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Introduction

Les familles vivant avec un enfant ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont de plus en plus nombreuses. Ce trouble neurodéveloppemental affecte non seulement la personne qui en est atteinte, mais également l’ensemble de sa famille (Abouzeid et Poirier, 2014; Karst et Van Hecke, 2012). Un bon nombre d’entre elles font face à une réalité complexe, vivent de la détresse et de l’épuisement et doivent composer avec des défis importants en présence de certains comportements problématiques chez leur enfant (des Rivières-Pigeon, Courcy et Dunn, 2014; Hayes et Watson, 2013; Lucyshyn et al., 2015; Ludlow, Skelly et Rohleder, 2012; Machado Junior, Celestino, Serra, Caron et Pondé, 2016; McStay, Dissanayake, Scheeren, Koot et Begeer, 2014; Øien et Eisemann, 2016; Sears, Blair, Iovannone et Crosland, 2013). Ces parents rapportent d’ailleurs que tous les domaines de leur vie quotidienne en sont touchés (Christie, Duncan, Fidler et Healy, 2012; Khanna et al., 2011; Kuhlthau et al., 2014; Tung et al., 2014), ce qui directement leur qualité de vie (Cappe, Wolff, Bobet et Adrien, 2011; Dabrowska et Pisula, 2010; Scahill et al., 2016; Vasilopoulou et Nisbet, 2016). La présence d’un enfant ayant un TSA aurait ainsi un impact sur l’organisation de la vie familiale (Hoefman et al., 2014; Meirsschaut, Roeyers et Warreyn, 2010), réduirait le temps en couple (des Rivières-Pigeon et al., 2014; Saini et al., 2015) et influencerait la disponibilité des parents pour la fratrie (Altiere et von Kluge, 2009; Ooi, Ong, Jacob et Khan, 2016). Le projet familial initial est alors très souvent perturbé (Paquet, Chatenoud et Cappe, 2014). Une réorganisation du système familial autour des besoins de ces enfants se met en place (Cappe et al., 2011; Eskow, Pineles et Summers, 2011; Gau et al., 2012).

Considérer la famille pour favoriser son implication

Étant donné les besoins complexes des enfants et la situation fragile des familles, ces dernières ont un besoin accru de services (Chiri et Warfield, 2012; Tregnago et Cheak-Zamora, 2012) afin d’organiser leur vie familiale (Derguy, Poumeyreau, Pingault et M’bailara, 2017). Afin d’offrir un soutien adéquat (Cappe, Chatenoud et Paquet, 2014), les intervenants doivent identifier les événements particulièrement déstabilisants pour une famille. Ils doivent également intégrer et respecter l’unicité du fonctionnement de chaque famille. Par leur présence constante, leur engagement et leurs connaissances spécifiques de leur enfant, les parents représentent la source de soutien la plus notable pour ce dernier (Azeem et al., 2016; Casenhiser, Shanker et Stieben, 2011; Dunlap, Newton, Fox, Benito et Vaughn, 2001; Mareoiu, Bland, Dobbins et Niemeyer, 2015). Le soutien dont bénéficient les parents revêt donc une grande importance pour leur réussite et leur implication dans l’intervention réalisée auprès de leur enfant (Coogle, Guerette et Hanline, 2013; Ingber, Al-Yagon et Dromi, 2010).

L’implication et le soutien offerts à la famille par le biais d’interventions orientées vers celle-ci montrent des bénéfices plus importants que les interventions uniquement dirigées vers l’enfant (Martire et Schulz, 2007). D’ailleurs, l’approche centrée sur la famille fait maintenant partie des meilleures pratiques (Brookman-Frazee, 2004; Division for early childhood [DEC], 2015; Dunst, Trivette et Hamby, 2007; National research council, 2001; Tomasello, Manning et Dulmus, 2010). Elle propose notamment d’offrir des services basés sur les besoins des familles où les professionnels soutiennent le développement des capacités et des compétences de celles-ci par le biais de ressources et de soutiens spécifiques (Dunst et al., 2007; Foster, Dunn et Lawson, 2013; Tomasello et al., 2010). L’approche participative s’inscrit également dans cette lignée en favorisant l'établissement d'une relation égalitaire basée sur la reconnaissance du point de vue de l’autre, le dialogue et le partage des responsabilités entre les adultes qui entourent l'enfant (Lafantaisie, 2017). Elle s'insère dans une logique d'augmentation du pouvoir d'agir (empowerment) des familles (Lacharité, 2009) en reconnaissant leur expertise expérientielle et en préconisant le partage du pouvoir entre l’intervenant et celles-ci. Ainsi, il semble y avoir consensus sur l’importance de considérer et d’impliquer la famille au processus clinique en s’attardant non seulement sur la nature des comportements de l’enfant, mais également sur l’ensemble du système familial (Lu, Jacques, Richer, Bourassa et Ouellette, 2018a). Cappe, Poirier, Sankey, Belzil et Dionne (2017) soulignent d’ailleurs l’importance de tenir compte de la façon dont les parents perçoivent leur situation et les difficultés de leur enfant afin de leur fournir un soutien et des informations appropriés.

Intervention socialement acceptable

L’implication de la famille doit reposer sur un moyen acceptable socialement pour elle et pour les intervenants afin d’accroitre leur niveau de participation dans le cadre notamment du processus clinique. Développée par Wolf (1978) dans le champ de l’analyse appliquée du comportement (AAC) et reprise par Wainer et Ingersoll (2013), l’acceptabilité sociale renvoie à l’importance de solliciter l’avis des bénéficiaires d’une intervention concernant ses objectifs, les procédures utilisées et les effets obtenus (Schaeffer et Clément, 2010). Ces éléments peuvent donc influencer la motivation à s’engager et à adhérer à cette intervention (Callahan, Henson et Cowan, 2008; Carroll et al., 2007). De plus, la satisfaction générale envers une intervention est une condition importante pour la réussite de la mise en oeuvre de cette dernière.

