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Cette contribution rend accessible un ensemble de réflexions découlant de données recueillies à l’occasion de recherches qualitatives qui ont débouché sur la conception et la mise sur pied d’un projet en gestion du stress chez l’enfant (Guimond-Plourde, 1989, 1999, 2004)[1]. Notamment, le propos de cet article est d’expliciter une idée-force en éducation, un projet proactif, en présentant une description d’un partenariat entre des professionnels de l’éducation et de la santé autour de la gestion du stress à l’école axée sur la visualisation (Bérubé-Saint-Amand, 1993; Guimond-Plourde, 1994, 2009, 2010a, 2012; Guimond-Plourde, Gaudreau, Lavoie et Levesque, 2007). Il ne vise pas à mesurer l’efficacité de la visualisation comme moyen de gérer le stress, mais à rendre compte de l’implantation d’un programme en gestion du stress et de la formation des formateurs. En traçant les grandes lignes de ce partenariat, cet article collectif s’inscrit comme un plaidoyer en faveur d’une plus grande utilisation des connaissances issues de la recherche en éducation pour la santé, à partir des besoins des principaux concernés, dans une finalité d’arrimer et de soutenir les changements dans les pratiques de terrain. Concrètement, il est question des résultats de recherche visant à contribuer au bien-être et à l’épanouissement de l’élève/enfant tout en favorisant l’apprentissage et la réussite scolaire entrent dans la salle de classe et à la maison.

1. « Petite école lumineuse »[2] : éléments de cadrage du programme en gestion du stress chez l’enfant

« Former des élèves heureux et fiers de leur identité, favoriser leur développement global et leur succès tout en incitant chacun à se dépasser » (Guimond-Plourde, Gaudreau, Lavoie et Levesque, 2007), voilà la mission que s’est donnée l’école Notre-Dame, école primaire publique située dans le nord-ouest de la province du Nouveau-Brunswick. Chaque matin, c’est un personnel scolaire d’une cinquantaine de personnes qui accueille 475 élèves de la maternelle à la 8e année, regroupés en 24 classes. Ces élèves sont-ils différents des enfants d’ailleurs? Pas vraiment. Ce sont des jeunes âgés entre 5 et 14 ans qui ont sensiblement les mêmes besoins, les mêmes capacités d’apprendre et la même soif de découvrir que la plupart des enfants et préadolescents vivant ailleurs au Canada ou dans d’autres pays du monde. Outre que, en 1988, sous l’impulsion de personnes soucieuses de leur bien-être intérieur, le Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston, un programme de relaxation, est endossé par le personnel scolaire, la direction de l’école et les parents (D’Astous Morin, 1989, p. 5A). Depuis maintenant plus de 25 ans, des milliers d’élèves ont eu la chance d’être exposés à différents moyens de gestion du stress, et plus particulièrement à la visualisation, « processus par lequel des gens sont guidés dans des voyages intérieurs de l’esprit et réagissent à certains thèmes ou suggestions au moyen d’images mentales » (Galyean, 1986, p. 22). Spécifiquement, en éducation, on l’utilise comme moyen de gérer le stress, comme méthode d’apprentissage des matières scolaires et comme outil de développement de soi.

1.1. La pertinence de se préoccuper du stress au XXIe siècle

Le mot « stress » est sur toutes les lèvres en ce IIIe millénaire. Terme popularisé en médecine dans les années 1960 sous l’impulsion des travaux de l’endocrinologue Hans Selye, il s’est infiltré progressivement dans le langage populaire. Aujourd’hui, on le reconnait comme un concept populaire et universel : « Stress is one of the very few words that are preserved in English in languages that do not use the Roman alphabet » (Rosch, 1998, p. 3). L’extension importante qu’a prise cette notion à travers les médias qui l’ont incorporé au discours social contemporain a cependant conduit à une « banalisation lexicale » (Yanacopoulo, 1992, p. 392), ce qui crée un malaise au sein de la communauté scientifique. Une revue de la littérature par l’équipe de Koolhaas et al. (2011) met en lumière l’importance de redéfinir les paramètres, car il est devenu difficile d’en parler de façon consensuelle et univoque dans les écrits scientifiques. Cette préoccupation contemporaine n’est pas récente : Rosch (1998) rapportait qu’une impossibilité à concevoir une définition acceptable du stress a été une énigme qui a hanté Selye (1907-1982) une partie de sa vie.

En ce début de XXIe siècle, un discours scientifique, social et populaire concernant le stress est en nette croissance. Particulièrement, les recherches interdisciplinaires ont permis de cerner des manifestations physiques, psychologiques et sociales qui contribuent à délimiter cet état (stress) et que des moyens divers permettent de rétablir lorsque l’équilibre est perturbé (gestion du stress ou coping). Spécifiquement, le stress chez les jeunes se présente comme un sujet d’actualité suscitant l’attention au Canada et ailleurs dans le monde : « Ces enfants malades du stress » (George, 2002); « Au secours, mon enfant est stressé! » (Roux-Fouillet, 2010); « Attention, enfant sous tension! Le stress chez l’enfant » (Duclos, 2011); « Le stress à l’école » (George, 2013); « Stress Free Kids » (Lite, 2014); « Le burn-out des enfants. Comment éviter qu’ils ne craquent » (Millètre, 2016). Ces titres projettent toutefois un message implicite préoccupant qui véhicule la méfiance, l’appréhension, l’inquiétude, même un sentiment d’urgence à agir. On conçoit souvent le stress comme étant néfaste. On va même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une maladie à éradiquer, ce qui a conduit Lupien à le qualifier de « [...] grand incompris de notre temps. [...], le stress est devenu le mouton noir de notre société, celui qu’il faut faire disparaitre » (2010, p. 14).

