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De l’intérêt de la formation continue

Cette recherche est née d’une préoccupation liée au développement professionnel des enseignants, incluant la formation continue sous différentes formes, mais aussi d’un questionnement relatif à la qualité de l’offre de formation continue destinée aux enseignants. Charlier et Charlier (1998) affirment en effet que la formation continue des enseignants est au coeur d’enjeux essentiels. Selon eux, elle est déterminante dans l’implantation des innovations, et elle a pour but d’aider les enseignants à développer leur professionnalité et à servir les réformes du système éducatif. La formation continue permet de faire face à l’évolution des compétences professionnelles engendrées par les mutations du système éducatif.

Cette conception rejoint par ailleurs celle de Paquay, Altet, Charlier et Perrenoud (2012), qui considèrent l’évolution en cours de carrière de l’enseignant comme une transformation progressive des compétences nécessaires à sa profession. Rejoignant ces auteurs, cet article se fonde sur le postulat selon lequel les opportunités dont bénéficient les enseignants pour développer leurs compétences, incluant les dispositifs de formation continue prévus par le système (Donnay et Charlier, 1990), doivent être soumises à une démarche qualité rigoureuse. La formation continue semble en effet aux prises avec une double injonction : renforcer et accroître les savoirs et les compétences des enseignants, mais aussi rendre compte des moyens accordés par les pouvoirs publics qui ont des projets pour l’école (Maulini, Desjardins, Étienne, Guibert et Paquay, 2015).

Définition du concept de formation continue 

Le décret du 11 juillet 2002 (Arrêté du Gouvernement de la Communauté française, 2003) relatif à la formation en cours de carrière définit la formation continue, dans le contexte belge francophone, comme « celle qui inclut tant les formations pouvant être suivies dans le cadre de la fonction occupée par l’enseignant que celles dans le cadre de la préparation à l’exercice d’une fonction de sélection ou de promotion » (art. 2, p. 7).

Dans la recherche à l’origine de cet article, la formation continue est entendue comme :

« Un processus de formation conduit après la formation initiale, qui ne se limite pas à une action d’apprentissage des connaissances et d’acquisition de compétences nouvelles, mais vise également une restructuration du comportement pédagogique et s’inscrit dans une perspective de transformation du système éducatif »

De Ketele, 1989, p. 220

De surcroît, la formation continue est déterminante dans l’implantation des innovations insufflées par les réformes du système éducatif (Arrêté du Gouvernement de la Communauté française, 2003). Cette vision de la formation continue accompagnant l’évolution du système éducatif amène Baffrey et Littré (2015) à rappeler que les dispositions décrétales mettent en évidence ces enjeux, allant de pair avec une profession en pleine évolution. L’évolution des compétences professionnelles engendrées par les mutations du système est mise en exergue, ce qui implique l’approfondissement de ce qui a été entamé lors de la formation initiale, mais aussi l’acquisition de compétences et de savoirs nouveaux. Dans sa fonction d’engagement professionnel, la formation continue est définie comme « un processus par lequel, individuellement ou collectivement, les enseignants révisent, renouvellent et augmentent leur engagement, en tant qu’acteurs du changement, aux fins morales de l’éducation » (Day, 1999, p. 4, trad. libre).

Les enjeux de la formation continue…

Les nombreux enjeux de la formation continue ont progressivement placé le système éducatif dans l’obligation de faire bénéficier les enseignants d’une formation de qualité leur permettant de se développer professionnellement et de contribuer aux réformes et à l’amélioration du système éducatif (De Ketele, 1989). Ce constat n’exclut pas les nombreuses modalités de développement professionnel pouvant être mises en oeuvre, en toute autonomie, par les enseignants. Cette approche est qualifiée par Le Boterf (2007) de « logique de navigation professionnelle », c’est-à-dire la rencontre de situations variées constituant autant d’espaces dans lesquels l’individu déploie une activité propice à son développement.

…au coeur de l’actualité en Fédération Wallonie-Bruxelles

Au moment d’écrire cet article, l’actualité politique belge s’intéresse quotidiennement au Pacte pour un enseignement d’excellence. Fruit d’un intense travail collaboratif entamé depuis 2015, cette réforme est fondée sur l’ambition de renforcer la qualité de l’enseignement en luttant contre les principales faiblesses du système : décalage entre l’école et les mutations de la société, taux de redoublement, résultats aux évaluations internationales. Parmi ses axes prioritaires, le Pacte entend mettre en oeuvre de nouveaux modes de gouvernance pour améliorer les performances du système éducatif. Ceux-ci rejoignent la finalité de cet article, qui entend, à partir de l’analyse de l’organisme visé, lui apporter des recommandations pour améliorer sa qualité.

De surcroît, l’intérêt porté à la formation continue, considérée comme « un levier de changement important et une composante structurelle de l’exercice d’un métier considéré évolutif par nature » (Fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, p. 162), a confirmé l’importance et la pertinence du sujet traité. Dans le cadre du pilotage du système, un renforcement de la formation continue et une manière de la concevoir selon les besoins définis par les objectifs du système éducatif, par les enjeux collectifs des établissements et par le développement professionnel de chaque enseignant sont envisagés. Cette recherche porte sur l’analyse de l’offre de formation (au niveau « méso ») proposée par l’un des réseaux d’enseignement (le système très complexe de la Belgique francophone comprenant quatre réseaux d’enseignement[1]), soit celui de l’enseignement libre catholique, incarné par la Formation continue des enseignants du fondamental (FoCEF).

