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Le traitement des biens et services, ou produits, culturels, aussi connu comme l’interface commerce-culture, fait depuis longtemps l’objet d’une controverse au sein du régime commercial international à présent chapeauté par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les États n’ayant pu s’entendre sur une exception aux règles commerciales au profit de ces produits, les protagonistes de l’exception/diversité culturelle ont obtenu l’adoption au sein de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles[1] (Convention). Celle-ci souligne notamment la double nature, culturelle et économique, des biens et services culturels et le droit des États de mettre en place des politiques culturelles. Le traitement des produits culturels dans le droit international relevant de régimes commerciaux et d’investissement, et principalement de l’OMC, d’une part, et de l’UNESCO, d’autre part, pose la question des liens entre les dispositions pertinentes de chacun de ces régimes, particulièrement en ce qui touche au règlement des différends relatifs aux produits culturels[2]. Cela renvoie à la fragmentation du droit international, du fait de la multiplication et de la spécialisation des régimes et des instances judiciaires ou de règlement des différends, chacun avec sa propre rationalité et portée, entraînant des règles conflictuelles et des régimes juridiques qui se chevauchent[3].

Or, s’il doit y avoir une jurisprudence[4] applicable aux biens et services culturels, il serait préférable qu’elle émane du mécanisme de règlement des différends prévu par la Convention afin d’assurer que cette dernière repose sur des considérations culturelles. Toutefois, dans la mesure où le mécanisme de règlement des différends de l’OMC est de loin le plus élaboré et le plus utilisé, on peut penser que c’est à ce dernier qu’il incombera de développer une jurisprudence en matière de produits culturels. À cet égard, pour autant que la Convention reflète un consensus et débouche sur une approche commune au sein de la communauté internationale quant au traitement des produits culturels, cette dernière pourrait influencer les conclusions des instances de règlement des différends à l’OMC. Si le choix de l’UNESCO pour abriter une convention reconnaissant le caractère spécifique des produits culturels et les liens entre cette dernière et l’OMC ont été amplement étudiés, il est néanmoins pertinent de faire le point après une décennie de mise en oeuvre de la Convention. En effet, non seulement on y voit plus clair sur certaines questions, mais on a aussi négligé le rôle que peut jouer le mécanisme de règlement des différends de la Convention.

Le présent article se divise en trois parties. Nous abordons, d’abord, la question du traitement des produits culturels dans les accords commerciaux, avant de nous pencher, dans une deuxième partie, sur les dispositions et la mise en oeuvre de la Convention. Une troisième partie traite du règlement des différends relatifs aux produits culturels à l’OMC en analysant la jurisprudence existante et la manière dont la Convention pourrait influer sur le développement d’une jurisprudence en matière culturelle à l’OMC. Quelques remarques suivent en guise de conclusion.

I. Culture et accords commerciaux

Le traitement des biens et services culturels[5] en droit économique international fait depuis longtemps l’objet d’une controverse, connue comme le débat ou l’interface commerce-culture, qui tourne autour de deux perspectives apparemment irréconciliables. Selon l’une, défendue principalement par les États-Unis, la culture constitue un secteur économique comme les autres qui doit être libéralisé. Des mesures de la part des pouvoirs publics visant à promouvoir et à protéger les industries culturelles, à savoir les politiques culturelles, équivalent à du protectionnisme[6]. Selon l’autre, même si les biens et services culturels s’inscrivent dans les circuits commerciaux, ils ne sauraient être assimilés à de simples marchandises, car ils sont porteurs de valeurs et de symboles et, de là, touchent à l’identité d’une communauté politique. Notamment mise de l’avant par le Québec, le Canada et la France, cette perspective a donné lieu à la notion d’« exception culturelle », selon laquelle la culture doit être exempte d’engagements de libéralisation commerciale ou sujette à des dispositions spécifiques. Cette notion a fait place à celle de « diversité culturelle » à la suite de craintes grandissantes que la mondialisation de l’économie, la libéralisation des échanges et le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (ou révolution numérique) ne s’opèrent au détriment de la diversité des cultures du monde.

