Bref, aller au-delà de la pratique sans pour autant renier le caractère essentiel et l’importance du travail professionnel. Tel était le défi que nous nous sommes lancé en ces années où nous rêvions qu’au Québec, comme ailleurs, nous puissions participer activement au développement de la recherche en archivistique.

Le GIRA a donc été créé en un temps où la recherche en archivistique perçait l’espace scientifique. Il a, à sa mesure, participé à l’avancement de la discipline dans le contexte du bouillonnement scientifique qui a marqué l’archivistique à compter de la fin des années 1980. En témoignent, par exemple, l’heureuse prolifération des programmes de formation préuniversitaire et universitaire en archivistique au Québec, au Canada et ailleurs, la publication d’un nombre impressionnant d’ouvrages de qualité qui ont permis d’asseoir plus solidement les fondements d’une archivistique plus contemporaine, ainsi que la place grandissante faite, au sein de plusieurs revues professionnelles, à un contenu plus scientifique s’intéressant davantage aux aspects théoriques de la discipline. N’oublions pas non plus l’ouverture des associations professionnelles à la démarche scientifique et leur participation active et enthousiaste à la diffusion du savoir archivistique. Rappelons aussi les nombreuses recherches pour lesquelles des professeurs d’université ont obtenu des subventions et qui ont été, de ce fait, reconnues par les organismes de recherche, ainsi que le nombre sans cesse grandissant de recherches de 2e et 3e cycles consacrées à l’archivistique. C’est ainsi que peu à peu, notre rêve est devenu réalité. Bien sûr, le GIRA n’a pas été le seul intervenant dans ce développement marqué de la recherche en archivistique, mais il a participé significativement, dans notre milieu, à ces avancées qui font que l’archivistique, au fil des années, est devenue une science de plein droit.

Où en sommes-nous maintenant ? En 1987, au moment de la création du GIRA, nous avions comme objectifs

… de rapprocher l’archivistique de la problématique de différentes disciplines, de fournir aux professionnels un forum de discussions axé en priorité sur la théorie, d’apporter une contribution théorique à des réflexions déjà entreprises par les milieux professionnels, de participer à l’établissement d’un programme de recherches et à la définition de ses priorités et d’intervenir auprès des décideurs sur des situations mettant en cause une problématique archivistique particulière.

GIRA, 2019b

Les chercheurs en archivistique ont fait beaucoup de chemin dans l’atteinte de plusieurs de ces objectifs. Il me semble cependant qu’il en est un sur lequel nous devrions nous concentrer pour être encore plus efficients dans toutes les recherches qui sont et seront menées dans notre domaine. Je pense à l’établissement d’un programme de recherche en archivistique et à la définition de priorités. Je suis persuadé qu’il est maintenant essentiel d’établir un véritable « agenda » de recherche qui nous permet de fixer les priorités et d’éviter l’éparpillement. Déjà en 1999, dans le rapport d’un vaste projet de recherche intitulé La formation et la recherche en archivistique dans le monde, j’évoquais avec mes collaborateurs la grande importance, voire l’urgence de doter l’archivistique d’un programme de recherche. Nous affirmions en conclusion : « Si la définition des champs de recherche à explorer fait déjà consensus, on observe des divergences quant à l’identification des thèmes à privilégier » (Couture, Martineau et Ducharme, 1999, p. 195). Ceci étant dit, sans vouloir imposer la question d’un programme de recherche en archivistique dans les échanges du présent symposium qui porte sur d’autres thèmes tout aussi intéressants, il me semble qu’il est temps de nous pencher sur l’importance de dégager un véritable programme de recherche en notre domaine et d’établir nos priorités en cette matière.

Mais revenons à ce qui nous réunit ici. Sans plus tarder, je vous souhaite à nouveau la plus cordiale des bienvenues à ce 8e Symposium du GIRA. Je suis convaincu que, comme ce fut le cas pour les sept symposiums précédents, nos échanges laisseront des traces et participeront à faire évoluer encore davantage l’archivistique dans les champs de recherche qui sont essentiels à la poursuite de son évolution.

Un excellent symposium à toutes et tous et bienvenue à nos collèges venus de loin pour nous faire profiter de leurs expériences et de leur savoir.