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Descartes, critique d’Aristote et de l’« École » ? La cause est entendue et démontrée depuis longtemps[1]. Et pourtant… Descartes, « nouvel Aristote » alors, occupé à reléguer dans un coin obscur l’idole d’Aristote ? Cette affirmation de Gouhier traduit une manière de comprendre Descartes qui n’est pas étrangère à une part de son projet philosophique, à son vouloir de remplacer les manuels des « Écoles », à sa proposition d’un projet scientifique et philosophique pour occuper les générations à venir[2]. Mais alors, c’est moins Aristote, le philosophe, qui est visé qu’un certain effet sociologico-pédagogique autorisé par son nom. Du coup, la question est relancée : quels rapports, de Descartes à Aristote ? Et si c’était vers Platon qu’il fallait nous tourner pour saisir l’auto-compréhension de Descartes ? Voire, antérieurement à Platon même ? Voire, enfin, hors de l’histoire même de la philosophie ? Vers Dieu et une histoire de la franchise et de sa mise en échec.

Pour tenter une réponse, nous allons déplacer la question quelque peu et le genre d’investigation pour l’aborder. Les rapports Descartes-Aristote nous intéressent moins que la manière dont « Aristote » – la figure « Aristote » – apparaît, et grâce à quelle reconstruction elle a lieu dans les textes cartésiens. L’enjeu se déplace alors. Nous allons montrer que Descartes ne recourt pas à cette figure uniquement pour des raisons stratégiques. Il ne fait pas mention d’Aristote – ou à son autorité supposée – uniquement par opportunisme éditorial ou rhétorique comme si l’essentiel était de s’en approcher ou de s’en éloigner ou de s’immuniser contre lui[3]. Il y va, pour lui, d’une manière d’inscrire le projet cartésien dans une histoire longue de la philosophie. Mieux, nous le verrons, il s’agira de le situer antérieurement et extérieurement à cette histoire et à toute philosophie donnant lieu à une tradition, tout en maintenant qu’elle y est ancrée tangentiellement. De la sorte, nous rejoignons l’affirmation de Descartes au P. Dinet, à propos des attaques du P. Bourdin : « Ma philosophie est la plus ancienne de toutes[4] ». Ainsi, à partir de notre perspective, nous pourrons reconstituer les paramètres d’une histoire cartésienne de la philosophie, de ses origines jusqu’à Descartes.

Ce travail sur Descartes et Aristote est à situer, selon nous, dans une perspective philosophique plus large qui ne sera pas déployée ici mais qui doit, à tout le moins, être mentionnée. Chaque philosophe, d’une manière ou d’une autre, à un moment ou l’autre de son corpus, expose sa situation, sa compréhension de son propos, dans ce qu’il reconstruit d’une « histoire » de la philosophie. Il y va de son auto-compréhension ; souvent aussi de son souci de guider son lectorat et de l’aider à recevoir ses propositions et options, soit en les revêtant d’un vernis déjà reçu, soit en marquant la césure, soit en signalant une réappropriation et une herméneutique plus ou moins violente ! De plus, notre proposition sur les rapports entre Descartes et Aristote est à comprendre aussi en tant que mettant en question les raccourcis que se permettent, pour diverses raisons, les historiens de la philosophie.

Nous procéderons en deux temps. Le premier problématisera la thèse habituelle selon laquelle Descartes est un critique d’Aristote. Ce premier temps procédera à partir de lettres de Descartes et sera confirmé par une lecture du Discours de la méthode. Dans la brèche ouverte par cet ébranlement, nous traitons la lettre préface aux Principes de Philosophie où Aristote se retrouve autrement que dans la simple position de celui qu’on réfute ou auquel on cherche à se relier et où Descartes se situe par rapport aux origines de la philosophie.

Descartes critique d’Aristote ?

« Je sais qu’on a cru que mes opinions étaient nouvelles. […] On s’est imaginé que mon dessein était de réfuter les opinions reçues dans les Écoles, et de tâcher de les rendre ridicules[5]. » Cet aveu concernant la réception de « sa philosophie », Descartes l’adresse au P. Charlet, en 1644, à la suite de la parution des Principia philosophiae. L’aveu se poursuit et (dé-)nie cette nouveauté au moyen d’un enracinement dans la tradition philosophique autorisée par Aristote : « … toutesfois, on verra ici que je ne me sers d’aucun principe, qui n’ait été reçu par Aristote, et par tous ceux qui se sont jamais mêlés de philosopher[6] ». Descartes se retrouve au point même d’Aristote et de la communauté philosophique dans son ensemble : les principes ne connaissent pas d’histoire ; ils sont toujours disponibles, prêts à être utilisés de nouveau, par un nouveau philosophe qui ne fera que les réitérer[7].

