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Je m’élance au tableau pour décrire les débuts de l’aventure première, celle de l’esprit, les débuts du langage, voire de l’écriture, ces dessins dans les grottes de Lascaux, une contrée méconnue, celle de l’ocre, du charbon et du safran[1].

Le terme « autofiction » apparaît pour la première fois en 1977, sur la quatrième de couverture du roman Fils de Doubrovsky : « Fiction d’événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage[2]… » Évidemment, on n’a pas nécessairement attendu la création du terme pour s’autoreprésenter de manière non rousseauiste dans les récits, c’est-à-dire en établissant une « relation dialectique entre écriture du moi et critique[3] ». C’est en écrivant qu’on devient écrivain ou écrivaine, mais c’est aussi ainsi qu’on se construit en tant que tel. L’autofiction a donc une dimension performative. Pour cette raison, entre autres, la littérature compte d’innombrables figures d’auteurs. Ainsi dans son ouvrage de 2004, Roseline Tremblay recense, entre 1960 et 1995, pas moins de 158 romans québécois contenant un « personnage d’écrivain[4] ». Toutefois, Dominique Gérin, dans un mémoire sur Le professeur de lettres fictif, déposé en 2013, souligne que « [m]is à part les deux mémoires, la thèse et l’article répertoriés, le professeur fictif ne semble pas avoir fait l’objet de maintes études au Québec, contrairement à l’écrivain imaginaire, qui a retenu l’attention de plusieurs chercheurs[5] ».

Dans le plus récent de ses deux romans, Manikanetish[6], paru en 2017, l’auteure innue Naomi Fontaine met en scène un personnage d’enseignante. Yammie est une toute jeune prof de français qui, après avoir passé plusieurs années, dont celles de sa formation, au loin, revient dans la réserve où elle est née pour y remplir un contrat d’enseignement au secondaire. En une série de très courts tableaux, le récit couvre son année à l’école éponyme Manikanetish. En lisant le roman de Naomi Fontaine, on peut tout de suite penser à un autre roman : Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy, publié en 1977[7], mais dont les courtes histoires juxtaposées se déroulent dans le Manitoba des années trente. Ici aussi, on suit le parcours d’une jeune enseignante.

Les personnages principaux d’enseignantes, en particulier narratrices, ne sont pas légion[8], alors, forcément, l’analogie peut sembler facile. Il existe cependant des similitudes plus profondes entre les deux romans. Les ressemblances dépassent les simples thématiques et, ce qui frappe, c’est un rapport semblable à l’espace social, politique et culturel, quoique ces lieux soient éloignés tant sur le plan temporel que géographique. Tiphaine Samoyault, dans « Transmettre sans oeuvre : Gabrielle Roy enseignante », s’est intéressée aux textes de Gabrielle Roy « mettant en scène la personne de l’enseignante[9] », dont bien sûr Ces enfants de ma vie, et elle a montré comment ces personnages incarnent à la fois la continuité et le changement. Dans le même ordre d’idées, j’aimerais introduire la notion d’intra-action dans l’interprétation des oeuvres de Gabrielle Roy et de Naomi Fontaine qui font l’objet de cette étude, tant en ce qui concerne l’espace du texte lui-même que les liens entre le texte et le social, afin de montrer comment ces deux romans, à quarante ou à soixante-dix années d’intervalle (selon que l’on calcule à partir du temps de la fiction ou de l’écriture), constituent de véritables discours de la réconciliation. Pour ce faire, je m’efforcerai d’établir un dialogue entre les deux romans, en me concentrant sur leurs ressemblances génériques, narratologiques, structurelles et thématiques, sans toutefois m’interdire d’aller puiser ailleurs dans l’oeuvre des auteures et dans l’épitexte public.

UN ESPACE AUTOFICTIF

Les similarités biographiques entre les auteures et leur fiction touchent notamment la profession, l’éloignement géographique, de même que le rapport à la langue. Une ressemblance générique rapproche également les deux oeuvres : dans l’un et l’autre cas, les textes se donnent à lire comme des romans, dès la page couverture. Cependant, pour peu qu’on ait parcouru les autres oeuvres des deux auteures ou l’épitexte public, il apparaît évident qu’elles se situent toutes les deux sur la ligne étroite de l’autofiction — même si le terme venait à peine d’être inventé dans le cas de Gabrielle Roy.