Outil collecte d’informations relatives à la famille (OCIRF; Lu, Jacques, Richer, Bourassa et Ouellette, 2018b)

En décembre 2015, plusieurs praticiens des services en TSA des centres intégrés et des centres intégrés universitaires en santé et services sociaux (CISSS/CIUSSS) du Québec, regroupés à l’intérieur d’une communauté de pratique (CdP), se sont concentrés sur le soutien à offrir aux parents devant composer avec la présence de comportements complexes chez leur enfant ayant un TSA. Les membres de cette CdP étaient principalement composés de superviseurs cliniques et d’agents de planification, de programmation et de recherche. Un besoin commun a été identifié, soit de mieux outiller les intervenants à considérer la situation familiale dans la mise en place des services. C’est donc en prenant appui sur leurs expériences, leurs échanges et les écrits scientifiques que les membres de la CdP ont, au cours de leurs rencontres et de leurs séances de travail, développé l’Outil de collecte d’informations relatives à la famille (OCIRF)[1]. Cet outil a pour but de documenter les facteurs de l’environnement familial et d’identifier les priorités d’intervention, les facilitateurs et les obstacles qui y sont associés et qui ont un impact sur les habitudes de vie de l’enfant. Il permet d’obtenir une vision plus globale des besoins de l’enfant, incluant les forces et les défis de la famille. Cet outil offre donc l’occasion de guider les intervenants dans la cueillette d’informations, d’organiser les informations recueillies et de soutenir la réflexion clinique quant à la planification des interventions.

L’OCIRF se présente sous forme de canevas de collecte d’informations et d’entrevue semi-structurée incluant des suggestions de questions à adresser à la famille selon cinq domaines : 1) réseau de soutien social de la famille; 2) niveau de stress perçu et de préoccupation; 3) connaissances et habiletés expérientielles de la famille; 4) sentiment à l’égard du rôle de parent; et 5) antécédents de services et croyance en l’intervention.

Introduction d’une nouvelle intervention

L’introduction d’une nouvelle intervention comme celle de l’OCIRF doit faire l’objet d’une évaluation. Breitenstein et al. (2010) mentionnent l’importance de documenter le risque que l’intervention ne soit pas mise en place si le personnel ne change pas sa méthode de travail. Ils évoquent aussi que si les intervenants résistent à la mise en oeuvre d’une nouvelle pratique, qu’ils ne sont pas motivés ou ne font pas preuve d’engagement, l’introduction d’une nouvelle pratique peut en être affectée. Le manque de ressources matérielles ou professionnelles nécessaires, la clientèle qui refuse l’intervention avant même que celle-ci ne prenne fin ou démontre de la résistance face à de nouvelles idées ou encore, une intervention trop complexe ou une formation insuffisante pour les intervenants peuvent également entraver la réussite de l’introduction d’une nouvelle intervention. Afin d’évaluer l’introduction d’une nouvelle intervention, Wainer et Ingersoll (2013) proposent un modèle conceptuel intégratif permettant l’étude et l’évaluation de la fidélité d’implantation. Leur cadre utilise une version adaptée du modèle Carroll et al. (2007), mais intègre également des composantes de la fidélité discutées dans d’autres modèles conceptuels (Dane et Schneider, 1998; Lichstein, Riedel et Grieve, 1994; Perepletchikova et Kazdin, 2005; Schulte, Easton et Parker, 2009). L'un des objectifs du cadre proposé est de fournir des lignes directrices pour tenir compte des facteurs de fidélité importants afin de soutenir l'élaboration d’interventions efficaces. Un autre objectif est de fournir un modèle pour discuter et suivre les résultats de la mise en oeuvre des interventions qui influeront son succès et sa durabilité. Wainer et Ingersoll (2013) propose donc de s’intéresser aux composantes les plus étroitement liées à la mise en oeuvre d'une intervention et étant considérées comme des éléments essentiels de sa fidélité dans ce modèle. Il s’agit des composantes de l’adhésion à l’intervention (degré auquel les procédures prévues sont utilisées), de l’exposition à l’intervention (période de temps pendant laquelle les acteurs s'engagent dans l’intervention) et de la différenciation de l’intervention (variété de formats de prestation, de procédures d’intervention et de matériel de formation). S’ajoutent à ces éléments certains modérateurs de fidélité possibles, telles : la complexité de l’intervention, les stratégies facilitantes (manuel, lignes directrices, etc.) et les compétences et la compréhension des intervenants. L’utilisation de ce modèle permet d’évaluer les différentes dimensions susceptibles d’apporter un éclairage sur la façon dont les interventions sont mises en place et par le fait même, de réajuster celles-ci en fonction des résultats.

Objectifs de la recherche

Les trois objectifs de cette étude consistent à 1) documenter la perception des parents de jeunes ayant un TSA et des intervenants face à l’utilisation de l’OCIRF dans le cadre de la planification de services, 2) démontrer l’acceptabilité sociale des procédures proposées par l’OCIRF telle que perçue par les intervenants ainsi que leur satisfaction face à cet outil et 3) documenter le point de vue des intervenants concernant les facteurs facilitants et faisant obstacle à l’utilisation de cet outil.

Méthode

Cette étude emploie un devis de recherche mixte combinant des méthodes de collectes de données quantitatives et qualitatives. La procédure d’évaluation repose principalement sur des questionnaires et des groupes de discussion focalisée. Le projet a reçu l’approbation du comité éthique de la recherche, volet psychosocial du CIUSSS de la Mauricie-Centre-du-Québec (MCQ).

Participants

Les participants ciblés par ce projet sont d’abord les intervenants rattachés à l’un des 15 établissements ayant participé à la CdP qui a développé l’OCIRF entre 2015 et 2017. Onze intervenants et huit parents ont pris part à la recherche. Pour diverses raisons (abandon de la famille, modification de la charge de dossiers), trois d’entre eux n’ont pas complété tous les questionnaires au deuxième temps de mesure. Au final, ce sont 9 intervenants (F = 7 et H = 2) provenant de 5 établissements distincts et 7 parents (F = 6 et H = 1) qui ont contribué à l’expérimentation de l’OCIRF et à son évaluation. Les Tableaux 1 et 2 présentent respectivement les caractéristiques des intervenants et des parents participants à la recherche. La plupart des intervenants participants sont des éducateurs qui possèdent de 4 à 20 années d'expérience auprès d'enfants ayant un TSA (M = 9,56 et ÉT = 5,17). Du côté des parents tous parlent français et la moitié vivent dans une famille nucléaire à savoir, composée de deux adultes et de leurs enfants (voir Tableau 2). Pour ce qui est des enfants des parents participants à l’étude, ils sont âgés de 5 à 17 ans. Ces enfants ayant un TSA présentent tous, à l’exception de deux enfants (1 = absence de données et 1= parent a répondu par la négative), des problématiques multiples telles qu’un trouble du déficit de l'attention/hyperactivité (n = 2), un retard global de développement (n = 1), de l’anxiété (n = 2), de l’agressivité (n =2), de l’impulsivité (n = 1), un trouble mixte du langage (n = 1), de la dyspraxie (n = 2) et de la dysphasie (n = 1).

