Corps de l’article

Introduction

Décédé en 2014, Louis Bergeron est l’un de ceux qui ont le plus contribué à la prise en considération du patrimoine de l’industrie en France, à partir des années 1975. Le concept d’archéologie industrielle, natif d’Angleterre et précocement développé en Suède a été « importé » en France par Maurice Daumas, titulaire de la chaire d’histoire des techniques au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) au début des années 1970. À la suite de circonstances diverses, il a été repris avec l’assentiment total de Maurice Daumas par Louis Bergeron qui, avec d’autres personnes et institutions, a fondé en 1978 une association dénommée Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel, en abrégé CILAC, dont le rôle premier fut d’organiser en France en septembre 1981 – plus précisément à Lyon et à Grenoble – la IVe Conférence internationale sur le patrimoine industriel. Outre les profondes avancées issues de ce congrès pour la reconnaissance du patrimoine industriel par divers ministères de notre pays et principalement celui de la Culture, celui-ci était aussi la première manifestation publique de l’organisme international TICCIH (International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage) né trois années plus tôt à Stockholm. La similitude des sigles est patente notamment dans l’expression « comité », qui suggère un petit nombre de personnes convaincues plus qu’une foule de militants. Un bulletin de liaison ronéotypé, L’Archéologie industrielle en France, avait été créé par Maurice Daumas en mars 1976 dans lequel celui-ci définissait « l’objectif d’une action », véritable plaidoyer fondateur de l’archéologie industrielle dans notre pays. Ce bulletin était destiné à relier entre elles les personnes engagées sur le terrain autour de l’étude et de la sauvegarde du patrimoine de l’industrie. Des raisons personnelles conduisirent en 1983 Maurice Daumas à confier ce titre au CILAC et plus précisément à son vice-président Louis Bergeron. Ce bulletin prit alors progressivement l’aspect formel d’une revue imprimée puis, à compter de 1995, d’une revue de référence mais aussi d’humeur, définitivement semestrielle, avec comité de rédaction et organisée par rubriques, jusqu’au numéro 64 de juin 2014. En décembre 2014, elle a pris le nom de Patrimoine industriel.

Sans avoir jamais souhaité être président du CILAC, Louis Bergeron en a été la cheville ouvrière quant aux orientations scientifiques de l’association, ses buts et sa pratique au quotidien. Au-delà de l’association, il a été perçu comme la référence nationale de l’archéologie et du patrimoine industriel, siégeant un temps à la nouvelle IVe section de la Commission supérieure des Monuments historiques consacrée aux patrimoines techniques, industriels et maritimes. Membre influent du bureau de TICCIH dès 1987, il en devient le président de 1990 à 2000. Tout en demeurant vice-président du CILAC, il sera moins partie prenante dans les actions courantes de celui-ci mais conservera un oeil avisé sur les journées d’étude ou les colloques organisés par l’association nationale française et, bien entendu, sur la revue dont il sera membre du comité de lecture jusqu’à sa disparition. Porté par son envergure internationale, il continuera durant toutes ces années de la fin du XXe siècle à être un militant français engagé, croisant le fer par de nombreux courriers quand il était en désaccord profond aussi bien avec des préfets de région qu’avec de hauts personnages du ministère de la Culture. On comprendra dès lors qu’en 1997, quand Louis Bergeron pris sa retraite de directeur d’études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), beaucoup pensèrent qu’il allait enfin s’adonner à la rédaction du grand ouvrage de synthèse sur l’archéologie et le patrimoine industriel qu’on attendait de lui. À l’âge de 68 ans, président depuis 7 années de TICCIH, président également de l’écomusée du Creusot depuis une année, il était assurément à cette époque l’un de ceux qui possédaient la plus large connaissance du sujet, autant sur les plans historiques, conceptuels et méthodologiques que sur les plans territoriaux et politiques à l’échelle mondiale.