Naomi Fontaine adopte le point de vue d’une jeune enseignante d’origine innue qui est aussi, dans la vie réelle, son point de vue de récente diplômée de la formation des maîtres. Dans une entrevue à Radio-Canada en novembre 2017, elle ne faisait pas de mystères à propos des liens entre son roman et sa propre pratique, mêlant son expérience empirique et son exploration fictionnelle : « J’ai réalisé que ces élèves-là, pour qu’ils soient rendus où ils sont rendus […], ils sont forts, persévérants […], ce sont des jeunes extrêmement résilients et c’est pour ça surtout que je voulais écrire ce roman-là[10]. »

Ces enfants de ma vie donne la parole à une institutrice fraîchement sortie de l’école normale, qui vit diverses expériences d’enseignement, en ville et en région éloignée. Le roman suit donc le parcours de la jeune Gabrielle Roy enseignante. Et si on doutait encore de l’homologie, dans son autobiographie La détresse et l’enchantement, l’auteure insiste sur le fait que les lieux et les personnes qu’elle évoque dans le roman sont tirés de sa biographie :

Ce village, je pense en avoir dit assez exactement l’atmosphère dans le dernier chapitre de Rue Deschambault. J’y touche encore quelque peu, en passant, dans le livre auquel je mets la dernière main ces jours-ci : Ces enfants de ma vie. Mais nulle part je ne me suis attachée à le décrire absolument ressemblant[11].

Tiphaine Samoyault parle d’une « concurrence biographique entre l’institutrice et l’écrivain[12] » chez Gabrielle Roy, et c’est un peu le même phénomène qu’on retrouve chez Naomi Fontaine. Même si les deux auteures se décrivent dans leur situation d’enseignement et si l’acte d’écrire est très peu mis en scène dans leurs récits, sinon chez les autres (chez les élèves), il est difficile d’oublier qu’elles sont en train de les écrire tant leur subjectivité fictionnelle/référentielle est partout présente. D’une certaine manière, faisant écho au déictique et au possessif du titre du roman de Gabrielle Roy[13], l’emploi du nom propre dans le titre du roman de Naomi Fontaine fait aussi dépendre le sens de l’énoncé de sa situation d’énonciation ou, en tout cas, d’un savoir référentiel autant que d’une langue partagée entre énonciatrice et énonciataire : dans le contexte qui nous occupe, le mot innu « Manikanetish » fait référence au prénom d’une femme d’Uashat qui portait le nom innu d’une plante (petite marguerite), et qui est également le nom de l’école secondaire réelle de la réserve[14].

Dans les deux romans étudiés, au brouillage entre l’autobiographie et la fiction s’ajoutent des éléments similaires de durée et de découpage de l’histoire, qui peuvent être associés à un croisement entre la mémoire (subjective) et l’histoire (objective). Le roman de Naomi Fontaine se déroule sur une année scolaire dans une seule et même école ; celui de Gabrielle Roy, s’il relate des expériences d’enseignement couvrant plusieurs années et types de classes (de chapitre en chapitre, les écoles changent et les élèves se font plus vieux), est organisé de manière à couvrir symboliquement une année scolaire : le premier chapitre se passe durant la rentrée alors que le dernier se passe à la fin des classes.

Les deux romans sont également les lieux d’un retour, mémoriel dans Ces enfants de ma vie, et à la fois spatial et mémoriel dans Manikanetish. L’analyse des deux incipit montre les ressemblances et les nuances fines entre les oeuvres. Gabrielle Roy écrit les chapitres (on pourrait dire les nouvelles) qui constituent Ces enfants de ma vie à la fin de sa vie. C’est le dernier roman auquel elle aura travaillé. L’écriture est pour elle une plongée dans le passé :

En repassant, comme il m’arrive souvent, ces temps-ci, par mes années de jeune institutrice, dans une école de garçons, en ville, je revis, toujours aussi chargé d’émotion, le matin de la rentrée. J’avais la classe des tout-petits. C’était leur premier pas dans un monde inconnu. À la peur qu’ils en avaient tous plus ou moins s’ajoutait, chez quelques-uns de mes petits immigrants, le désarroi, en y arrivant, de s’entendre parler dans une langue qui leur était étrangère.

EV, 9

Ce sont des années d’apprentissage pour la narratrice qui, à l’instar de ces enfants, fait elle-même ses premiers pas « dans un monde inconnu ». Naomi Fontaine, elle, s’inspire d’expériences récentes. Cependant, c’est aussi, pour son alter ego fictif, un lieu de souvenirs, ceux de l’enfance passée dans le village où elle retourne enseigner, mais un lieu où elle est appelée, littéralement, à retourner :

Revenir est la fatalité. Dans ce tout petit village, cette nature épineuse, sablonneuse, imaginée de toutes pièces depuis mon enfance, immuables souvenirs.

Dans ma rue, au bord de la baie, je me fondais à la masse. Moi la petite fille tranquille. Je pleurais si peu bébé, que ma mère bousculait mon sommeil s’assurant de mon souffle. Je pleurais si peu enfant, que ma mère m’avait oubliée sur les marches de l’escalier. Plus tard, l’étrange justice de la vie a rattrapé chacune de mes larmes.

M, 9

Malgré le jeune âge de la narratrice, il y a donc, ici aussi, un retour propice à la réflexion.