Tableau 1

Description des participants intervenants (N = 9)

Description des participants intervenants (N = 9)

1 Spécialiste en réadaptation psychosociale.

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Tableau 2

Description des participants parents (N = 7)1

Description des participants parents (N = 7)1

1 Un des parents n’a pas rempli le questionnaire Sociodémographique. 2 L’enfant est en centre d’hébergement.

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Instruments de mesure

Dans le cadre de cette étude, l’utilisation de questionnaires développés par l’équipe a été privilégiée pour mesurer la perception des acteurs qui expérimentent l’outil. Le choix des outils retenus pour l’évaluation de l’acceptabilité sociale, quant à eux, repose sur l’expérience des membres de l’équipe. De plus, des groupes de discussion auprès des intervenants ont été réalisés afin d’expliciter les réponses obtenues.

Questionnaire sur l’autoévaluation de la perception des parents concernant l’utilisation de l’outil (Rousseau, Bourassa et McKinnon, 2018b). Développé par l’équipe de recherche, ce questionnaire vise à évaluer le niveau d’accord des parents relativement à chaque domaine de l’OCIRF. Il comprend au total 38 questions. Les domaines présents sont : le soutien social (4 items), le stress et les préoccupations (3 items), les connaissances et habiletés en TSA (3 items), le rôle du parent (3 items) et les services et interventions (3 items). Les items associés à chacun de ces domaines visent à évaluer la clarté et la compréhension des énoncés de l’OCIRF, la possibilité pour le parent de nommer les informations qu’il juge pertinentes et l’aider à dresser un portrait réaliste de sa situation. À ces domaines, s’ajoutent des questions sur les explications générales de l’OCIRF (2 items, p. ex., « J’ai facilement compris les explications… »), l’identification des besoins (4 items, p. ex., « Il a été facile pour moi de prioriser mes besoins. »), le contenu et la durée de l’entrevue (6 items, p. ex., « La durée de l’entrevue était adéquate pour l’ensemble des notions couvertes. ») et leur satisfaction générale (1 item : « Je décrirais mon niveau de satisfaction global de l’entrevue, comme étant »). Les items sont évalués à l’aide d’une échelle de type Likert à 5 points allant de pas du tout d’accord (1) à tout à fait d’accord (5). Un score moyen est calculé pour chaque domaine/section ainsi que pour l’échelle globale. De plus, pour chacune des sections (n = 9) du questionnaire, les parents doivent indiquer s’ils ont ou non d’autres commentaires. Dans l’affirmative, ils sont invités à inscrire leurs commentaires. Toutefois, ces questions ne font pas l’objet d’analyses dans le cadre de cet article.

Questionnaire sur l’autoévaluation de la perception des intervenants concernant l’utilisation de l’outil (Rousseau, Bourassa et McKinnon, 2018a). Développé par l’équipe de recherche, ce questionnaire vise à évaluer le niveau d’accord des intervenants par rapport à chaque domaine de l’OCIRF. Il comprend au total 52 questions. Les domaines représentés dans ce questionnaire sont : le soutien social (5 items), le stress et les préoccupations (7 items), les connaissances et habiletés en TSA (6 items), le rôle du parent (5 items) et les services et interventions (5 items). Les items associés à chacun de ces domaines visent à vérifier si les informations recueillies pour chaque domaine permettent de dresser un portrait réaliste et complet de la situation du parent. Ils offrent également la possibilité d’évaluer la clarté et la compréhension des énoncés de l’OCIRF et de valider le recours aux questions suggérées à l’intérieur de l’outil. L’ensemble de ces items (n = 17) sont évalués à l’aide d’une échelle de type Likert à 5 points allant de pas du tout d’accord (1) à tout à fait d’accord (5). Les autres items (n = 11) offrent aux répondants le choix oui (1) ou non (0), mais ne sont pas utilisés dans le cadre de cet article. À ces domaines, s’ajoutent quatre sections : l’utilisation des données nominatives (4 items; p. ex., « … permet de regrouper les informations pertinentes concernant l’entourage de l’enfant. »), l’identification des besoins (3 items; p. ex., « J’ai utilisé la technique des « 5 pourquoi » afin d’aider le parent à prioriser ses besoins. ») et la fiche synthèse (3 items; p. ex., « … facile à remplir et … obtenir un portrait global… »). Parmi ces 10 items, 7 sont mesurés avec une échelle oui (1) ou non (0) et 3 sont évalués à l’aide d’une échelle de type Likert à 5 points de pas du tout d’accord (1) à tout à fait d’accord (5). Seul l’item « L’administration de l’outil a permis de prioriser les besoins du parent » a été retenu pour fin d’analyse. Une dernière section comprend cinq questions générales dont deux d’entre elles ont été retenues pour les analyses soient : « Je décrirais mon niveau de satisfaction global de l’utilisation de l’outil, comme étant : » et « Le climat de l’entrevue avec le parent est détendu et agréable ». Un score moyen est calculé pour chaque domaine/section ainsi que pour l’échelle globale. À l’instar des parents, pour chaque domaine/section du questionnaire, les intervenants doivent mentionner s’ils ont ou non d’autres commentaires (9 items). Dans l’affirmative, ils sont invités à les noter. Toutefois, ces questions ne font pas partie des analyses.

Bien que semblable au questionnaire d’autoévaluation des parents, celui des intervenants s’attarde essentiellement à l’utilisation clinique et la pertinence des données collectées telles que perçues par l’intervenant. La formulation des questions diffère également selon le type de répondant. Par exemple, « Les questions qu’on m’a posées étaient claires et compréhensibles » s’adresse au parent tandis que « Les questions suggérées étaient claires et compréhensibles » est répondue par l’intervenant. Par ailleurs, certaines questions s’adressent spécifiquement à un type de répondant comme « J’ai utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent » qui est posé uniquement à l’intervenant.