D’une démarche prosopographique à l’archéologie industrielle

Aux origines françaises de l’archéologie industrielle

On pensait que les trois dernières années de son mandat à la tête de l’organisme international, libérées de contraintes professionnelles, seraient mises à profit pour ce grand oeuvre. En effet, les trois grands ouvrages de référence étaient alors ceux de Kenneth Hudson (1971), de Robert Angus Buchanan (1972) et de Barrie Trinder et al. (1992)[1]. Ouvrages déjà anciens pour les deux premiers, en langue anglaise et d’auteurs anglais, qui dès lors exprimaient une conception anglo-saxonne de l’industrialisation, de l’industrie et donc de son patrimoine… Or, depuis les années 1970, certains historiens français, dont Louis Bergeron, ont montré qu’à côté du modèle anglais de l’industrialisation, universellement considéré comme étant celui de tous les pays industrialisés, existaient finalement d’autres modèles dont celui de la France, d’une partie de l’Europe et des pays méditerranéens notamment. La vapeur n’apparaissait plus comme l’unique voie de la modernité industrielle au XIXe siècle, tandis que l’énergie hydraulique, grâce aux nouvelles roues conçues dès la fin du XVIIIe siècle par des savants et des ingénieurs et encore plus grâce à l’invention française de la turbine, était revalorisée comme ayant très largement contribué à la croissance industrielle jusqu’à une époque récente. Mieux encore, le fameux concept d’origine anglo- saxonne de « révolution industrielle » suggérant une rupture radicale entre un avant et un après, reposant sur le couple charbon/vapeur, était battu en brèche : plus que de ruptures, il convenait de parler de continuités et « d’accélération de l’industrialisation » à la fin du XVIIIe siècle. Le concept de « proto-industrialisation », c’est-à-dire d’une industrie réellement présente mais sous des formes spécifiques et selon une organisation particulière du travail, bien avant l’époque dite de la révolution industrielle – mais aussi parfois simultanément à elle, notamment dans le textile – fit son apparition chez les historiens dans les années 1970. Les prémices de l’industrialisation remontaient à la fin du Moyen-Âge grâce à la diffusion dans toute l’Europe du moteur hydraulique : celui-ci permettait la multiplication mécanique de la force humaine, et donc de produire des objets (nouveaux ou anciennement existants) en plus grande quantité, en série et plus rapidement. Il permit aussi la « révolution » du haut fourneau au début de la Renaissance grâce à la mise en oeuvre du soufflet de forge. Et si l’industrialisation avait connu une très forte expansion à partir des années 1750, il ne s’agissait pas pour autant d’une « révolution », du moins dans plusieurs pays européens. Débats de spécialistes assurément, mais qui ne pouvaient pas ne pas trouver une traduction dans l’approche contemporaine de l’archéologie ou du patrimoine industriel. D’autant que, simultanément, par un effet boomerang, de très nombreuses études monographiques de sites industriels français menées à partir des années 1975, sont venues conforter, par les traces matérielles découvertes et ré-interprétées, cette nouvelle mise en perspective de l’industrialisation et de « révolution » industrielle. Notamment dans le champ de la sidérurgie.

Voilà, brièvement exprimé, ce qui conduisait beaucoup à attendre ce grand ouvrage synthétique, renouvelant le genre, élargit au monde entier à une période où la prise en considération du patrimoine industriel touchait tous les continents et presque tous les pays du monde. Cet ouvrage, s’il fut peut-être mis en chantier, n’a jamais vu le jour. Libéré de ses contraintes professionnelles, Louis Bergeron a été happé par son projet de faire de l’écomusée du Creusot un centre international consacré au patrimoine industriel, associé à une revue multilingue, Industrial Patrimony/Patrimoine de l’industrie, avec la collaboration de Maria Teresa Maiullari. Projet avorté en 2004. Simultanément, il n’a cessé d’apporter son soutien et d’exercer sa profonde influence pour la reconnaissance et la sauvegarde du patrimoine industriel dans de nombreux pays. Ainsi l’Italie, sa terre de prédilection, la Grèce, le Mexique, les États-Unis, le Japon etc. Son investissement en temps a été considérable. Si, aujourd’hui, on se demande ce qu’ont été les pensées profondes, la philosophie en quelque-sorte, d’un des acteurs majeurs du développement de l’archéologie industrielle et de l’attention portée au patrimoine de l’industrie durant les trente dernières années du XXe siècle et même au-delà, il faut se reporter aux écrits épars, de toutes natures, qu’il a laissé ci et là, sous des formes diverses, pour tenter d’en reconstituer une logique globale. En définitive, il convient d’élaborer un corpus de textes et au prix d’une exégèse, d’en extraire les grandes tendances des réflexions de Louis Bergeron.

Figure 1

Louis Bergeron, novembre 2008

Louis Bergeron, novembre 2008
© Yves Berrier

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Pour cet article, j’aurais pu faire l’impasse des écrits de Louis Bergeron qui, a priori, sont sans rapport direct avec la problématique de l’archéologie industrielle. Mais peut-on vraiment isoler un domaine de l’autre, séparer des réflexions autour du patrimoine industriel ce qui en a constitué l’origine et l’essence? C’est pourquoi il m’a semblé nécessaire de se pencher en premier lieu sur les principaux ouvrages publiés par Louis Bergeron significatifs de son cheminement d’historien au cours de sa carrière universitaire, avant d’en venir à ses publications spécifiques au thème de l’archéologie ou du patrimoine industriel. Deux domaines liés mais pas identiques, dans la cohérence d’une seule personne. À une nuance près : il ne m’a pas paru souhaitable ni même utile d’entrer dans ses articles d’historien publiés dans de nombreuses revues scientifiques. Ces travaux, le plus souvent savants et pointus, étaient avant tout destinés à des spécialistes tandis que les ouvrages cités ci-après, tout en étant absolument rigoureux dans leur contenu, sont accessibles à un public plus large[2].