LA DISTANCE : UNE PERSPECTIVE

Ce qui ressort des deux oeuvres, dès les premières lignes, c’est la position des narratrices, simultanément dans le monde et étrangères à celui-ci ; intruses sur un territoire qui devrait leur être familier. La narratrice de Ces enfants de ma vie se décrit souvent comme une étrangère pour les enfants dont elle a la charge. Puisqu’ils sont généralement issus de l’immigration, la langue qu’elle leur parle est une langue qui leur est inconnue. Lorsqu’elle les visite à la maison, elle quitte son territoire familier pour pénétrer le leur :

Bientôt pourtant je fus détrompée. Ici, c’était moi l’étrangère. Des mains bougeaient aux fenêtres et, à l’affût derrière les rideaux, des visages me suivaient d’un long regard étonné, parfois hostile. Que venait faire ici, en ces clos de Pologne ou de Russie, la jeune Canadienne étrangère ?

EV, 72

Ailleurs dans l’oeuvre de Gabrielle Roy (dans La petite poule d’eau[15] ou dans son autobiographie), on retrouve cette même altérité relative et mouvante, ce renversement du regard sur l’altérité. Ainsi, lorsqu’elle revient de sa visite dans la « Petite Russie », la narratrice insiste sur l’aspect tout relatif du possessif par rapport aux lieux où elle retourne en les décrivant comme « ce que nous appelions “notre” ville, “notre” vie » (EV, 75).

Dans Manikanetish, la conscience de venir d’ailleurs est très présente au début du roman. La narratrice décrit le moment de son déracinement, survenu à l’époque où elle était enfant. Dès les premières pages, elle oppose le fait de se « fond[re] à la masse » (M, 9) au fait d’être, dans la société blanche, d’une couleur qui tranche sur les visages, les yeux, les cheveux des autres enfants : « J’avais sept ans. Petite fille brune parmi tous ces visages blancs, ces yeux pâles, bleus ou verts, ces cheveux blonds ou frisés. Étrangère. Nouvelle venue. Différente. » (M, 10) Elle oppose aussi les possessifs des premières phrases (« ma rue », « ma maison », « ma chambre ») au sentiment qui l’habite une fois en « exil » : « Constater ma peau foncée. Ne pas me sentir chez moi. » (M, 10) Cependant, lorsque, une fois adulte, elle retourne enseigner dans sa communauté, la narratrice est à nouveau celle qui vient d’ailleurs. La couleur, cette fois, n’est plus le marqueur identitaire : « Je voulais faire bonne impression et même si je leur apparaissais tout d’abord comme une étrangère, hormis la couleur de ma peau et mes yeux foncés, je parviendrais à nouer des liens solides. » (M, 14) À plusieurs reprises durant les premiers chapitres du roman, on retrouve cette réflexion sur le familier qui devient étranger, et vice versa : « Bien sûr, c’était étrange de ne pas reconnaître sa famille, les enfants de ses oncles. Tous les jours, j’apprenais que j’étais parente avec un nouvel inconnu. » (M, 32) Comme chez Gabrielle Roy, l’altérité n’est pas une donnée absolue, mais qui varie selon les points de vue.

La narratrice de Manikanetish souligne à quelques reprises l’humiliation associée à l’identité innue. L’expérience présente la ramène à ses années d’école et à l’embarras de s’afficher publiquement comme Autochtone :

Il y a eu ce cours d’histoire lorsque j’étais en secondaire deux. J’avais quatorze ans. Dans le manuel scolaire, des images de tipi, de maisons longues, de vêtements en peaux d’animaux, de tambours et de petits fruits. Le seul mot autochtone me faisait rougir. Anxieuse, assise près du bureau de l’enseignant, j’ai espéré si fort qu’il ne me pose aucune question sur ma culture. Pire, devoir dire bonjour dans ma langue devant toute la classe.

M, 26

Dans la position de l’enseignante, elle se décrit ensuite comme plus embarrassée encore, peut-être, non pas de son appartenance innue, mais, au contraire, de ne plus sentir qu’elle fait entièrement partie de la communauté dont elle est issue :

M’avait-on déjà humiliée parce que j’étais Innue ? Peut-être une fois ou deux. Pas suffisamment du moins pour que la honte s’établisse. Et pourtant elle était là, liée à mon incapacité à m’identifier à eux. À ce eux qui aurait dû être ce nous. Le nous me glissait dans la gorge lorsque je devais expliquer mon appartenance[16].