Outils de collecte de données auprès des intervenants. L’acceptabilité sociale relative à l’OCIRF est évaluée à partir de deux instruments de mesure et par l’ajout de quelques questions ouvertes. L’échelle Treatment Evaluation Inventory Short-Form (TEI-SF; Kelley, Heffer, Gresham et Elliott, 1989) utilisée est une adaptation de la traduction par Paquet, McKinnon, Clément et Rousseau (2018) et autorisée par l’auteur principal. Elle vise l’évaluation de l’adéquation des procédures proposées dans l’OCIRF (sont-elles perçues comme appropriées et acceptables ?) et la pertinence sociale des effets (perception d’efficacité de l’intervention et des effets indésirables). Les intervenants doivent évaluer, sur une échelle de type Likert en 5 points allant de pas du tout d’accord (1) à tout à fait d’accord (5), neuf affirmations (p. ex., « Je crois que l’utilisation de cet outil est susceptible d’entrainer des améliorations permanentes dans l’implication des parents »). Le score total varie donc de 9 à 45. Plus le score est élevé, plus l’intervention proposée est considérée comme acceptable. Un score total de 27 est considéré comme une acceptabilité modérée (Kelley et al., 1989). Selon ces auteurs, le questionnaire possède une cohérence interne satisfaisante avec un coefficient alpha de 0,85.

L’évaluation de la satisfaction des intervenants face à l’ORCIF repose sur le Therapy Attitude Inventory (TAI), traduit et adapté par Ilg et al. (2014) avec l’autorisation de l’auteure (Eyberg, 1993). Il comprend 12 questions abordant les thématiques suivantes : satisfaction au sujet des procédures utilisées, relation avec les parents, confiance professionnelle, collaboration avec les parents, implication des parents et satisfaction générale. Ces questions (p. ex., « Concernant les progrès de la collaboration avec la famille, je suis : ») sont mesurées à l’aide d’échelles de type Likert en 5 points (p. ex., de pas du tout [1] à très certainement [5], de très insatisfait [1] à très satisfait [5]). Plus le score est élevé plus la satisfaction est grande. La fiabilité et la validité discriminante du TAI ont été démontrées (Eisenstadt, Eyberg, McNeil, Newcomb et Funderburk, 1993). L’inventaire possède également une cohérence interne satisfaisante avec un coefficient alpha de Cronbach de 0,88 (Eyberg, 1993). Cinq questions ouvertes sont posées à la fin du questionnaire. Ces questions abordent les points forts et les points à améliorer.

Groupes de discussion. Neuf intervenants ayant participé au processus de recherche ont été invités aux groupes de discussion suite à l’expérimentation. De ce nombre, huit ont répondu positivement à l’invitation. Réalisées à l’aide d’une grille d’entrevue préalablement élaborée par l’équipe de recherche, ces rencontres ont pour but d’identifier les facteurs facilitants et ceux faisant obstacle à l’utilisation de l’OCIRF. La durée pour chaque groupe de discussion est d’environ 1h30. Deux groupes de discussion ont été réalisés en février 2018 et portaient notamment sur les thèmes suivants : appropriation de l’OCIRF, planification et animation de la rencontre d’entretien avec le parent, passation de l’outil, conditions favorables et défavorables à son utilisation. Le premier groupe était constitué de trois participants (F = 2 et H = 1) tous des éducateurs spécialisés. Le second groupe comptait 5 participants (F = 4 et H = 1) dont 3 éducateurs spécialisés (davantage responsables des services offerts à l’enfant) et 2 travailleuses sociales (principalement responsable du soutien psychosocial à la famille).

Déroulement

Avant d’amorcer l’expérimentation, les intervenants ont assisté à l’une des quatre formations de trois heures offertes par un membre de la CdP ou un membre de l’équipe de recherche. Par la suite, les intervenants identifiaient les parents susceptibles de participer au projet, leur présentaient brièvement le projet et, avec leur accord, transmettaient la liste et les coordonnées des parents ayant accepté d’être contactés par l’équipe de recherche. Un membre de l’équipe de recherche contactait alors directement tous les parents pour leur expliquer la nature du projet et solliciter leur consentement. Suite à ces démarches, les intervenants étaient invités à procéder à la passation de l’OCIRF. La passation s’est réalisée de décembre 2017 à février 2018.

Analyses

Les données quantitatives sont analysées à l’aide du logiciel SPSS 24.0. La perception des parents et des intervenants relativement à l’utilisation de l’OCIRF, de même que son acceptabilité sociale, plus particulièrement l’acceptation de ses procédures, font l’objet d’analyses descriptives.

Les données qualitatives recueillies lors des groupes de discussion focalisée ont été enregistrées sur bande audio et retranscrites. Elles ont fait l'objet d'une analyse de contenu thématique selon la démarche proposée par Bardin (2003). Dans le cadre de ce projet, le choix des catégories a été déterminé à l’avance en fonction des objectifs de l’étude. Il est donc question d’une démarche close d’évaluation et de traduction des indicateurs d’étude (Andréani et Conchon, 2005). Pour ce faire, la grille d’analyse a été développée à partir des thèmes préétablis associés au cadre conceptuel retenu (adhésion, exposition /dosage et différenciation; Wainer et Ingersoll, 2013) et regroupés selon leur appartenance à la catégorie des facteurs favorables ou faisant obstacle à l’intervention. Ainsi, le codage a permis d’explorer ligne par ligne, étape par étape, les textes des groupes de discussion (Berg, 2003, cité dans Andréani et Conchon, 2005). Un codage fermé a été privilégié. Il a été réalisé par la chercheuse principale et une assistante de recherche formée avec un résultat d’accord interjuges global de 82 % variant de 80 % à 84 % pour chaque catégorie.

Résultats

Les résultats sont présentés en fonction des trois objectifs poursuivis par cette étude soit 1) documenter la perception des parents de jeunes ayant un TSA et des intervenants face à l’utilisation de l’OCIRF, 2) démontrer l’acceptabilité sociale des procédures proposées par l’OCIRF telles que perçues par les intervenants ainsi que leur satisfaction et 3) documenter le point de vue des intervenants concernant les facteurs facilitants et faisant obstacle à l’utilisation de cet outil.