Par conséquent, le stress chez l’enfant est devenu, au fil des années, un objet de préoccupation pour les parents, les professionnels du milieu scolaire et de la santé, ainsi que pour les chercheurs, les organismes non gouvernementaux et les gouvernements. Par exemple, en février 2012, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada, menait un sondage national en ligne auprès du personnel enseignant d’écoles de langue anglaise et de langue française. Plus de 3 900 membres ont répondu au sondage qui avait pour but de mieux faire comprendre les perspectives du personnel enseignant sur les questions liées à la santé mentale et au bien-être des élèves dans les écoles canadiennes. Des préoccupations sont soulevées : 79 % des personnes sondées sont d’accord pour dire que le stress (c’est-à-dire les élèves se disent trop stressés) constitue un problème pressant (Froese-Germain et Riel, 2012). Si bien que, à l’école, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants choisit de passer à l’action (FCE, 2016). Plus de 150 partenaires en éducation, y compris ceux du secteur de la santé ainsi que les gouvernements, convergent vers Montréal les 11 et 12 juillet 2016 afin de participer au Forum canadien sur l’éducation publique (Froese-Germain, 2016). Ces assises ont été l’occasion de reconnaître collectivement l’existence d’un phénomène social en plus de recueillir des suggestions permettant de soutenir la suite des réflexions quant au bien-être des jeunes d’âge scolaire au Canada. Force est d’admettre, en accord avec Folkman, que : « Stress is experienced at every age, and at every age individuals try to cope with it » (2010, p. 4). Bref, à l’heure actuelle, le stress n’a plus de frontières et n’a pas d’âge.

Dans nos travaux de recherche, le stress est conceptualisé en tant que phénomène perceptif dynamique et individuel qui consolide le dépassement d’un lien de cause à effet, de « stresseur à stress » (Guimond-Plourde, 1999, 2004, 2013a). De cet angle, il y a stress quand une situation est perçue, évaluée, comme impliquant et excédant les ressources personnelles (Lazarus, 1966). Dans ce cadre particulier, on conçoit l’existence du stress comme un état dans lequel l’enfant/adolescent éprouve des difficultés perturbant son bien-être et qui dépassent sa capacité à le gérer. Ces recherches phénoménologiques ont permis de déloger le stress vécu comme une entrave (aspect négatif) pour le voir comme un moteur d’avancement (aspect positif). Cette ouverture qualitative s’inscrit d’ailleurs dans un courant contemporain de recherches qui remplace une désignation tenace du stress comme étant un ennemi de la santé (McGonigal, 2015). Cette nouvelle science du stress soutient plutôt qu’une modification de la réponse du corps au stress est possible. À cet effet, la perception de la réponse au stress comme utile à une performance optimale offre des bénéfices touchant au bien-être.

À la fin des années 1990, faire face au stress de manière efficace est aussi devenu une préoccupation partagée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)[3] (1998). Cet organisme international fait référence à la notion de bien-être pour définir la santé et reconnait que la gestion du stress est une compétence qui s’acquiert et qui s’affiche comme élément influent de la promotion de la santé. Cette compétence à gérer le stress, à s’en faire un allié, c’est :

[…] l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, défini comme sentiment d’épanouissement, en adoptant des attitudes et des comportements appropriés à l’occasion des relations entretenues avec elle-même, les autres et son environnement.

Guimond-Plourde, 2012, p. 68-69

1.2. La gestion du stress sur une plateforme d’éducation pour la santé

L’implication du système éducatif dans des préoccupations sanitaires n’est pas récente au Nouveau-Brunswick. Au-delà des approches prescriptives plus anciennes, les politiques gouvernementales provinciales définissant les orientations du système scolaire relient maintenant étroitement l’« éducation » à la « santé » (Ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick [MSNB], 2014; Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick [MEDPENB], 2009, 2014). En outre, se préoccuper du stress tel que vécu par l’élève se présente comme un incontournable en promotion de la santé en milieu scolaire (District scolaire 03, 2009). D’une part, à la lumière des recherches fondamentales, on reconnait que le stress a des effets négatifs sur la santé, notamment quand il se répète et perdure (Segerstrom et Miller, 2004). D’autre part, touchant spécifiquement le stress chez les enfants et les adolescents, il y a confirmation que le stress chronique est associé à une altération des capacités d’apprentissage et de mémorisation (Lupien et al., 2005).

Ce constat que le stress s’immisce dans le vécu des enfants, 15 à 25 ans après le lancement du Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston, confirme la pertinence et l’horizon avant-gardiste de la démarche reconnue comme « pratique exemplaire », c’est-à-dire qui « démontre un exemple de leadership » (Réseau de Santé Vitalité, 2011, p. 13). Cette initiative, datant de la fin des années 1980, s’inscrit comme une approche concrète de promotion de la santé, qui vise à favoriser l’acquisition de connaissances, d’attitudes et d’habiletés à gérer le stress au quotidien (Guimond-Plourde, 2010a). Globalement, elle se rapproche, dans sa pratique concrète, des objectifs mis de l’avant par l’OMS, qui reconnait que les programmes de promotion de la santé dans les écoles contribuent à améliorer la réussite scolaire et que cette réussite contribue, en retour, à l’amélioration de la santé de l’élève (OMS, 1997). Plus récemment, dans le rapport annuel du Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé (2013a), les représentants des ministères de la Santé et de l’Éducation des gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada reconnaissent que le milieu scolaire est un déterminant important pour la santé des élèves. Étant donné que la majorité des enfants passe une partie de la journée à l’école, cette situation peut contribuer à la santé globale. Bref, la santé et l'éducation sont interdépendantes : les élèves en santé apprennent mieux et les personnes instruites sont en meilleure santé.