Le débat commerce-culture tient à la difficulté de concilier le souci, d’un côté, de préserver assez de flexibilité pour les pouvoirs publics en vue de la mise en place effective de politiques et de mesures touchant le secteur culturel et, d’un autre côté, d’assurer la prévisibilité et la non-discrimination[7] dans les échanges commerciaux internationaux. Ce débat s’est posé avec beaucoup d’acuité au cours des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay entre 1986 et 1993 quand les services ont figuré pour la première fois à l’agenda. Alors que le Canada et l’Union européenne (UE)[8] ont fait valoir que la protection des identités nationales justifiait une exception générale au profit des services culturels et/ou audiovisuels dans l’Accord général sur le commerce des services (AGCS)[9], les États-Unis ont refusé de reconnaître le caractère « culturel » de ces services. À l’issue des négociations, les services culturels n’ont pas fait l’objet de dispositions particulières, mais l’AGCS permet aux États de déterminer l’étendue de leurs engagements de libéralisation. En effet, les États peuvent choisir les secteurs et sous-secteurs pour lesquels ils prennent des engagements et en définir les modalités. Ainsi, le Canada n’a pas contracté d’engagements relativement aux services culturels et l’UE s’est abstenue de tout engagement concernant les services audiovisuels. Du reste, très peu d’États, soit 18, avaient contracté des engagements concernant l’accès au marché et le traitement national en matière de services audiovisuels et seulement deux, dont les États-Unis, avaient pris des engagements presque complets couvrant tous les sous-secteurs des services audiovisuels. Dans le même temps, plusieurs États avaient demandé des exemptions à l’application du traitement de la nation la plus favorisée aux fins d’accords de coproduction[10]. En somme, le problème avait été reporté et pas du tout réglé[11].

Toutefois, l’article XIX de l’AGCS prévoit des négociations successives visant à élever progressivement le niveau de libéralisation des services et n'exclut aucun secteur. En préparation des négociations multilatérales du cycle de Doha, dans leurs propositions concernant les services audiovisuels, les États-Unis ont fait valoir que le secteur culturel n’est pas le seul qui ait des caractéristiques qui lui soient propres aux fins de la réalisation d’importants objectifs de la politique sociale. Ils ont ajouté que le cadre de l’AGCS est suffisamment souple pour répondre aux préoccupations liées à la préservation et à la promotion des valeurs et de l’identité culturelles[12]. Au vu de l’avantage concurrentiel de leurs industries culturelles et leur importance en termes de revenus d’exportations, les États-Unis insistent sur la libéralisation du secteur culturel, avec tout au plus des exceptions spécifiques et limitées. Amorcé en 2001, le cycle de Doha est dans l’impasse depuis environ dix ans. Les services culturels et audiovisuels n’ont toutefois pas compté parmi les principaux sujets contentieux. En 2008, seuls neuf États avaient fait des offres concernant le secteur audiovisuel, dont six ayant déjà des engagements touchant ce secteur[13]. En 2013, 23 membres de l’OMC, dont la plupart des pays industrialisés et l’UE comptant pour un membre, ont entrepris des négociations pour un accord plurilatéral sur le commerce des services. Cependant, pour ce qui touche aux services culturels, on ne s’attend pas à ce que les principaux acteurs du débat commerce-culture modifient leur position[14]. Soulignons, enfin, que les promoteurs de la libéralisation des services culturels ont encore plus à gagner dans le contexte de la révolution numérique.

Si, contrairement au cycle d’Uruguay, les produits culturels n’ont pas suscité de grands débats au cours du cycle de Doha, c’est en partie parce que le débat commerce-culture s’est déplacé dans d’autres cadres. Ainsi, entre 1996 et 2013, 16 des 25 nouveaux membres de l’OMC ont consenti des engagements en matière de services audiovisuels, principalement par suite des pressions américaines[15]. Dans la même période, les États-Unis ont conclu un ensemble d’accords commerciaux préférentiels avec divers pays à travers le monde. Les dispositions de ces accords ont pour conséquence de restreindre, souvent de manière significative, la latitude des États parties de mettre en place des politiques culturelles. Si les mesures financières sont tolérées, les mesures réglementaires se sont trouvées dans la mire des négociateurs américains. Quand certaines de ces mesures font l’objet d’exceptions, elles se sont rapportées aux instruments dits « traditionnels » des politiques culturelles. Elles sont aussi généralement conditionnelles à l’absence de restrictions concernant le commerce électronique des produits numériques[16]. À ce chapitre, le principal enjeu de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain[17] − qui regroupe le Canada, les États-Unis et le Mexique − est que l’exemption des industries culturelles canadiennes prévue dans cet accord, qui protège notamment les secteurs des publications et de l’audiovisuel, puisse toujours s’appliquer aux produits diffusés sur plateformes numériques.