Pourtant, cette relation à la tradition est immédiatement, consciemment, occultée : « Mais on verra que je n’en parle non plus que si je ne les avais jamais apprises[8]. » Sa philosophie tait son enracinement principiel, « sans contredire au texte d’Aristote[9] ». Son texte ne laisse pas percevoir ce lien avec les opinions reçues dans les « Écoles » et Aristote. Du coup, ceci replace Aristote non pas en tête, en posture d’autorité, mais comme un parmi tous les autres, primus inter pares peut-être. Ainsi, il s’agit moins de recourir à des philosophes transitoires que de viser des principes toujours accessibles, à l’oeuvre dans tout « philosopher », car la raison des uns n’est pas plus ou moins raison que celle des autres[10]. L’idée d’émailler un texte de noms qui donneraient un surcroît d’autorité va à l’encontre de la manière cartésienne d’envisager l’acte de philosopher et de le faire circuler dans un espace public. Descartes se vante presque de la parcimonie de son recours explicite à Aristote et il demeure réticent à voir son nom côtoyer celui d’Aristote ou de Galien[11].

Cependant, malgré ces affirmations, bien des penseurs dits de l’« École », catholiques, calvinistes ou autres, en France ou en Hollande, ont cru au désaccord et ont réagi aux propositions cartésiennes comme à autant d’attaques directes. Ils ont riposté en conséquence. Des enthousiastes de Descartes aussi l’ont interprété comme ouvrant une nouvelle piste et ne se sont pas gênés pour le proclamer. L’absence remarquable de recours à des citations directes d’Aristote ou même à des références à son oeuvre éveillait de la suspicion dans un monde universitaire et académique où ce lien avec les autorités anciennes allait de soi, autorisait le discours.

Dans ces conditions, Descartes a beau proclamer un lien fort avec la figure d’Aristote, rien n’y fait. Mais si Descartes ne s’est pas voulu critique d’Aristote mais commis, comme cet ancêtre grec, à des principes universels, pourquoi ces clameurs ?

Le Discours de la méthode ou l’histoire du déclin de la philosophie après Aristote

L’aveu dont nous sommes partis dans la section précédente n’est pas nouveau : les disputes des Écoles n’ont pas de pertinence dans le projet philosophique cartésien. À l’époque du Discours de la méthode déjà, Descartes assurait Morin qu’il ne s’agissait pas de mépris envers l’« École »[12]. Autre chose est en jeu alors. Quoi ?

La stratégie des trois premières parties du Discours de la méthode prépare à sortir de l’embarras réel du commencement, à placer le lecteur, le philosophe, au début, à trouver le début adéquat et certain pour philosopher. Ce geste est d’autant plus important que le commencement philosophique de René Descartes avait été annoncé, devancé par la rumeur[13]. Il est clair qu’il s’agit dans ces trois premières parties du Discours de la méthode d’une entreprise pour se tailler un espace philosophique propre, loin des sujets de disputes accumulés par des esprits « des plus excellents » plusieurs siècles durant[14]. Délimiter un territoire ailleurs que dans le réseau des disputes traditionnelles et une méthode pour y circuler était d’autant plus ardu que le champ de la science avait justement été cultivé, arpenté par d’excellents esprits, et non par des imbéciles ou des fous.

Pourtant, le lecteur l’apprend dès la seconde partie, ces excellents esprits, lorsqu’ils se tournaient vers la philosophie déliraient : « on ne saurait rien imaginer de si étrange et si peu croyable, qu’il n’ait été dit par quelqu’un des philosophes[15] ». De plus, leurs travaux, surtout logico-dialectiques, sont plus utiles à l’enseignement d’un corps de doctrines déjà établies qu’à faire apprendre à juger de la vérité. Dans le récit qu’il propose de lui-même, à la fin de la troisième partie du Discours, Descartes paraît encore hésitant à se distinguer des discours habituels de la philosophie, peu résolu concernant les difficultés soulevées par les doctes[16]. Et, lorsqu’il se permet de prendre ses distances avec la technicité du vocabulaire utilisé par l’École, c’est pour s’octroyer le droit de l’employer plus « librement » [17]. De fait, il le fait si librement qu’il abandonne complètement les manières de disputer dans les écoles pour proposer une autre éthique de la discussion scientifique[18]. Il ne renvoie à aucune de leurs oeuvres directement et explicitement. Cela évite de rompre la paix, pour prendre l’expression de la finale du premier discours des Météores[19]. Par économie de principe, par simplicité, il entend maintenir la circulation et la propagation de la vérité loin des écueils de la manière de disputer des Écoles !

Ces distanciations par rapport au vocabulaire, aux manières de penser et d’argumenter, tiennent en ce qu’ils sont autant d’occasions de brouille, de malentendus avec les doctes, mais aussi avec le public et les théologiens[20]. Mais il y a plus. Car la distance prise par rapport à ces manières aboutit à de la satisfaction intellectuelle « touchant quelques difficultés qui appartiennent aux sciences spéculatives[21] ». De plus, ces ruptures méthodologiques permettent à Descartes de transformer la relation entre « la philosophie spéculative » et la pratique, telle qu’il l’avait reçu[22].