Perception des parents et des intervenants

Les analyses descriptives de la perception des parents relative à l’utilisation de l’OCIRF montrent des scores moyens très élevés (voir Tableau 3) à l’exception de la section « Contenu et durée » qui affiche une moyenne inférieure à 4 (M = 3,93; ÉT = 0,48). Pour ce qui est de la satisfaction globale, la moyenne obtenue est supérieure à 4 (M = 4,43; ÉT = 0,53). En fait, ce sont tous les parents participants qui sont satisfaits à très satisfaits de l’utilisation de l’OCIRF.

D’autres analyses descriptives (analyses de fréquences) ont été effectuées. En ce qui concerne le domaine « Soutien social », la majorité (85,7 %) des parents sont d’accord à très d’accord avec l’affirmation selon laquelle les questions posées leur ont permis de nommer toute l’information à l’égard du soutien social qu’ils voulaient mentionner à l’intervenant. Ils ont tous le sentiment que les réponses fournies permettent de dresser un portrait réaliste de la qualité et de la quantité du soutien qu’ils reçoivent de leur réseau social. Des résultats semblables sont obtenus au domaine « Stress et préoccupation », à savoir que 86 % des parents affirment que les questions posées leur ont permis de nommer toute l’information au sujet de leur stress et de leurs préoccupations qu’ils voulaient partager à l’intervenant. Dans une même proportion, ils reconnaissent que les réponses fournies offrent la possibilité de dresser un portrait réaliste de leur niveau de stress et de préoccupations.

Pour ce qui est des domaines « Connaissances et habiletés en lien avec le TSA », « Rôle du parent » et « Services et perception de l’intervention », ce sont tous les parents qui mentionnent que les questions posées leur ont permis de nommer toute l’information relative à ces domaines qu’ils voulaient nommer à l’intervenant. De même, tous les parents reconnaissent que les réponses fournies permettent de dresser un portrait réaliste de ces domaines.

D’autre part, 72 % des parents interrogés recommandent la participation des parents d’enfants ayant un TSA à ce type d’entrevue dans le cadre des services qu’ils reçoivent. Les autres parents participants n’ont pas d’avis quant à la recommandation de l’OCIRF.

Du côté des intervenants, les scores moyens concernant leur perception de l’utilisation de l’outil sont de moyens à élevés (voir Tableau 4). Les sections « Stress et préoccupations » et « Services et perception de l’intervention » présentent les moyennes les plus élevées. Un score moyen est obtenu pour le niveau de satisfaction globale décrite par les intervenants quant à l’utilisation de l’OCIRF (M = 3,33; ÉT = 1,00). De plus, des analyses de fréquences révèlent que les deux tiers (n = 6) des intervenants sont satisfaits de l’utilisation de l’outil et le tiers (n = 3) n’a pas d’avis sur la question.

D’autres analyses descriptives (analyses de fréquences) ont également été réalisées. Ainsi, concernant le « Soutien social », 75 % des intervenants considèrent avoir utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent. Toutefois, ce n’est pas le cas pour un intervenant participant, considérant qu’il y aurait d’autres questions pertinentes. Plus du trois quarts (n = 7) des intervenants mentionne avoir le sentiment que les questions qu’ils ont posées permettent de dresser un portrait réaliste de la qualité et de la quantité du soutien que le parent reçoit de son réseau social. Par contre, un intervenant (distinct du précédent) n’est pas d’accord avec l’affirmation portant sur la quantité du soutien.

Tableau 3

Moyenne, intervalle de confiance et écart-type de la perception des parents concernant l’utilisation de l’outil

Moyenne, intervalle de confiance et écart-type de la perception des parents concernant l’utilisation de l’outil

Note. Minimum = 1 et maximum = 5.

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Tableau 4

Moyenne, intervalle de confiance et écart-type de la perception des intervenants concernant l’utilisation de l’outil

Moyenne, intervalle de confiance et écart-type de la perception des intervenants concernant l’utilisation de l’outil

Note. Minimum = 1 et maximum = 5.

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Pour ce qui est du domaine « Stress et préoccupations », 89 % des intervenants pensent que les informations recueillies permettent d’identifier si les stratégies adaptatives adoptées sont centrées sur l’émotion ou sur le problème. Seul un intervenant (distinct des précédents) n’est pas d’accord avec cette affirmation, trouvant « qu’il est difficile de départager le stress qui est directement relié au besoin particulier de l’enfant ». Par ailleurs tous les intervenants interrogés pensent que les informations recueillies offrent la possibilité de déterminer le niveau d’efficacité des stratégies utilisées par le parent. Près de 90 % des intervenants pensent que ces informations permettent de réfléchir à des propositions de stratégies nouvelles dans le cadre de l’intervention et affirment avoir utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent. De plus, 78 % (n = 7) des intervenants ont le sentiment que les questions qu’ils ont posées permettent de dresser un portrait réaliste du niveau de stress et de préoccupation du parent.

En ce qui concerne le domaine « Connaissance et habiletés portant sur le TSA », à l’exception d’un intervenant (le même qui était en désaccord concernant « des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent »), tous pensent que les informations recueillies permettent de mieux soutenir le parent sur le plan de l’acquisition de connaissances et d’habiletés d’intervention. Les deux tiers (n = 6) des intervenants affirment avoir utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent. Plus du trois quarts (n = 7) mentionne avoir le sentiment que les questions suggérées par l’OCIRF offrent la possibilité de dresser un portrait réaliste du niveau de connaissance et d’habiletés du parent en lien avec le TSA. Près de 90 % (n = 8) a le sentiment que les réponses du parent permettent de dresser un portrait réaliste de son niveau de connaissance et d’habiletés en lien avec le TSA.

En regard du domaine « Rôle du parent », la majorité (n = 8) des intervenants pense que les informations recueillies dans cette section permettent d’apprécier globalement le sentiment de compétence et d’auto-efficacité du parent. Les trois quarts des intervenants qui ont répondu (n = 6) ont utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent, ce qui n’est pas le cas pour seulement un d’entre eux qui était également en désaccord concernant les informations recueillies dans la section « Stress et préoccupations ». Dans une même proportion, les répondants ont le sentiment que les questions qu’ils ont posées permettent de préciser la perception qu’a le parent de son rôle.