C’est collectivement et à la lumière des préoccupations exprimées par tous les partenaires que, en 1988, un groupe concerné s’engage à esquisser les grandes lignes d’un programme en gestion du stress. Comme point de départ, une recherche exploratoire sur le stress chez l’enfant tel que perçu et vécu par les 35 membres du personnel scolaire (enseignantes, aides-enseignantes et direction), les 434 écoliers et leurs parents est entreprise. Un sondage effectué pour sensibiliser les parents, le personnel scolaire et les élèves à l’existence du stress chez l’enfant, pour vérifier leurs attitudes face à cette problématique et pour recueillir leurs commentaires et suggestions est réalisé. Les 787 questionnaires compilés et analysés – dont 443 contenant des commentaires – signalent, entre autres, les manifestions suivantes : anxiété, angoisse, tics nerveux, maux de tête et difficultés de sommeil. De plus, autant les élèves que le personnel enseignant (90 %) et les parents (70 %) reconnaissent l’existence du stress chez les enfants. Au terme de l’étude, les responsables proposent l’implantation d’un programme en gestion du stress qui tiendra compte de l’ensemble des suggestions et des commentaires reçus du collectif formé des parents, des élèves et du personnel scolaire (Guimond-Plourde, 1989).

Cette proposition nécessite de la formation et une démarche conjointe est entreprise avec le personnel scolaire (quinze heures) et les parents (neuf heures). Durant l’année scolaire 1991-1992, grâce à l’appui financier d’organismes communautaires et du Conseil scolaire en place, tout le personnel de l’école ainsi que deux familles sur trois s’engagent dans un programme de formation qui leur permet d’explorer un éventail de méthodes de relaxation reconnues pour leurs bienfaits auprès des enfants. Dans cette perspective de collaboration indispensable à l’amélioration du bien-être de chaque enfant, le partenariat parents/élèves/personnel scolaire devient le fil conducteur confirmant la capacité de tous les partenaires à être des « experts d’usage » (Guimond-Plourde, 1994).

Le programme proposé par un psychoéducateur vise trois objectifs principaux : reconnaitre les manifestations du stress et établir son lien avec la santé et l’apprentissage; explorer et faire l’expérience de différents moyens reconnus scientifiquement pour gérer le stress; outiller concrètement le personnel scolaire et les parents pour utiliser la visualisation auprès des élèves/enfants. Globalement, les sessions du programme permettent de développer des habiletés à utiliser cet outil en plus de favoriser des attitudes saines face à la réalité humaine qu’est le stress[4]. L’intention est de développer l’autonomie des élèves du primaire pour ce qui touche à leur santé (empowerment) ainsi que leur capacité de résilience, en misant sur les forces plutôt que la vulnérabilité (Guimond-Plourde, 2010b et 2012).

Pour cerner l’impact de la démarche, des questionnaires d’évaluation ont été distribués aux parents, aux élèves et au personnel, en 1992, et des temps d’échanges entre les parents et le personnel ont eu lieu, en 1993; toutes les données recueillies confirment le bien-fondé du programme. Les mesures d’implantation et d’évaluation ainsi que les retombées sont d’ailleurs partagées avec des professionnels et des chercheurs dans le cadre du Colloque international de l’Association francophone internationale de recherche scientifique en éducation (Guimond-Plourde, 2009). Notamment, le personnel enseignant souligne des effets tangibles : l’atmosphère d’ouverture qui suit une séance de détente libère la créativité, permet la réalisation d’un travail plus original, en art ou en rédaction de texte, par exemple. Les exercices de relaxation deviennent un besoin pour les élèves, qui demandent ces moments de silence. L’individualité qui s’exprime à travers ce programme permet aux élèves de mieux s’accueillir dans leurs différences. Les enseignantes se disent plus satisfaites de leur travail et reconnaissent que les résultats scolaires de plusieurs élèves sont meilleurs.

De leur côté, les parents affirment s’être approprié une approche relationnelle et éducative qui leur permet d’accéder à un parentage à la fois dynamique, respectueux et bénéfique pour chacun des membres de la famille. Ils disent profiter de ces instants privilégiés pour nourrir la relation parent-enfant et ont l’impression de participer positivement à l’éducation de leur enfant. La qualité de sommeil, le calme et la confiance, et l’amélioration de l’apprentissage scolaire sont perçus par les parents comme des résultats positifs du programme en gestion du stress. Pour les parents comme pour le personnel enseignant, la complicité a permis de créer un autre type de relation avec les enfants, relations décrites comme étant plus profondes, plus vraies, plus harmonieuses et aussi plus nourrissantes pour les uns et les autres.