Aussi, les produits culturels ne sont pas assujettis au même traitement selon qu’ils relèvent de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1947)[18], qui régit les échanges de biens, ou de l’AGCS. En vertu du GATT de 1947, l’accès au marché et le traitement national sont des obligations générales et, hormis les quotas cinématographiques, il n’y a pas de dispositions d’exception au profit des biens culturels. De même, parce qu’ils peuvent souvent être assimilés à la fois à des biens et à des services, des dispositions divergentes peuvent s’appliquer aux produits culturels[19]. Cela a été mis en évidence dans l’affaire impliquant des mesures canadiennes en faveur de l’industrie des périodiques, qui ont donné lieu en 1996 à un recours devant l’OMC de la part des États-Unis. Cette affaire, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques[20], la première en matière culturelle à avoir fait l’objet d’une décision de la part des instances de règlement des différends de l’OMC, s’est révélée un microcosme des tensions et des inquiétudes concernant le traitement des produits culturels en droit commercial international. Les instances de l’OMC ont jugé que les mesures canadiennes en cause[21] contrevenaient, pour l’essentiel, aux règles commerciales internationales. L’affaire avait été suivie avec attention par plusieurs États qui se soucient eux aussi de leur identité culturelle et de la possibilité d’intervenir dans le domaine de la culture. C’est ce qui va amener les partisans de l’exception/diversité culturelle à réfléchir à la manière de légitimer les politiques culturelles dans un cadre de mondialisation économique et à assurer un équilibre entre les impératifs culturels et commerciaux[22].

II. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles

Les efforts des protagonistes de l’exception/diversité culturelle allaient aboutir à l’adoption en octobre 2005 de la Convention. Celle-ci a été adoptée avec un vote favorable de 148 États, quatre abstentions et l’opposition des États-Unis et d’Israël. Elle est entrée en vigueur en mars 2007 et, en décembre 2017, avait été ratifiée par 145 pays et l’UE. Les dispositions de la Convention reconnaissent notamment le caractère spécifique des biens et services culturels qui, en tant que porteurs d’identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale. Elles réaffirment également le droit souverain des États de recourir à un ensemble de mesures, à la fois réglementaires et financières, dans la mise en oeuvre de leurs politiques culturelles afin de favoriser la diversité des expressions culturelles sur leur territoire et à l’échelle mondiale. Ce faisant, la Convention enchâsse dans le droit international la double nature – culturelle et économique – des produits culturels et le droit pour les États de poursuivre des politiques culturelles. La Convention fut adoptée sous les auspices de l’UNESCO, l’agence onusienne responsable de la culture, et hors du cadre de l’OMC. Outre qu’il apparaissait impossible de pouvoir s’entendre sur le traitement des produits culturels, on craignait l’absence à l’OMC d’une perspective culturelle et, de là, une démarche qui n’aurait considéré la culture que sous l’angle d’une exception aux règles commerciales. De la même façon que les traités multilatéraux relatifs à l’environnement existent de leur propre autorité et établissent leurs propres normes, le choix de l’UNESCO s’explique par un souci que la diversité culturelle puisse elle aussi s’affirmer durablement[23].

La question des rapports entre la Convention et les autres accords internationaux, en particulier ceux de l’OMC, se pose néanmoins puisqu’il s’agit d’arriver à un point de vue culturel articulé sur l’interface commerce-culture. C’est l’objet de la partie V de la Convention intitulée « Relations avec les autres instruments » qui compte deux articles, soit les articles 20 et 21. Cette partie est celle qui a suscité le plus de débats et n’a connu sa formulation définitive qu’au tout dernier stade des négociations. Le titre de l’article 20 met en exergue les principes qui sous-tendent les relations avec les autres traités et, au premier chef, les accords commerciaux et d’investissement, à savoir le soutien mutuel, la complémentarité et la non-subordination. L’article se lit comme suit :

1. Les Parties reconnaissent qu’elles doivent remplir de bonne foi leurs obligations en vertu de la présente Convention et de tous les autres traités auxquels elles sont parties. Ainsi, sans subordonner cette Convention aux autres traités,

(a) elles encouragent le soutien mutuel entre cette Convention et les autres traités auxquels elles sont parties; et

(b) lorsqu’elles interprètent et appliquent les autres traités auxquels elles sont parties ou lorsqu’elles souscrivent à d’autres obligations internationales, les Parties prennent en compte les dispositions pertinentes de la présente Convention.

2. Rien dans la présente Convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des Parties au titre d’autres traités auxquels elles sont parties.

On note donc que les États ont exclu tout lien de subordination entre la Convention et les autres traités auxquels ils sont parties, sans pour autant remettre en cause les engagements pris aux termes de ces derniers. Soulignons la réserve prise par le Mexique, qui fait partie du Club des amis de l’audiovisuel à l’OMC et qui s’efforce d’obtenir des engagements de libéralisation en matière de services audiovisuels, quant à l’application et l’interprétation de l’article 20. Celle-ci vise à s’assurer de la conformité de la Convention avec les accords commerciaux et à garder toute marge de manoeuvre dans le cadre de futures négociations[24].

