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Introduction

L’information joue un rôle majeur dans le développement personnel. Elle contribue à la construction de l’individu en lui permettant de communiquer avec son environnement. Vecteur de développement socioéconomique, elle facilite la prise de décision à travers « la réduction de l’incertitude et la modification des conséquences d’une décision » (Confland, 1997, p. 347). Sa collecte, son traitement, sa gestion et sa diffusion nécessitent des compétences professionnelles et exigent une formation. Cette réalité, associée aux nombreux enjeux de l’information tels que la facilitation de l’acquisition de savoirs, le suivi de l’environnement pour les entreprises et la mise à jour de connaissances (Diarra, 2017, p. 20), ont incité les pouvoirs publics au Mali à ouvrir une filière de formation aux métiers du livre, des archives et de la documentation en vue de pallier le manque de bibliothécaires, documentalistes et archivistes et de jeter les bases de la recherche en science de l’information et de la communication.

Le présent article a pour objectifs de faire un état des lieux de la formation des professionnels de l’information documentaire au Mali et, plus précisément :

  • d’appréhender et analyser les enjeux de cette formation ;

  • d’identifier et analyser les problèmes y afférant ;

  • d’identifier les perspectives.

Notre approche est essentiellement centrée sur l’étude documentaire.

Historique

Selon le Dictionnaire de l’information, un professionnel de l’information est « une personne travaillant dans une activité rémunérée liée à la production, au traitement, à la conservation et à la diffusion de l’information » (Cacaly, Le Coadic, Pomart et Sutter, 2006, p. 186). En plus des journalistes, le concept inclut les courtiers en information, les producteurs de banques de données, les bibliothécaires, les documentalistes et les archivistes. Le présent article concerne ces trois dernières catégories de spécialistes, pour la formation desquels le Mali n’a pas une longue tradition comme celles de la France, du Canada, des États-Unis et du Sénégal, où l’École de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD) a été créée par le décret N°67-1235 du 15 novembre 1967 (Dione, 2015). Au Mali, la première école de formation aux métiers de la bibliothèque est l’Institut Moderne de Formation Sogholo (IMOFOS). Sa filière de formation en bibliothéconomie, documentation et archivistique a existé entre 2000 et 2002, avec une seule étudiante.

L’expérience réussie de formation des professionnels de l’information documentaire est celle de la filière Métiers du livre, des archives et de la documentation (FMLAD), ouverte en 2004 avec une première promotion d’une vingtaine d’étudiants. Rattachée à l’époque au Département Lettres de l’ex-faculté des Lettres, langues, arts et sciences humaines (FLASH), elle est le résultat de la coopération entre le Mali et la France. Du côté français, l’Institut Universitaire de Technologie (IUT2) de Grenoble de l’ex-Université Pierre Mendès France (UPMF) a beaucoup aidé à la création de la FMLAD de l’IUT de Bamako. L’Université de Bamako qui portait le projet avait sollicité l’expertise des partenaires de l’IUT2 de Grenoble à travers des missions Nord-Sud qui ont permis à la partie française d’appuyer le plaidoyer des Maliens auprès de leurs autorités publiques en faveur de la création d’une école de formation des bibliothécaires, documentalistes et archivistes au Mali. Les missionnaires de Grenoble avaient rencontré des professionnels de l’information documentaire du Mali au sujet de leur adhésion au projet et de l’identification de compétences pour enseigner. Des efforts avaient également été déployés auprès des structures publiques et privées en vue de l’accueil en stage de futurs étudiants. Le projet de création de la FMLAD a bénéficié de l’assistance technique et financière des partenaires français dans le cadre de l’élaboration des programmes de formation, de l’organisation des premiers concours, de la mise en place d’une bibliothèque (bibliothèque d’application à Bamako) et de la formation de formateurs, entre autres. Seize ans plus tard, cet accompagnement se poursuit à travers des missions d’enseignement Nord-Sud et Sud-Nord.

