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Le domaine de l’immigration est complexe et sujet à débats : les travaux sur le sujet traitent amplement de la difficulté qu’ont les autorités étatiques à concilier les considérations humanitaires avec la lutte contre l’impunité. Ainsi, le contrôle des frontières et la protection des citoyens s’opposent au concept de mobilité globale, et la résurgence de nationalismes exacerbés et de politiques populistes visant à protéger la sécurité nationale constituent une réalité de plus en plus difficile à ignorer. Toutefois, les conséquences des migrations transfrontalières sont présentées de manière originale par cet ouvrage collectif, qui en aborde à la fois les volets politiques, sociaux et juridiques. Afin d’examiner les problèmes associés au mouvement des personnes, Edward Shizha, Rosemary Kimani-Dupuis et Priscilla Broni utilisent une approche multidisciplinaire qui traduit non seulement les complexités du transnationalisme et de la mondialisation, mais qui précise également leurs répercussions sur les migrants. Ces auteurs viennent ainsi combler un vide dans la recherche, non seulement en traitant de ce sujet de façon beaucoup plus intégrale et complète, mais en examinant plus particulièrement le cas du Canada.

Le travail de recherche réalisé par les auteurs permet de pousser l’analyse des multiples enjeux actuels de la globalisation. Les lacunes législatives des différents programmes gouvernementaux canadiens en matière d’immigration et les problématiques liées à l’intégration des nouveaux arrivants sont ainsi développées et illustrées par des cas types, notamment celui de l’arrivée des réfugiés syriens au Canada. Sous la direction de Shizha, Kimani-Dupuis et Broni, cet ouvrage s’éloigne de l’approche traditionnelle en présentant la réalité du transnationalisme du point de vue des migrants.

L’ouvrage est divisé en fonction de convergences thématiques, rassemblées en quatre parties principales. La partie I aborde les politiques d’immigration au Canada, leur évolution, leurs lacunes et le concept du multiculturalisme. Les parties II et III traitent du sentiment d’appartenance et de la notion de « chez soi », de l’identité de genre et du mouvement transnational vécu par les femmes et les minorités sexuelles. La partie IV présente plus particulièrement les expériences de travail et les difficultés rencontrées par les migrants économiques.

Tout au long de cet ouvrage, la notion qu’une intégration efficace permet de tisser des liens sociaux, d’occuper de nouvelles fonctions et de se développer au sein de nouveaux réseaux se dégage des différentes idées proposées. Plus spécifiquement, les auteurs traitent de l’importance d’être accepté par la société d’accueil, car un sentiment d’appartenance favorise les interconnexions et le développement du multiculturalisme. Les migrants doivent pouvoir se définir par leurs expériences, mais aussi par l’incorporation de leurs traditions et de leur culture au sein de leur nouvelle communauté. Les auteurs discutent aussi des difficultés liées à cette intégration en dépeignant les préjugés engendrés par la globalisation qui, tout en perpétuant des rapports de pouvoir inégaux, nuisent à l’accueil des nouveaux arrivants. Par exemple, considérer que ceux-ci sont violents et dangereux constitue un stéréotype récurrent qui nuit à leur intégration. La criminalisation des migrants projette une image négative qui rend plus laborieuse l’admission des investisseurs économiques, des travailleurs étrangers, des réfugiés et même des étudiants universitaires. L’étude du rôle des femmes migrantes naviguant dans ces eaux troubles est l’un des points forts de l’ouvrage, puisqu’elle présente un volet original et différent des mouvements migratoires.

La deuxième idée-force qui ressort de cet ouvrage permet de démystifier les complexités du système d’immigration canadien. Les auteurs décrivent les problèmes liés aux délais, aux décisions d’expulsion et de renvoi et à la difficulté d’accéder aux services de santé. L’idée que le Canada fait preuve de négligence envers les réfugiés est avancée par la présentation des mesures étatiques qui favorisent les migrants économiques. Les auteurs comparent de manière objective les embûches financières rencontrées par les migrants qui s’installent au Canada, avec des coûts importants qui incombent aux contribuables canadiens. Ces situations ont de lourdes conséquences : la difficulté pour les nouveaux venus de vivre une expérience sociale positive y est dépeinte, tout comme les cas de fraudes et d’usurpations d’identité qui minent la confiance des citoyens envers les réfugiés. Le discours politique canadien, qui prône l’ouverture et le leadership du pays en matière d’immigration, est critiqué par les auteurs. En effet, la réalité démontre plutôt que les migrants se retrouvent isolés de la société et qu’ils ne sont pas pris en charge adéquatement par le gouvernement. Il serait urgent d’améliorer les mesures d’encadrement afin d’aider de manière plus concrète les réfugiés. Notamment, il serait intéressant d’augmenter les fonds alloués aux organismes à but non lucratif qui aident les nouveaux arrivants ou encore de faciliter l’accès aux services de santé à toutes les catégories de réfugiés. L’ouvrage traite d’ailleurs des difficiles conditions de vie de ce groupe de personnes qui fuient la persécution et qui se retrouvent le plus souvent en position de vulnérabilité.

Ce travail rassemble plusieurs sous-thèmes d’un sujet complexe, tout en exposant un travail de recherche rigoureux. Le lecteur peut ainsi avoir une idée globale des différents enjeux qui s’imbriquent les uns dans les autres, l’ouvrage présentant de manière exhaustive la situation des migrants au Canada. Les auteurs contribuent significativement aux travaux sur le sujet par leurs perspectives variées en la matière et par leurs angles d’approches pluridisciplinaires. Une critique du système judiciaire plus approfondie aurait toutefois été intéressante, par une étude plus pointue des lois sur l’immigration au Canada. Une analyse historique des outils normatifs aurait peut-être permis une meilleure compréhension des préjugés qui existent toujours envers les migrants. L’ouvrage peut néanmoins être fort utile pour les chercheurs de tous les domaines qui souhaiteraient élargir leurs connaissances sur les différents aspects de ce sujet.