En vertu de l’article 21, les États parties s’engagent à promouvoir les objectifs et principes de la Convention dans d’autres enceintes internationales. À cette fin, les États se consultent, s’il y a lieu, en gardant à l’esprit ces objectifs et ces principes. L’article 21 engage explicitement les États à faire valoir la Convention lorsqu’ils sont parties à des accords internationaux qui interfèrent avec celle-ci ou en négocient de nouveaux pouvant avoir des répercussions sur elle. Les Parties peuvent le faire seules, ou en se consultant entre elles, ainsi que le stipule la seconde phrase de l’article 21. Suivant l’article 23.6(e), le Comité intergouvernemental (Comité) mis sur pied en vertu de la Convention a pour fonction d’« établir des procédures et autres mécanismes de consultation afin de promouvoir les objectifs et principes de la présente Convention dans d’autres enceintes internationales »[25]. Il revient au Comité d’en fixer le moment et les conditions. Bien qu’il ait pour titre « Concertation et coordination internationales »[26], l’article 21, à l’instar de l’article 23.6(e), ne fait référence qu’à la consultation. Rien n’empêche cependant que celle-ci débouche sur une certaine forme de concertation et de coordination[27]. Soulignons qu’il y a des réticences à l’idée d’élaborer des directives opérationnelles concernant les articles 20 et 21, ces derniers, comme on sait, demeurant les plus controversés de la Convention. La Conférence des Parties a néanmoins adopté, en juin 2011, le paragraphe 5 de la onzième résolution. Cette résolution demande au Secrétariat de l’UNESCO de répertorier les cas où la Convention est invoquée et utilisée dans d’autres enceintes internationales, notamment des négociations commerciales, et de les porter à l’attention du Comité pour examen à chaque session ordinaire[28].

Alors que l’article 20 est une disposition interprétative du lien entre la Convention et les autres accords internationaux, l’article 21 se veut une disposition opérationnelle qui vise à la prise en compte des objectifs et des principes de la Convention dans les autres enceintes internationales. L’article 20 peut aussi être considéré comme une disposition évolutive dont la signification se révélera à travers les actions des Parties. En fait, l’avenir de l’article 20 est lié à l’application qu’en feront les Parties ainsi qu’à l’interprétation qu’en donneront, le cas échéant, les instances de règlement des différends, soit dans le cadre de la Convention, soit dans d’autres, comme celui de l’OMC[29].

La Convention doit servir de cadre de référence et de lieu de concertation en vue de renforcer la capacité du système international à atteindre un certain équilibre entre l’objectif de la diversité culturelle et les autres objectifs de politique publique, telle la politique commerciale. Avec l’adhésion d’un nombre croissant d’États à ce cadre de référence, on assiste à la mise en place, dans le domaine culturel, d’un nouveau régime juridique fondé sur une vision culturelle des échanges commerciaux, une vision où le développement de ceux-ci accompagne le développement des cultures, mais ne l’emporte pas sur ces dernières. Ce cadre de référence, en plus d’orienter l’action des États parties au niveau national, peut également renforcer leurs positions dans le cadre de négociations commerciales. En outre, en tant que lieu de concertation, la Convention doit contribuer à l’adoption de positions communes sur toute question touchant à la préservation de la diversité des expressions culturelles et faciliter, le cas échéant, le règlement des différends entre les Parties[30].

Pour plusieurs Parties, dont au premier chef le Canada et la France, la mise en oeuvre de la Convention implique que le secteur culturel ne fasse pas l’objet de négociations commerciales et que les États gardent toute latitude pour adopter des politiques et mesures culturelles. C’est d’ailleurs là le principal mot d’ordre concernant la mise en oeuvre de la Convention. Alors que le Canada continue d’exclure les industries culturelles de ses accords commerciaux, l’UE en exclut les services audiovisuels[31]. Cependant, rien dans la Convention n’empêche les Parties de contracter des engagements de libéralisation en matière de produits culturels. Ainsi, d’autres Parties, comme le Brésil et le Mexique, exportateurs de produits culturels, souhaitent des engagements de libéralisation, quoiqu'assortis d’exceptions ou de conditions plus ou moins importantes permettant la poursuite de politiques culturelles. Ce faisant, s’ils estiment que cela ne contrevient pas à la Convention, d’autres font valoir que de tels engagements ne respectent pas le caractère spécifique des biens et services culturels, compromettent l’efficacité des politiques culturelles et mettent donc en péril la mise en oeuvre de la Convention. On doit rappeler que la mise de côté de la notion d’exception culturelle par celle de diversité culturelle avait été amenée par la volonté de permettre un vaste consensus au sein de la communauté internationale. Dès lors, il ne faudrait pas se surprendre que les États puissent faire montre de différences quant aux efforts qu’ils entendent déployer afin de préserver la diversité culturelle.

