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Le lien entre compétences et performances est une question ancienne mais récurrente et encore difficile à saisir en Sciences de Gestion. C’est souvent précisément ce lien qui est posé comme la justification même de l’intérêt pour la notion de compétence. Pourtant, de façon paradoxale peu d’études l’analysent en profondeur. Alors que les tentatives d’identification des clés universelles de la performance ont rapidement montré leurs limites (Foster et Kaplan, 2001), l’exploration des manoeuvres, des pratiques ou encore des comportements susceptibles de maintenir ou développer les performances de l’organisation demeure une question toujours d’actualité et non tranchée en stratégie comme en gestion des ressources humaines (Miller et al., 2013; Lengnick-Hall et al., 2009; Ndofor et al., 2011; Malpica Romero et al, 2014; Prieto et al., 2014; Peng et al., 2014; Barrick et al, 2015; Brulhart et Gherra, 2015).

La théorie des ressources et compétences, parce qu’elle alimente le débat sur l’importance respective des capacités internes des entreprises et des facteurs externes dans l’atteinte de la performance (Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984; Rumelt, 1991; Hansen et Wernerfelt, 1989) s’ancre profondément dans ces questionnements. Au cours des trente dernières années, cette théorie a connu un formidable développement (Métais, 2004; Foss, 2007; Brulhart et al., 2010). De nombreuses ramifications s’en inspirent directement : l’approche par les compétences ou « Competence-Based Management » (Prahalad et Hamel, 1990; Sanchez, Heene, 1997; Wright et al., 2001); l’approche par les capacités dynamiques ou « Dynamic Capabilities » (Teece et al., 1997; Teece, 2007); l’approche par les connaissances ou « Knowledge-Based View » (Spender et Grant, 1996; Nonaka et al, 2000). Ces approches transversales aux sciences de gestion ont permis aux chercheurs en stratégie et en gestion des ressources humaines de s’en saisir largement.

Pourtant, malgré ces références communes, le concept de compétence reste caractérisé par une séparation entre la manière dont il était abordé en management stratégique et en gestion des ressources humaines (Oiry, 2004). Alors que le management stratégique s’attache à identifier les liens existant entre les compétences-clés et la performance de l’organisation (Barney et al., 2011), la gestion des ressources humaines se focalise principalement sur la gestion des compétences individuelles et s’interroge sur les moyens de rétribuer ces compétences (gestion des rémunérations et des carrières) et de les développer (gestion de la formation, mises en situation, etc.) (Lengnick-Hall et al., 2009; Rouby et al., 2012).

Les articles rassemblés dans ce dossier thématique « Compétences : quels liens avec la performance des organisations ? » contribuent à rapprocher ces deux perspectives, en particulier en articulant différents niveaux d’analyse.

Le premier article a pour point de départ des défis de performance pour les organisations étudiées et aboutit à l’identification des difficultés de la construction des compétences internes nécessaires pour relever ces défis. Pour pouvoir investir les nouveaux marchés qu’elle vise, la première entreprise étudiée souhaite doubler le nombre de produits complexes qu’elle propose. Pour cela, elle doit augmenter ses compétences internes de 50 %. La seconde entreprise étudiée souhaite réactiver une expertise qu’elle n’utilise plus depuis une dizaine d’années. Pour cela, elle doit augmenter ses compétences internes de 100 %. Les deux entreprises échouant à atteindre ces objectifs, cet article permet de conceptualiser les mécanismes qui sous-tendent le développement des compétences nécessaires à l’atteinte des objectifs stratégiques de performance. En particulier, cet article renforce la conceptualisation du « délai d’assimilation » et précise son rôle dans le développement des compétences internes. Il est ainsi particulièrement intéressant de souligner qu’il est très largement contradictoire avec les objectifs de performance à court terme des organisations.

Le second article enrichit le concept de compétence clé qui est très largement considéré par la RBV comme l’ingrédient central de la performance d’une organisation. En étudiant une compétence très spécifique (les compétences des autistes Asperger), cet article montre que certaines compétences sont considérées comme « négatives ». Elles sont supposées diminuer la performance de l’organisation. Or, si on les inscrit dans la perspective théorique des « valuations studies », il apparaît que ces compétences ne sont pas « négatives » en elles-mêmes mais qu’elles sont globalement évaluées négativement par les organisations (et le marché du travail). Cet article détaille alors que des opérations de catégorisation et de légitimation permettent de construire une valeur contextuelle forte pour ces compétences et qu’elles peuvent alors devenir à leur tour des ingrédients clés pour la performance de certaines organisations.

Enfin, le troisième article a pour point de départ la compétence telle qu’elle est envisagée en Gestion des Ressources Humaines. Il la définit donc comme une combinaison de ressource en situation. Cet article construit le dialogue avec la perspective stratégique et la question de la performance des organisations en traitant le lien entre la compétence collective et la performance des équipes. Il montre que ce lien est renforcé par deux variables modératrices : le leadership partagé et le coaching.