Après la création de l’Université des Lettres et des sciences humaines de Bamako (ULSHB) en 2011 (Présidence de la République, 2011), la FMLAD est sortie de la tutelle du DER Lettres pour être rattachée à l’IUT, une entité de l’ULSHB créée la même année. Depuis sa création, la filière a choisi la formation en tronc commun de spécialistes capables d’exercer, tous, les mêmes métiers de bibliothécaires, documentalistes et archivistes. Le diplôme universitaire de technologie (DUT) a été retenu comme niveau de formation, et les apprenants sont recrutés à l’issue d’un concours ouvert aux bacheliers et aux professionnels en poste dans les structures documentaires. Les enseignants ont été recrutés parmi les rares spécialistes disponibles. L’étude de la cinquantaine de CV reçus a permis de choisir une douzaine d’enseignants et de repartir les matières en fonction de leurs compétences. Les efforts des autorités universitaires auprès de la Direction nationale de la fonction publique ont permis l’ouverture progressive du concours d’entrée à la fonction publique aux diplômés de la filière à côté des animateurs socio-culturels formés à l’Institut National des Arts (INA). Les sortants de l’école sont également recrutés dans les secteurs privé et parapublic : banques, établissements financiers, organisations socio-éducatives diverses, organisations non gouvernementales (ONG), etc.

Organisation de la formation

À partir de 2011, le cycle de la formation est passé de deux à trois années après le bac, à l’issue desquelles une licence professionnelle en Numérisation des documents est délivrée. Cette innovation est consécutive au basculement des universités du Mali dans le système Licence Master Doctorat (LMD). Toutefois, les apprenants ont la possibilité de s’arrêter après deux années de formation, ce qui leur permet d’avoir un DUT en Métiers du livre, des archives et de la documentation et de revenir après pour une année supplémentaire en vue d’obtenir la licence professionnelle.

L’année académique comprend deux semestres, tous comportant des cours magistraux, des travaux pratiques (TP) et des travaux dirigés (TD). Le travail personnel de l’étudiant occupe une place importante dans la formation. Le système d’évaluation est axé sur des contrôles continus et des examens de fin de semestre. Chaque année, les étudiants font un stage dans une structure documentaire et produisent un rapport. Le stage est une unité d’enseignement dont la durée et le contenu varient en fonction du cycle. En Licence 1, il dure un mois et le rapport comprend une présentation de la structure d’accueil et des activités réalisées ainsi que des suggestions. Le rapport de stage n’est pas soutenu, contrairement à celui des Licences 2 et 3, dont, au second semestre, le stage s’étend respectivement sur deux et trois mois et le rapport, produit sur un thème choisi en fonction d’une problématique de la structure d’accueil, est soutenu. Chaque étudiant est confié à deux encadreurs : un maître de stage choisi dans la structure d’accueil et un correspondant pédagogique désigné par la direction de l’école parmi les enseignants. Le maître de stage confie des activités à l’étudiant et en assure le suivi technique. En L2 et L3, il l’aide à choisir un thème. Le correspondant pédagogique assiste l’étudiant dans la formulation/validation du thème, l’élaboration/validation du plan et le traitement de la thématique.

Pour le recrutement à la L3 Numérisation des documents, un jury étudie les dossiers des candidats. Ceux-ci doivent être titulaires du DUT de l’IUT ou d’un diplôme équivalent obtenu dans un autre établissement. Dans ce cas, le dossier doit comprendre un relevé de notes qui permet au jury d’apprécier les compétences du candidat dans les matières liées à l’informatique, un critère majeur. Les candidats retenus peuvent passer un entretien supplémentaire ou un test si nécessaire.

En plus de la licence professionnelle Numérisation des documents, une licence en Numérisation des manuscrits anciens a été créée avec la collaboration du Conseil Régional de Tombouctou, mais elle n’est pas encore opérationnelle. L’IUT compte également une filière Communication des organisations et une filière Métiers du multimédia et de l’Internet. Au total, la filière MLAD a formé environ 270 professionnels de l’information documentaire (Diakité, 2018).