Enfin, une généreuse option éthique en vue du bien d’autrui pousse Descartes à publier, à montrer le chemin à ses contemporains et aux générations futures. L’enchaînement des vérités et des difficultés résolues se parcourt de génération en génération, sans retour en arrière : « les derniers commençant où les précédents auraient achevés, et ainsi joignant les vies et les travaux de plusieurs, nous allassions tous ensemble beaucoup plus loin que chacun en particulier ne saurait faire[23] ». Il importe de noter au passage l’absence de l’idée de faire école, ou du rapport de maître à disciple : les bons esprits, indépendamment les uns des autres, selon leurs inclinations et leurs capacités, suivent l’enchaînement des choses dans la réalité.

Au détour de l’argumentation de la sixième partie, une apparition inattendue, celle des anciens philosophes dont rien ne nous est parvenu par écrit ainsi que celle d’Aristote et ses écrits. Comme tel, du point de vue du lexique employé, ils avaient été absents du Discours. Les origines surgissent pourtant. Les premiers philosophes apparaissent pour être excusés. Excusés de quoi ? De ce qui semble déraisonnable dans leurs pensées car, écrit Descartes « on nous les a mal rapportés[24] ». Aristote, pour sa part, est loué pour sa connaissance de la nature. Le blâme porte sur les disciples, les « sectateurs » qui, à la manière du lierre, cachent l’arbre qui les porte. Descartes note un double mouvement, une double manière d’être en relation avec Aristote. Le premier, celui des « sectateurs » qui grandissent en même temps que l’arbre lui-même et suivent sa croissance. Mais plus tard, le lierre croissant, et ne pouvant grimper plus haut, tombe, il redescend. Et une situation nouvelle est engendrée : ils recourent désormais au texte d’Aristote pour résoudre des « difficultés dont il ne dit rien, et auxquelles il n’a peut-être jamais pensé[25] ».

Poursuivant une autre harmonique de la figure lierre, Descartes insiste sur l’obscurité, la noirceur que créent ces disciples sectaires tant par rapport à la solution de problèmes réels que par rapport à l’interprétation de la pensée véritable d’Aristote. Comme le lierre, ils empêchent la lumière de pénétrer jusqu’à l’arbre et perdent dans leurs ramifications ceux qui s’attaquent à eux. Or, Descartes veut apporter de la lumière, signaler l’importance de la lumière naturelle de la raison. Il importe de noter au passage que Descartes souligne constamment, dans ce Discours, et montre que les grands philosophes sont des excellents esprits, des esprits des meilleurs. Il oppose ces grands maîtres à leurs sectateurs qui sont des esprits médiocres[26]. Comme si cela ne suffisait, Descartes coiffe la distinction sur le type d’esprit d’une autre qui relève d’un autre registre : il y a les doctes et ceux qui « veulent acquérir la réputation d’être doctes[27] ». Les deux ordres de distinction manifestent la différence entre le vrai et le vraisemblable. Dans tous ces cas, le passage par la parole, la prise de parole, le dire, est nécessaire : il y a la parole d’Aristote et celle des autres philosophes anciens qui ne disent rien d’extravagant et de déraisonnable et puis les divagations de leurs sectateurs ; il y a la parole de qui ne parle que du peu qu’il sait et cherche encore pour pouvoir parler en vérité du reste et celle, délirante, de ceux qui parlent de toute choses ; il y a, enfin, la parole qui accepte de dire son ignorance et celle de qui refuse de la confesser ainsi. Vérité, véracité et véridicité se rejoignent ici pour distinguer le vrai philosophe et ses excroissances néfastes. Entre les deux, Descartes opte pour le premier. Et ce n’est pas qu’un choix abstrait. Il se l’applique et craint, lui aussi de voir du lierre philosophique pousser après ses principes :

Et je ne les ai nommées des suppositions qu’afin qu’on sache que je pense les pouvoir déduire de ces premières vérités que j’ai ci-dessus expliquées, mais que j’ai voulu expressément ne le pas faire, pour empêcher que certains esprits, qui s’imaginent qu’ils savent en un jour tout ce qu’un autre a pensé en vingt années, sitôt qu’il leur en a seulement dit deux ou trois mots, et qui sont d’autant plus sujets à faillir et moins capables de ls vérité et qu’ils sont plus pénétrants et plus vifs, ne puissent de là prendre occasion de bâtir quelque philosophie extravagante sur ce qu’ils croiront être mes principes, et qu’on m’en attribue la faute[28].

