Corps de l’article

-> Voir la liste des figures

Cet ouvrage aborde l’un des sujets les plus en vogue avec l’engouement planétaire pour le vin et, surtout, avec le développement de superficies viticoles dans de nouvelles contrées. Dans le contexte mondial, cela peut paraître peu original pour un pays possédant une longue tradition vitivinicole comme la France. Par contre, si en général, les superficies vitivinicoles croissent essentiellement hors des pays historiquement producteurs de l’Europe, l’auteur traite de la réhabilitation de vignobles disparus en France. En effet, le vignoble français a connu son apogée en superficie vers la fin du XIXe siècle, superficie qui fut réduite avec l’arrivée de nombreuses maladies de la vigne, dont le phylloxera. Au tournant de la Deuxième Guerre mondiale, le vignoble français avait perdu la moitié de sa superficie en moins de 75 ans. Cette réduction des superficies viticoles s’est poursuivie pendant tout le XXe siècle en corrélation avec une surproduction de vin et une forte baisse de la consommation locale passant de 100 litres par personne à moins de 45 litres, au tournant du XXIe siècle.

L’ouvrage est scindé en trois parties. En premier lieu, l’auteur décrit la période la plus vaste pour la viticulture française, celle couvrant les années 1788 à 1875. Cette époque est considérée comme l’âge d’or de la viticulture française, avec une expansion phénoménale des superficies cultivées, et ce, dans toutes les régions du pays à l’exception de la Bretagne et de la Normandie. Dans cette section, il aborde les diverses causes de la perte des superficies viticoles, soit essentiellement les maladies cryptogamiques originaires des Amériques. Pour certains vignobles, les conséquences sont bénéfiques et les producteurs en tirent un grand avantage, notamment dans le Languedoc-Roussillon (gain des superficies de 20 %). En 1920, cette région détient près du tiers des superficies viticoles alors que la France a perdu, entre 1875 et 1920, le tiers de ses surfaces consacrées aux raisins de cuve. Puis s’ensuit une période d’écrémage sur une trentaine d’années alors que les surfaces se stabilisent. Lors de cette période, les vignobles de qualité ont augmenté leur superficie au profit des vignobles plus communs comme ceux du Languedoc-Roussillon, qui diminuent de près de 10 %.

La deuxième partie du livre aborde la renaissance de vignobles à compter des années 1950 en évoquant les nombreuses causes de ce renouveau. Lors des Trente glorieuses, la consommation de vin diminue, mais en corollaire, une meilleure qualité des vins et une progression de leurs prix compensent cette baisse. C’est aussi l’époque où les diverses techniques modifient et simplifient le travail à la vigne et au chai. L’arrivée du tracteur-enjambeur et, ultérieurement, de la machine à vendanger en sont de bons exemples. Au chai, des professionnels en oenologie permettent d’obtenir une vinification de qualité supérieure et plus stable d’un millésime à l’autre. La renaissance des vignobles s’accompagne aussi d’un désir de mettre en valeur le patrimoine culturel et naturel à l’échelle locale, dont la revitalisation paysagère. Évidemment, les retombées économiques sont fort diverses selon la grandeur des vignobles et leurs attraits. Aujourd’hui, l’oenotourisme profite à plusieurs de ces vignobles, particulièrement ceux qui bénéficiaient déjà d’un attrait touristique important comme c’est le cas à Vézelay.

Finalement, la dernière partie compose près de 80 % de l’ouvrage. L’approche privilégiée est régionale : l’auteur y traite spécifiquement d’une quarantaine de vignobles répartis dans cinq grandes régions. Pour chacun de ces vignobles, il utilise la même formule, à savoir qu’il étaye la renaissance du vignoble. Il débute avec une courte mise en contexte de chaque région, puis présente un bref historique des vignobles traités. Des points de vue historique et géographique, l’approche est fort intéressante. Si nous prenons les deux vignobles les plus connus, Cahors et Condrieu, nous apprenons qu’ils font partie des vignobles ayant connu une renaissance dans la deuxième moitié du XXe siècle. Par exemple, le vignoble de Cahors fut presque rayé de la carte alors qu’il est aujourd’hui connu mondialement et possède une superficie viticole de 4000 hectares (ha). Avant la crise du phylloxera, le vignoble avait atteint son apogée avec près de 20 000 ha, voire 35 000 selon certaines sources. Puis à la suite d’un long déclin, il aboutit à une superficie de 200 ha au début des années 1960. L’auteur n’hésite pas à parler de renaissance spectaculaire. Il effectue le même constat pour Condrieu qui profite aujourd’hui d’une réputation fort enviable, entre autres avec sa production de vin blanc qui se vend à des prix relativement élevés. En 1950, ce vignoble était à l‘agonie avec moins de 10 ha en culture et il fut sauvé par une poignée de viticulteurs qui croyaient à son fort potentiel. Aujourd’hui, l’appellation dépasse les 150 ha malgré l’exclusion des zones au-dessus des 300 mètres, dont celles du plateau.

Plusieurs autres régions viticoles sont abordées dans le livre, bien que la grande majorité soient peu connues. Par contre, c’est pratiquement l’ensemble du territoire français qui connaît une recrudescence ou l’implantation de nouveaux vignobles qui sont réhabilités après des décennies dans l’oubli. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur appuie son discours sur de nombreuses cartes, des tableaux statistiques et parfois l’utilisation de photographies, dont certaines sont comparées avec des plus anciennes.

C'est un excellent ouvrage qui aborde un thème très à la mode, la viticulture, mais par une approche historique et géographique. Un seul point vraiment faible, le livre se termine abruptement avec une très courte conclusion de quelques lignes. Outre l’avantage de présenter une conclusion plus exhaustive, il aurait été intéressant que l’auteur extrapole, à partir de son analyse et de ses constats, sur de futures renaissances viticoles, entre autres, avec les projections des effets qu’auront les changements climatiques sur le terroir et donc sur la vitiviniculture.