Enjeux de la formation

L’enjeu est défini comme « ce que l’on peut gagner ou perdre dans une entreprise » (Enjeu, 2017, p. 439). La formation des professionnels de l’information est avantageuse pour la structure de formation (IUT), les apprenants et leurs futurs employeurs. Elle profite à l’État à travers ses démembrements que sont les services publics et parapublics, car la mise à leur disposition de professionnels de l’information facilite la planification, la réalisation des activités et la prise de décisions.

Les enjeux généraux et spécifiques de la formation des professionnels de l’information sont décrits dans les sections suivantes.

Enjeux généraux

Appui de l’IUT à la mise en oeuvre de la politique nationale en matière d’enseignement supérieur et de recherche scientifique

À travers la formation des professionnels de l’information, l’IUT contribue à la mise en oeuvre de la politique nationale en matière d’enseignement supérieur et de recherche scientifique, une mission essentielle assignée par l’État du Mali à toutes les structures de formation.

Accompagnement de la mise en oeuvre de la réforme institutionnelle

La réforme institutionnelle vise la modernisation de l’administration malienne. Ce processus devra s’accompagner de la création de bibliothèques, de centres de documentation ou de services d’archives dans les services publics, de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’une politique documentaire et d’information. Cet important chantier nécessite un accompagnement par des spécialistes de l’information.

Résolution du déficit de spécialistes en gestion des unités d’information

Au-delà de la modernisation de l’administration, il s’agit d’une approche globale de remédiation au déficit de gestionnaires de l’information documentaire dans tous les secteurs du développement socio-économique, d’autant plus qu’environ 80 % du personnel en poste dans les bibliothèques, centres de documentation et services d’archives au Mali n’avaient pas reçu la formation universitaire (Cartellier et Delcarmine, 2009). Cette professionnalisation de la fonction documentaire « représente un enjeu d’autant plus important que le pays reste imprégné d’une culture orale » (Cartellier et Delcarmine, 2009, p. 80). Elle vise, à terme, une reconnaissance du métier de professionnel de l’information documentaire et l’amélioration du statut des personnes qui l’exercent.

Appui aux activités des structures de contrôle des services publics et parapublics

Dans le cadre de leurs activités de contrôle, le Bureau du vérificateur général (BVG), le Service du contentieux de l’État et le Pôle économique et financier s’appuient sur des documents de gestion. L’existence d’un service d’archives mieux organisé devrait faciliter leur travail.

Assurance de la traçabilité des documents administratifs

Dans les services publics et privés, la traçabilité des documents en général et des opérations financières en particulier est souvent problématique. Certaines structures, en fin de mission, voient leurs fonds documentaires disparaître dans le pire des cas. Dans le meilleur, il est parfois légué mal organisé, comme ce fut le cas pour le fonds d’archives de l’Association pour la promotion des entreprises privées (APEP), qui a été légué au Centre du secteur privé (CSP) et qui n’a pu véritablement intégrer le fonds documentaire de cette structure faute de traitement adéquat. Par conséquent, ce fonds reste encore peu exploité de nos jours. La présence d’un professionnel de l’information documentaire dans le service héritier pourrait faciliter la gestion du legs.

Enjeux spécifiques

Enjeux professionnels

Au Mali, la plupart des unités d’information étaient gérées par des personnes qui n’avaient pas reçu la formation universitaire requise. Il s’agissait d’enseignants, de secrétaires de direction, d’attachés d’administration et de techniciens d’agriculture et d’élevage, etc., qui bénéficiaient de stages et d’accompagnement de professionnels formés à l’étranger (France, Sénégal, Maroc, Canada et Russie). Mais le secteur des bibliothèques, des archives et de la documentation se professionnalise depuis la création de la filière Métiers du livre, des archives et de la documentation.