Dans le Discours de la méthode, en fin de compte, Descartes est peu dissert sur l’histoire de la philosophie. Mais ce qu’il en dit est fort clair. Cependant, on peut certainement y appliquer ce qu’il écrit de l’histoire des sciences qui ne démontrent pas vraiment que « s’étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent[29] ». Le même processus d’accumulation de scolies au cours du temps se retrouve dans le passage de l’enfance à l’âge adulte[30], celui des premières années à l’école jusqu’à la sortie[31]. Un même schème donc relie tous ces fils : un esprit excellent a des suppositions, des principes qui sont bons dans le temps des commencements, avant le temps de la mise en circulation sociale et institutionnalisée d’un système, d’un corps de doctrine s’en réclamant.

Qu’en est-il de Descartes et d’Aristote alors ? Il s’agit donc, dans le Discours, de creuser un écart entre Aristote et ses sectateurs. Dans cet écart peut se lover, s’inscrire et s’écrire le projet cartésien. La figure « Aristote » demeure-t-elle puissance tutélaire, protectrice ? Certainement. Mais moins en tant qu’autorité à préserver et à transmettre comme base de discussions et de disputes, que comme trace d’un engagement véritable dans l’acte de philosopher, sans désir de briller.

On pourra reprocher à notre lecture de ces renvois et de ces utilisations de la figure « Aristote » de provenir de textes où abondent la rhétorique et les stratégies de captatio benevolentiae. Il ne s’agit pas de le nier. Mais nous croyons important de signaler qu’au coeur de ces stratégies se laisse déjà interpréter un certain motif proprement philosophique : tous les philosophes sont égaux devant les principes et la possibilité de commencer à penser. Descartes apparaît ainsi moins comme critique d’Aristote que comme entreprenant de déplacer un peu la figure « Aristote ». Il entend moins de reléguer dans un coin obscur une idole que de montrer l’image de ce qui est un bon acte de philosopher, dégagé des passions, immunisé contre les désirs de briller. Ceci sera confirmé et approfondi dans un texte plus directement philosophique : la lettre pouvant servir de préface aux Principes de philosophie.

La Lettre-préface aux Principes de la philosophie ou le déclassement d’Aristote

Le recours à Aristote et à l’histoire de la philosophie jouent un rôle important dans la Lettre-préface à la traduction française des Principia philosophiae. Ils ont lieu dans le sillage de la hiérarchie des cinq moyens d’atteindre la sagesse, connaissance satisfaisante de la vérité[32]. Là, Aristote va de nouveau être distingué des philosophes qui l’ont suivi. Cette manière d’écarter Aristote de ses successeurs n’est pas nouvelle, nous l’avons vu. Des raffinements apparaissent cependant qui, à ce niveau, ne changent pas le procédé. Ainsi, par exemple, ceux qui l’ont suivi et méconnu se rangent en deux catégories historiques ayant la figure d’Épicure comme point tournant : il y aurait les successeurs immédiats d’Aristote jusqu’à Épicure et « la plupart de ceux de ces derniers siècles qui ont voulu être philosophes[33] ». La nouveauté et l’approfondissement sont ailleurs. Ils sont dans la manière d’inscrire Aristote dans une histoire de la philosophie, de sa circulation, de sa transmission.

D’une certaine manière, dans l’histoire interprétée à la lumière de l’épistémologie cartésienne, il n’y a pas de commencement, comme nous l’avons vu dans la section précédente : « il y a eu de tout temps de grands hommes qui ont tâché de trouver un cinquième degré pour parvenir à la sagesse ». En tous les temps, à chaque époque, toujours déjà, il y a cette tentative, cette quête. Dans le cadre de la recherche de ce degré particulier, ajouté aux quatre autres, la désignation de « philosophe » a vu le jour, désignation qui donnera le nom à une « profession » qui dure encore au temps de Descartes. Mais, alors, la sagesse de ces « philosophes » est mise en question et leur caractère raisonnable est douteux[34]. Cette quête particulière d’un degré différent n’est pas seulement quête de sagesse et de connaissance certaine comme les autres degrés le permettent mais quête d’un fondement encore toujours plus assuré, recherche des « premières causes et les vrais principes dont on puisse déduire les raisons de tout ce qu’on est capable de savoir[35] ». Non plus donc capacité d’acquérir et d’enseigner des connaissances et de faire entrer dans les leçons de l’expérience, mais profession et engagement raisonné à déduire toutes les connaissances possibles à partir d’un commencement diffracté en causes premières et vrais principes. Or, bien qu’ayant été désigné et l’espace de son élaboration annoncé, ce degré suprême n’a pas été atteint, déclare Descartes. Comme s’il s’agissait de désirer un type de sagesse inaccessible, de maintenir ouvert un horizon. Pourtant – et là commence la charge contre une certaine histoire de la pratique philosophique – pour Descartes, ce cinquième degré de sagesse n’est pas inaccessible et il est lié à une capacité humaine fondamentale[36]. À cette lumière, l’histoire de la philosophie ne saura être que l’histoire des échecs des philosophes successifs : « Toutefois je ne sache point qu’il y en ait eu jusqu’à présent à qui ce dessein ait réussi[37]. »

