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Michel Sarra-Bournet est décédé.

Michel était mon ami depuis le début des années 1980. Je l’ai connu grâce à nos passions communes : l’histoire et le politique. Nos chemins se sont croisés depuis à maintes reprises au cours de nos études respectives, lui à Sherbrooke et à Ottawa, moi à Laval. Puis, bien sûr, dans nos carrières respectives. Il était un enseignant dynamique et stimulant, un historien et un politologue respecté, un intervenant énergique, un citoyen profondément engagé.

Michel avait quelque chose de noble dans sa démarche. Je me souviens à Hull au cours de l’hiver 1993-1994, lorsqu’il nous avait dit, à Marcel, Jean-Marc et moi, qu’il s’engageait en politique comme conseiller de Lucien Bouchard, alors chef du Bloc québécois. Souvent farceur, il était devenu subitement d’une gravité et d’un sérieux solennel : selon lui, nous vivions des moments historiques et il tenait à y participer. Ce fut un choix difficile pour lui, qui a eu des conséquences importantes sur sa carrière universitaire et dans sa vie personnelle. Jamais il ne l’a regretté devant moi. C’est une facette de Michel que j’ai connue et que j’ai toujours appréciée : son sens aigu du devoir et des responsabilités.

Son engagement, son sens du devoir et des responsabilités l’ont incité à se lancer dans la folle entreprise du Bulletin d’histoire politique. Il a fait partie des fondateurs avec Robert Comeau, Jocelyn Saint-Pierre, Marcel Bellavance, Pierre Drouilly et Jean-Marie Fecteau. D’un bulletin publié sur du papier 8 ½ par 11 à l’origine, il a contribué avec d’autres à faire de cette revue l’un des principaux centres intellectuels en histoire et en politique, par la qualité des débats et des contributions savantes. Michel est resté fidèle jusqu’à la fin au Bulletin : j’ai vu son visage et entendu sa voix au cours d’une réunion du comité de rédaction deux semaines avant son trépas.

Historien accompli, il était le grand spécialiste de la période Duplessis depuis son étude sur l’affaire Roncarelli[1], sujet qui, plus de trente ans après la publication de son livre, n’a pas perdu de son actualité. Politologue expérimenté, ses analyses étaient documentées et solides, comme son éditorial du BHP sur la dernière élection provinciale en témoigne[2].

Enfin, Michel possédait un humour dont il avait bien compris le rôle apaisant dans les relations humaines. René m’a récemment rappelé cette scène légendaire où Michel entonnait, tonitruant, un Minuit chrétien épique qui nous a tous fait rire aux larmes. Son humour ne l’a jamais desservi dans ses multiples combats, des échanges partisans dans la vie politique aux causes qu’il a promues comme celle de l’enseignement de l’histoire au secondaire. Cet humour lui a permis d’échapper au sectarisme, travers de plusieurs combattants.

Michel aimait la vie comme il aimait le tango, qui ne se danse pas seul, mais à bras-le-corps.

Michel était mon ami, il n’est plus mais il le demeure encore.