Les modules techniques tels que la description bibliographique, la description archivistique, l’analyse documentaire, l’informatique documentaire, les techniques de recherche en ligne et hors ligne, etc. permettent d’outiller les apprenants de connaissances professionnelles indispensables pour la gestion des unités d’information. Des modules tels que l’« Éthique et la déontologie des métiers de l’information » permettent aux futurs diplômés de mieux comprendre leurs devoirs et obligations en matière de communication des documents.

Les enjeux professionnels de la formation sont aussi liés au renforcement de l’esprit d’appartenance professionnelle, indispensable pour la défense des intérêts matériels, moraux et juridiques des futurs spécialistes.

Enjeux économiques

La formation des professionnels de l’information soulève des enjeux économiques car l’information est considérée comme un bien ayant une valeur économique, un produit destiné à la vente (Jakobiak, 1988). Sa collecte, son traitement, sa gestion et sa diffusion engendrent des coûts et nécessitent de plus en plus d’expertise. À travers leur service documentaire, certaines structures, comme l’Institut national de la statistique et Afrique Statistique (Afristat), proposent des produits documentaires (recueils de données statistiques) payants. La conduite d’activités d’archivage permet aux services d’anticiper d’éventuels contentieux susceptibles de leur coûter de l’argent, ce qui relève également des enjeux économiques de la formation des professionnels de l’information.

En l’absence d’études sur l’apport du secteur de l’information documentaire à l’économie nationale, force est de reconnaître au moins qu’il crée des emplois. Les investissements consentis par l’État et les entreprises privées dans la prise en charge de la formation et l’emploi de professionnels de l’information relèvent également des enjeux économiques de la formation. Les bénéfices d’activités de cabinets de conseils en information, de bureaux privés d’organisation de documents, alimentent l’économie de l’information et relèvent des enjeux économiques de la formation.

Enjeux organisationnels

La formation des professionnels de l’information a des implications organisationnelles. Il s’agit d’aider les apprenants à s’organiser eux-mêmes et à organiser les structures d’information dont ils assureront la gestion. Les modules portant sur la gestion de projets, l’organisation et la gestion de structures documentaires, la sociologie et la communication des organisations devront les aider à relever les défis organisationnels.

Le recrutement de professionnels de l’information devrait aider les services à améliorer la gestion et la circulation de flux d’informations et des documents en leur sein. L’ouverture de la filière Métiers du Livre au Mali contribue à la prise de conscience de l’importance de l’information, ce qui conduit progressivement à des réaménagements dans l’organigramme de certains services publics dans lesquels des services d’information commencent à se créer à côté des bureaux d’accueil et d’orientation destinés à faciliter l’accueil et l’orientation des usagers et leur accès aux documents administratifs (Secrétariat Général du Gouvernement, 2008).

Enjeux politiques

Les enjeux politiques de la formation des professionnels de l’information sont intimement liés aux enjeux organisationnels. La création d’une Direction nationale des bibliothèques et de la documentation (DNBD) et d’une Direction nationale des archives du Mali (DNAM), en 2002, contribue à une meilleure visibilité des métiers de la bibliothèque, des archives et de la documentation. L’adoption de textes nationaux, la ratification d’accords internationaux (Accord de Florence et Protocole de Nairobi), la création et l’homologation de diplômes de formation (DUT, licence professionnelle Numérisation des documents), l’habilitation de programmes de formation et la reconnaissance de la science de l’information et de la communication comme discipline d’enseignement et de recherche constituent des avancées majeures au Mali, relevant des enjeux politiques de la formation des professionnels de l’information.

Ces enjeux résident également dans les accords et conventions de collaboration que l’École signe avec les structures en vue de l’accueil en stage de ses étudiants. Les modules concernant l’environnement professionnel (associations professionnelles et réseaux documentaires), la politique documentaire et la normalisation permettent aux étudiants de mieux comprendre les enjeux politiques de leurs futurs métiers. La formation favorise également une meilleure connaissance de l’activité des organisations internationales oeuvrant dans le secteur des bibliothèques, de la documentation et des archives comme le Conseil international des archives (CIA), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA) et l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Celles-ci, au-delà de la profession, constituent des organismes de coopération et de raffermissement des relations entre les États. Enfin, la formation des professionnels de l’information est un vecteur important de développement du réseau de lecture publique, comprenant des bibliothèques scolaires, des Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) et des Centres de lecture et d’animation enfantine au niveau des Communes (CLAEC) (Traoré et Diarra, 2018).