Quant aux principaux concernés, les élèves, ils rapportent une meilleure concentration en situation de nouvel apprentissage ou de nouvelle tâche à exécuter; une réduction du stress avant une compétition ou un test scolaire; une amélioration de l’apprentissage des tables de multiplication ou de certaines règles de grammaire; une maîtrise des trous de mémoire durant les tests et les examens. Des témoignages révèlent une réduction de la consommation de médicaments contre les maux de tête et une réduction du stress avant une intervention chirurgicale. Du côté affectif, les élèves notent une amélioration de la relation affective avec leurs parents et leurs amis, ils ressentent une nouvelle énergie qui leur permet de bien se sentir dans leur corps, de penser plus positivement, d’avoir plus confiance en eux-mêmes et de mieux se connaître. Ils intègrent les exercices de gestion du stress à leurs situations de vie à l’école et à la maison, ainsi qu’à l’extérieur de ces milieux lorsque le besoin se fait sentir. Une constante ressort dans les évaluations des élèves : ils apprécient ces moments d’arrêt et reconnaissent ses bienfaits immédiats. En étant soutenus et accompagnés par leurs parents et leurs enseignantes et enseignants tout au long du primaire, ils explorent un large éventail d’applications des différentes approches liées à une gestion saine du stress.

C’est ainsi que cette démarche s’affiche, depuis 1988, comme une idée-force, comme un espace créatif pour l’enseignement et les interactions entre les différents acteurs du système éducatif, et ce, dans un cadre où l’enfant apprend tôt à reconnaître et à gérer les stress quotidiens de l’ère contemporaine.

2. Du terrain de recherche à la recherche partagée par les acteurs sur le terrain : un canevas soutenant une démarche innovante (1988-2013)

En endossant le Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston, l’école Notre-Dame reconnait que la santé globale de chaque élève influence l’apprentissage. C’est à partir de cet angle que les partenaires (parents/élèves/personnel scolaire) ont isolé ensemble les valeurs et les convictions au coeur de cette démarche (Figure 1)[5]. Premièrement, ce canevas place le bien-être des élèves au coeur de l’apprentissage. De fait, face à des élèves en santé, l’enseignante peut devenir un guide qui parvient à être plus efficace du point de vue des apprentissages et de la réussite scolaire. Si la saine alimentation, la gestion des émotions et la participation à des activités physiques sur une base régulière contribuent au maintien de la santé, il faut aussi tenir compte du niveau de stress qui peut interférer sur le processus d’apprentissage en diminuant l’attention que l’élève doit porter à ce qu’il apprend. Sans vouloir soutenir un discours alarmiste, il s’agit de mettre le développement global et intégral de l’enfant au centre de la pédagogie. En misant sur la réussite scolaire, on vise le développement global des jeunes, tant sur le plan physique, intellectuel qu’affectif. En assurant un tel accompagnement, les partenaires permettent le développement du plein potentiel de chaque élève/enfant.

Figure 1

Schématisation des valeurs et convictions qui influencent l’apprentissage, selon les partenaires du Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston

Schématisation des valeurs et convictions qui influencent l’apprentissage, selon les partenaires du Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston

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Le deuxième élément du canevas met de l’avant la pertinence et le bien-fondé d’appliquer la gestion du stress à l’école et à la maison, et ce, dès l’entrée à l’école. Dans cette optique, le stress n’est pas qu’une problématique de santé reconnue par plusieurs disciplines scientifiques; il attire l’attention sur le développement d’habiletés et le maintien de compétences. Il s’agit de reconnaitre la capacité d’agir des familles. Bref, la gestion du stress est vue comme un moyen d’accompagnement, d’un art de vivre qui peut s’apprendre dès l’enfance (Guimond-Plourde, 2009, 2010b). L’école choisit d’initier la formation, et de garder les parents informés et impliqués. L’idée est de leur permettre d’avoir les mêmes outils pour que puisse se poursuivre à la maison ce qui est entrepris à l’école. On peut parler d’une préoccupation éducative et parentale, d’un partage des responsabilités dans l’accompagnement global de l’enfant. D’ailleurs, Deslandes (2009) montre qu’une collaboration harmonieuse famille-école contribue au bien-être des jeunes et qu’intégrer la famille à la vie de l’école est associé positivement à la réussite scolaire. De plus, les lignes directrices du leadership formatif développées par la direction de l’école cadrent bien avec un projet proactif de partenariat novateur. Comme le mentionnent Collerette, Pelletier et Turcotte (2013), ce type d’accompagnement assumé par la direction « amènerait le personnel enseignant à s’intéresser davantage à ses actions pédagogiques en lien avec les résultats des élèves » (p. 10).

Le troisième élément met en lumière le fait que les partenaires principaux sont interdépendants dans la réussite de l’élève/enfant (Deslandes, 2013). Notamment, l’originalité de notre étude de deuxième cycle a contribué à l’enrichissement d’un horizon peu exploré en recherche en considérant les jeunes comme sujets d’une histoire plutôt qu’objets de questionnement (Guimond-Plourde, 1999). C’est à partir de cette perspective que la parole des jeunes qui ont fréquenté l’école Notre-Dame vient éclairer la pratique pédagogique, plus précisément, le contenu renouvelé de la nouvelle formation offerte depuis le début de l’année scolaire 2006-2007. Ce constat touche aussi à la dimension extra-scolaire où la gestion du stress au quotidien déborde les cadres scolaire et familial pour englober la vie de tous les jours. Les jeunes transposent les bénéfices dans leur vie quotidienne et se responsabilisent dans le développement de modes de vie sains. On peut parler d’une approche collaborative qui associe les membres de la communauté éducative et les parents. De cet angle, et dans le même ordre d’idées que l’Organisation de coopération et de développement économiques met de l’avant, on peut qualifier ce partenariat de « […] processus puisqu’il s’agit d’apprendre à travailler ensemble et de mettre en valeur ce que chaque partenaire peut apporter de positif dans la relation » (1997, p. 58).