Évaluation d’une offre de formation continue : recours au modèle de Bouchard et Plante (2002) et aux dimensions de cohérence et de pertinence

La qualité

Bouchard et Plante (2002) proposent une approche analytique du concept de qualité déclinée en neuf dimensions (voir Figure 1). La rencontre de celles-ci permet de définir le concept de qualité, tandis que le recours à des indicateurs aussi précis et valides que possible permet de l’opérationnaliser et de sortir d’une impression globale. Le but ultime visé par ce modèle est de servir de guide au moment de déterminer des indicateurs de la qualité afin de la mesurer, tout en exigeant des personnes à la recherche de cette qualité la responsabilité de mettre en place les moyens pour y parvenir.

Le choix de ce modèle s’explique par le fait qu’il permet d’appréhender de manière globale les différentes composantes d’un « dispositif » de formation en envisageant les différents liens qui les unissent, dans une perspective systémique. Les auteurs de ce modèle considèrent que la qualité est le véritable objectif vers lequel tout organisme doit tendre. Il ne s’agit donc pas de s’interroger sur « comment améliorer la qualité d’un programme », mais plutôt sur « comment améliorer un programme pour qu’il atteigne la qualité souhaitée ». La question ainsi reformulée est certes plus exigeante, car elle met en évidence le fait qu’il est alors nécessaire de définir clairement et au préalable la qualité souhaitée par l’organisme.

Figure 1

Modèle de la qualité de Bouchard et Plante (2002)

Modèle de la qualité de Bouchard et Plante (2002)

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La cohérence

La démarche qualité menée dans cette recherche est réalisée à partir de l’analyse de la cohérence (Roegiers, 1997) et de la pertinence (Gerard, 2003, 2008) de l’offre de formation continue. Le concept de cohérence est entendu comme « le lien de conformité entre les moyens et les personnes qui composent l’organisme et qui s’unissent les uns aux autres pour constituer un seul et même outil au service de l’atteinte des objectifs visés » (Bouchard et Plante, 2002, p. 230). La cohérence pose donc bien la question du choix des moyens et permet de vérifier si ceux qui sont prévus permettent d’atteindre les objectifs de l’action de formation (Roegiers, 1997). L’évaluation de la cohérence détermine si ce qui a été identifié et prévu correspond à ce qui devait l’être pour atteindre les objectifs.

La pertinence

La pertinence est entendue comme « le lien de conformité entre les objectifs visés par l’organisme et les besoins auxquels il doit répondre » (Bouchard et Plante, 2002, p. 230). Le concept de besoin est envisagé comme un écart entre une situation actuelle et une situation désirée (De Ketele, 1989 ; Roegiers, Wouters et Gerard, 1992). La pertinence des objectifs de formation est donc primordiale : ils seront considérés comme tels s’ils sont ceux qui permettent le mieux d’atteindre l’objectif d’évolution. Selon Gerard (2008), se poser la question de la pertinence des objectifs de formation est une étape essentielle du processus, car il s’agit de poser la question de la pertinence des choix de compétences à développer. Cette pertinence ne peut s’établir que par rapport à des référentiels professionnels partagés, ce qui permet de définir les compétences à développer et de s’accorder sur les termes de leur évaluation. Lorsqu’ils évoquent la pertinence, Baffrey et Littré (2015) font référence à la concertation permettant aux différents acteurs de rapporter les éléments d’analyse issus de leurs contacts avec le terrain. Ils évoquent ainsi la combinaison entre une logique émergente et une logique descendante, articulant les thèmes et matières prioritaires dégagés par les instances et s’appuyant sur des éléments recueillis, idéalement en matière de besoins, auprès de différents acteurs.

Les besoins de formation

Bien qu’elle apparaisse pourtant comme centrale dans les démarches d’analyse effectuées par les acteurs de la formation (Baffrey et Littré, 2015), la notion de besoins de formation n’apparaît qu’à une seule reprise dans les dispositions décrétales en Belgique francophone. De plus, selon Bourgeois (1991), cette notion devrait être interrogée en la distinguant des attentes, exprimées sous forme de demandes qui doivent faire l’objet d’un travail d’analyse spécifique et qui échappent parfois à l’identification par les personnes concernées elles-mêmes (Ardouin, 2010 ; Gerard, 2008 ; Merle et Sensevy, 2001).

Contexte et cadre institutionnel

Avant le décret du 11 juillet 2002, la formation continue en Belgique francophone était déléguée principalement à des organismes propres aux réseaux d’enseignement. Elle s’inscrivait exclusivement dans le cadre d’une démarche volontaire et était donc laissée au libre choix des enseignants (Baffrey et Littré, 2015).

Le décret de juillet 2002 : une avancée majeure

Ce décret apporte des éléments de rupture par rapport à la situation antérieure en instaurant le principe de devoir de formation, qui s’exprime par le biais d’une obligation quantifiée (tout en préservant un volet de formation volontaire), et en institutionnalisant trois niveaux de formation (voir Figure 2).

Figure 2

Les trois niveaux de formation continue en FWB institutionnalisés par le décret du 11 juillet 2002

Les trois niveaux de formation continue en FWB institutionnalisés par le décret du 11 juillet 2002

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D’abord, le niveau «  macro  » touche aux thèmes communs à l’ensemble des niveaux et des réseaux d’enseignement. Il est organisé par l’Institut de la formation en cours de carrière (IFC), organisme de référence pour le système concerné (ici, la Fédération Wallonie-Bruxelles ou FWB), pour l’ensemble des établissements. Ensuite, le niveau « méso » se concentre sur les spécificités de chaque réseau d’enseignement selon son projet éducatif propre. Il est aussi pris en charge par l’IFC et géré à l’interne par les autres réseaux. Enfin, le niveau « micro » vise la mise en oeuvre du projet d’établissement. Il est organisé par la direction pour chaque établissement organisé par la FWB et par le pouvoir organisateur pour chaque établissement subventionné, dont le réseau libre.