Enjeux culturels et sociaux

Toute formation comporte une dimension culturelle, car il s’agit de doter les apprenants d’une culture générale en vue de leur orientation dans la vie, indépendamment de la profession. Au Mali, la formation des professionnels de l’information est adossée à un programme qui comprend des modules de culture générale tels que l’organisation administrative du Mali, la littérature et la tradition orale, le français, l’anglais, la langue nationale, la psychologie, la pédagogie générale, la sociologie de la lecture, etc. Ces enseignements participent à la construction et à la consolidation de la culture générale des apprenants.

En plus d’ouvrir sur le monde, la formation permet de renforcer les liens entre les futurs spécialistes à travers les activités socio-éducatives et les travaux de groupes, qui sont des formes de socialisation de l’individu. Elle contribue à forger la personnalité et à inculquer les notions de biens culturels et patrimoniaux. En dotant les étudiants de qualités pour l’exercice de leurs futurs métiers telles que la disponibilité, la confidentialité et le sens de l’accueil, on les outille également de qualités humaines nécessaires pour le vivre ensemble (respect du prochain, écoute, sens de la responsabilité, etc.).

Enjeux stratégiques

Les enjeux stratégiques de la formation des professionnels sont liés au développement de la conscience du caractère stratégique de l’information pour le progrès de l’entreprise et du pays en général. En clair, il s’agit de mettre l’accent sur l’importance de l’information et sur le rôle du service en charge dans l’appui à tous les secteurs du développement socioéconomique, notamment l’enseignement et la recherche scientifique, l’industrie, la sécurité et la défense nationale, etc.

Enjeux scientifiques et cognitifs

La formation prévoit un volet de préparation à la recherche. Le module Méthodologie de recherche permet d’initier les étudiants à la problématisation de sujets et aux techniques et outils d’enquête. Dans « Concepts et problématiques de l’Information Communication » (Infocom), en L3, ils découvrent les tendances actuelles de la recherche en science de l’information et de la communication en vue des études en Master. Les enjeux cognitifs de la formation résident dans la transmission des connaissances aux apprenants à travers l’information, elle-même considérée comme le contenu cognitif du processus de communication (Ballico, 2013).

Problèmes liés à la formation des professionnels de l’information

Déficit d’enseignants permanents

Les enseignements sont assurés à 90 % par des professionnels exerçant ou ayant exercé dans des structures documentaires (Diakité, 2018). Certains sont titulaires de diplômes d’écoles de bibliothéconomie d’Europe occidentale, d’ex-URSS ou du Sénégal. D’autres, reconvertis dans la profession, ont suivi la formation. Tous ont été sollicités pour mettre leur expertise professionnelle au service de l’enseignement. Le nombre d’enseignants dans les différentes disciplines est de quatre en bibliothéconomie, cinq en documentation et deux en archivistique. Il n’y a pas de femme chargée de cours dans les matières techniques. L’insuffisance d’enseignants permanents ralentit la mise en oeuvre du projet de création de Départements d’enseignement et de recherche (DER) et pourrait constituer également un handicap si l’École devait envisager la spécialisation en filières de formation (bibliothéconomie, documentation et archivistique). Du reste, le développement d’une politique de recrutement et de formation d’enseignants permanents et l’intégration de la recherche sur le livre et les sciences de l’information et de la communication sont des recommandations du Rapport d’évaluation du programme FMLAD (non publié) réalisé en juin 2014 par Bernard Dione de l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar.