M, 26

L’idée de honte, dans Ces enfants de ma vie, concerne plutôt la gêne des enfants à l’école, ou celle des parents embarrassés par leur indigence. Dans « La maison gardée », la narratrice décrit sa gêne devant le petit André durant un moment où il quitte sa maturité imposée pour n’être plus qu’un enfant à nouveau (EV, 117-118). Cependant, puisque Gabrielle Roy nous invite à lire sa fiction et son autobiographie en continuité l’une avec l’autre, on peut noter que, dans La détresse et l’enchantement, elle parle de l’humiliation liée à l’identité, celle de se sentir étrangère là où on ne devrait pas l’être :

Nous continuions à parler français, bien entendu, mais peut-être à voix moins haute déjà, surtout après que deux ou trois passants se furent retournés sur nous avec une expression de curiosité. Cette humiliation de voir quelqu’un se retourner sur moi qui parlais français dans une rue de Winnipeg, je l’ai tant de fois éprouvée au cours de mon enfance que je ne savais plus que c’était de l’humiliation.

DE, 13

Ici aussi, les sujets et objets de l’humiliation ne sont pas fixes (on peut toujours devenir la cible ou la source de l’embarras de quelqu’un d’autre), puisque la narratrice poursuit ainsi :

Au reste, je m’étais moi-même retournée fréquemment sur quelque immigrant au doux parler slave ou à l’accent nordique. Si bien que j’avais fini par trouver naturel, je suppose, que tous, plus ou moins, nous nous sentions étrangers les uns chez les autres, avant d’en venir à me dire que, si tous nous l’étions, personne ne l’était donc plus.

DE, 13

Peut-être y a-t-il en fait identification de Gabrielle Roy avec ces familles immigrantes exilées, que la honte ressentie est pour elle la même. Dans La détresse et l’enchantement, l’auteure rapporte des conversations avec sa mère qui font état du déracinement géographique et linguistique des Canadiens français dans la plaine du Manitoba :

[C]’était presque la prospérité enfin, et voici que le gouvernement du Manitoba se tourna contre nous. Il passa cette loi inique qui interdisait l’enseignement de la langue française dans nos écoles. Nous étions pris au piège, loin de notre deuxième patrie, sans argent pour nous en aller, et d’ailleurs où aurions-nous été ?

DE, 29

Ce passage du chapitre « L’alouette » décrit la situation analogue des immigrants au Manitoba : « Il chantait le doux pays perdu de sa mère qu’elle lui avait donné à garder, sa prairie, ses arbres, un cavalier seul s’avançant au loin dans la plaine. » (EV, 154) À tout le moins, chez Gabrielle Roy, l’expérience de l’altérité crée de l’empathie pour celle de l’autre[17].

RECADRER LA DISCUSSION POLITIQUE

Dans les deux romans, l’école est le lieu d’une blessure tant personnelle que politique, et qu’on veut reconstruire comme espace sécuritaire. Pour Gabrielle Roy, le milieu scolaire est marqué par l’ambivalence culturelle et linguistique : on trouve, d’un côté, les petits enfants qu’elle apprend à connaître dans toute leur diversité culturelle, et, de l’autre, la situation linguistique minoritaire et l’oppression politique des francophones. Ces enfants de ma vie est exempt de commentaires explicites sur le contexte sociopolitique de l’époque, mais La détresse et l’enchantement, publié sept années plus tard, vient jeter un éclairage plus politique sur le contexte historique du roman. Ici, au lieu de décrire son rapport personnel à chacun des enfants dont elle a la charge, elle souligne son rapport douloureux à la langue dans le système manitobain des années 1930, sous le régime de la loi Thornton de 1916 qui avait rendu l’enseignement en français illégal dans le système public. Jetant un regard sévère et critique sur ce système, elle relate ainsi un dialogue entre la jeune étudiante de l’école normale qu’elle était et le directeur de cette même école lors d’une activité de bienvenue où elle décrit les écoles manitobaines comme un « moule à fabriquer des petits Canadiens anglais » (DE, 90). De sa classe de première année à l’Institut Provencher, elle dit ceci :

Et me voilà, jeune institutrice de langue française, préparée en vue de la servir le mieux possible, à la tête d’une classe représentant presque toutes les nations de la Terre et dont la majorité des enfants ne connaissaient d’ailleurs pas plus l’anglais que le français.

DE, 135

En lisant ces passages de son autobiographie, avec toute la prudence intersectionnelle que cette comparaison nécessite (on est, après tout, au Manitoba, et l’oeuvre de Gabrielle Roy, par exemple, parle très peu des Métis), on peut penser aux pensionnats autochtones, dénoncés entre autres dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation. Mettre l’enfant « dans le moule à fabriquer des petits Canadiens anglais », cela peut évoquer le nivellement par l’identité blanche des écoles qui avaient pour mandat de tuer l’indien dans l’indien, comme on l’a souvent répété au cours des travaux de la Commission, ou, comme le résumait le chanteur Florent Vollant dans une entrevue au Soleil en 2015, « tuer l’indien dans l’enfant[18] ».