Un corpus d’écrits d’historien

Louis Bergeron est né en 1929 à Strasbourg. À 18 ans, en 1947, il entre à l’ENS (École normale supérieure) dont il sort agrégé d’histoire en 1951. Après dix années d’enseignement en lycées et en classes préparatoires, il revient à l’ENS en 1961 en tant que « caïman » c’est-à-dire répétiteur. En 1970, il est élu directeur d’études à la VIe section de l’EPHE (École pratique des hautes études) devenue quelques années plus tard l’EHESS. Son champ de recherches est alors la Révolution et l’Empire et sa thèse, soutenue en 1974, a pour titre Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire (EHESS/Mouton, 1978a). Déjà transparait dans le titre tout son intérêt pour les élites sociales, financières et économiques, qui constitueront la trame de ses travaux universitaires. En effet, dès 1978, il co-dirige une lourde étude au long terme sur les « Notables du Premier Empire » (31 fascicules départementaux parus aux éditions du CNRS), et publie successivement Les capitalistes en France de 1780 à 1914 (Gallimard, 1978), Les masses de granit, 100 000 notables du Premier Empire (EHESS, 1979), Les Rothschild et les autres, la gloire des banquiers (Perrin, 1991), et plus tardivement Le Creusot, une ville industrielle, un patrimoine glorieux (Belin-Herscher, 2001), ouvrage, malgré son titre, principalement consacré à la famille Schneider et à leur entreprise de 1837 à 1960 plus qu’au patrimoine matériel subsistant au Creusot. Il faut mentionner également ses écrits dans des ouvrages collectifs tels que le catalogue de l’exposition Les Schneider, Le Creusot au Grand-Palais en 1995 (Fayard, 1995) ou dans celui sur la banque Seillières-Demachy en 1999, sans omettre une préface commentée à une réédition de l’ouvrage de Jean-Antoine Chaptal, De l’industrialisation (Imprimerie nationale, 1993).

Son intérêt revendiqué pour une approche prosopographique des élites, genre un peu désuet au début des années 1970, qu’il renouvelle avec quelques autres historiens, le mène, par la dimension ouverte de ce genre, à des réflexions sur l’industrialisation en France. Ainsi publie-t-il en 1979 L’industrialisation de la France au XIXe siècle, dans la collection « Profil dossier » de chez Hatier (1979b), recueil de textes commentés, pertinents et récents, autour de deux thèmes, les formes du travail industriel et les conditions de l’industrialisation. Parallèlement, avec Marcel Roncayolo et Philippe Aydalot, il anime une étude financée par le CNRS, associant un groupe de recherches multi-institutions et un séminaire de l’EHESS sur les rapports entre l’industrialisation et la croissance urbaine en France au XIXe siècle qui remet en cause beaucoup de schémas classiques mais qui ne sera publié que sous forme de « littérature grise » (non imprimé) par l’EHESS. En revanche, son séminaire commun avec Patrice Bourdelais, de 1989 à 1994, fera l’objet d’une publication imprimée au titre provocateur : La France n’est-elle pas douée pour l’industrie? (Belin, 1998), rassemblant une quinzaine de contributions de divers participants au séminaire, s’étendant du Moyen-Âge à la période contemporaine. C’est dans cette même veine que l’on peut classer L’industrie du luxe en France (Odile Jacob, 1998) ou sa direction des actes d’un colloque tenu à Argenton-sur-Creuse en 1993, publiés sous le titre La révolution des aiguilles (EHESS, 1999).

Enfin, l’histoire des techniques n’est pas étrangère à ses préoccupations. L’enquête collective nationale qu’il a lancée et dirigée au début des années 1980 sur « Les moteurs hydrauliques et leurs applications industrielles en France » demeure de nos jours une référence et a donné un appui scientifique incontestable à l’hypothèse selon laquelle il n’y avait pas une voie unique – anglo-saxonne – de l’industrialisation (la « révolution industrielle ») mais bien une voie française originale sur le long terme. Malheureusement, les publications issues de cette recherche collective seront partielles et éparses dans le cadre de plusieurs revues, sous des noms de contributeurs divers. On retiendra cependant le n° 11, juin 1985, de L’Archéologie industrielle en France (AIF) et tout particulièrement la contribution emblématique de Serge Benoit, « Le rôle de l’énergie hydraulique dans l’industrialisation de la France au XIXe siècle : le département de l’Eure ».