À la suite de cette description de l’acte philosophique comme acte inachevé et tenu en échec, une brève notice historique est donnée à lire :

Les premiers et les principaux dont nous ayons les écrits sont Platon et Aristote, entre lesquels il n’y a eu autre différence sinon que le premier, suivant les traces de son maître Socrate, a ingénument confessé qu’il n’avait encore rien pu trouver de certain, et s’est contenté d’écrire les choses qui lui ont semblé être vraisemblables, imaginant à cet effet quelques principes par lesquels il tâchait de rendre raison des autres choses : au lieu qu’Aristote a eu moins de franchise ; et bien qu’il eût été vingt ans son disciple, et qu’il n’eût point d’autres principes que les siens, il a entièrement changé la façon de les débiter, et les a proposés comme vrais et assurés, quoiqu’il n’y ait aucune apparence qu’il les ait jamais estimés tels[38].

Ainsi il apparaît que, du point de vue de l’histoire ainsi contée, basée sur des monuments et des documents écrits, l’histoire de la philosophie possède un commencement répertorié, illustré par la mémoire des noms de Platon et d’Aristote. Mais Descartes se hâte de le préciser : ces noms ne constituent pas un commencement absolu. D’une part, même dans cette histoire écrite, ils ne sont que les principaux parmi les premiers car Descartes les situe explicitement dans le sillage de Socrate. Cependant, la relation entre Platon et Aristote est complexe. Nommés ensemble au début de la notice historique, Descartes insiste sur la communauté de tous leurs principes. Puis, conformément à l’histoire, Descartes fait ensuite d’Aristote le disciple de Platon pendant vingt ans. Selon la logique de la phrase, avec Descartes qui insiste sur la confession socratique de l’absence de découverte de quoi que ce soit de certain, Aristote comme Platon devraient être des confesseurs d’un doute sur la certitude ou sur son fondement. À tout le moins, doivent-ils apparaître comme des quêteurs, mendiants de la certitude qui leur fait toujours déjà faux bond, qui leur échappe… En cela, ils participent au mouvement de l’histoire de l’esprit humain en quête de sagesse et sont nommés ensemble : « deux hommes avaient beaucoup d’esprit et beaucoup de la sagesse qui s’acquiert par les quatre moyens précédents[39] ». De là leur autorité, leur prestige. Ils s’étaient rapprochés ensemble des premières causes et des vrais principes qui sont au fondement originaire de la connaissance déductive, systématique, de tout ce qui se peut savoir.

Pourtant, il y a une faille, une rupture entre Platon et Aristote. Elle ne tient pas à la doctrine qui en tant que vraie ne peut être qu’une. Elle tient à la véridicité dans le mode d’exposition : « Aristote a eu moins de franchise. » Et cette transformation dans le mode d’exposition de la quête des premiers principes véritables a eu des effets désastreux. Ce dont il n’était pas certain, Aristote l’a proposé comme vrai et assuré. Cette faille, qui est depuis toujours allée en grandissant, a occasionné les disputes entre les disciples de Platon et d’Aristote. Mais avant d’exposer la suite de l’histoire, un point mérite d’être noté.

Selon Descartes, Aristote, malgré ses procédés pédagogiques qui faisaient passer ses principes pour vrais et assurés, ne les a jamais confessé tels : « quoi qu’il n’y ait aucune apparence qu’il les ait jamais estimés tels ». Descartes l’affirme sans renvoyer à aucun texte à cet endroit, ni fournir aucun autre indice. Alors, aurions-nous affaire à de la rhétorique pour persuader des Jésuites d’acheter les principes comme manuel d’enseignement ? Non pas. Descartes applique ici un principe de lecture à Aristote qui est du même ordre que celui qu’il reprochait à ceux qui veulent paraître savants dans le Discours et auparavant dans les Regulae[40].

Dans ce contexte, la dernière mention d’Aristote dans cette lettre pourrait surprendre. Elle est négative : « on ne saurait mieux prouver la fausseté de ceux d’Aristote, qu’en disant qu’on n’a su faire aucun progrès par leur moyen depuis plusieurs siècles qu’on les a suivis[41] ». Comment la situer en relation avec les éléments analysés ci-haut ? Il ne s’agit plus simplement de dénoncer dans les écrits d’Aristote un malheureux manque de franchise ; ses principes sont faux et mal déduits, ils ne rendent pas possible quelque progrès que ce soit dans la vérité. Dans ce cas, Aristote aurait complètement bloqué la route de la vérité. Il n’y aurait pas eu d’histoire de la vérité après lui, sinon comme désir brimé, frustré. Dans ces conditions, Descartes se présente presque comme contemporain d’Aristote, du point de vue de l’histoire de la vérité. Mais lui, et ses principes, permettront des progrès dans la vérité qui s’étendront sur des siècles[42] ; la félicité, la perfection de vie sont à la portée des générations futures. Le cinquième degré de sagesse est atteint.