Pour la nation innue, comme pour la plupart des Premières Nations, durant plusieurs générations, les lieux d’enseignement de la société blanche ont été des espaces traumatiques. Dans un article sur les rapports intergénérationnels dans la littérature, Joëlle Papillon souligne la relation douloureuse qui se révèle dans l’oeuvre de l’auteure innue An Antane Kapesh (citée en épigraphe par Fontaine), laquelle présente les pensionnats et les écoles comme « des lieux de déculturation d’une grande violence[19] ». Naomi Fontaine est d’une génération qui n’a pas connu directement les pensionnats ; elle se situe elle-même de l’autre côté du processus de réconciliation, le regard tourné vers l’avenir. C’est ce qui se dégage d’une entrevue au Devoir dans le sillage du dépôt du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, où elle confie : « Cette tranche de notre histoire devait être dite, écrite, analysée. Maintenant, il faut poursuivre la route[20]. » Dans son roman, elle n’évoque pas explicitement les pensionnats. Cependant, le traumatisme culturel est présent dans l’encyclopédie du lecteur ou de la lectrice et, comme le montrent les interviews de l’auteure, dans la sienne aussi. La blessure est également implicite dans la référence à An Antane Kapesh dans l’épigraphe du roman, dans le rapport que les jeunes personnages du roman entretiennent avec l’école, ou encore dans cette description de l’école qui oppose la « garde de l’État » au « refuge » de Marguerite :

Et ils lui ont donné le nom de Manikanetish, Petite Marguerite, à la mémoire d’une femme décédée quelques années avant le début des travaux. La Petite Marguerite n’avait jamais porté d’enfant, ce qui ne l’a pas empêchée d’en élever des dizaines. Des enfants qui avaient perdu leurs parents, ceux qui avaient été donnés, trop nombreux à la maison, les enfants difficiles, ceux qui au lieu d’être placés sous la garde de l’État, ont trouvé refuge dans son nid. Petite, dans le corps d’une préadolescente. Du coup, infiniment grande. Le Créateur joue parfois à contredire sa créature.

M, 18

Naomi Fontaine recadre la discussion politique pour la centrer sur l’approche autochtone, comme l’illustre ce passage où l’enseignante propose un sujet de dissertation à sa classe : « Si tous, femmes, hommes, pauvres, riches, de droite ou de gauche, Innus et Québécois ont une place égale dans ce cercle, alors on peut parler d’une démocratie réussie. Selon vous, est-ce le cas au Canada ? Au Québec ? À Uashat, à Maliotenam ? » (M, 128) Les phrases qui suivent laissent la place aux réponses des élèves, de sorte que Naomi Fontaine met en fiction ce qu’elle professe en entrevue : elle prend le relais et le passe à la génération suivante. Il n’est pas anodin, dans le contexte d’un récit autofictionnel, que son personnage encourage l’écriture : si l’acte d’écrire n’est pas associé à la narratrice elle-même, ses élèves, eux, sont maintes fois représentés en train d’écrire. C’est le cas, en particulier, du personnage de Mélina, que l’institutrice pousse vers l’écriture : « Tu es née pour écrire. Je te l’ai dit déjà. Je te le redirai encore la prochaine fois qu’on se croisera. Et peut-être qu’un jour tu y croiras. Et ce jour-là, je lirai, comme j’ai lu la première fois, passionnément, tous tes mots. » (M, 134)

Une sorte de cercle s’établit aussi dans Ces enfants de ma vie. Gabrielle Roy, comme on l’a vu plus haut, peut se révéler caustique quand il s’agit de politiques linguistiques. Le personnage satirique de Miss O’Rorke, l’arrogante « vieille fille » anglaise de La petite poule d’eau, qui tient dans le vide un discours patriotique antifrancophones[21], est un bon exemple de l’ironie dont l’auteure peut faire montre en cette matière. Cette posture est celle de la confrontation des cultures, peu propice au dialogue ou aux échanges. Cependant, Gabrielle Roy semble parvenue à un autre constat lorsqu’elle écrit Ces enfants de ma vie, « [e]n repassant […] par [s]es années de jeune institutrice » (EV, 9). Sa description des relations interpersonnelles bi- ou multiculturelles est plus indulgente, et la représentation qu’elle fait des enfants et des familles victimes des politiques migratoires et linguistiques demeure très tendre. À plusieurs reprises dans le récit, l’institutrice cherche à aller vers l’autre qui, en retour, vient vers elle. Comme le personnage de Naomi Fontaine, elle est une passeuse, une facilitatrice. Nil, dans le chapitre intitulé « L’alouette », est encouragé à redonner leur jeunesse aux personnes âgées, leur santé aux malades qui « retrouvaient si vivement en eux la trace de ce qui était perdu » (EV, 52). Le plus jeune enfant Demetrioff, dans le chapitre du même nom, est celui qui ouvrira un peu le coeur de son père par rapport à l’école. André, que la narratrice visite chez lui après qu’il s’est absenté de l’école, fait dire à l’institutrice (et c’est ce passage qui donne son titre au chapitre) : « il n’y a rien à craindre, la maison est bien gardée » (EV, 122). Le chapitre « De la truite dans l’eau glacée » est intéressant à cet égard, car c’est celui qui contient le passage métafictionnel le plus significatif : alors que l’institutrice et son élève s’émerveillent de la confiance des truites qui passent dans le ruisseau et se laissent saisir, Médéric, encouragé par la narratrice, propose cette interprétation mystique :

C’est un mystère, dit Médéric, glissant du regard et de la voix dans une révérence profonde et, les yeux chargés d’une lente compréhension où une tristesse montante, lointaine, menaçait, à peine encore, le privilège d’être présent à tant de joies à la fois dans le monde, il murmura : c’est partout plein de mystère, vous ne trouvez pas ?