In fine, on ne peut passer sous silence son étonnant Paris, genèse d’un territoire (Picard, 1989), ouvrage décalé par rapport à ses autres écrits, où l’auteur fait preuve d’un regard acerbe digne d’un géographe sur la construction de la ville et de ses territoires. Bien entendu, on reconnaitra dans ce parcours d’historien, dans ses champs comme dans ses formes, l’influence majeure de l’impulsion donnée à la science historique par Fernand Braudel. La perspective dans le long terme, le refus de la théorisation : Louis Bergeron se situe dans un courant anthropologique du questionnement de l’histoire, sans pour autant ignorer le quantitativisme à la mode dans les années 1970, dont il reconnaissait l’apport mais dont il se méfiait en raison des risques de généralisations et de globalisation qui en découlaient.

Un corpus d’écrits propres au patrimoine de l’industrie

Les écrits de Louis Bergeron spécifiquement consacrés à l’archéologie et au patrimoine industriel doivent être recherchés dans un environnement beaucoup plus large que ses écrits d’historiens. On peut les regrouper en trois grands domaines.

En premier lieu, des écrits « fondateurs », parus de 1990 à 2006. Ainsi sa notice « l’Archéologie industrielle » dans l’Encyclopaedia Universalis, datée de 1990, dans laquelle il joue sur les nuances sémantiques opposant l’archéologie industrielle au patrimoine de l’industrie. Dans cette même Encyclopaedia Universalis, il ne publie pas moins de cinq autres notices déclinant le patrimoine industriel – leurs particularités historiques et matérielles mais aussi la manière dont il est pris en considération par les autorités politiques – de la Scandinavie, de l’Italie, de la Grande-Bretagne, de l’Amérique latine et des Etats-Unis. Notices auxquelles il faut joindre un article consacré au patrimoine portuaire en Europe, un autre au patrimoine minier, toujours en Europe, et enfin un dernier aux écomusées industriels. En revanche, il n’est pas l’auteur de l’article ayant pour titre « Le patrimoine industriel ».

Sa contribution de plus de trente pages « L’âge industriel » dans Les Lieux de mémoire, III, 3, sous la direction de Pierre Nora (Gallimard 1992), est assurément son écrit le plus abouti sur le sujet du patrimoine industriel. Il traite d’abord de l’organisation et de la construction de la mémoire de l’industrie, affirmant ainsi que le patrimoine n’est pas quelque chose qui existe en tant que tel mais bien une valeur que nous attribuons à certains objets. Puis il décline toutes les difficultés auxquelles doit faire face cette construction mentale, de la fragilité matérielle des objets à l’impopularité ou l’indifférence des populations et des pouvoirs. On sent chez Louis Bergeron, après le grand espoir des années 1980, poindre une certaine déception devant la lenteur (si ce n’est la réticence) à la prise en considération du patrimoine industriel par les « gens de pouvoir », des élus locaux aux cabinets ministériels. Le début des années 1990 est effectivement une période de stagnation, voire de régression si ce n’est même une mini glaciation pour la reconnaissance du patrimoine de l’industrie dans notre pays.

Est-ce une volonté de faire rebondir les choses qui conduit Louis Bergeron à publier quatre années plus tard, en collaboration avec Gracia Dorel-Ferré pour le cinquième chapitre : Le patrimoine industriel, un nouveau territoire (Liris, 1996)? L’auteur tente successivement de définir le champ du patrimoine industriel en l’intégrant à sa profondeur historique puis d’en suggérer une approche par une « lecture » renouvelée des sites industriels. Pas moins de 40 pages, soit le tiers du livre, sont consacrées aux logiques techniques, aux logiques d’organisation du travail, aux logiques sociales des sites industriels dont l’observation visuelle puis l’analyse plus poussée permettent de comprendre « pourquoi c’est ainsi et que ça ne peut pas être autrement ». Belle démonstration pédagogique qui inverse la démarche traditionnelle consistant à discourir sur la forme et les aspects extérieurs de l’architecture avant d’en considérer l’organisation interne. Bien entendu, selon les âges de l’industrialisation, selon les produits, etc. La circulation, parmi d’autres logiques, est un élément clé de l’architecture usinière. Circulation des produits, circulation des fluides, circulation de l’énergie, circulation de la lumière, circulation du personnel : on en vient presqu’à considérer qu’il y a un déterminisme de la construction usinière, que les matériaux employés ne sont que la variante régionale de l’édifice et que le décorum, quand il existe, renvoie à d’autres logiques. Une clé de lecture « universelle » des sites industriels, qui bouscule bien des habitudes et ne s’attache pas en premier lieu à l’esthétique architecturale. Il reste à Louis Bergeron de poser la question des usages mémoriels, sous formes muséales ou de ré-emploi immobilier du patrimoine industriel. Enfin, un ultime chapitre se veut promenade sur une dizaine de sites français emblématiques de bonnes pratiques. La clarté de la réflexion et de l’expression font de cet ouvrage complet – bien que ne comptant que 128 pages – une des meilleures références sur l’approche du patrimoine industriel, accessible de surcroît à un très large public[3].