Enfin, en ce qui a trait au domaine « Services et perception de l’intervention », tous les intervenants interrogés pensent que les informations recueillies leur permettent d’obtenir une bonne compréhension de ce que la famille a reçu comme services jusqu’ici, ce que le parent en a compris, ce qu’il a vécu et la façon dont il s’est mobilisé. Un peu plus de la moitié (n = 5) des intervenants a utilisé plusieurs des questions suggérées afin de clarifier les propos du parent, ce qui n’est pas le cas pour un seul intervenant. La majorité (n = 8) des intervenants dit avoir le sentiment que les questions qu’ils ont posées permettent de documenter la perception du parent quant aux services et à l’intervention.

En tout dernier lieu, lorsque questionnés sur la recommandation de l’utilisation de l’OCIRF, plus des trois quarts (n = 7) des intervenants mentionnent recommander l’outil pour des familles nouvellement arrivées dans les services et celles qui vivent des problématiques ou des difficultés de collaboration.

Acceptabilité sociale et satisfaction des intervenants

Le score moyen concernant l’acceptabilité des procédures de l’OCIRF obtenu à l’aide du TEI-SF est de 31,56/45, soit au-dessus du seuil de 27 considéré comme une acceptabilité modérée (voir Tableau 5). De façon générale, la satisfaction des intervenants envers l’OCIRF, mesurée par le TAI, est de 33,88/50. Les trois quarts des intervenants participants pensent possiblement (n = 3), voire certainement (n = 3), utiliser l’OCIRF dans les prochains mois. Par ailleurs, 63 % des intervenants participants recommanderaient l’outil à des collègues. Il est à noter qu’un peu plus du tiers n’a pas d’avis sur ce sujet.

Tableau 5

Résultats aux mesures de l’acceptabilité sociale évaluée par l’intervenant

Résultats aux mesures de l’acceptabilité sociale évaluée par l’intervenant

Note. amaximum = 45, bmaximum = 50, cmaximum = 5, dmaximum = 5.

-> Voir la liste des tableaux

Facteurs facilitants et faisant obstacles à l’utilisation de l’OCIRF

L’analyse des propos des intervenants (n = 9) aux groupes de discussion a permis de décrire les différentes conditions facilitantes et celles faisant obstacles à l’utilisation de l’OCIRF. Ces facteurs sont classés en fonction des composantes proposées par Wainer et Ingersoll (2013) : adhésion, exposition/dosage, différenciation, complexité et compétence et compréhension de l’outil.

Facteurs facilitants. Les intervenants rapportent que le format clé en main favorise grandement leur adhésion à l’outil.

« Je pense que c’était très facile à suivre. Quand on part avec ça, c’est un peu une clé en main. De mon côté, je n’avais pas besoin d’aide. »

Professionnel 8

Les questions à poser sont clairement identifiées pour tous les domaines de l’outil. Par ailleurs, selon les intervenants, le fait qu’il soit possible de sélectionner les questions en fonction de leur pertinence pour la famille a favorisé la mise en place de l’outil (adhésion).

« J’ai pris le temps de le lire comme il faut et de sélectionner d’avance les questions que j’allais poser à la famille que j’avais choisie, parce que je trouvais que de le faire du début à la fin au complet, ça pouvait être un peu intense et un peu long. »

Professionnel 7

Ils mentionnent aussi que l’OCIRF offre la possibilité à l’intervenant et à la famille de procéder à la passation de ce dernier sur plus d’une rencontre. Cette souplesse permet à l’intervenant de considérer les caractéristiques de la famille et favorise ainsi le respect du temps prévu pour la rencontre (exposition/dosage).

« Ça été deux rencontres qu’il a fallu planifier avec la maman parce qu’elle avait la jasette euh…facile. Donc, ça été un gros travail de structurer cette maman-là dans ses paroles. »

Professionnel 2

Les intervenants soulignent que la qualité de la passation de l’outil repose sur son appropriation, la maitrise de son contenu par l’intervenant, le lien de confiance avec la famille et la capacité de l’intervenant à créer un climat agréable et non stressant (compétence).

« Il y a quand même des éléments de stress etc. et tout, mais du fait que mon lien était déjà créé depuis longtemps et on a vraiment une belle collaboration c’est sûr que ça rendu mon animation pas mal plus facile. »

Professionnel 5

Les intervenants rapportent que la simplicité de l’outil, leur bonne connaissance des parents, l’ouverture et la disponibilité des parents favorisent grandement leur participation à l’entrevue semi-structurée. Finalement, pour les intervenants, le fait que l’OCIRF permette d’aborder des sujets non couverts lors des rencontres du plan d’intervention, qu’il traite de sujets peu touchés par d’autres instruments, qu’il considère non seulement l’enfant, mais également les parents et qu’il offre un cadre spécifique pour interroger les parents sur leurs besoins assurent un caractère unique à l’OCIRF (différenciation).

« Bin moi ça m’a quand même ouvert sur des zones à explorer avec les familles que j’avais peut-être pas le réflexe d’aller vérifier. »

Professionnel 5

Facteurs faisant obstacles. Les intervenants soulignent que ce ne sont pas toutes les questions qui sont pertinentes pour les parents et que parfois, l’ajout d’autres questions aurait été justifié (adhésion).

« J’ai utilisé moins les questions du questionnaire, mais on en a ajouté quelques-unes par rapport à la région, aux valeurs et à la culture, et l’impact que ça peut avoir au niveau de leur vision un peu du diagnostic. »

Professionnel 3

Ils rapportent aussi que certains facteurs tels que le temps de transport pour se rendre au domicile du parent, le temps de la passation plus long que prévu et la présence des enfants lors de la passation peuvent nuire au respect de la durée prévue (exposition/dosage).

« Je pense que je ne l’aurais jamais fait avec l’enfant, parce qu’on n’aurait pas pu échanger. »

Professionnel 8

« Deux fois la mère, parce que je n’avais pas planifié assez de temps la première fois pour le faire au complet, puis parce que la mère verbalise quand même beaucoup. Alors, j’ai planifié une deuxième rencontre avec elle pour finir l’outil. »

Professionnel 9

Les principaux facteurs pouvant faire obstacle à la passation de l’outil, selon les intervenants, sont le manque de temps pour l’appropriation de l’outil, le manque de temps de préparation et le moment choisi pour l’entrevue semi-structurée (complexité).