Déficit d’enseignants titulaires d’un doctorat en Science de l’information et de la communication (SIC)

Le déficit d’enseignants titulaires d’un doctorat en SIC (deux seulement) pourrait retarder l’ouverture du master en Métiers du livre, des archives et de la documentation, et ralentir la création d’équipes de recherche.

Insuffisance de collaboration entre l’École et les entreprises

La formation des professionnels de l’information nécessite une étroite collaboration entre l’École et les entreprises publiques et privées. Il s’agit de partenariats formalisés qui peuvent faciliter l’obtention de stage, l’employabilité des diplômés et la possibilité pour l’École d’entreprendre des recherches à partir de problématiques spécifiques des entreprises. Cette collaboration reste pour le moment timide.

Manque de suivi des diplômés de l’IUT

L’établissement n’a pas encore mis en place un système de suivi de ses diplômés en activité. L’absence d’un tel dispositif rend aléatoire la cueillette d’information relative aux difficultés techniques qu’ils rencontrent et aux nouveaux besoins en formation continue.

Insuffisance d’accès des enseignants et des étudiants aux ressources pédagogiques

Les activités pédagogiques nécessitent de la documentation. L’École dispose d’une bibliothèque qui a été mise en place avec le concours de la coopération française. Mais, depuis sa création en 2005, son fonds documentaire a peu évolué compte tenu de l’inexistence d’une politique d’acquisition documentaire. La bibliothèque n’est abonnée à aucune revue professionnelle ni à une aucune base de données documentaires. Elle n’a ni ligne budgétaire pour ses activités ni bibliothécaire attitré.

Solutions

Au Mali, l’amélioration de la formation des professionnels de l’information documentaire passe par la résolution des problèmes soulignés précédemment. La constitution d’un noyau d’enseignants permanents s’avère indispensable. Les efforts en cours dans le cadre de la formation des formateurs (budget national et partenaires étrangers) devront se poursuivre. La réactivation de l’initiative relative à l’octroi de bourses de formation aux trois meilleurs étudiants de chaque promotion de la L3 pourrait également être une solution au déficit d’enseignants permanents de même que la transposition et la hiérarchisation d’anciens diplômés de la filière MLAD titulaires de master en SIC. L’insuffisance d’enseignants en archivistique (seulement deux) devra être corrigée.

Les efforts de l’administration de l’École en vue d’améliorer le contenu des programmes de formation devront être maintenus et renforcés par la redynamisation du Conseil de perfectionnement, ce cadre d’échanges entre l’École et les entreprises. Ceci permettra de transmettre à l’École les préoccupations des employeurs afin qu’elles soient mieux prises en compte dans les programmes de formation. La mise en place d’une cellule de relations extérieures adossée à un dispositif de veille stratégique à l’IUT permettrait à l’établissement d’être beaucoup plus près des entreprises. Enfin, la mise en place d’un cadre d’échange avec les anciens diplômés de l’École, à travers leur amicale, permettrait de recenser les difficultés techniques qu’ils rencontrent en vue de corriger les insuffisances de la formation initiale et d’évaluer les nouveaux besoins qui pourront être pris en compte dans le cadre de la formation continue.

Au Mali, la licence constitue pour le moment le niveau le plus élevé de la formation sur place des professionnels de l’information. Les étudiants sont initiés à la recherche à travers la production et la soutenance de rapports de stage sur des thématiques spécifiques et les projets tutorés. Le volet recherche devra certainement être mieux pris en charge dans le cadre du futur master en SIC, dont un projet de programme a été élaboré. L’accès des enseignants et des étudiants aux ressources documentaires est un facteur d’amélioration de la qualité de l’apprentissage. Il passera nécessairement par la pleine opérationnalisation de la bibliothèque.