Le pilotage de la formation continue

Le pilotage orienté vers l’amélioration de la qualité (De Ketele et Gerard, 2007) correspond à un processus interne de gestion qui vise à contrôler de manière accrue les ressources, les processus et les produits afin d’identifier les forces et les faiblesses, d’aboutir à des propositions concrètes d’action et de prendre les mesures qui s’imposent pour atteindre les résultats attendus (De Grauwe et Carron, 2011). En Belgique francophone, cette mission est dédiée à la Commission de pilotage (COPI) (Arrêté du Gouvernement de la Communauté française, 2002), laquelle, par ses compétences et sa composition, constitue un lieu privilégié d’échanges multilatéraux. Elle contribue à l’amélioration du système éducatif et ses missions relèvent principalement de la cohérence de celui-ci. À ce titre, elle assure également la cohérence des programmes de formation continue des différents organismes en fixant les matières prioritaires (pédagogie générale, français, mathématique, etc.) dans lesquelles les formations au niveau « méso » de tous les réseaux doivent s’inscrire.

Plongée dans un réseau : élaboration du programme de formation continue

Dans le réseau étudié (libre catholique), c’est la FoCEF qui est l’organe de référence de la formation continue. Parmi ses organes constitutifs, le comité d’experts et les gestionnaires provinciaux sont les acteurs chargés de construire l’offre de formation annuelle, articulant une logique descendante (top-down), qui implique les priorités et perspectives majeures du réseau, et une logique ascendante (bottom-up), qui permet à ses membres de témoigner de besoins de formation identifiés sur le terrain.

Au cours de l’année scolaire précédant l’offre proposée et conformément aux matières prioritaires et communes à tous les réseaux, le conseil d’administration définit des orientations au sein desquelles la formation au niveau « méso » doit s’inscrire. Malgré ces balises, la construction de l’offre subit plusieurs sources d’influence (priorités émanant du Ministère, parution de nouveaux programmes, etc.). Cette situation peut alors mener, comme tend à le démontrer cette recherche, à un éloignement des orientations prioritaires. Tenant compte de ces différentes sources d’influence amenant les responsables à ajuster annuellement l’offre de formation et, in fine, conduisant à une offre plus ou moins éloignée des orientations prioritaires, cette recherche a porté sur l’analyse de la cohérence de l’offre.

Démarche

Nos questions de recherche sont les suivantes : Dans quelle mesure les orientations prioritaires au sein d’un réseau pour la période 2014-2017 répondent-elles aux besoins en formation continue des enseignants visés ? Les offres de formation au niveau « méso » de la période de référence sont-elles cohérentes en matière de répartition thématique et chronologique ? Il s’agit d’évaluer : 1) la cohérence de l’offre annuelle de formation par rapport aux matières prioritaires pour la période de référence et 2) la pertinence de l’offre de formation par rapport aux besoins des enseignants.

Deux sources de données ont été considérées : les besoins des acteurs et les nécessités de fonctionnement (Roegiers, 1997). Il s’agit d’une analyse examinant la même source d’information (le catalogue des modules de formation continue proposés) sous deux angles différents. D’abord, sur le plan objectif : que contiennent les documents officiels, les tableaux de bord et les plans stratégiques ? Ensuite, sur le plan subjectif des représentations que s’en font les acteurs : quelle pertinence accordent-ils à ces formations proposées ?

Une recherche en deux phases

Analyse et traitement des données issues de la phase 1 de recherche

La première phase a consisté en l’étude et la mise en lien de documents officiels ou opérationnels de l’organisme (statuts, orientations prioritaires définies par le réseau, compétences visées par chacune des formations, catalogues de l’offre de formation, etc.). En l’absence de liens établis par l’organisme entre les objectifs (« traduction » des orientations prioritaires) et les compétences à développer chez les enseignants inscrits à un module de formation du niveau « méso », ce travail de correspondance a consisté en une des étapes de la recherche. Cette étape a ainsi permis de mener une analyse cohérente en recourant à la démarche d’analyse des besoins préconisée par Lapointe (1992).

Le tableau 1 présente la correspondance entre un objectif prioritaire (ici, en pédagogie générale) et les compétences qui lui ont été associées. La mise en oeuvre se traduit par des modules de formation. À titre d’exemple, le module intitulé Le trouble déficitaire de l’attention : stratégies d’aide aux apprentissages en lecture entre dans cette catégorie.

Analyse des besoins de formation et de la pertinence de l’offre : le modèle de Lapointe (1992)

Parmi les travaux portant sur l’analyse des besoins de formation (Barbier et Lesne, 1977 ; Bourgeois, 1991 ; Le Boterf, 1987, 1991 ; Meignant, 1991 ; Stufflebeam et al., 1980), le modèle de Lapointe (1992) propose une démarche méthodologique structurée permettant, à partir de différentes sources de données, de recueillir et de prioriser ces besoins. Cette démarche est orientée vers de meilleures efficacité et pertinence en vue d’atteindre la finalité du système. Elle permet de définir et de justifier les buts souhaités par un système en mettant l’accent sur la définition des problèmes. Roegiers et ses collaborateurs (1992) confirment l’intérêt de cette démarche d’évaluation, qui est essentielle pour tout système engagé dans un projet de formation, et qui implique d’établir des priorités et de produire des objectifs de formation pertinents. Sous cet angle, l’étude de besoins constitue un outil au service du pilotage, du contrôle et de la planification favorisant la régulation entre un système de formation et son environnement.