Le dernier élément établit l’apport incontournable de la recherche scientifique en ce qui touche les fondements d’un programme en gestion du stress chez l’enfant. Particulièrement, la visualisation est un des moyens efficaces reconnus pour gérer le stress (Caron, Caron et Gallant, 2015; Galyean, 1986). Comme le soutient la chercheure en neurosciences et directrice scientifique du Centre d’études sur le stress humain, Sonia Lupien : « Il n’y a pas de méthode universelle de gestion du stress. » (2010, p. 159) La visualisation n’est pas une panacée, une recette universelle à appliquer, elle a des fondements scientifiques et a gagné la faveur des jeunes au fil des années : les élèves eux-mêmes confirment que la visualisation est l’outil qu’ils préfèrent (Bérubé-Saint-Amand, 1993; Guimond-Plourde, 1994, 2001). D’ailleurs, c’est à la suite d’une demande des différents membres du personnel scolaire, des parents et d’autres intervenants qui ont choisi d’incorporer la visualisation auprès de leurs élèves/enfants, ou dans leur propre vie, qu’un CD a été créé comme outil pédagogique[6] (Guimond-Plourde, 2013b).

Cette articulation des différents éléments du canevas prend d’ailleurs tout son sens depuis la sortie de la Politique d’aménagement linguistique et culturel du Nouveau-Brunswick (MEDPENB, 2014) et la transition visant la fusion du secteur de la petite enfance à celui de l’éducation (MEDPENB, 2012). Le gouvernement provincial encadre un projet de société échelonné sur dix ans qui favorise, entre autres, la réussite scolaire. De façon plus précise, on se préoccupe de l’ensemble des besoins de tous les enfants en valorisant l’articulation autour de trois champs d’intervention, soit la cohésion des services, l’appui aux parents dans leur rôle de premiers éducateurs, et la formation et le soutien du personnel professionnel intervenant en petite enfance tant auprès des enfants que des parents et des familles (MEDPENB, 2014, p. 99).

3. L’expansion du projet en gestion du stress : une collaboration en éducation pour la santé

L’expérience montre que la meilleure façon d’influer sur les comportements de santé des élèves repose sur l’approche globale de la santé en milieu scolaire (Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé, 2013b et 2017; Stewart-Brown, 2006). Celle-ci appuie ses actions sur quatre piliers juxtaposés : l’enseignement/apprentissage; les politiques saines dans les écoles; le milieu social et physique; les partenariats et les services. Ce cadre de référence reconnu internationalement permet d’aborder la question de la santé d'une manière planifiée, intégrée et holistique. On a remarqué qu’il a engendré une amélioration des résultats scolaires et qu’il a eu des effets positifs sur l’ensemble du milieu scolaire. Au Nouveau-Brunswick, le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance et le ministère de la Santé partagent cette vision de promotion de la santé et du mieux-être (MEDPENB, 2014, p. 151-152). Il s’agit de coordonner les efforts d’interventions de manière à ce que les partenaires regroupent leurs ressources pour soutenir les plans d’action avec et pour les écoles, les différents personnels et les parents.

Dans le cadre précis de l’agenda de recherche du projet en gestion du stress, l’éducation pour la santé est une attitude d’esprit, une orientation de pensée et d’action qui fait appel aux données multidisciplinaires en provenance des sciences médicales, sociologiques, psychologiques et pédagogiques (Guimond-Plourde, 2004, 2015). Au centre de l’éducation pour la santé se trouve la personne considérée « […] comme un "acteur" de sa santé, capable de devenir responsable de ses choix et de ses actes en connaissance de cause […] » (Parayre et Klein, 2014, p. 20). Elle touche non seulement les enfants/élèves, le personnel scolaire et les familles, mais également la collectivité et le milieu universitaire. La formation au niveau du baccalauréat en éducation francophone au Nouveau-Brunswick se préoccupe d’ailleurs du volet « éducation pour la santé » et soutient le curriculum en santé du primaire et du secondaire (MSNB, 2015; Ministère du Mieux-être, de la Culture et du Sport du Nouveau-Brunswick [MMCSNB], 2011).

Le programme Apprenants en santé à l’école, coordonné par, entre autres, les infirmières en Santé publique, a pour mandat d’améliorer, de maintenir et de favoriser les résultats à long terme sur le plan de la santé de l’élève, de son mieux-être et de sa réussite scolaire, par la promotion de saines habitudes de vie (MSNB, 2014, 2015). Cette plate-forme, créée en 2000 et diffusée dans les écoles du Nouveau-Brunswick, est une initiative conjointe du MEDPENB et du MSNB. Dans sa facture finale, le programme a permis de concevoir et d’initier des activités de promotion de la santé qui 1) touchent à tous les aspects de la santé – physique, émotive et sociale; 2) cherchent à prévenir la maladie et les blessures; 3) appuient une prise de décision éclairée et des comportements sains qui dureront jusqu'à l'âge adulte; 4) favorisent la réussite scolaire. Des thématiques déterminées (alimentation et nutrition en milieu scolaire, santé psychologique et comportements résilients, dépendances, santé sexuelle, activité physique) guident les interventions des infirmières.