Le patrimoine des États-Unis (Hoëbeke, 2000), publié en collaboration avec Maria Teresa Maiullari-Pontois, appartient bien à ces ouvrages « fondateurs » qui posent, au travers de l’étude d’un pays évidemment loin d’être anodin sur le plan de l’industrialisation, la question des grandes approches nationales du patrimoine industriel, tant pour la conservation que pour le ré-emploi éventuel. Le sujet est historiquement circonscrit puisqu’aux Etats-Unis il est presque possible de dater précisément le début de l’industrialisation et que celle-ci prend naissance dans un territoire bien défini – la côte est et la Nouvelle Angleterre – avant de s’étendre progressivement jusqu’au Pacifique. C’est pourquoi Louis Bergeron use de la chronologie pour construire sa première partie descriptive, avant d’aborder les caractères originaux du patrimoine industriel dans ce pays. L’accent, que Louis Bergeron justifie avec force, mis sur les ingénieurs et les constructions de génie civil comme facteur consubstantiel à une industrialisation des États-Unis conduite par la marche vers l’ouest, montre à quel point l’auteur ne peut dissocier le champ du patrimoine industriel de l’histoire qui l’a produit. Somptueusement illustré, en noir et blanc, de clichés provenant soit de l’HAER (Historic American Engineering Record) et avec l’aide de son directeur, Eric DeLony, soit de l’auteur lui-même, cet ouvrage montre aussi toute l’importance que Louis Bergeron accordait aux images et aux représentations. Comme il l’a souvent dit et écrit, « le patrimoine industriel est d’abord à voir et à regarder ». Cela nous renvoie aux approches méthodologiques qu’il suggère tant dans son ouvrage paru chez Liris que dans celui sur Paris. Parus seulement en 2006, les actes d’un colloque universitaire tenu en 2003 à Besançon, sous le nom La mémoire de l’industrie, de l’usine au patrimoine (Presses universitaires de Franche-Comté, 2006) offrent une opportunité à Louis Bergeron de s’exprimer longuement devant un public d’historiens sur les rapports entre l’archéologie industrielle et le patrimoine industriel, et d’asséner quelques coups de pattes à ceux de la communauté des historiens qui n’ont pas encore compris la profondeur du champ.

Paradoxalement, ce n’est pas dans la revue publiée par le CILAC, L’Archéologie industrielle en France (L’AIF), qu’il a dirigée durant quelques années et dont il était membre du comité de lecture, que l’on trouve les déclarations générales les plus importantes de Louis Bergeron sur l’archéologie et le patrimoine industriel. Certes, son nom apparaît dans presque tous les sommaires des numéros 8 (1983) à 40 (juin 2002), mais il s’agit le plus souvent d’éditoriaux de circonstances, parfois d’humeurs, de nouvelles générales et de compte rendus d’ouvrages. Parmi ses éditoriaux, celui du n° 26 – juin 1996, qui présente la nouvelle forme de l’AIF, est l’occasion pour Louis Bergeron de manifester ses humeurs quant à la faiblesse de la prise en considération du patrimoine industriel dans notre pays. Mention à part, cependant, doit être faite pour ses avant-propos, introductions ou conclusions aux différents colloques nationaux organisés par le CILAC et dont les actes sont publiés par l’AIF, en numéros de série en ou en numéros hors-série, voire, pour deux d’entre eux, dans des publications dépendant du partenaire local à ces manifestations (« Le patrimoine technique de l’industrie » dans le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n° 825,2/1992 et Les paysages de la mine, un patrimoine contesté, Éditions du Centre historique minier de Lewarde, 2009). Son seul véritable article est consacré à un site de l’est parisien menacé de démolition imminente, « Le sort des Grands moulins de Paris en question » (n° 30 – juin 1997), publié en contrepoint d’un autre article sur la page opposée, « Réhabilitation et reconversion de Molino Stucky » - le pendant à Venise du premier - par Maria Teresa Maiullari, sous le titre général : « Paix aux châteaux, guerre aux moulins ». Article militant, savamment documenté, alertant sur l’importance de cette considérable minoterie du XIIIe arrondissement parisien, tant sur les plans historiques et techniques que sur celui de la vie quotidienne à Paris depuis les années 1880 (le bâtiment principal date des années 1917-1921 et la halle aux farines attenante de 1946). Article modélisant dans la forme et le fond, dont on peut penser qu’il eut un effet décisif dans le sauvetage in extremis, et sa reconversion en bibliothèque et locaux d’enseignement pour l’université de Paris VII-Denis-Diderot. Retenons aussi dans le n° 26 de juin 1996 sa chronique consacrée à une visite en Hongrie, qui inaugure la nouvelle rubrique « Itinéraire » destinée à emmener les lecteurs sur des sites, et dans laquelle il affirme et exprime toute l’importance de l’image : « Le patrimoine de l’industrie est d’abord à voir et à regarder ». Dans l’AIF on retiendra enfin l’entretien réalisé par Geneviève Dufresne et Bernard André à l’occasion du cinquantième numéro (juin 2007), où Louis Bergeron retrace les débuts du CILAC et de sa revue, et exprime à cette occasion quelques grands principes[4].