Perspectives de la formation des professionnels de l’information

Les métiers de la bibliothèque, des archives et de la documentation évoluent. Ils intègrent les technologies de l’information et de la communication. La prise en compte de cette dimension est une réalité dans la formation des professionnels de l’information documentaire au Mali avec l’existence dans le programme de modules tels que « Sites web documentaires », « Démarche d’informatisation », « Bases de données », « Recherche documentaire en ligne », entre autres. L’amélioration constante de la qualité de la formation et son adaptation aux besoins des employeurs restent une préoccupation majeure des autorités de l’École. Les efforts doivent se poursuivre en vue de renforcer les acquis et de nouvelles initiatives devront être envisagées afin de corriger les insuffisances. Il s’agit entre autres des actions ci-après.

Organisation d’un atelier de réflexion sur la dénomination de la licence professionnelle Numérisation des documents

L’appellation « Numérisation des documents » de la L3 est visiblement réductrice des compétences que la formation offre aux apprenants, « assimilés » plus à des agents de numérisation. L’atelier pourrait également plancher sur la possibilité de garder en l’état l’appellation « filière Métiers du livre, des archives et de la documentation ». Celle-ci semble réduire les métiers du livre à la gestion des unités d’information, auquel cas on pourrait envisager la dénomination « Filière Métiers de la bibliothèque, des archives et de la documentation » ; le cas échéant, on pourrait intégrer progressivement à la formation d’autres métiers du livre (édition, librairie, entre autres), afin que l’appellation actuelle puisse refléter une couverture optimale des métiers du livre.

Renforcement des compétences liées à l’ingénierie documentaire

La norme ISO FD X50-183 définit la compétence comme « la capacité à mettre en oeuvre des connaissances, savoir-faire et comportements en situation d’exécution » (Secrétariat Général de la Défense Nationale, 2004). Elle n’existe pas en soi et s’acquiert dans le cadre d’un processus d’apprentissage. Ceci étant, l’administration publique malienne et les entreprises publiques et privées ont diverses attentes envers les professionnels de l’information documentaire formés à la filière MLAD de l’IUT de Bamako. En-dehors de la mise en oeuvre des initiatives de création, d’organisation et de gestion de structures documentaires, ceux-ci devront pouvoir contribuer à la réalisation de projets de numérisation de documents tels que les numéros d’anciens journaux du Mali pour le compte de la Direction nationale des bibliothèques et de la documentation ainsi que d’archives publiques, surtout en état de dégradation, pour la Direction nationale des archives du Mali. Si les compétences liées à l’ingénierie documentaire sont demandées aux titulaires du DUT, celles liées à la numérisation des manuscrits anciens et d’autres documents d’archives sont sollicitées des titulaires de la Licence 3, option Numérisation des documents, car ces derniers sont formés pour être des gestionnaires de l’information en général et de l’information numérique en particulier (création, organisation et gestion de collections numériques).

Quant aux établissements bancaires et financiers qui recrutent également les sortants de la filière MLAD, ils attendent de ces derniers qu’ils contribuent à améliorer la gestion et la communication de leurs archives comprenant des dossiers de crédits, des dossiers d’achats de matériels (fournitures et équipements), des documents du personnel, des factures et des correspondances diverses, entre autres. Certaines structures comme le Centre du secteur privé (outil de travail de l’Association pour la promotion des entreprises privées [APEP]) et l’Observatoire pour le développement humain durable (ODHD) développent progressivement des services de prospective axée sur la veille informationnelle, capitale pour un meilleur suivi de l’environnement dans une logique de concurrence. Leurs documentalistes, formés à l’IUT, sont appelés à mettre en place et à développer un dispositif de veille pour faciliter la prise de décisions stratégiques. C’est dire qu’ils doivent pouvoir doublement assurer la gestion et la traçabilité de l’information et satisfaire aux exigences de veille de leurs employeurs. Le conseil de perfectionnement sert justement à transmettre à l’École, en vue de leur meilleure prise en charge dans les programmes de formation, les nouvelles compétences demandées et les anciennes pour lesquelles il y a un regain d’intérêt. Quant aux programmes de formation eux-mêmes, ils tentent de suivre le rythme des évolutions. Ils ont beaucoup évolué depuis l’ouverture de la filière en 2004-2005 pour permettre aux apprenants d’acquérir des connaissances générales et universelles et des savoirs spécifiques, comme il ressort de l’aperçu ci-après du programme d’enseignement de la L3, Numérisation des documents (voir Tableau 1).