Des pratiques conformes à l’esprit et à la lettre de la Convention de la part d’un très grand nombre d’États peuvent faire beaucoup pour assurer le succès de celle-ci. Cela démontre qu’il existe une compréhension commune au sein de la communauté internationale en rapport à la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles. Là-dessus, la pratique d’un grand nombre d’États aurait confirmé l’impact attendu de la Convention, notamment à travers le refus de prendre des engagements de libéralisation touchant les services audiovisuels et la multiplication d’accords de coproduction. À cela s’ajoute l’existence de plusieurs instruments multilatéraux qui poursuivent des objectifs se rapportant à la diversité culturelle, sans oublier l’adoption et l’entrée en vigueur de la Convention, toutes deux dans un délai assez court, qui dénote une large acceptation dans la communauté internationale[32].

La Convention compte des dispositions relatives au règlement des différends. En cas d’un différend entre des Parties sur l’interprétation ou l’application de la Convention, les Parties en cause recherchent d’abord une solution négociée. À défaut, d’un commun accord, ces dernières peuvent recourir aux bons offices ou à la médiation. Si le litige persiste, une Partie peut avoir recours à la conciliation. Une Commission de conciliation est alors créée qui rend une proposition de résolution du différend que les Parties examinent de bonne foi en vertu de l'article 25 et de l'annexe. Hormis pour ce qui touche à la procédure de conciliation, le mécanisme n’est pas obligatoire en ce qu’il requiert une volonté conjointe des États parties. De plus, chaque État peut, au moment de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion, déclarer qu’il ne reconnaît pas la procédure de conciliation. À ce jour, seuls trois États parties se sont prévalus de cette réserve[33].

Si le mécanisme de règlement des différends prévu par la Convention n’a pas un caractère contraignant, c’est parce qu’un tel mécanisme ne serait pas avisé. La Convention a peu à voir avec les engagements plus spécifiques et les dispositions élaborées des accords commerciaux internationaux. On note du reste qu’il n’y a pas d’obligations pour les Parties d’y recourir. Aussi, il n’est pas fait mention d’experts culturels. On suppose toutefois que des commissions ad hoc de conciliation seraient composées, en tout ou en majorité, de personnes avec une expertise reconnue en matière culturelle[34]. S’il apparaît préférable, en cas de conflits, que les États parties à la Convention choisissent de recourir à l’article 25, rien ne les empêche d’avoir recours plutôt au mécanisme de règlement des différends de l’OMC, si le conflit renvoie à la violation d’obligations, l’annulation ou la réduction d’avantages découlant des accords de l’OMC[35]. On a vu que si la plupart des pays membres de cette organisation internationale n’ont pas pris d’engagements de libéralisation en matière de services audiovisuels et culturels, il n’en va pas de même pour ce qui touche les biens culturels. Dans l’affaire Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, les instances de règlement des différends de l’OMC ont estimé que les obligations découlant du GATT de 1947 et de l’AGCS peuvent coexister et que les unes ne l’emportent pas sur les autres[36]. Elles ont également jugé que les liens entre l’AGCS et les services culturels, d’une part, et le GATT de 1947 et les biens culturels, d’autre part, dans des cas où des mesures affectent la fourniture d’un service lié à une marchandise particulière, ne peuvent qu’être déterminés qu’au cas par cas. On prend alors en compte la nature et les effets des mesures en cause[37].

Alors que le règlement des différends dans le cadre de la Convention est basé sur la conciliation, à l’OMC il repose sur l’arbitrage. Comme le souligne Ivan Bernier, la conciliation dans le cadre de la Convention permet de considérer des éléments à la fois juridiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, et débouche sur une solution tournée vers l’avenir. Le recours au mécanisme de règlement des différends de la Convention permettrait également le développement d’une jurisprudence reposant avant tout sur des considérations culturelles[38]. Toutefois, si plusieurs instruments internationaux ont adopté la conciliation comme mode de règlement des différends, les cas concrets de recours à une telle procédure par les gouvernements demeurent plutôt rares[39].

III. Le règlement des différends relatifs aux produits culturels

L’existence de deux forums pour le règlement des différends relatifs aux produits culturels n’est pas sans soulever de sérieuses interrogations. Une première renvoie au caractère plus développé et plus contraignant des dispositions du système commercial international, particulièrement en ce qui touche à son mécanisme de règlement des différends et à son pouvoir de sanction. Plusieurs en concluent que les questions les plus controversées relativement à la diversité culturelle seront traitées non pas dans le cadre de la Convention, mais plutôt de l’OMC[40]. On en conclut aussi généralement qu’en cas de conflit entre les normes et dispositions de la Convention et celles de l’OMC, ce sont ces dernières qui vont prévaloir. Cela ne signifie pas pour autant que l’OMC soit le meilleur forum pour résoudre les tensions liées à l’interface commerce-culture.