« De mon côté à moi, je dirais que j’ai manqué de temps pour vraiment bien me le réapproprier. »

Professionnel 1

Ces facteurs sont identifiés comme étant un frein à la qualité de la passation. Ils mentionnent aussi que certaines questions peuvent générer des émotions négatives chez les parents.

« Il y avait des questions qui suscitaient un petit peu plus de malaise. »

Professionnel 8

Ils rapportent également que les parents pris avec des émotions intenses et un manque d’ouverture influencent négativement leur degré de participation. Finalement, les intervenants se questionnent sur certains énoncés de l’OCIRF qui, selon eux, ne seraient pas en lien avec leur profession ou pour lesquels ils ne seraient pas en mesure de donner de suivi aux parents. Il s’agit notamment d’éléments qui, selon certains éducateurs spécialisés, relèvent davantage de suivis réalisés par les travailleurs sociaux de leur établissement. Pour ces intervenants, ces éléments peuvent nuire à la compréhension de l’outil.

« C’est des questions que je n’aborde pas nécessairement dans mon suivi avec eux, car mes interventions sont souvent axées sur l’enfant. »

Professionnel 2

Discussion

L’importance de considérer les informations relatives à la famille dans la planification des services pour leur enfant ayant un TSA a été démontrée (Beaudoin, 2018; Cappe et al., 2017). Cependant, les cliniciens dénoncent un manque d’outils à cet effet. Par conséquent, la présente étude pilote vise à évaluer la perception et la satisfaction des parents et des intervenants face à l’OCIRF.

Concernant le premier objectif de l’étude, il vise à documenter la perception des parents de jeunes ayant un TSA et des intervenants au regard de l’utilisation de l’OCIRF dans le cadre de la planification de services. À cet effet, les résultats démontrent clairement que les parents reconnaissent la pertinence de l’OCIRF en général et plus spécifiquement celle des domaines documentés par ce dernier. Lors de cette étude, les parents reconnaissent la pertinence que l’intervenant s’intéresse au soutien social qu’ils reçoivent, à leur niveau de stress et préoccupation, à leurs connaissances et habiletés en TSA et aux services qu’ils ont reçus, à leur perception des interventions et à leur sentiment à l’égard de leur rôle de parent afin de dresser un portrait réaliste de leur situation. Ces résultats rejoignent Gardiner et Larocci (2015), qui soulèvent l’importance d’intégrer des informations concernant le fonctionnement familial (comportements de l’enfant, fonctionnement familial, interaction réciproque, facteurs de résilience et de protection) lors de l’analyse de la situation de l’enfant. En conséquence, les facteurs de risque et de protection de la famille, tels que le stress parental, la santé psychologique des parents, le fonctionnement familial, la perception du parent envers son rôle parental, le sentiment d’auto-efficacité et le réseau de soutien social, largement documentés dans les écrits (Cohen, Holloway, Dominguez-Pareto et Kuppermann, 2014; Hayes et Watson, 2013; Kelly et al., 2008; Turnbull et Aldersey, 2014), sont intégrés à l’analyse globale de la situation de l’enfant. Au terme de la démarche proposée par l’OCIRF, un résumé des renseignements recueillis permet de faire ressortir les premiers éléments à considérer sur le plan de l’environnement familial qui seront intégrés à l’analyse de la situation de l’enfant. Cette section permet notamment l’identification des besoins prioritaires de la famille ou les aménagements requis et a un impact important dans le fonctionnement familial et dans la mise en place des services auprès de l’enfant ayant un TSA. Cela permet, comme recommandé par Brookman-Frazee, Stahmer, Baker-Ericzen et Tsai (2006), que la situation des parents et de la famille soit partie intégrante de l’analyse lors de la planification de services.

Du côté des intervenants, leur niveau de satisfaction est bon. À l’instar des parents, ils reconnaissent la pertinence de l’utilisation de cet outil dans le cadre de la planification de services à l’enfant, tout particulièrement avec des familles nouvellement arrivées dans les services et celles qui vivent des problématiques ou des difficultés de collaboration. Tout comme l’étude de Sikora et al. (2013), les intervenants reconnaissent l’importance d’analyser le fonctionnement de la famille afin de déterminer les stratégies et les interventions qui seront les plus efficaces compte tenu des ressources disponibles tant chez l’enfant que chez sa famille.

Le deuxième objectif de l’étude vise à évaluer l’acceptabilité sociale des procédures proposées par l’OCIRF tel que perçu par les intervenants. Les résultats révèlent que les intervenants jugent les objectifs, les procédures et les résultats de l’outil comme acceptables, efficaces et positifs. Cependant, ils notent que l’outil devrait faire l’objet de quelques modifications mineures afin de rendre son utilisation future plus probable. Par exemple, ils suggèrent qu’un guide explicatif de l’OCIRF soit disponible afin de permettre aux intervenants de se familiariser avec ce dernier ainsi que de s’approprier la façon de l’administrer. Ce guide explicatif devrait être développé en considérant la réalité des intervenants leur permettant ainsi une appropriation à l’aide d’un outil simple, court et concret, pouvant être accessible en tout temps. Certains intervenants mentionnent aussi avoir ressenti un certain inconfort en ce qui a trait à certaines questions qui, selon eux, ne relèveraient ni de leur rôle ni de leur qualification. À cet effet, tel que souligné par Solbrekke et Englund (2011), il est de la responsabilité de chaque intervenant de s’approprier l’outil et la démarche proposée, mais également de veiller à une utilisation conforme à sa profession, à son champ de compétence et à son mandat. Bien que l’OCIRF peut être utilisé en totalité ou en partie et être ajusté afin de mieux répondre aux besoins et aux particularités de chaque utilisateur, cet aspect devra être clarifié. L’évaluation de l’acceptabilité sociale lors de cette étude pilote a donc permis de prendre connaissance des effets non-désirés ou des difficultés d’utilisation de l’OCIRF. Cette visée de l’évaluation de l’acceptabilité sociale est aussi reconnue par Schaeffer et Clément (2010) et Goldstein et Naglieri (2011).