Tableau 1

Extrait du tableau de correspondance entre objectifs prioritaires et compétences

Extrait du tableau de correspondance entre objectifs prioritaires et compétences

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Lapointe (1992) propose différentes étapes qui permettent de « faire parler » des données de façon à ce qu’elles débouchent sur des recommandations génératrices de changements. La méthodologie comporte trois étapes : 1) décrire la situation désirable ; 2) décrire la situation actuelle et 3) mesurer l’écart entre ces situations. Il s’agit d’abord de recueillir des données valides afin de pouvoir mesurer avec exactitude ces deux situations. Ensuite, les deux données sont comparées afin de déterminer si elles présentent un écart ; dans l’affirmative, on considère qu’un besoin existe.

Dans cette recherche, le degré d’importance que les enseignants accordent aux objectifs des modules de formation a été retenu pour rendre compte de la situation désirable, tandis que le degré de maîtrise déclaré par les enseignants pour un ensemble de compétences a été retenu pour mesurer la situation actuelle.

L’échantillon et le questionnaire autoadministré

Dans cette perspective, un questionnaire (voir Annexe), mis à l’épreuve et validé par six enseignants représentatifs de notre échantillon, a été conçu et transmis à 2726 enseignants du réseau libre confessionnel. Parmi les 468 questionnaires reçus en retour, 454 ont été considérés comme valides et traités, soit un taux de réponse de 17,17 %.

La première partie est constituée d’une question : Pour chacun des objectifs prioritaires définis par le conseil d’administration de la FoCEF (Formation continue des enseignants du fondamental) en regard des matières « pédagogie générale », « français » et « mathématique », indiquez l’importance que vous leur accordez (très important, important, peu important, pas important). Les répondants devaient exprimer un degré d’importance vis-à-vis de 19 items.

La seconde partie est aussi constituée d’une question : Pour chacune des compétences en lien avec les objectifs prioritaires définis par le conseil d’administration de la FoCEF, indiquez le niveau de maîtrise que vous estimez avoir ou avoir acquis. Les répondants devaient indiquer, sur une échelle à quatre niveaux (allant de « très bonne maîtrise » à « pas de maîtrise »), celui qu’ils estiment avoir par rapport à 33 items.

Comparé aux statistiques officielles de la FWB relatives à la répartition des membres du personnel des écoles du niveau et du réseau visés (voir Tableau 2), le profil des répondants indique une bonne représentativité de l’échantillon retenu.

Tableau 2

Représentativité de l’échantillon par rapport aux caractéristiques des membres du personnel des écoles libres confessionnelles

Représentativité de l’échantillon par rapport aux caractéristiques des membres du personnel des écoles libres confessionnelles

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Avant d’être traduites en besoins puis « priorisées », les données obtenues ont été exprimées sous forme de statistiques descriptives. Afin de réaliser cette analyse, les échelles ont été recodées[2]. Cette étape a permis de distinguer les objectifs les plus importants et d’évaluer le degré de maîtrise des compétences par les enseignants. Pour chaque item, la fréquence et le pourcentage relatifs à chaque degré d’importance accordé ont été calculés ainsi que la moyenne de chaque degré. Il est considéré que les items interrogeant le degré d’importance accordé aux objectifs correspondent à la « situation désirable » (SD), tandis que ceux qui s’intéressent au degré de maîtrise correspondent à la « situation actuelle » (SA).

Le calcul de ces valeurs a ainsi permis de déterminer l’écart[3] (E) et l’indice de priorité des besoins[4] (IPB). À partir des seules valeurs moyennes de la situation actuelle et de la situation désirable, il est en effet difficile de déterminer la(les) matière(s) prioritaire(s) ; il s’agit donc d’ajouter à ces données la valeur de l’écart ainsi qu’un indice permettant de prioriser les besoins. Cette approche multidimensionnelle tient ainsi compte des relations entre trois variables différentes (les valeurs attribuées à la situation actuelle, à la situation désirable ainsi que l’écart absolu).

Lorsque ces valeurs sont calculées, Lapointe (1992) propose de les transposer dans une représentation graphique à quatre zones, ce qui permet de mieux les visualiser et d’en faciliter l’interprétation. Dans la figure 3, la situation actuelle (SA) est représentée par l’axe des ordonnées, tandis que la situation désirable (SD) par l’axe des abscisses.

Distinctement de cette définition « standard », une autre approche consiste à déterminer ces quatre zones en prenant en compte les résultats obtenus par les répondants ; c’est alors la moyenne globale de l’ensemble des SD et SA qui est utilisée pour placer ces frontières. Lapointe (1992) préconise également, en troisième voie, de subdiviser le plan selon une approche normative ou critériée : les valeurs sont fixées au préalable et résultent du jugement de l’analyste. Ainsi, la zone des besoins négatifs indique des compétences perçues par les répondants comme très bien maîtrisées et considérées comme peu ou pas importantes. La zone des besoins non prioritaires concerne les compétences jugées très importantes et suffisamment maîtrisées. La zone d’absence de besoins représente une situation pouvant révéler de la part des responsables une mauvaise utilisation des ressources. Enfin, la zone des besoins prioritaires indique des compétences considérées comme très importantes et jugées insuffisamment maîtrisées.