Depuis 1995, seulement quatre affaires liées aux produits culturels, outre celles relatives aux droits d’auteur, ont fait l’objet de plaintes référées au mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Trois de celles-ci remontent aux premières années suivant l’établissement de l’organisation. Outre Canada – Périodiques[41], déjà évoquée, il s’agit de Turquie – Taxation des recettes provenant des films étrangers[42] et Canada – Mesures visant les services de distribution de films[43]. Alors que les deux premières avaient été formulées par les États-Unis, il est intéressant de souligner que la troisième l’avait été par l’UE et impliquait deux des principaux tenants de l’exception culturelle. Quant à la quatrième, Chine – Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels[44], elle a suivi de peu l’entrée en vigueur de la Convention. Seules Canada – Périodiques et Chine – Publications et produits audiovisuels ont débouché sur des décisions de la part des instances de règlement des différends. Dans Chine – Publications et produits audiovisuels, il y eut des références à la Convention de la part des autorités chinoises, mais celles-ci n’ont pas eu d’incidence sur les conclusions de l’affaire[45]. Soulignons également que dans l’affaire Canada – Périodiques, les décisions de l’OMC, bien que favorables aux États-Unis, avaient fait l’objet de négociations entre les deux parties au différend quant à leur mise en oeuvre. Ces négociations avaient abouti à un résultat tenant compte des préoccupations culturelles canadiennes et à la portée d’une commission de conciliation comme prévue par la Convention. Cette dernière aurait ainsi permis non seulement d’adopter un compromis équivalent, mais aussi de façon plus rapide et moins coûteuse[46].

Selon Yvon Thiec, le peu de plaintes à l’OMC peut paraître surprenant étant donné l’importance économique grandissante des produits culturels, spécialement dans le contexte de l’explosion de l’économie numérique, et que des puissances émergentes, comme le Brésil, la Chine et l’Inde, s’efforcent de développer leurs industries culturelles et de tirer profit de l’ouverture des marchés. La Convention, toujours selon Thiec, aurait eu pour effet de diminuer la propension à voir dans l’OMC le principal cadre réglementaire pour les échanges de biens et services culturels[47]. Il reste que le débat commerce-culture a pourtant continué de se manifester dans des forums commerciaux, soit dans le cadre de négociations d’accession à l’OMC et la multiplication des accords commerciaux préférentiels conclus au premier chef par les États-Unis.

Une seconde interrogation est de savoir si des règles de droit hors OMC peuvent être prises en compte par les instances de règlement des différends de l’OMC et, si oui, dans quelles conditions[48]. Sur ce point, l’OMC s’est vue confrontée à des tensions grandissantes entre le libre-échange et les réglementations publiques, connues comme l’interface entre les préoccupations commerciales et les préoccupations non commerciales (trade linkage debate). Ces problèmes ou questions incluent la culture, l’environnement, le développement, les droits humains (y compris les droits culturels) et les normes du travail. De plus en plus de questions sont maintenant considérées comme étant liées au commerce dans la mesure où les normes et dispositions qui les régissent affectent le commerce. Parallèlement, un nombre grandissant de ces secteurs est à présent l’objet d’une action coordonnée au niveau international ou de conventions multilatérales[49].

Dans ces circonstances, une mission essentielle du système commercial international consiste à concilier les tensions entre le libre marché et d’autres valeurs sociales. Même des économistes de l’école libérale, comme Jagdish Bhagwati, reconnaissent que des objectifs non économiques constituent un élément important de la théorie du libre marché. Tout en insistant sur le bien-fondé du libre-échange, ils notent que des valeurs autres qu’économiques, comme la culture, doivent être dûment prises en compte[50]. À cet égard, le régime de l’OMC ne peut se résumer qu’à un code de conduite économique à moins d’ignorer le contexte social plus large dans lequel il opère[51]. Soulignons que l’organe de règlement des différends de l’OMC s’est vu crédité ces dernières années pour en être arrivé à concilier les impératifs environnementaux avec ceux du commerce[52]. Cela a été possible grâce à une référence au développement durable dans le préambule de l’Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce[53], à une exception générale touchant les « ressources naturelles épuisables » dans le GATT de 1947, sans oublier l’ensemble des conventions internationales adoptées ces dernières décennies relativement aux questions environnementales. L’OMC serait donc mal avisée de ne pas prendre en compte la Convention. Pour plusieurs, il demeure, cependant, qu’au vu de son mandat, les actions et les décisions de l’OMC s’inscrivent dans une perspective avant tout commerciale et économique[54].

La Convention ne remet pas en cause le droit de l’OMC. Toutefois, dans la mesure où elle reflète un certain consensus international, la Convention pourrait avoir un effet indirect sur l’OMC en influençant sa démarche interprétative[55]. À ce chapitre, le système de règlement des différends a pour objet de préserver les droits et obligations des États membres en vertu des accords relevant de l’OMC, de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles habituelles d’interprétation du droit international public, et ses recommandations et décisions ne peuvent accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans ces mêmes accords[56]. Il est néanmoins possible que l’organe de règlement des différends de l’OMC se réfère à la Convention pour décider d’une affaire portée à son attention. L’organe de règlement des différends a en effet reconnu que des règles de droit hors OMC pouvaient, dans certains cas, jouer un rôle dans l’interprétation des accords relevant de cette organisation. Or, la portée exacte de cette possibilité est loin d’être claire et la jurisprudence de l’OMC sur la question manque de cohérence[57].