Promouvoir le Programme en gestion du stress en milieu scolaire : la visualisation comme outil d’apprentissage et de gestion du stress s’inscrit dans un souci d’améliorer la santé et le bien-être des élèves par la promotion de modes de vie sains tout au long de la vie[7] (District scolaire 03, 2009). C’est par le truchement du comité consultatif de santé et du secteur éducation de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, que la démarche en gestion du stress prend racines dans les 20 écoles primaires et secondaires du District scolaire francophone du Nord-Ouest (DSFNO).

Le projet de gestion du stress par la visualisation ne peut être perçu que comme une série d’activités ponctuelles. Il s’appuie sur des objectifs précis soutenus par les dirigeants du DSFNO, les infirmières et des recherches qui ont permis d’offrir une formation adaptée aux besoins des principaux concernés, les jeunes eux-mêmes. Une recherche qualitative[8] s’est centrée sur l’expérience vécue par des élèves du secondaire (15 à 17 ans) qui ont participé au projet en gestion du stress chez l’enfant, alors qu’ils fréquentaient le primaire, afin de cerner, entre autres, les différents apprentissages réalisés (Guimond-Plourde, 1999). Au fil des années de leur fréquentation scolaire, gérer efficacement le stress est devenu une pratique qui s’est peu à peu tissée à leur vie et qui a contribué à la prise de conscience et au développement de leurs ressources intérieures uniques ainsi qu’à l’épanouissement de leur potentiel humain. La dimension méthodologique de cette étude a permis de faire émerger la connaissance à partir de l’expression même du vécu des élèves du secondaire, c’est-à-dire en leur laissant un espace de parole via le récit de vie. Particulièrement, l’espace de compréhension décrit par ces adolescentes et adolescents ouvre la porte à l’utilisation de la visualisation comme complément à l’éducation traditionnelle plutôt que comme suggestion de voie alternative en milieu scolaire. Somme toute, l’encadrement méthodologique accorde à ces jeunes un statut de participants significatifs capables d’éclairer les curriculums, particulièrement en ce qui touche la promotion de la santé par le biais d’une gestion saine du stress. C’est à ce titre que l’école Notre-Dame est devenue « porteuse d’une histoire », celle de tous ces jeunes qui ont été des participants actifs de la démarche et qui sont venus éclairer la suite de cette initiative[9].

4. Travailler ensemble plutôt que « travailler avec » : des modèles exemplaires de continuité

S’inspirant du Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston, un projet de partenariat novateur entre l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, le DSFNO et le département de Santé publique est lancé en 2009. Il s’associe au développement de la promotion de la santé en milieu scolaire et s’affiche comme un levier pour la réussite éducative, car la santé participe à l’acquisition des apprentissages. Sous le thème, « Ensemble, bâtissons une école efficace », la planification triennale 2009-2012 proposée par le district scolaire mise sur un climat permettant des apprentissages de qualité dans un environnement sain. Spécifiquement, il est énoncé qu’en juin 2012, 100 % des écoles auront adopté des stratégies encourageant la gestion du stress (District scolaire 03, 2009). C’est ainsi que les élèves fréquentant les 20 écoles primaires et secondaires desservant la population francophone de ce milieu rural bénéficie d’une initiative locale appuyée par des données de recherche.

Le programme Formation du formateur en gestion du stress[10] constitue un cadre pédagogique et une aide méthodologique. D'un point de vue pédagogique, il s'appuie sur les orientations du programme scolaire Formation personnelle et sociale (volet santé) offert dans les écoles du Nouveau-Brunswick (MMCSNB, 2011). De plus, les fondements du programme s’inscrivent dans les directives soumises par l’Agence de la santé publique du Canada (2000, 2013) qui soutiennent que le traitement des questions relatives à la santé qui tiennent à coeur aux jeunes leur est bénéfique. En fait, on devrait les encourager à s’impliquer directement en concevant des stratégies efficaces qui répondent à leurs besoins. Ainsi, il faut miser sur une démarche éducative centrée sur les élèves et non sur la seule transmission de savoirs et de compétences en gestion du stress. Soutenu par l’ensemble des acteurs de terrain, les professionnels de la santé, les parents et les directions d’école, le programme Formation du formateur en gestion du stress place la promotion du bien-être intérieur et la réussite scolaire des élèves au coeur d’une stratégie intégrée[11].

En 2014, plus de 330 intervenants divers (personnel enseignant, membres de la direction d’écoles, conseillères en préscolaire, gestionnaires en santé publique, mentors en gestion de comportements, agentes culturelle et communautaire, intervenantes en santé mentale, adjointes administratives, mentor en littératie, parents, infirmières, mentors en transition à la maternelle, professeure à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, consultantes en mieux-être, stagiaire en éducation, conseillères en préscolaire, psychologues et conseillers en orientation) sont devenus des « formateurs en gestion du stress » et se sont vus confier le mandat d’offrir dans leurs écoles respectives des outils en gestion du stress (Figure 2). Des projets pilotes ont aussi été démarrés simultanément dans d’autres écoles francophones et anglophones du Nouveau-Brunswick.