Figure 3

Modèle de la représentation graphique de mise en priorité des besoins selon Lapointe (1992)

Modèle de la représentation graphique de mise en priorité des besoins selon Lapointe (1992)

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Résultats

Cohérence de l’offre de formation : résultats issus de la phase 1 de collecte des données

Le tableau 3 présente les résultats de la première phase de la recherche (cohérence de l’offre de formation). Elle est fondée sur l’analyse de l’offre de formation des trois années scolaires de la période de référence pour une même matière et des objectifs prioritaires définis par le réseau. Le tableau 3 met en exergue un déséquilibre entre les modules proposés selon les années scolaires pour les différentes matières.

Par exemple, pour la matière « français », en 2014-2015, une offre importante a été proposée : 18 modules (79,16 % de l’offre totale) étaient consacrés à cette matière, alors qu’au cours des années suivantes, seulement 5 et 4 modules portent sur celle-ci. De même, durant cette période de trois ans, seulement 4 modules portaient sur la matière « mathématique » (5,21 % de l’ensemble des modules sur l’ensemble de la période de référence). De surcroît, en 2014-2015, les matières « mathématique », « éveil historique, scientifique et géographique », « formation aux TICE et éducation aux médias » et « cours philosophiques », pourtant prioritaires, n’ont pas du tout été mises en oeuvre à travers l’offre de formation.

Une comparaison peut également être effectuée avec « autres matières » (psychomotricité, seconde langue, activités artistiques, etc.), qui, bien que considérée comme non prioritaire, occupe une proportion de 19,48 % par rapport à l’ensemble des modules pour la période de référence, contre 22,07 % pour la pédagogie générale, considérée comme prioritaire.

Tableau 3

Répartition des modules proposés durant la période de référence en fonction des matières

Répartition des modules proposés durant la période de référence en fonction des matières

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Pertinence de l’offre de formation : résultats issus de la phase 2 de collecte des données

Parmi les matières traitées par la recherche, seuls les résultats relatifs à « français » sont présentés ici. Il s’agit de celle qui permet le mieux d’apprécier l’intérêt du modèle de Lapointe (1992), principalement dans l’interprétation des résultats.

Le tableau 4 montre que l’objectif prioritaire présentant l’écart (E) et l’indice de priorité des besoins (IPB) les plus importants est « apprentissage de la lecture ». Le calcul des pourcentages et fréquences montre en effet, pour l’objectif « Utiliser les tâches globales […] avec une attention particulière portée à la lecture », un niveau d’importance (Moy. = 5,58) supérieur à la moyenne globale (Moy. = 5,10) et, pour la compétence « J’ai acquis une vision longitudinale des compétences à développer […] », un niveau de maîtrise inférieur à la moyenne des autres compétences (Moy. = 3,88).

Ce tableau présente une situation particulière : pour l’objectif « Construction de séquences d’activité pour faire progresser les élèves dans la maîtrise de la cohérence entre phrases et groupes de phrases », la valeur de la situation actuelle (SA = 4,77) est supérieure à celle de la situation désirable (SD = 3,40). De ce fait, les valeurs relatives à l’écart et l’indice de priorité des besoins sont négatives (E = 1,37 et IPB = -4,66), ce qui indique un objectif plus maîtrisé que considéré comme important.

Interprétation affinée à la lumière de la représentation graphique

La figure 4 peut être interprétée en nuançant la position des objectifs par rapport à la manière dont les différentes zones sont délimitées. Premièrement, si l’on considère les frontières délimitées a posteriori en fonction des moyennes « globales » de SA (4,41) et SD (5,10) (soit les lignes discontinues de la figure), deux besoins prioritaires apparaissent : ils correspondent aux objectifs 5 et 8. Ceux-ci obtiennent une moyenne inférieure à la moyenne de référence permettant de délimiter la zone des besoins prioritaires pour SA et ils sont associés à une moyenne supérieure à la moyenne de référence pour SD, selon la première approche. Deuxièmement, considérant arbitrairement la valeur 5 comme seuil de référence[5] pour la SA (soit les lignes continues de la figure), cinq objectifs correspondent à des besoins prioritaires : 2, 4, 5, 7 et 8. Néanmoins, l’objectif 3 apparaît, avec un niveau de maîtrise légèrement en deçà du seuil de référence, à la limite de la frontière entre la zone des besoins prioritaires et des besoins non prioritaires. L’objectif 6, quant à lui, est représenté par un niveau de maîtrise très légèrement supérieur au seuil de référence, le plaçant également à la limite entre ces deux zones.

Enfin, envisager de manière complémentaire cette représentation graphique et le calcul de l’IPB fait apparaître que les objectifs 5 et 8 occupent à la fois les premiers rangs de la valeur de l’IPB et se trouvent dans la zone des besoins prioritaires, selon le seuil de référence défini de manière arbitraire. Un troisième objectif, soit le 4, occupe le troisième rang de l’IPB, mais ne se situe pas, selon l’approche retenue, systématiquement dans la zone des besoins prioritaires. Malgré un indice de priorité des besoins égal à 6,74, il se situe légèrement au-delà du seuil de référence délimitant la zone des besoins prioritaires (SA = 4,53), alors que la frontière correspond à la valeur 4.

Tableau 4

Calcul des indicateurs pour les objectifs prioritaires relatifs à la matière « français »

Calcul des indicateurs pour les objectifs prioritaires relatifs à la matière « français »

Note. SA = situation actuelle ; SD = situation désirée ; E = écart ; IPB = indice de priorité des besoins.

a. Calculé avec la formule : SD - SA.

b. Calculé avec la formule : SD x (SD - SA).

c. Les moyennes, calculées pour l’ensemble des objectifs relatifs à une même matière, serviront lors de l’analyse à partir des représentations graphiques.