Tableau 1

Modules d’enseignement en L3, option Numérisation des documents

Modules d’enseignement en L3, option Numérisation des documents

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Qu’à cela ne tienne, certains diplômés de la filière MLAD s’en sortent mieux que d’autres dans le déploiement de systèmes d’information et la mise en place de nouvelles structures documentaires. Les questions liées à l’aménagement de l’espace, au choix du matériel informatique, à la mise en place et au développement des collections ainsi qu’à l’élaboration d’outils de gestion devront être mieux approfondies lors de la formation initiale. Les futurs spécialistes doivent être donc mieux outillés par une vision globale des projets informationnels et documentaires, à la manière de l’ingénieur. Pour ce faire, les « seuls savoir-faire techniques sont insuffisants d’où la nécessité d’articuler des points de vue organisationnel, utilisateur et technique » (Guyot, 2011, p. 5).

Recrutement d’un noyau d’enseignants permanents

La formation est assurée à plus de 90 % par des enseignants vacataires, ce qui facilite le partage d’expérience et un meilleur encadrement des apprenants. Mais la présence d’un noyau d’enseignants permanents s’avère indispensable pour permettre à l’IUT d’être une institution d’enseignement supérieur et de recherche plus compétitive. Du recrutement s’avère indispensable.

Création d’un master en science de l’information et de la communication

La FMLAD est au premier palier (licence) du système LMD depuis quelques années. Le passage au second (master) est vivement souhaité par une partie des 200 diplômés. L’ouverture de ce cycle pourrait contribuer à résoudre le déficit d’enseignants permanents par la sélection et le coaching de certains détenteurs de master pour enseigner.

Diversification des partenariats pour la formation continue des formateurs

La formation des formateurs est indispensable pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de la recherche en science de l’information et de la communication. Elle se fait déjà grâce au budget national à travers le Programme de formation des formateurs, et certains enseignants de la filière ont déjà bénéficié d’une formation doctorale grâce à ce programme. Cette dynamique devra être maintenue et renforcée tout en diversifiant les partenariats.

L’amélioration constante des programmes de formation, la poursuite de la polyvalence ou la spécialisation, la poursuite de la formation en présentiel ou la mise en place de formations à distance, la création d’une cellule « entreprise » en vue de rapprocher l’École du secteur privé, le développement d’un volet de formation à la carte, l’évaluation des enseignements, entre autres, sont autant d’axes de réflexion en vue du renforcement des acquis et de l’ouverture de la formation à de nouvelles perspectives. Celles-ci devront également prendre en compte la création d’une équipe et d’un laboratoire de recherche en science de l’information et de la communication.

Conclusion

Au Mali, la création d’une filière de formation aux métiers du livre, des archives et de la documentation répond à un besoin impérieux de doter les services publics et parapublics et les entreprises privées de spécialistes polyvalents capables de mettre en place et de gérer bibliothèques, centres de documentation et services d’archives. Elle a permis l’émergence d’une tradition de formation de professionnels de l’information documentaire et un regain d’intérêt pour les problématiques de l’accès, de la gestion et de la circulation de l’information.

Enfin, la mise en place de la filière a permis de faire connaître les sciences de l’information comme discipline d’enseignement et de recherche. Certes, le taux d’employabilité de ses diplômés est important (ils sont quasiment tous embauchés), mais la filière n’a pas un ancrage institutionnel aussi solide que l’EBAD de Dakar, l’École des sciences de l’information (ESI) du Maroc, créée en 1975, ou encore l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) du Canada, restructurée dans les années 1961 (EBSI, s. d.). La FMLAD existe depuis seulement 2004 et rencontre des problèmes dont la résolution lui permettra de se renforcer et d’envisager de bonnes perspectives pour la poursuite de la formation des spécialistes de l’information documentaire.