EV, 152

KATSHISHKUTAMATSHEUTSHUAP[22] — LA MAISON OÙ ELLE APPREND

Il y a quelque chose du roman d’apprentissage dans les deux oeuvres et, comme le montre le passage qu’on vient de voir, cet apprentissage se fait dans les deux sens. La narratrice de Ces enfants de ma vie assiste à la fin de l’enfance de ses élèves et se transforme elle-même dans le roman. « De la truite dans l’eau glacée » fait d’ailleurs ressortir la jeunesse du personnage de l’institutrice. Manikanetish aussi insiste sur le jeune âge de sa narratrice, et ce, dès les premières pages :

Ils m’ont appelée madame dès le premier cours. […] Une règle de conduite instaurée depuis quelques années. Elle était appliquée systématiquement. Au départ le madame écorchait mes oreilles de jeune étudiante tout juste sortie de l’université, pas tout à fait mature, pas tout à fait prête pour cette marque de respect. Très vite, c’est devenu une nécessité.

M, 21

Dans les deux romans, une trame amoureuse est associée à l’école, bien que celle de Ces enfants de ma vie demeure dans l’informulé, dans le regard de l’adolescent sur son institutrice :

Enfin je tournai les yeux vers lui et dans les siens qui s’attachaient à moi, je vis naître l’étonnement, l’émerveillement, la souffrance du premier amour qui, tout frais éclos en un coeur humain — la plus fragile, la plus chancelante des jeunes vies —, ne sait encore qui il est et frémit de peur, de joie et de désir incompris.

EV, 89

Cet amour est sali par les propos déplacés que tient son père lors d’une visite à domicile de la narratrice : « Aussi bien je lui dis : ne manque pas ton coup avec la petite demoiselle de l’école. » (EV, 166) Ce chapitre est d’ailleurs le seul moment où les questions autochtones sont évoquées, à travers les propos racistes que tient le père de Médéric au sujet de la mère métisse de son fils et des « jeunes sauvagesses » (EV, 166) que ce dernier pourrait fréquenter.

Quant à Manikanetish, il est le lieu du passage d’une relation à une autre. Après avoir laissé derrière un amoureux qui ne voulait pas la suivre, Yammie vit une relation amoureuse avec un homme de la réserve qui lui apparaît aux antipodes du partenaire qu’elle a toujours recherché — et qui lui fait d’ailleurs éventuellement faux bond. Cette relation est associée à l’école et aux événements de la vie scolaire, puisque, lorsqu’elle se croit enceinte, la narratrice compte les phases de son cycle menstruel en se basant sur ce qui s’est passé à l’école. Elle compare aussi sa réaction à celle d’une élève, plus jeune qu’elle, qui, à peu près au même moment, lui annonce qu’elle attend un enfant. Ce passage, qui en évoque un autre de Kuessipan insistant sur la volonté des adolescentes de devenir enceintes (« Le risque de ne pas tomber enceinte est plus grand que celui de l’être. Elles veulent toutes enfanter[23]. »), peut aussi être rattaché au déracinement de l’institutrice par rapport à sa culture innue. À la fin du roman, on prend la mesure du parcours de la narratrice qui, de jeune étudiante, s’est formée en tant qu’institutrice auprès de ses élèves, et attend maintenant elle-même un enfant : « l’enfant que j’allais mettre au monde, élever et aimer, je voulais que ce soit un garçon » (M, 136).

Les deux romans se terminent sur une note similaire : la fin de l’année scolaire. Les deux oeuvres mettent l’accent sur la relation de l’institutrice avec un seul élève au moment venu des adieux. Dans le récit de Gabrielle Roy, cette rencontre se fait après la fin des classes, alors que l’institutrice, à bord d’un train, quitte le village pour de bon : « La prochaine courbe les [Médéric et son cheval] arracha à jamais à ma vue. » (EV, 599) Dans celui de Naomi Fontaine, il s’agit d’un dialogue avec un élève lors du dernier cours au sujet des rumeurs voulant que l’institutrice ne revienne pas, elle non plus. À la fin, c’est Rodrigue, celui qui jouait le rôle-titre dans la pièce de théâtre qu’elle a montée avec les élèves, qui s’éloigne : « Et il a tourné les talons. » (M, 135) Ces deux fins ont un aspect définitif : l’histoire est bien bouclée.