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Au-delà des résultats présentés, la matière « français », plus que les autres matières analysées, permet clairement d’illustrer l’intérêt du modèle de Lapointe (1992), notamment en ce qui concerne la délimitation des quatre zones. En effet, selon l’approche retenue, il est possible de constater qu’un objectif occupe deux zones différentes. Ainsi, alors que deux objectifs sont situés dans la zone des besoins prioritaires selon la première approche, cinq objectifs y apparaissent selon la seconde approche, ce qui démontre la pertinence de ce modèle qui laisse au soin de l’analyste de décider des frontières entre les différentes zones.

Cette analyse permet également d’appréhender l’importance de considérer à la fois la zone dans laquelle un besoin se situe et les indices calculés (E et IPB). Il convient alors de les contextualiser par une mise en relation avec les valeurs SD et SA, puis d’affiner leur situation au sein d’une zone en tenant en compte des valeurs E et IPB.

Figure 4.

Représentation graphique de mise en priorité des besoins dans la matière « français »

Représentation graphique de mise en priorité des besoins dans la matière « français »

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Croisement des résultats relatifs à la cohérence et à la pertinence

Croiser les résultats relatifs aux dimensions de cohérence et de pertinence permet d’appréhender comment les modules proposés, durant la période de référence et pour les matières retenues, s’articulent aux différentes zones de besoins identifiés. Ainsi, dans la matière « Français » (35,06 % de l’offre totale), 8 modules de formation sur les 27 (29,63 %) répondent à des besoins prioritaires, tandis que 10 autres modules (37,04 %) indiquent une absence des besoins. Enfin, un module fait référence à des besoins non prioritaires. En référence à Lapointe (1992), les objectifs non pertinents, situés dans la zone d’absence des besoins, peuvent révéler une mauvaise utilisation des ressources par l’organisme pour développer des compétences considérées comme peu importantes et bien maîtrisées par les bénéficiaires. Enfin, les objectifs situés dans la zone des besoins prioritaires indiquent une portion du programme considérée comme efficace et des compétences auxquelles elle fait référence qui sont pertinentes en regard de l’offre de formation.

Discussion

En regard des résultats présentés, l’organisme étudié ne cadre pas pleinement avec la définition de la cohérence telle qu’elle est envisagée par Lapointe (1992). Notre analyse met en évidence des zones où elle peut être améliorée à différents niveaux du système. Elle relève également deux déséquilibres : 1) entre la répartition des modules relatifs à une même matière entre les différentes années scolaires et 2) au sein d’une offre annuelle, entre les différentes matières représentées.

Ce constat rend compte de la difficulté, pour les enseignants qui éprouvent un besoin de formation prioritaire, d’accéder à une formation pouvant combler celui-ci. Cette situation complique la planification et le suivi, par les directeurs d’école, des plans de formation des enseignants (pour lesquels aucun outil de type « tableau de bord » n’existe en dehors d’initiatives personnelles de la part de certains directeurs). Ce problème est d’ailleurs d’autant plus grand lorsqu’il concerne les jeunes enseignants amenés à changer d’établissement scolaire en début de carrière (et considérant que certains établissements, accueillant un public défavorisé, concentrent en quelque sorte un taux particulièrement élevé de jeunes enseignants).

Une difficulté en matière de cohérence a également été relevée entre les objectifs prioritaires définis par la FoCEF et leur mise en oeuvre à travers les matières de la période de référence. Enfin, l’offre de formation proposée dans les différentes matières analysées n’est pas suffisamment pertinente par rapport aux besoins des enseignants recueillis par le questionnaire. Le croisement des résultats a, en outre, mis en évidence l’utilisation de ressources par l’organisme qui peut être améliorée dans la perspective d’une pertinence accrue de l’offre en regard des besoins des enseignants.

Limites

Une limite réside dans le fait que, dans le cadre de l’analyse des données recueillies, les résultats considérés concernent un groupe de répondants envisagé dans sa totalité. Les valeurs moyennes et générales ainsi obtenues ne permettent pas d’appréhender la mesure selon laquelle les jeunes enseignants, par exemple, pourraient exprimer des besoins différents et spécifiques.

Une autre limite est illustrée par le fait que la recherche s’appuie sur des données « déclarées » par les répondants, lesquelles sont probablement influencées par leur sentiment d’autoefficacité et, donc, par la perception qu’ils ont de leur niveau de compétence.

Recommandations

De l’autonomie souhaitée…

La manière dont les programmations annuelles de formation continue sont construites met en évidence une difficulté liée à l’autonomie des organismes chargés de la constitution de celles-ci, qui, conjuguée aux sources d’influence dont ces acteurs tiennent compte, semble provoquer un éloignement des objectifs prioritaires et l’introduction de modules de formation sans lien avec ces objectifs. Le tableau 3 laisse apparaître des modules de formation relatifs à des matières prioritaires qui sont proportionnellement moins représentées que certains modules « non prioritaires ». Or, l’amélioration de la cohérence ne peut passer que par une révision de la manière dont fonctionnent ces organismes. Leur autonomie ne doit pas simplement être limitée, car elle comporte des avantages certains (p. ex., la sensibilité aux besoins « locaux »), mais elle doit être davantage contractualisée, notamment en définissant des balises au service de la cohérence du système. Celles-ci pourraient consister en la détermination, en amont, d’un nombre minimal de modules proposés pour chaque matière prioritaire, mais aussi en une répartition équilibrée des modules au sein d’une même matière prioritaire. Il pourrait également s’agir de veiller à un meilleur équilibre, entre les années scolaires de la période de référence, de l’offre au sein des matières prioritaires.