Il convient de mentionner Industrial Patrimony / Patrimoine de l’industrie, revue semestrielle fondée par Louis Bergeron en 1999, qui en est à ce jour à son 32e numéro. Comme son titre bilingue le laisse supposer, elle visait un public international. De fait, les articles sont tous publiés dans la langue de leurs auteurs, avec un résumé introductif en anglais ou en français. Associant durant ses cinq premières années l’écomusée de la communauté urbaine Le Creusot-Montceau-les-Mines que Louis Bergeron présidait depuis 1996 et l’organisme international TICCIH dont il était également président jusqu’en 2000, cette revue avait pour ambition initiale de « valoriser la connaissance du patrimoine industriel, sa sauvegarde, sa valorisation et sa réutilisation » à un niveau international (n° 1, 1999 : 7). De fait, la quasi-totalité des articles parus durant 16 ans ont trait à des sites de grande taille et d’importance majeure, répartis sur tous les continents, rédigés par des « sommités » le plus souvent universitaires, de l’archéologie industrielle. Est-ce pour cela que peu d’écrits entrent dans le propos de ce présent article? Louis Bergeron signe la plupart des éditoriaux mais ceux-ci sont moins l’occasion pour lui de poser des problèmes de perception du patrimoine de l’industrie ou de méthode de l’archéologie industrielle, que de présenter la synthèse des articles qui suivent. Le contenu des numéros de cette revue mériterait une analyse d’une autre nature, une exégèse d’un point de vue différent de celle de ce présent article.

Enfin, il serait utile de compléter ce corpus des écrits de Louis Bergeron relatifs au patrimoine industriel en rassemblant les écrits épars et notamment les préfaces qu’il a pu accorder à certains ouvrages : Mémoire de l’industrie en Bretagne, au-delà des clichés (Rennes, Apogée, 2001) de Bernard André, Claudie Herbaut et Yves Berrier ou Les belles fabriques, un patrimoine pour l’Alsace (Jérôme Do Bentzinger, 2002) de Pierre Fluck. En revanche, ses séminaires à l’EHESS consacrés durant de nombreuses années à l’archéologie et au patrimoine industriel, faute d’avoir été transcrits, n’ont malheureusement pas laissé de traces écrites durables.

Retour sur quelques concepts

Archéologie industrielle ou patrimoine industriel?

Une certaine confusion sémantique règne encore aujourd’hui, et ce depuis quarante ans, autour de ces deux termes. Pour Louis Bergeron, « les deux termes ne sont en rien interchangeables ». Il explique :

Etroitement associés, ils demeurent parfaitement autonomes. L’archéologie de l’industrie est l’instrument de la connaissance scientifique de ce grand compartiment de la culture matérielle, instrument grâce aux résultats duquel peut s’engager d’une façon sûre la construction du patrimoine.

Bergeron 2006 : 24

La notion d’archéologie industrielle est en réalité la traduction littérale de l’expression anglaise, industrial archeology ramenée telle quelle dans leurs valises par les importateurs de la notion en France, en 1975. Mais les sens ne sont pas identiques. En France, le terme « archéologie » a une acception beaucoup plus restreinte et précise, renvoyant à l’étude – donc souvent à la fouille – des traces matérielles de périodes forts reculées. C’est ce que nous indiquent le Quillet ou le Robert. Ici, dans le champ de l’industrie, la fouille, même si elle a pu être pratiquée sur des sites industriels datant de la proto-industrie (notamment dans des sites de mines métalliques), demeure très exceptionnelle. L’archéologie industrielle « a étendu ses champs bien au-delà des seuls vestiges matériels, allant à la rencontre des sciences sociales et de l’anthropologie » (AIF juin 2007). « Elle a abordé l’histoire des attitudes du corps au travail, des odeurs qui imprègnent les ateliers, des langages propres aux métiers, aux savoir-faire, aux sociabilités et jusqu’aux enquêtes d’histoire orale » (Bergeron 2006 : 25). Comme cela a souvent été dit, l’archéologie industrielle se pratique en pataugas et en charentaises : les pataugas pour le terrain, les charentaises pour les archives et les bibliothèques. Pour Louis Bergeron, l’archéologie industrielle « est une auxiliaire longtemps méconnue de l’histoire de l’industrie, qu’elle aborde par le biais de l’insertion des activités industrielles dans un espace, de leur inscription au sol » (Bergeron et Maiullari 2000). Elle est « un instrument de renouvellement de l’histoire économique, sociale, technique, grâce à l’exploitation de sources peu ou pas prises en considération précédemment : celles des réalités matérielles de l’industrie » (Bergeron 2006 : 26).