Pourtant, il y a eu une histoire de la philosophie. Descartes l’analyse en deux temps. Immédiatement dans le sillage de Platon et d’Aristote jusqu’à l’époque d’Épicure. La dispute stylistique initiale se transforme en querelles épistémologiques puis éthiques qui atteignent un degré « extravagant » d’erreur concernant l’extension de la certitude et de son opposé, le doute, et des domaines de validité. À une extrémité, l’éthique disparaissait avec la dissolution de la certitude morale à l’oeuvre dans la prudence. À l’autre limite, la science astronomique comme sommet de la physique errait nécessairement car elle ne pouvait s’appuyer directement, entièrement, sur les sens et leurs témoignages.

Cette partie de l’histoire de la philosophie est beaucoup basée sur la rumeur et le dire d’autrui, sur ce qu’on rapporte qu’ont soutenu les successeurs de la constellation médiatrice Platon-Aristote. Descartes souligne que ces divagations aux limites et par-delà les limites du raisonnable, cette décentration marginalisante qui faisait dérailler la quête du cinquième degré, n’a pas qu’une source logique. Ce n’est pas que le travail à partir de l’expression des principes vrais de Platon-Aristote qui est en cause. Jouait aussi une « affection à contredire[43] ». Non plus simplement un manque de franchise comme dans le cas d’Aristote, alors qu’on demeure dans la première génération après Socrate. Mais il y aurait eu un désir conscient de disputer, de se démarquer d’autrui qu’on pose comme contradicteur. L’histoire du développement de l’esprit humain se colore de l’histoire des passions de l’humanité. Une éthique de la prudence est à la porte[44]. Descartes souligne au passage un aspect positif de ce désir de disputer. La mise en contradiction a eu tendance à maintenir la recherche de la sagesse du cinquième degré loin des divagations. Les extravagances ne tenaient pas devant la contradiction, les opinions déraisonnables ne duraient pas. Elles étaient nuancées, éclipsées, forcées de se remettre en question[45]. Ce jeu de disputes ferait parvenir à une stabilité provisoire, précaire par l’ajustement réciproque des éléments en cause.

La dynamique à l’oeuvre dans la suite de l’histoire de la philosophie est bien différente[46]. Elle s’ouvre par un oubli du sens de la dispute de la première période. On ne discute plus Aristote. On le suit « aveuglément »[47] ou on le rejette. Platon semble disparaître de l’horizon. À tout le moins, il est occulté dans le texte de Descartes. Comme on ne dispute plus, Aristote doit avoir raison. Toujours. Pour que cela advienne, on lui attribue grâce à un vaste appareil interprétatif, une philosophie, quitte, pour cela, à falsifier ses écrits, à en torturer les marges, à y supposer du non-dit – voire de l’inédit ou de l’impensable. L’Aristote en circulation depuis quelques siècles, selon Descartes, ne serait pas reconnu identique par le véritable Aristote ! Même ceux qui rejettent cet Aristote autorité scolaire suprême, autorisé par ses commentateurs aveugles, ne peuvent justement le re-jeter qu’après l’avoir fréquenté, avoir été « imbus » dans leur jeunesse de « la » philosophie pour qui Aristote est l’alpha et l’oméga. L’opération libératrice de l’enseignement aristotélisant n’est pas suffisante pour arracher à l’endoctrinement et pour réorienter dans la vérité. Mais Descartes « estime » ceux qui ont déjà entrepris ce mouvement d’autonomisation de la manière de penser : ils sont dignes d’honneur et il le reconnaît explicitement[48]. Mais cela ne suffit pas puisque la perversion est telle que la désorientation ainsi causée a été, jusqu’au présent de Descartes, absolue… même pour les « meilleurs esprits ». Ce qu’ils ont trouvé de vrai correspond non pas au cinquième degré de sagesse dont ils sont en quête mais aux quatre premiers déjà accessibles à tous les hommes, même à ceux qui ne font pas profession de se vouer à la recherche de la sagesse.

Leur erreur commune : s’être laissé duper par le manque de franchise initial, initiateur, par le péché originel d’Aristote : « ils ont tous supposé pour principe quelque chose qu’ils n’ont point parfaitement connue[49] ». Et, partant, ils se sont permis d’imaginer de continuelles transformations de ces principes[50].

Implication de cette écriture de l’histoire de la philosophie

Mais il y a plus. Pour le déceler, nous ne devons pas nous arrêter ici aux seuls passages où Descartes nomme Platon ou Aristote. C’est, nous semble-t-il, une bonne part de la stratégie auctoriale dans cette lettre de rapprocher sa propre entreprise des origines. Le passage par Platon et Aristote n’est qu’une illustration, ambiguë d’ailleurs, de ce rapprochement des origines. Il reconduit les projets philosophiques à une même source universelle, déshistoricisée en tant qu’il y a reconnaissance d’une vérité.