…en passant par le pilotage au service de la qualité

Au niveau « méso », un comité de pilotage pourrait s’assurer du respect de ces dimensions de la qualité. Selon De Ketele et Gerard (2007), piloter consiste à « recueillir un ensemble d’informations pertinentes, à les confronter à un ensemble de critères de qualité adéquats et à prendre les décisions qui s’imposent » (p. 19). De Landsheere (1994), cité par Demeuse et Baye (2001), ajoute que piloter, c’est plus qu’accumuler des indicateurs : il s’agit de les évaluer et de les traduire en actions institutionnelles. Ainsi, à partir des dysfonctionnements observés, des actions visant à améliorer le système selon les résultats souhaités pourraient être proposées. Selon Emery (2003), le dispositif de pilotage consiste en une boucle de réglages comprenant la détermination d’objectifs ou le choix d’indicateurs, ce qui permet d’influencer les actions du système dans le but d’améliorer l’atteinte des objectifs poursuivis. Il s’agit donc, pour l’organisme, de s’engager dans une démarche rigoureuse de pilotage à ses différents niveaux. Celle-ci passe notamment par une évaluation régulière de la mise en oeuvre des principes directeurs qui facilitent la régulation de l’action en tenant compte des objectifs poursuivis.

Dans cette perspective, une piste consiste, dans un premier temps, à mener une évaluation de la cohérence dans la répartition des modules proposés. Dans un second temps, la pertinence de l’offre peut être analysée, en regard des besoins des enseignants, de manière rigoureuse et planifiée. Ainsi, ces évaluations de la pertinence et de la cohérence, à différents moments clés de la période de référence, permettraient à l’organisme de réguler sa mise en oeuvre et, donc, de tendre vers une meilleure qualité de l’offre.

…au pilotage aux différents niveaux du système

Nos recommandations ne peuvent se limiter au fonctionnement ou à l’autonomie des organismes chargés de la programmation de l’offre de formation. Il nous semble essentiel qu’une démarche qualité soit également mise en oeuvre aux différents niveaux du système, au sein du réseau. Ainsi, sur le plan politique, la définition des buts attribués à la formation continue établit la raison d’être du système et en justifie l’existence (Simon, 1974). Évaluer le système consiste à vérifier si les moyens mis en oeuvre sont adaptés à ces buts. Or, un des reproches les plus souvent faits aux systèmes éducatifs est la poursuite de buts exprimés dans des termes trop vagues et équivoques (Lapointe, 1992). Mager (1977), cité par Lapointe (1983), considère que plus les objectifs d’un système de formation sont définis de manière imprécise, plus il est difficile d’entreprendre des actions cohérentes pour en assurer la réalisation. Les avantages que comportent des énoncés clairs sont pourtant nombreux : ils permettent de vérifier la congruence des objectifs par rapport aux buts poursuivis ; ils fournissent des bases précises et objectives à l’évaluation ; et ils procurent des indications sérieuses quant au choix des moyens à utiliser pour en favoriser l’atteinte.

Des recommandations peuvent également être formulées par rapport aux outils permettant au système d’assurer la qualité de la formation continue. Cela nous amène au concept de responsabilité institutionnelle : les organismes de formation continue font de plus en plus l’objet de pressions politiques mettant en cause leur fonctionnement. Ces pressions remettent en question l’efficacité du système et son incapacité à rentabiliser les investissements réalisés. Elles touchent aussi, et surtout, à la pertinence des buts par rapport aux besoins des bénéficiaires du programme de formation.

Le concept de responsabilité institutionnelle renvoie à la responsabilité de la hiérarchie en ce qui concerne le choix d’outils et d’indicateurs valides et fidèles, mais aussi de méthodes efficaces permettant de garantir la qualité de l’offre de formation. Il fait également référence à une préoccupation relative à la composition des organismes constitutifs et à la formation des individus qui en font partie. Bien qu’il soit intéressant que certains acteurs de la formation soient des acteurs de terrain, il nous semble tout aussi essentiel que ceux-ci bénéficient d’une formation leur permettant d’accomplir leur mission de manière rigoureuse et méthodique. En effet, considérer que l’identification des besoins de formation peut, en quelque sorte, s’improviser est une erreur. Des travaux scientifiques sur le sujet existent et des outils ont été développés dans ce cadre. Cette recherche montre d’ailleurs les conséquences d’une telle vision.

Nous recommandons par ailleurs que la logique ascendante permettant à ces acteurs de terrain de « faire remonter » des besoins identifiés soit envisagée à travers une démarche méthodologique rigoureuse d’analyse des besoins de formation (Lapointe, 1992). Cette expression des besoins aura pour résultat une liste de buts, d’objectifs ou de compétences à maîtriser constituant, pour les responsables, une base solide à partir de laquelle ils prendront des décisions par rapport aux buts que doit poursuivre le système. Selon McConnell (2003), le produit final de l’analyse de besoins de formation consiste en une description précise du type de formation qui est adapté à la situation actuelle des bénéficiaires et du milieu dans lequel ils évoluent.