Le déploiement du projet ailleurs dans la province a favorisé la mise en place de partenariats institutionnels et de collaborations avec des praticiens de terrain, tout en contribuant à la diffusion de contributions scientifiques. Cette approche ne constitue pas une formule standardisée à suivre pas à pas. Elle ne peut être plaquée ou enseignée de façon magistrale. Il s’agit plutôt d’une série de façons de faire souhaitables dont les autres écoles peuvent s’inspirer pour élaborer une approche en gestion du stress convenant à leur milieu respectif. S’il est illusoire de chercher une formule unique applicable dans toutes les écoles primaires et secondaires, il faut en revanche éviter le tâtonnement et l’improvisation. La Formation du formateur en gestion du stress inclut des ateliers (10 heures de formation) et chaque représentant reçoit un manuel de travail pour le guider ainsi qu’un plan d’action l’orientant dans son cheminement. Ensuite, les formateurs retournent dans leur école respective et offrent des formations au personnel scolaire et aux parents. Notamment, le contenu du projet et son approche valorisent l’apport professionnel des formateurs tout en laissant aux écoles qui s’y greffent un espace de créativité. Les intervenants ont un rôle d’accompagnateurs – ils ne sont pas ceux qui « savent » – et ne se trouvent pas dans une position dominante. Quant aux participantes et participants, ils sont invités à cheminer collectivement, à demeurer les pilotes de la mise en oeuvre de la démarche. Au sein de leur établissement, ils peuvent tenir compte des besoins des élèves, du personnel, des parents ainsi que des caractéristiques du territoire. Spécifiquement, les directions d’école sont invitées à construire un dispositif de soutien et d’accompagnement à la fois opérationnel et efficace.

Figure 2

Étapes pour répondre au mandat du programme Formation des formateurs en gestion de stress (DSFNO)

Étapes pour répondre au mandat du programme Formation des formateurs en gestion de stress (DSFNO)

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Dès le départ, les dirigeants du DSFNO ont cru que les compétences du personnel scolaire et leur participation volontaire à devenir des formateurs seraient le levier principal permettant d’atteindre une efficacité optimale au niveau du système d’éducation. Depuis 2012, ces dirigeants ont consacré des journées pédagogiques et des ressources pour accompagner les formateurs et soutenir le projet via le programme Apprenants en santé à l’école. Des visites de suivi, des mises à jour et du soutien individualisé, de 2008 à 2014, ont assuré un contact humain direct et répété, des conditions essentielles pour avoir un impact en éducation pour la santé. Ce mode de développement professionnel facilite l’adoption d’une posture réflexive, l’engagement mutuel des divers acteurs dans leur perfectionnement et la mise en place de pratiques pédagogiques qui vont soutenir l’activité future de la gestion du stress en milieu scolaire. On se situe d’emblée dans un apprentissage continu « tout au long de la vie ».

5. Une parole éclairante pour d’autres communautés : espace de réflexion collectif lors du 1er Forum francophone sur l’apprentissage

Le 1er Forum francophone sur l’apprentissage au Nouveau-Brunswick, qui se tenait à l’Université de Moncton, campus de Shippagan, en mai 2015, souhaitait offrir un espace de réflexion collective visant l’amélioration de l’apprentissage (Boudreau, Auger et Laforest, 2015). Cette édition initiale a permis de mettre en lumière des solutions novatrices favorisant le bien-être de la communauté. Présentée comme cadre de réflexion et d’action en milieu éducatif (Guimond-Plourde et Nadeau, 2015), cette contribution professeure-chercheure/étudiant en éducation, a permis de rendre visible un type de collaboration féconde, celui qui permet de rapprocher et d’explorer des avenues prometteuses entre le « savoir savant » et le « savoir professionnel ». Particulièrement, le « savoir savant » découlant des recherches qualitatives communique l’importance de l’engagement des jeunes comme élément clé de la mise en oeuvre de l’approche globale de la santé en milieu scolaire. Quant au « savoir professionnel », on peut dégager la pertinence d’impliquer les étudiantes et étudiants dès leur entrée en formation des maîtres.

Sous la thématique « pédagogie », le duo propose une expérience vécue d’une pratique innovante. Spécifiquement, la première partie de l’atelier s’attarde à rendre compte, du point de vue d’un étudiant en formation des maîtres, du déroulement d’un projet pilote en gestion du stress, structuré avec le milieu scolaire et réalisé par une cohorte inscrite au baccalauréat en éducation primaire. En explicitant les fondements du programme qui reposent sur une approche humaniste, participative et non descendante, les participantes et participants se sont associés à des collègues et directions pour poursuivre les échanges en lien avec l’utilisation de la visualisation en milieu scolaire. Un tel espace d’échange en face à face, soutenant le questionnement et la réflexion, leur a permis de saisir la pertinence d’offrir un cadre pour penser la santé des élèves, et ce, du point de vue des établissements scolaires, des professionnels de la santé et de l’éducation, des familles et des élèves. Une telle pratique soutenue par la recherche met en lumière le fait que le poids des questions de santé, comme la gestion du stress, appelle nécessairement un travail éducatif en partenariat. Précisément, le développement des compétences en gestion du stress fait appel à différents moyens, dont la visualisation qui a été introduite au groupe.