En 1996, dans l’affaire États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules[58], l’Organe d’appel affirmait qu’il ne fallait pas « lire l’Accord général en l’isolant cliniquement du droit international public[59]». Deux ans plus tard, dans l’affaire États-Unis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (États-Unis – Crevettes[60]), il empruntait au droit international public pour interpréter l’expression« ressources naturelles épuisables » en s’inspirant de conventions internationales pertinentes, dont au moins une n’avait pas été ratifiée par toutes les parties au différend. L’Organe d’appel y est allé d’une interprétation évolutive de cette expression pour en conclure qu’elle comprenait les ressources naturelles aussi bien biologiques que non biologiques. Cette décision a confirmé la vaste portée de l’article XX(g), qui embrasse maintenant plusieurs mesures environnementales, malgré l’absence d’une référence explicite à l’environnement dans l’article XX du GATT de 1947 relatif aux exceptions générales aux principes et règles du commerce.

Dans la mesure où la Convention reflète les préoccupations culturelles actuelles de la communauté internationale, elle peut être associée au développement du droit international coutumier dans le domaine de la diversité culturelle. En effet, l’article 31.3(b) de la Convention de Vienne sur le droit des traités (Convention de Vienne) prescrit qu’aux fins de l’interprétation d’un traité il sera tenu compte, en même temps que du contexte « de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité »[61]. Une telle possibilité d’emprunt au droit international public reste cependant problématique puisqu’elle doit résulter de la généralisation d’une pratique commune à la fois convergente et claire quant aux effets en découlant sur le plan juridique. De plus, l’opposition des États-Unis représente un obstacle de taille pour en venir à associer la Convention au droit international coutumier[62].

Plus tard, toujours dans États-Unis – Crevettes, le groupe spécial se référa à l’article 31.3(c) de la Convention de Vienne qui stipule que l’interprétation d’un traité doit tenir compte, en plus du contexte, « de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties »[63]. Toutefois, dans l’affaire Communautés européennes – Mesures affectant l’approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques[64], le groupe spécial a estimé que le recours à l’article 31.3(c) n’était possible que si toutes les parties à un différend étaient elles-mêmes parties à un traité[65]. Il va sans dire qu’une telle interprétation limite considérablement l’applicabilité de l’article 31.3(c) puisque les États-Unis non seulement ne sont pas partie à la Convention, mais y sont véhément opposés.

Le meilleur moyen afin de mieux arrimer la Convention avec le droit de l’OMC demeure des dispositions d’exception. Or, qu’il s’agisse d’une exception générale applicable aux échanges de biens et services culturels, d’une référence à la diversité culturelle dans le préambule de l’OMC, ou encore d’une dérogation des obligations des accords de l’OMC au profit d’un ou des États qui en feraient la demande aux fins de la poursuite de politiques culturelles, en vertu de l’article IX.3-4 de l’Accord sur l'OMC[66], il semble toujours aussi difficile, sinon impossible, qu’un nombre suffisant de membres puissent s’entendre sur de telles dispositions[67]. Éventuellement, les membres de l’OMC pourraient conclure un accord spécifique prévoyant des disciplines et des règles applicables aux produits culturels, spécifiant les pratiques ou mesures permises et/ou prohibées, notamment dans le cadre des négociations de l’AGCS portant sur les subventions[68]. Entre-temps, les États peuvent introduire une référence à la Convention dans leurs listes d’engagements en matière de services, afin que ces derniers soient assortis de conditions les rendant compatibles avec les termes de la Convention. Ce faisant, une telle référence pourrait permettre d’invoquer la Convention même à l’endroit des États qui n’en sont pas parties[69].

Dans la mesure où, de manière générale, les États membres de l’OMC considèrent que la Convention et l’OMC doivent se « soutenir mutuellement », on évoque l’idée d’un lien procédural en faveur de la diversité culturelle, possiblement sous la forme d’une Déclaration ministérielle, qui obligerait à prendre en compte la Convention et répondrait à son article 20[70]. On suggère aussi une règle de procédure prévoyant d’inclure un expert culturel dans tout groupe spécial chargé d’examiner un différend portant sur l’interface commerce-culture[71]. Là encore, de telles mesures sont difficilement envisageables, puisqu’un certain nombre de pays, dont les États-Unis, s’opposent à un tel lien, car ils appréhendent des restrictions au commerce résultant de la Convention.