Conclusion

Les enjeux de la qualité de la formation vont au-delà d’une logique de conformité (Laurens et Marquie, 1998) et cette démarche constitue plus qu’une démarche scientifique rigoureuse. Elle pousse les acteurs, à tous les niveaux de l’organisation, à (re)définir les objectifs de la formation et à oeuvrer, ensemble, au service de la qualité. Pour Gazïel et Warnet (1998), cités par Barroso (2000), cela signifie que toutes les facettes de l’organisation sont engagées dans la réalisation de standards élevés de performance selon les besoins des bénéficiaires.

Privilégiant un renforcement du pilotage de la formation continue, les orientations prioritaires et actuelles du Pacte pour un enseignement d’excellence (Fédération Wallonie-Bruxelles, 2017) renvoient à l’importance de garantir la régulation et la cohérence de l’offre. Agir de la sorte passe par une combinaison des « formations recentrées sur les besoins collectifs de l’établissement et du système éducatif et les formations permettant d’assurer le développement personnel des membres du personnel » (p. 17), considérant que « l’impact du développement de la formation continuée des enseignants sur l’efficacité et l’équité du système scolaire est incontestable » (p. 162). Ces perspectives enjoignent également à assurer une pertinence accrue de l’offre par rapport aux besoins des bénéficiaires. À cet égard, la prise en compte et l’articulation des besoins du terrain et des besoins institutionnels relèvent du pilotage (Baffrey et Littré, 2015).

La démarche d’analyse des besoins décrite ici peut constituer, à tous les niveaux du système, un levier dans la poursuite de la qualité. De surcroît, les dimensions théoriques étudiées dans cet article (cohérence, pertinence et besoins), mais surtout le lien qu’elles entretiennent constituent un cadre permettant d’objectiver la qualité de la formation continue. En effet, la cohérence analyse la question du choix des moyens (ressources et stratégies) permettant d’atteindre les objectifs, lesquels sont, en regard des besoins (en tant qu’écart objectif entre une situation actuelle et une situation désirée) de l’institution, interrogés au travers du prisme de la pertinence.

D’autre part, l’ensemble des dimensions qui composent ce modèle peuvent servir de guide pour déterminer des indicateurs de la qualité et l’évaluer, tout en exigeant des personnes à la recherche de cette qualité la responsabilité de mettre en place les moyens pour y parvenir.

Selon Maroy et Dupriez (2000), qui traitent de la régulation des systèmes éducatifs :

« On assiste au développement de politiques visant à transformer les relations entre l’État et les organisations scolaires locales, politiques qui conduisent à affecter le cadre structurel et institutionnel de l’école »

p. 75

Ces auteurs, favorables à la décentralisation du système éducatif, considèrent l’État comme un « évaluateur » et les instances périphériques comme des responsables des moyens. Dans cette vision, ils considèrent qu’une telle conception de l’organisation éducative pourrait réduire l’autonomie de l’enseignant au profit d’une structure qui définirait les comportements attendus et les outils d’évaluation. Malgré ces mises en garde contre les risques d’un système plus centralisé, il demeure légitime de s’interroger sur la nécessité, dans une perspective d’amélioration, de mettre en oeuvre de nouveaux modes de gouvernance, tels que le prévoient les tout récents plans de pilotage[6]. Grâce à ceux-ci, le Pacte pour un enseignement d’excellence entend « envisager l’articulation et l’équilibre adéquat entre le système de gestion collective de la formation selon le projet de l’établissement et le plan de pilotage, d’une part, et le système de gestion personnalisée de la formation » (Fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, p. 162).

Parmi les dimensions du modèle de Bouchard et Plante (2002), l’efficacité correspond au « degré d’atteinte des objectifs visés parmi l’ensemble de ces objectifs » (p. 230). Dans cette perspective, Gerard (2003) considère que l’évaluation de l’efficacité des actions de formation passe notamment par une évaluation de l’impact de la formation, ce qui revient à vérifier que les acquis de la formation permettent d’atteindre certains résultats sur le terrain et à cerner si les nouvelles compétences des bénéficiaires permettent de faire évoluer l’organisation. Aussi, la question du transfert reste, selon nous, la visée finale de cette formation continue des enseignants.

Ainsi, au même titre que l’évaluation de l’efficacité d’un enseignement se mesure à partir des résultats des élèves ayant bénéficié de cet enseignement (Derobertmasure, Bocquillon et Demeuse, 2019), la réflexion sur la formation continue ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la mise en oeuvre effective d’un transfert des apprentissages, considérant que l’amélioration des résultats des élèves ou encore la réduction de leur dispersion est certainement l’un des indicateurs les plus cruciaux.

Finalement, au-delà de la quête essentielle de la qualité de la formation continue, n’est-il pas nécessaire de s’interroger sur sa place dans le développement professionnel des enseignants ? Comme le proposent Maulini et ses collaborateurs (2015) : « Faut-il compter sur la science ou sur la conscience de chaque praticien pour qu’il se forme à bon escient, ou faut-il faire advenir de telles prédispositions en formant les professionnels d’autorité, au besoin contre leur gré ? » (p. 16) Dans le contexte d’un pilotage accru du système, il semble nécessaire de trouver l’équilibre entre « le paradigme libéral du chacun pour soi et son pendant bureaucratique de la mise au pas » (p. 16). Une troisième voie constituerait une manière de concevoir la formation continue « certes en référence aux besoins des praticiens mais à des besoins contextualisés, objectivés, réfléchis, adossés à un corps de normes partagées, suffisamment stables pour résister aux aléas des intérêts individuels et des alternances politiques » (Prairat, 2009, cité par Maulini et al., 2015, p. 16).