Pour autant, il ne lui reconnaît pas le statut de discipline, lui préférant celui de champ disciplinaire : « Ni une “sous discipline” ni une science appliquée à un domaine particulier » (Bergeron 2006). Dès lors, on pourrait penser que Louis Bergeron ne voit dans l’archéologie industrielle que son apport à la discipline historique, indépendamment de toute idée patrimoniale. Bien entendu, il n’en est rien : « Le patrimoine industriel n’existe pas en soi – il est une construction culturelle aux fondements politiques et sociaux, presque psychologiques. L’archéologie industrielle est donc première et fondamentale; c’est à partir d’elle que peut se définir la dignité d’appartenir au patrimoine » (Bergeron 2006). Il n’est pas sans critiquer, de façon à peine voilée, ceux de ses collègues qui prétendent « faire » de l’archéologie industrielle en ne retenant des traces matérielles que des illustrations pour un article : « L’archéologie industrielle risquerait un appauvrissement si les sites, les vestiges matériels étaient traités simplement comme des illustrations ponctuelles (…) venant prendre place dans les cadres déjà bien connus d’un tableau général du développement industriel » (Bergeron 2006).

On peut aussi mesurer l’ambiguïté de la coexistence des deux termes depuis quarante ans à l’aune du changement de titre de la revue publiée par le CILAC : initialement dénommée L’Archéologie industrielle en France, avec en sous-titre depuis 1995 (n° 26) Patrimoine, Technique, Mémoire, elle est devenue en 2014 (n° 64) Patrimoine industriel, avec pour sous-titre : Archéologie, Technique, Mémoire. Le mauvais référencement de la revue parmi les revues d’archéologie et l’insuffisante compréhension du titre pour un grand nombre de lecteurs potentiels ont conduit à ce changement pragmatique, sans que pour autant la ligne éditoriale soit modifiée.

Les champs du patrimoine industriel

Parler des « champs » du patrimoine de l’industrie, suppose que l’on ait d’abord défini ce qu’est l’industrie sur le plan sémantique puis sur le plan historique. Vastes questions qui ont donné lieu à d’innombrables débats dans les séminaires de Louis Bergeron à l’EHESS comme dans de nombreuses publications des historiens de l’industrie. On sait que le sens du terme industrie a beaucoup évolué au cours des siècles et qu’au XVIIIe siècle on parlait plutôt d’arts manufacturiers, de métiers. De même, au terme d’usine on a longtemps préféré celui de manufacture, d’atelier etc. Si le débat appartient au monde des spécialistes, il n’est pas anodin car il rencontre aussi celui de la définition de l’industrie : quand a-t-on industrie, quand n’a-t-on simplement que de l’artisanat au sens actuel du terme? Et cela rejaillit nécessairement sur l’approche patrimoniale. Louis Bergeron, considérant que l’industrie était apparue avec l’expansion du moteur hydraulique parce que celui-ci permettait enfin de décupler la force du bras de l’homme, rejetait l’emploi du terme industrie pour des activités antérieures au XIIe siècle et donc réfutait aussi toute notion de patrimoine industriel comme, par exemple, pour des ateliers de taille de silex du néolithique… Mais il rappelait simultanément que l’emploi du moteur hydraulique n’était pas le seul critère d’appartenance à une activité de production au monde industriel. En réalité, c’est la notion de fabrication en série qui qualifie l’industrie, car cela suppose que quatre conditions soient réunies : un marché suffisant pour absorber la production; des techniques spécifiques mises en oeuvre; une organisation du travail; et, bien entendu, des capitaux. Les moulins à farine antérieurs à la mouture à la hongroise et donc aux minoteries, relevaient pour lui de l’économie agraire et non de l’économie industrielle. Louis Bergeron a toujours eu beaucoup de rigueur dans les termes qu’il employait et les concepts qu’il convoquait. Notamment pour ce qui avait trait au patrimoine :

Si le patrimoine industriel prend tout en compte, il se diluera et perdra tout son sens. Ni l’usage des produits, ni leur commercialisation ne relèvent du patrimoine industriel car ils ne relèvent pas de la culture de la production industrielle.

Pour ce qui est du patrimoine industriel proprement dit, donc des objets matériels, voire immatériels, qui subsistent de l’industrie, le champ de ceux-ci s’est élargi depuis les années 1980, du site de production stricto sensu aux ateliers annexes, aux dépendances, aux machines et outils de production, jusqu’au paysage né de l’industrie :

Paysage construit, le paysage industriel (…) est un paysage essentiellement fragile et délébile, dont nous devons prendre garde qu’il ne sorte de nos mémoires (…). Le paysage de l’industrie est beaucoup plus que le paysage de la production et des infrastructures qui la desservent.