Descartes inscrit les principes contenus dans son ouvrage au rang de vérités « connues de tout temps de tout le monde »[51], quel que soit le naturel diversifié des esprits humains, même les plus grossiers et lents ou les plus ardents[52]. Mais cette reconnaissance populaire n’a pas jusqu’à Descartes été assumée ouvertement par les professionnels de la philosophie. De plus, il se démarque de la dialectique de l’École qu’il réduit à l’apprentissage d’une rhétorique pédagogique ou pédantesque. La même entreprise de démarcation paraît clairement aussi, lorsque faisant la revue de ses publications antérieures[53]. Se détournant des Écoles, Descartes se distingue aussi des réceptions hâtives de sa façon de philosopher car elle sont occasion de réintroduire le doute et l’incertitude là où il a tâché de construire un discours métaphysique et physique au plus proche du jaillissement de la connaissance dans l’esprit humain au contact du réel : il se démarque ainsi explicitement des Fundamenta physica de Regius[54].

La façon cartésienne de philosopher, contrairement à la façon aristotélicienne de l’École qui fonctionne sur le mode rhétorique et l’économie du temps de la dispute, se situe dans un premier temps sous l’horizon de la littérature, à consommer comme un « roman ». Nous notons là un premier rapprochement – superficiel – entre la manière cartésienne de philosopher et la platonicienne qui a recours au dialogue, au mythe et à d’autres effets littéraires pour faire entrer le lecteur-penseur dans le mouvement de la vérité. Mais ce premier trait de ressemblance n’est pas sans marquer en même temps un écart : Descartes, même lorsqu’il recourt à la fiction et à l’imaginaire comme dans le Discours, les Méditations métaphysiques et le Recherche de la vérité, ne les emploie pas stratégiquement de la même manière. S’écartant de la logique scolaire et des dialectiques en circulation à son époque, Descartes invite à étudier la logique :

… celle qui apprend à bien conduire sa raison pour découvrir les vérités qu’on ignore ; et, parce qu’elle dépend beaucoup de l’usage, il est bon qu’il s’exerce longtemps à en pratiques les règles touchant des questions faciles et simples, comme sont celles des mathématiques[55].

Il faut voir là plus qu’un simple souvenir du mouvement qui a conduit Descartes vers sa méthode. Nous lisons dans cette remarque un second rapprochement avec Platon. De fait, Descartes invite à un retour en-deçà d’Aristote et de ses manières logiques, un retour à l’Académie de Platon où la géométrie et la mathématique étaient cultivées comme contexte d’émergence et d’émission du discours philosophique. Il y a là une stratégie pour enraciner l’entreprise cartésienne aux origines de l’aventure philosophique de l’Occident. Il n’y a pas jusqu’à l’expression « toutes les notions claires et simples qui sont en nous »[56] qui ne résonne, dans ce contexte, comme un rapprochement des idées innées platoniciennes contre la critique d’Aristote à leur propos.

Conclusion

Le rapport est donc complexe de Descartes aux origines et au développement de la philosophie. Revenons à la question de départ : Descartes serait-il le « nouvel Aristote » ? Certainement pas s’il s’agit de l’Aristote défiguré des siècles qui ont précédé Descartes. Pas plus, s’il faut entendre par « Aristote » le fraudeur menteur qui, pour des raisons pédagogiques, fit passer pour vrais et assurés des principes dont il n’était pas certain, car Descartes, lui, insiste : il ne dissimule pas ses vraies pensées[57]. Il proteste de son désir d’être reconnu pour ce qu’il permet de penser en vérité et pas plus. Il refuse de laisser sa philosophie s’empêtrer dans un régime de penser scolastique[58] qui, par définition, obscurcit la clarté de la vérité qui surgit de la lumière naturelle de la raison.

Mais, est-ce à dire que Descartes ne désire rien de ce qui est attribué à Aristote ? Il souhaite remplacer la philosophie des Écoles par la sienne. Cela est sûr. D’Aristote et des origines de la philosophie grecque, il retient la nouveauté. Non pas le désir de la nouveauté en elle-même ou pour paraître savant. Mais la nouveauté des origines où rien ne cache la quête des principes certains, où rien encore ne bloque la progression vers le savoir véritable. Il désire la circulation de ce savoir de sorte que soit toujours perçue clairement la nouveauté du surgissement dans l’expérience sensible plurielle et réfléchie en ce qu’elle a de certain.

Descartes serait-il alors un nouveau Socrate ? Pas vraiment… car Socrate n’a pas écrit alors que Descartes, malgré ses multiples déclarations sur sa réticence à « faire des livres », a écrit et il l’a fait pour être lu. Descartes, nouveau Platon, alors ? L’aspect dialogique reconnu de ses oeuvres publiées en serait une trace. Son attention à guider son lecteur dans la manière même d’entrer en relation avec le texte qu’il propose en témoignerait. Nouveau Platon mais autrement que Platon car l’histoire de la philosophie aura été révélatrice d’un problème important, selon Descartes.