Manikanetish est l’histoire d’un retour aux origines après un déracinement culturel et géographique ; le titre à plusieurs racines (nom d’une plante, d’une femme et d’une école de la réserve) en est significatif. Plusieurs passages du roman insistent sur la double altérité du personnage, étrangère chez les Blancs puis chez les siens, forcée de (ré)apprendre les codes de la réserve, y compris sa propre langue. Ces enfants de ma vie est aussi le récit de plusieurs déterritorialisations-reterritorialisations : celle associée à la profession d’enseignante sous la loi manitobaine prohibant le français dans les écoles publiques, mais aussi celle de l’institutrice francophone urbaine se retrouvant dans des classes multiculturelles aux quatre coins du Manitoba.

RÉCONCILIATION INTRA-ACTIVE

Il est fascinant de repérer autant de similitudes entre deux romans que tant d’années séparent, imaginés par deux femmes aux parcours dissemblables, et écrits à des moments bien différents de leur vie. Cela peut être dû en partie à la puissance même de la figure de l’institutrice. Celle-ci est une passeuse de savoir, dans l’espace de la classe qui se situe à mi-chemin entre le privé et le public, et sa présence conditionne donc fortement les récits. De plus, la représentation de l’enseignante implique presque automatiquement une réflexion sur le rôle social de celle-ci. Le survol que fait Dominique Gérin des diverses études de ce personnage dans la littérature québécoise confirme que les analyses relèvent toutes, à divers égards, la présence d’un discours critique, voire politique sur l’enseignement :

France Jutras (1990) offre un portrait romanesque de l’éducation traditionnelle d’après le roman québécois de 1860 à 1960 ; Serge-André Lapierre (1966) s’intéresse aux représentations de l’éducation scolaire dans le roman des années quarante, marquées par la Seconde Guerre mondiale et l’ouverture du Québec sur le monde, qu’il qualifie de « décade de transition » ; Jean-Marie Santerre (1966) et Lucille Guilbault (1974) voient dans la drabe figure romanesque de l’enseignant et de l’institutrice le symbole d’une éducation traditionnelle, passéiste et rétrograde, qu’il faut réformer de toute urgence, tel que le recommande le Rapport Parent auquel ils font tous deux référence[24].

Le motif de l’enseignement suppose aussi une certaine rencontre entre générations. À la fin de son mémoire, Gérin s’interroge : « Dans la réalité comme dans la fiction, les professeurs seraient-ils donc toujours au coeur, qu’ils le veuillent ou non, de la perpétuelle relance du dialogue intergénérationnel[25] ? »

Naomi Fontaine et Gabrielle Roy vont toutefois au-delà de la représentation paternaliste (maternaliste) ou critique de l’enseignement, et si leurs romans proposent une réflexion sur les générations, celle-ci porte sur leur croisement et leur brouillage. On sait déjà que l’apprentissage n’est pas une activité passive, et que l’apprenant doit participer au processus pour que celui-ci s’accomplisse. Mais les romans étudiés ici montrent que cette dynamique même est une illusion : il n’y a pas, d’une part, un sujet qui enseigne et, d’autre part, un sujet en situation d’apprentissage ; l’enseignement tel qu’il est représenté ici ne constitue pas une plate transmission de connaissances, mais bien plutôt une interpénétration des savoirs et des doutes. Relatant de multiples apprentissages chez plusieurs sujets à la fois, et dans plusieurs directions, ces deux romans cultivent les moments d’interaction entre les discours et les figures, comme c’est le cas par exemple dans tous les passages où les personnages semblent jeunes et matures, savants et ignorants à la fois. On pourrait aussi parler d’intra-action, terme proposé par Karen Barad, philosophe des sciences, pour exprimer l’inséparabilité ontologique des objets et des connaissances par rapport à la notion d’agentivité[26]. En d’autres termes, l’agentivité ne serait pas le résultat de l’action d’un sujet en vase clos, mais celui d’une dynamique de forces interreliées. C’est bien de cela qu’il semble s’agir ici : Ces enfants de ma vie et Manikanetish insistent sur une écologie du savoir et de la pensée où toute chose et chaque personne occupent simultanément de multiples positions.

L’école est ici un lieu de construction ou de réappropriation identitaire, leur cause ou leur conséquence, et elle l’est tant sur le plan personnel que politique, qui ne sont en fait qu’un seul et même plan. Cela dépasse la simple thématique de l’enseignement et, dans les deux romans, débouche sur le social, dans une écologie plus globale. Les romans de Roy et de Fontaine ne sont pas uniquement des récits de l’intime ni même ceux de la rencontre de deux intimités, celle de l’enseignante et celle de son élève. Un regard sur le social est mis au jour ici, même si cela ne s’opère de façon ni appuyée ni univoque, mais en quelque sorte immanente. Ces deux romans sont une invitation à réfléchir aux questions d’identité, de langue, de culture ; à se placer dans la peau de l’autre, à convier l’autre qui est un peu soi à partager notre point de vue qui est un peu le sien, sans pour autant niveler les identités et les différences.