Bergeron et Maiullari 2000

La structuration par une hiérarchie d’allées de tailles décroissantes à l’ordonnancement géométrique et linéaire de nos grands massifs forestiers, est le résultat, pour la plupart d’entre eux, de la nécessité de rationaliser l’approvisionnement et le renouvellement du combustible réclamé par les grandes forges seigneuriales au XVIIe siècle. Paysage forestier et bucolique de nos jours, aux accents de nature pure et intacte : paysage en réalité né de l’industrie d’avant hier… Et encore ne parle-t-on pas des essences forestières qui se sont succédé au nom du meilleur rendement énergétique.

On peut faire la même remarque à propos des cours d’eau petits et moyens d’aujourd’hui, dont le cours et les méandres sont ponctués des vestiges des moteurs hydrauliques implantés et constamment réemployés, reconstruits, agrandis, depuis le XIIe siècle, de dérivations, de chaussées submersibles et de barrages. Encore un paysage rural, considéré souvent comme charmant et – à tort – comme relevant de l’activité agraire, qui trouve son origine dans six à sept siècles d’industrialisation. Des observations analogues peuvent être faites sur des territoires et des domaines beaucoup plus contemporains. Du reste, n’est-ce pas au titre du paysage culturel, c’est-à-dire mentalement construit, qu’a été inscrit en 2012 le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais sur la liste du patrimoine mondial en ne se limitant pas aux seuls édifices disséminés de la production?

Culture

Culture matérielle, culture nationale, patrimoine national, patrimoine culturel de la nation, richesse culturelle, cause, avancée culturelle, liens culturels, aspects techniques de notre culture, culture commune de l’Europe, culture nationale élargie aux techniques, civilisation industrielle… Ces expressions reviennent comme un leitmotiv dans la plupart des écrits de Louis Bergeron, que ce soit dans ses ouvrages en nom propre, ou dans ses éditoriaux de revues et ses conclusions de nombreux colloques.

Louis Bergeron place le patrimoine de l’industrie au rang le plus élevé qui soit, à égalité des autres champs du patrimoine général. « Faut-il, pour s’attacher aux choses, être brutalement menacé de les perdre? » Ainsi commence l’introduction de son chapitre « L’Âge industriel » dans Les Lieux de mémoire III, 3, qui s’achève par une mise en garde ou un voeu : « Il est pourtant souhaitable que notre société puisse comprendre qu’il est contre son intérêt de se laisser couper de son passé industriel, tout proche ou plus ancien au moment où elle aborde une autre phase de la croissance économique (…) qu’elle prenne les moyens, d’urgence, nécessaires à la conservation de cette mémoire particulièrement volatile, de ce patrimoine aux contours insolites ». Bergeron plaide pour que le patrimoine industriel intègre à part entière de dignité et d’intérêt le territoire de la Culture :

Si beaucoup répugnent encore à considérer le patrimoine industriel autrement que comme un compartiment excentrique, une curiosité marginale, c’est (…) parce qu’ils ne veulent pas admettre que la culture technique et la culture du travail fassent partie de la culture générale des honnêtes gens. (…) Or la technique est partout, et c’est faire grande injure aux hommes que de croire l’esprit qui a perfectionné les aubes des roues hydrauliques inférieur à celui qui a conçu la coupole de Santa Maria del Fiore à Florence.

Bergeron 1992

Ce que Paul Berliet disait à sa façon en affirmant que la seule différence entre un tôlier et un dinandier était le matériau travaillé (l’acier ou le cuivre) et l’usage de l’objet fabriqué (une aile de camion ou un pot élégant). Pour le savoir-faire et la culture technique, point d’opposition entre les deux, mais l’un n’est qu’un ouvrier et l’autre un artiste.

Louis Bergeron est donc pénétré de l’idée que l’industrialisation est une valeur forte et essentielle de notre civilisation, au moins au même titre que les cultures religieuses ou artistiques. Pour lui, cela ne se discute pas mais entraîne une suite logique de conséquences. En premier lieu, l’exigence de sauver le témoignage matériel de cette culture fondée sur la technique mais aux effets sociétaux multiples. C’est le but de son action, ce qu’il appelait souvent en souriant « La cause », et du militantisme qui l’animait. Mais il était bien conscient des difficultés multiples rencontrées, notamment les difficultés culturelles et mentales. Non seulement il faut convaincre les élus et hauts fonctionnaires à tous les niveaux, mais il faut aussi que la société civile se ré-approprie son patrimoine, notamment par le biais du monde associatif. Et à ce niveau, il revient sur les historiens dont il a montré le rôle premier par l’archéologie industrielle telle qu’il la conçoit, en les alertant : « L’archéologie industrielle n’est pas destinée à alimenter les seuls intérêts de la corporation des historiens ou des chercheurs, sinon son intérêt serait très limité. » L’historien est donc un démiurge, un passeur.