Le partage d’outils conçus par les futurs enseignants a, entre autres, ouvert la discussion quant aux modalités d’emploi de la visualisation. Les animateurs de l’atelier ont terminé la présentation par un exercice concret de visualisation détaillé tiré du film-documentaire « Une expérience pour la vie » (Caron, Caron et Gallant, 2015)[12]. Les personnes présentes ont suggéré que ces différentes ressources en gestion du stress deviennent accessibles au MEDPENB afin d’accompagner les enseignantes et enseignants (dépliants traitant du stress en milieu scolaire; exercices de visualisation, de détente et de relaxation; balles de stress, entre autres). Dans cet effort pédagogique d’allier la théorie à la pratique, il devient possible pour les futurs enseignants d’arrimer et de soutenir des changements dans les pratiques de terrain, et ce, dès le début de leur formation universitaire. De cet angle, le baccalauréat en éducation offert par l’Université de Moncton pourrait devenir un chef de file en faisant écho à une recommandation du Forum canadien de l’éducation publique : « Chercher des moyens d’améliorer la formation pédagogique offerte par les facultés d’éducation sur la santé mentale » (Froese-Germain, 2016).

Cette démarche de développement d’un programme étalée sur plus de 25 ans a permis de rendre compte d’un dispositif de gestion du stress d’abord développé pour et avec un établissement d’enseignement. Reconnu comme un cas particulièrement réussi d’innovation performative, cet atelier a suscité l’intérêt de la directrice de l’École communautaire Terre des Jeunes de Paquetville, Mélanie Gagnon. D’ailleurs, dans l’édition du 16 avril 2016 de l’Acadie Nouvelle, elle explique qu’après avoir assisté aux échanges et séances de partage, elle a opté pour un virage à son école dès la rentrée scolaire 2015. Elle réalise l’importance d’offrir des espaces de détente et reconnaît la pertinence de l’outil pédagogique, le CD « Visualiser pour se réaliser. Introduction à la visualisation » (Guimond-Plourde, 2013b).

Adopter une gestion du stress qui favorise le bien-être, et ce, en partant de la parole des élèves/enfants est une approche porteuse d’espoir pour le développement d’une éducation pour la santé qui répond aux besoins des principaux concernés (Guimond-Plourde, 2004, 2015). L’initiative en gestion du stress, proposée sous la formule « formation du formateur » et s’inspirant du Projet en gestion du stress chez l’enfant de l’école Notre-Dame d’Edmundston, met en exergue l’importance de promouvoir des habiletés et des stratégies fondamentales auprès des éducateurs ainsi qu’auprès des acteurs divers rattachés au quotidien de l’élève/enfant et des parents. Partant d’un réseau interne consolidant l’investissement du collectif élèves/parents/personnel scolaire, cette démarche s’est étendue aux professionnels d’autres institutions faisant émerger une dynamique d’actions conçues en pluridisciplinarité et en réseaux. Un tel cadre permet la synergie entre la recherche et les pratiques de promotion de la santé qui favorisent le développement des ressources personnelles et des compétences en gestion du stress, perspective nécessaire au développement du bien-être en milieu scolaire.

De telles contributions soutiennent aussi la pertinence de recourir à une approche interdisciplinaire et d’orienter les actions davantage vers l’univers des élèves, tel qu’ils l’expérimentent eux-mêmes. Intégrer les jeunes dans le développement de programmes qui leur sont destinés, comme celui en gestion du stress, est un axe relativement nouveau en promotion de la santé qui mérite une attention sérieuse (Guimond-Plourde, 2004). Ce projet recouvre la notion de « parcours éducatif » désigné par Broussouloux et Gasté comme :

[…] un ensemble continu, cohérent et progressif d’enseignements non exclusivement disciplinaires et de pratiques éducatives, scolaires et extrascolaires autour d’un même thème, qui permet à l’élève de construire tout au long de sa scolarité des compétences liées à ce thème.

2016, p. 35

Ainsi, une telle approche permet d’aboutir à une conception du « bien-vivre » qui se manifeste à travers le développement d’outils en gestion du stress tout au long de la scolarité et qui se poursuivra tout au long de la vie.

L’articulation de la pédagogie, de l’éducation pour la santé et de la recherche en éducation a ouvert la porte à un déploiement d’efforts destinés à mettre en oeuvre l’épanouissement de l’humain au moment le plus crucial de son existence, l’enfance et l’adolescence. Il est tout à fait possible de mettre l’épanouissement des enfants au centre du système éducatif et chacun peut y contribuer. Nous sommes nombreux à penser qu’il est possible de faire évoluer le système scolaire vers une « école de la vie » qui favorise le bien-être des élèves/enfants à l’école et leur développement pour en faire de futurs adultes épanouis. Ces regards croisés offrent de solides assises pour l’avancement de la recherche en éducation et le renouvèlement des pratiques. Les partenariats qui unissent les efforts et les ressources pour mettre en place des pratiques participatives et holistiques favorisent le développement positif des enfants et des adolescents. L’arrimage entre santé, bien-être et réussite éducative qui s’est déployé au sein de plusieurs collectivités engagées du Nouveau-Brunswick contribuera à inspirer et à éclairer d’autres communautés. Un tel modèle novateur s’inscrit aussi dans une perspective de décloisonnement et de mobilisation des savoirs expérientiels et académiques. Spécifiquement, l’école et la famille peuvent devenir des lieux d’accompagnement de l’acquisition des connaissances. Par conséquent, on replace la question de la réussite scolaire sous un angle revisité susceptible d’ouvrir une voie à privilégier pour éclairer l’éducation de demain.