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Il y aurait encore beaucoup à observer et à analyser dans les deux oeuvres, notamment les portraits minutieux des différents élèves. De part et d’autre, on pourrait s’attarder davantage au tableau social et à la réflexion sur la place de l’individu dans la communauté : de la même manière que la narratrice de Ces enfants de ma vie est exposée aux racontars du fait de sa position d’institutrice dans les villages où elle est l’étrangère, la narratrice de Manikanetish se sent en observation — et ce n’est pas anodin qu’on précise qu’elle se rend dans une pharmacie éloignée de la réserve lorsqu’elle veut vérifier si elle est bien enceinte. Il faudrait aussi s’intéresser à l’humilité (par opposition à l’humiliation, dont j’ai parlé plus tôt) de ces enseignantes qui abordent la jeunesse avec sollicitude et care[27]. La notion de fragilité est un autre trait commun aux deux romans, et le regard bienveillant que porte l’enseignante sur celle-ci est mis en évidence dans les deux textes :

Je voyais poindre ces minuscules silhouettes dans l’ampleur de la plaine vide et je ressentais profondément la vulnérabilité, la fragilité de l’enfance en ce monde, et que c’est pourtant sur ces frêles épaules que nous faisons porter le poids de nos espoirs déçus et de nos éternels recommencements.

EV, 93

C’est une série d’yeux boursouflés, de regards jonchant le sol, de soupirs qui ont quitté ma classe. Est-ce que ça leur avait fait du bien ? Je ne l’ai jamais su. Même si rien n’était réglé. Même si la douleur prendrait quelque temps à s’apaiser. Et même si je n’avais pas nécessairement dit tout ce qu’il fallait. Utiliser les mots justes de gestion de crise. Je voulais croire, j’avais besoin de croire, que quelque chose est né ce matin-là. Entre eux et moi. Quelque chose de fragile, sans doute. Du moins, quelque chose de vrai. Comme un début de confiance.

M, 84

Il faudrait enfin signaler que, pour les deux auteures, l’écriture vient en quelque sorte remplacer l’enseignement : Gabrielle Roy n’enseignera plus après avoir quitté le Manitoba au milieu des années trente, et Naomi Fontaine a écrit son roman après avoir quitté l’école qui lui a inspiré le récit de Manikanetish. Cependant, à la lecture comparée des deux oeuvres, on comprend qu’il n’y a peut-être pas non plus de clivage si net entre le fait d’enseigner et le fait d’écrire à propos de l’enseignement.

Même les différences entre les deux auteures semblent les unir. Les romans de Roy et de Fontaine ne relatent pas des événements se situant à des moments historiques homologues. Ces enfants de ma vie raconte l’histoire de l’alter ego fictif de l’auteure dans une période de désillusion par rapport à la colonisation du Manitoba, après l’adoption de lois limitant l’usage du français dans la sphère publique, particulièrement en éducation[28]. L’alter ego fictif de l’auteure de Manikanetish, elle, arrive à un moment de réconciliation sociale (réelle ou prônée par le discours officiel) où, après que la culture autochtone a été étouffée par le système d’éducation, on met désormais de l’avant (sinon toujours, en pratique) un discours décolonial. Ces deux romans ne traitent pas non plus d’un même type de colonisation : dans un cas, la colonisation blanche (canadienne-française d’abord, puis, dans la logique d’une politique d’assimilation anglicisante, européenne) se fait au détriment des populations autochtones et métisses sur le territoire du Manitoba, brièvement évoquées dans le chapitre « De la truite dans l’eau glacée » ; dans l’autre cas, on assiste à un récit de la résilience autochtone où, dans le sillage de la réflexion sur la décolonisation, tout n’est pas gagné. « On voit bien que mon père n’a pas ce qu’il faut pour se battre contre eux. T’sais, leurs paroles sont pas égales » (M, 129), fait remarquer un des jeunes personnages de Manikanetish. On pourrait quand même considérer que, toutes proportions gardées, ces deux oeuvres adoptent une position réconciliatrice : une réconciliation avec le territoire promis puis refusé à la génération des parents de l’institutrice de Ces enfants de ma vie, et un temps de (post)réconciliation pour l’enseignante fictive qui ressemble tant à l’auteure de Manikanetish. En tout cas, chacun à sa manière, le roman de Gabrielle Roy et celui de Naomi Fontaine jettent un éclairage nouveau sur la notion même de réconciliation en insistant sur le fait qu’elle ne constitue pas un processus à sens unique, mais une dynamique où chaque partie serait le réconciliant et le réconcilié.