The link between competences and performances is old but recurrent and still difficult to analyze in Management Sciences. Often this link is precisely presented as justifying interest in the notion of competence. Yet, paradoxically, few stuw dies have analyzed it in depth. Attempts to identify universal keys of performance quickly show their limits (Foster and Kaplan, 2001). Exploration of the practices or behaviors that can maintain or develop performance in organizations thus remains a very present unanswered question in strategy and human resource management (Miller et al., 2013; Lengnick-Hall et al., 2009; Ndofor et al., 2011; Malpica Romero et al., 2014; Prieto et al., 2014; Peng et al., 2014; Barrick et al., 2015; Brulhart and Gherra, 2015).

Resource and competence theory, which feeds the debate on the respective importance of firms’ internal capabilities and external factors in achieving performance (Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984; Rumelt, 1991; Hansen and Wernerfelt, 1989), is thus deeply rooted in these discussions. Over the last thirty years, this theory has undergone a remarkable development (Foss, 2007; Brulhart et al., 2010) and many ramifications have been directly inspired by it: “competence-based management” (Prahalad and Hamel, 1990; Sanchez, Heene, 1997; Wright et al., 2001); “dynamic capabilities” (Teece et al., 1997; Teece, 2007); the “knowledge-based view” (Spender and Grant, 1996; Nonaka et al., 2000). These approaches able to be used in different management sciences have enabled researchers in strategy and human resource management to make considerable use of them.

However, despite these common references, the concept of competence remains characterized by a clear-cut separation between the ways it has been handled in strategic management and human resources management (Oiry, 2004). Whereas strategic management aims to identify the links between competences and performance of the organization (Barney et al., 2011), human resource management focuses mainly on the management of individual competences and the ways of rewarding these competences (remuneration and career management) and developing them (training management, deployment, etc.) (Wright et al., 2001; Lengnick-Hall et al., 2009; Rouby et al., 2012).

The three papers of these thematic issue contribute to better interconnected these two perspectives, in particular by articulating different level of analysis: individual, collective and organizational competences.


El vínculo entre competencias y rendimientos es una antigua pero recurrente pregunta. Es todavía difícil de analizar en Management Science. A menudo, es precisamente ese vínculo que constituye la justificación misma del interés por la noción de competencia. Sin embargo, de manera paradójica, pocos estudios lo analizan a fondo. Tentativas de identificación de las claves universales del rendimiento mostraron rápidamente sus límites (Foster y Kaplan, 2001). La exploración de las prácticas y los comportamientos susceptibles de mantener o desarrollar los rendimientos de la organización sigue siendo una cuestión vigente y no resuelta en estrategia y gestión de recursos humanos (Miller et al., 2013; Lengnick-Hall et al., 2009; Ndofor et al., 2011; Malpica Romero et al, 2014; Prieto et al., 2014; Peng et al., 2014; Barrick et al, 2015; Brulhart et Gherra, 2015).

Debido a que la teoría de los recursos y competencias fomenta el debate sobre la importancia respectiva de las capacidades internas de las empresas y de los factores externos en el logro del rendimiento (Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984; Rumelt, 1991; Hansen y Wernerfelt, 1989), se arraiga profundamente en esas problemáticas. Durante los últimos treinta años, esa teoría conoció un importante desarrollo (Foss, 2007; Brulhart et al., 2010) y numerosas ramificaciones se inspiran directamente de ella: un enfoque desde las competencias o “Competence-Based Management” (Prahalad y Hamel, 1990; Sanchez, Heene, 1997; Wright et al., 2001); el enfoque por capacidades dinámicas o “Dynamic Capabilities” (Teece et al., 1997; Teece, 2007); el enfoque por los conocimientos o “Knowledge-Based View” (Spender y Grant, 1996; Nonaka et al, 2000). Esos enfoques transversales a las ciencias de gestión han permitido a los investigadores en estrategia y gestión de recursos humanos apropiarse ampliamente de ella.

Sin embargo, a pesar de esas referencias comunes, el concepto de competencia sigue caracterizado por una clara separación entre la manera cómo estaba abordado en la gestión estratégica y en la gestión de recursos humanos (Oiry, 2004). Mientras que la gestión estratégica trata de identificar los vínculos entre las competencias y el rendimiento de la organización (Barney et al. 2011), la gestión de recursos humanos se centra fundamentalmente en las competencias individuales y se pregunta cuáles son los medios que han de aplicarse para retribuir esas competencias (administración de los sueldos y de las carreras) y mejorarlas (gestión de la formación, simulaciones de situaciones etc.) (Wright et al., 2001; Lengnick-Hall et al., 2009; Rouby et al., 2012).

Les articles rassemblés dans ce dossier thématique “Compétences: quels liens avec la performance des organisations?” contribuent à rapprocher ces deux perspectives, en particulier en articulant différents niveaux d’analyse.

Los artículos reunidos en este dosier temático “Competencias: ¿qué se vincula con el rendimiento de las organizaciones?” contribuyen a acercar estas dos perspectivas, en particular articulando diferentes niveles de análisis.