Le GATT de 1947 contient cependant certaines dispositions d’exception applicables aux produits culturels. Ainsi, l’article IV prévoit des quotas-écrans pour les films cinématographiques nationaux. Quant à l’article XX, concernant les exceptions générales, il y est stipulé que rien n’empêche l’adoption ou l’application par tout État de mesures « a) nécessaires à la protection de la moralité publique »[72] et « f) imposées pour la protection de trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique »[73]. Son pendant dans l’AGCS, à l’article XIV(a), inclut une exception relative « à la protection de la moralité publique ou au maintien de l’ordre public »[74], cette dernière (absente du GATT de 1947) ne pouvant être invoquée que si pèse une menace véritable et suffisamment grave sur l’un des intérêts fondamentaux de la société. Dans les deux cas, la question reste à voir si des politiques ou mesures culturelles pourraient être reconnues comme « nécessaires » à la protection de la moralité publique ou au maintien de l’ordre public. Dans l’affaire Chine – Publications et produits audiovisuels, les autorités chinoises ont invoqué sans succès l’article XX(a) du GATT de 1947 touchant la protection de la moralité publique[75].

Un autre moyen d’assurer un lien entre la Convention et le droit de l’OMC tient au principe du développement durable, qui est commun aux deux régimes, et qui compte une dimension culturelle. En effet, après ses dimensions économique, environnementale et sociale, la culture est de plus en plus vue comme le quatrième pilier du développement durable, et ce, comme stipulé dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle[76], la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles[77] et la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel[78]. Cela aurait pour conséquence de faire entrer la dimension culturelle dans l’OMC et d’offrir des possibilités afin d’interpréter les dispositions de l’OMC à la lumière de la Convention. Du reste, on a de plus en plus recours au principe du développement durable afin de concilier les préoccupations commerciales, environnementales, culturelles et autres et, ainsi, de mieux intégrer différents régimes et répondre à la fragmentation du droit international[79].

On a vu que, dans l’affaire États-Unis – Crevettes, une interprétation évolutive du sens ordinaire du concept de « développement durable » a eu pour effet d’élargir la portée de l’article XX(g) relatif à l’environnement. De la même manière, la portée de l’article XX(f) concernant la protection de trésors nationaux pourrait être élargie pour comprendre davantage que le patrimoine culturel tangible et englober les produits culturels[80]. Soulignons cependant que l’article XX(f) n’a pas de disposition correspondante dans l’AGCS et qu’une telle interprétation ne pourrait donc toucher que les biens culturels. Aussi, le principe de non-discrimination dans le domaine du commerce ne s’applique qu’à des « produits similaires », alors qu’en vertu de la Convention, les produits culturels ne doivent pas être traités comme de simples marchandises et reflètent des cultures différentes. Cela ferait en sorte que les produits culturels de divers pays puissent en venir à ne pas être vus comme des « produits similaires »[81].

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S’il doit y avoir une véritable jurisprudence dans le domaine des produits culturels, il serait souhaitable qu’elle provienne du mécanisme de règlement des différends de la Convention[82]. Outre qu’il s’inscrit dans une perspective proprement culturelle, celui-ci, reposant sur la conciliation, cherche avant tout à rapprocher les parties à un litige et peut formuler des propositions de règlement fondées en tout ou en partie sur le droit. En ce sens, il a un caractère pragmatique et flexible qui convient davantage à un enjeu où il s’agit d’assurer un équilibre entre des préoccupations culturelles et commerciales, le plus souvent difficiles à concilier. Toutefois, comme il s’agit de l’interface commerce-culture, rien n’empêche les États parties à la Convention, sans parler des États qui n’en sont pas parties, de recourir au mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Ce dernier, qui en est un d’arbitrage et qui a un caractère plus élaboré et obligatoire, suppose un jugement généralement rendu sur la base du droit. À ce chapitre, on a vu qu’il y a une jurisprudence qui résulte de la considération par les instances de l’OMC de règles de droit qui n’émanent pas d’accords relevant de l’organisation. En revanche, cette jurisprudence est loin d’être claire et manque de cohérence. De plus, il n’y en a pas beaucoup qui concerne les produits culturels. Néanmoins, étant donné qu’une telle jurisprudence risque de se développer au sein de l’OMC, la Convention pourrait être prise en compte par les instances de règlement des différends. Cette prise en compte cependant demeure tributaire dans une large mesure d’une pratique consensuelle à l’échelle internationale quant au traitement des produits culturels. Or, malgré que la Convention soit à présent ratifiée par les trois quarts des États et que la grande majorité d’entre eux soit réticente à libéraliser le secteur culturel, les efforts de libéralisation de certains, dont au premier chef les États-Unis, laissent planer des doutes sur la perspective d’un tel « consensus ».