L’histoire de la philosophie, en effet, ressemble à un lent processus de dissimulation où, de plus en plus enchevêtrés, pullulent les discours qui cherchent à faire paraître savant plutôt qu’à chercher véritablement la sagesse. Le manque de franchise originaire du père-malgré-lui des philosophes des siècles subséquents, a nourri un désir de se faire valoir et favorisé les disputes et le surgissement de contradicteurs. Mais s’agit-il d’un inévitable enveloppement qui finirait par obscurcir toute vérité, éclipserait irrémédiablement la véritable certitude ? Non. Car le dynamisme interne de la lumière naturelle de la raison réagit toujours encore. Depuis toujours, et ce, même dans la philosophie nommée péripatéticienne, on peut trouver :

ces questions dont les solutions sont tirées, ou de la seule expérience qui est commune à tous les hommes, ou de la considérations des figures et des mouvements qui est propre aux mathématiciens, ou enfin des notions communes de la métaphysiques que j’admets, aussi bien que tout ce qui dépend de l’expérience, des figures et des mouvements, comme il paraît par mes Méditations[59].

La méthode de Descartes et sa philosophie sont un signe historique – parmi d’autres – de cette vitalité des semences de vérité déposées par Dieu dans l’esprit humain, le concept transcendantal de la vérité empêche le lierre d’étouffer la quête de la sagesse véritable, celle du cinquième degré. Descartes se revendique donc aux « origines » de la philosophie, avant la philosophie historiquement déployée[60]. Il est celui qui ose, contre la philosophie historique, ses postures pédagogiques déficientes et ses manquements de transparence dans les modalités de son énonciation, reconquérir le droit d’être à l’aube et à l’origine de toute philosophie présente et future. Pour cela, il importe, méthodiquement, de retrouver ce qui est originaire à l’esprit humain.

La lecture cartésienne de l’histoire de la philosophie s’offre donc comme une herméneutique favorisant les critères éthiques plutôt que les questions d’épistémologie ou de métaphysique. Elle s’attarde donc moins à la réflexion systématique et à la déduction à partir des causes premières et de principes vrais de tout ce qu’il est possible de savoir qu’aux failles et brèches dans cette réflexion. Elle s’intéresse à ces failles, interruptions et syncopes dues moins à des fautes de logiques qu’à un désir de briller dans la dispute, d’avoir raison à tout prix, à un affaiblissement, voire à une disparition de la franchise. C’est donc moins l’acte de philosopher même qui est visé que celui de sa mise en circulation publique, de son écriture, en autant que ces deux gestes puissent être séparés !

Dans tous ces cas, la figure « Aristote » joue le rôle de pivot. Sur elle se greffe le manque de franchise. Il était déjà présent en Platon mais déjoué ironiquement grâce à sa manière d’écrire. Sur la figure « Aristote », à sa limite, sur sa frange, passe le désir de briller, celui qui occupe le geste de philosopher des disciples et sectateurs aristotélisants, s’autorisant d’Aristote. Cette figure est donc ambiguë. Elle avoue le désir de sagesse proprement philosophique – le cinquième degré espéré par la lettre-préface aux Principes – et permet d’autoriser l’existence de principes vrais et de causes premières accessibles à la raison humaine, par-delà ce que les quatre premiers degrés habituels rendent possible. La figure « Aristote » n’avoue pas franchement la difficulté d’atteindre à la certitude les touchant et à la certitude de la déduction et, du coup, elle rend désirables toutes les stratégies rhétoriques pour camoufler le manque de certitude, pour créer de la certitude illusoire.

Ainsi, Descartes n’est pas le nouvel Aristote ni tout à fait un nouveau Platon. Pour lui, il y va de franchise, donc de véridicité et de véracité, au coeur même de la quête de vérité et de sa transmission. Mais comment et pourquoi la franchise vient à faire défaut, la vérité à manquer pour faire place à la vanité au coeur même de la quête philosophique, c’est une autre question qui devra être traitée à part. Elle porte sur le désir de la vérité et de la volonté de ce désir. Elle porte sur l’irruption de la vérité à l’esprit humain. Et là la figure d’Archimède surgit, faisant paraître, en creux des projets proprement philosophiques, celui de la géométrie. Mais, il y aurait là une toute autre histoire à reconstituer… qui, elle aussi, à son tour forcerait à scruter d’autres rapports.

En fin de compte, Descartes, avec l’écriture de l’histoire de la philosophie, pose véritablement la question des rapports de l’éthique, de l’épistémologie, de la métaphysique entre elles. Il soulève celle des rapports de ces champs de réflexion avec, en amont, le désir de connaître et, en aval, la communication et les lieux et institutions de ces communications.