Le dernier objectif de l’étude vise à documenter les facteurs facilitants et faisant obstacle à l’utilisation de l’OCIRF auprès des intervenants. Les groupes de discussion mettent en lumière plusieurs aspects intéressants à cet effet. Il ressort clairement, des propos des intervenants, que le format clé en main a grandement contribué à leur appropriation et à leur adhésion à l’OCIRF. Ces propos rejoignent ceux de Kasari (2002) qui note qu’une des stratégies permettant d’augmenter la fidélité de la mise en place d’une intervention est de mettre à la disponibilité des intervenants un guide regroupant toutes les informations nécessaires à la mise en place de l’intervention. Rappelons que cet outil a été développé par un groupe de cliniciens qui oeuvrait auprès de familles ayant un enfant TSA. Ainsi, tout comme le mentionnent Gendreau, Gogging et Smith (2001), cette démarche, souhaitée et réalisée par les intervenants, ne peut que soutenir le changement de pratique, car les intervenants accordent suffisamment de valeur à l’outil qu’on leur demande d’utiliser.

À l’instar de Campbell et Kozloff (2007), les intervenants, à la suite de l’utilisation de l’OCIRF, reconnaissent que les parents peuvent fournir des informations importantes pour soutenir la planification des services. Ils relèvent aussi que l’outil permet de considérer non seulement l’enfant, mais également les parents et qu’il offre un cadre spécifique pour interroger les parents sur leurs propres besoins afin d’en tenir compte dans la planification de services. Ces propos trouvent écho dans l’étude de Burrell et Berrego (2012), qui affirment qu’une bonne connaissance des besoins de la famille et de l’enfant peut guider le choix de l’intervention ou les aménagements à effectuer.

Lors de cette étude, les intervenants notent cependant que le manque de temps pour l’appropriation de l’outil et la préparation pour la passation de l’OCIRF est un frein à sa mise en place. Ces résultats dénotent l’importance d’assurer un soutien clinique et administratif dans la mise en place d’un nouvel outil clinique. Il est donc possible de croire qu’une plus grande implication des gestionnaires dans le cadre de ce projet aurait diminué la présence des défis relevés par les intervenants. D’ailleurs, certains auteurs (Gottfredson, 2000; Kam, Greenberg et Walls, 2003) précisent que le facteur le plus important et le mieux documenté, favorisant la mise en place d’une nouvelle intervention, est sans aucun doute le soutien de la direction. Il est donc recommandé, lors d’utilisation future de cet outil, d’assurer ce soutien et des aménagements d’horaire et de tâches afin d’assurer le temps nécessaire pour l’appropriation et la passation de l’OCIRF.

Finalement, les limites de cette étude ne peuvent être négligées. Tout d’abord, une première limite concerne les outils servant à évaluer l’autoperception des parents et des intervenants au sujet de l’utilisation de l’OCIRF. Comme ces outils ont été développés par l’équipe de recherche et qu’ils sont non validés, les résultats issus de ces derniers doivent être interprétés avec prudence car il existe peu d’appui à l’interprétation de ces scores. Une limite majeure est la petite taille de l'échantillon inhérente à une étude pilote. Ce petit échantillon ne permet pas de généraliser les résultats, notamment au niveau de l’acceptabilité sociale face à l’OCIRF. Comme mentionné par Schwartz et Bear (1991), l’évaluation de l’acceptabilité sociale doit reposer sur un échantillon représentatif des parties prenantes, ce qui n’est pas le cas dans cette étude pilote. Par ailleurs, l’échantillon de l’étude était non aléatoire; les parents ont été identifiés directement par les intervenants qui désiraient expérimenter l’OCIRF ce qui peut avoir influencé la désirabilité sociale des parents lors de la complétion des questionnaires. D’ailleurs, il était constitué majoritairement de mères. Ce déséquilibre de mères et de pères ne nous permet pas d'évaluer les différences généralement observées dans les écrits scientifiques notamment au niveau de la dépression et du stress (Dabrowska, 2008; Oelofsen et Richardson, 2006). Ainsi, l’échantillon n'était pas représentatif de tous les parents recevant des services d’un CISSS/CIUSSS. Une autre limite concerne les participants eux-mêmes. Dans le cadre de cette étude pilote, les parents et les intervenants étaient tous volontaires. Leur niveau de motivation était donc possiblement assez élevé. Finalement, l’étude actuelle ne fait pas de distinction entre les parents en fonction de la gravité des symptômes de TSA chez les enfants. Des recherches antérieures (Benson, 2006) ont montré que notamment le niveau de stress des parents était prédit par la gravité des symptômes de l’enfant. Par ailleurs, il aurait été intéressant d’obtenir le point de vue des parents face aux facteurs facilitants et aux obstacles à l’utilisation de l’OCIRF, ce qui n’a pas été possible dans le cadre de la présente étude. En tant que telles, les futures études devraient tenir compte de cet aspect lors de l’évaluation de la participation des parents dans le cadre de leur implication et contribution dans l’identification des services à l’enfant. Maintenant que les participants de cette étude ont témoigné de leur satisfaction face à cet outil, il est souhaité que dans un futur proche, des études s’intéressent aux effets de ce dernier (Analyse du fonctionnement familial et soutien concret à la planification des services). Notons d’ailleurs que très peu de recherches se sont consacrées à l’étude de la situation des parents au Québec (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2014; des Rivières-Pigeon et al., 2015; des Rivières-Pigeon et al., 2014; Poirier et des Rivières-Pigeon, 2013).

Conclusion

Cette étude visait à décrire l’utilisation et l’acceptabilité sociale de l’OCIRF à travers la perception des parents d’enfants ayant un TSA et leurs intervenants. Cet outil, développé dans le cadre d’une CdP, répond aux besoins criants, identifiés par les milieux, d’outiller les intervenants dans la collecte d’information sur la situation familiale des enfants ayant un TSA. En effet, il ressort de cette étude que les parents et les intervenants sont satisfaits de son utilisation. De plus, ne nécessitant aucune formation, l’OCIRF s’accompagne d’un guide explicatif pour faciliter son appropriation et son utilisation. Il s’intègre bien dans la planification de services puisqu’il est flexible et peut être utilisé en totalité ou en partie et s’ajuster selon le contexte d’intervention. Bien que les résultats soient en faveur de l’utilisation l’OCIRF dans les services offerts aux familles, étant donné les limites de l’étude, il serait approprié de reproduire cette étude auprès d’un plus grand nombre de participants provenant de différentes régions du Québec.