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Le paysage français des associations professionnelles dans le domaine des bibliothèques, de la documentation et des archives possède sans doute ses caractéristiques propres, en partie liées au statut de ces institutions, équipements et service dans la société française. Le présent article ne se livrera à aucune comparaison internationale, laissant cet exercice aux lecteurs.

L’auteur du présent article, qui s’est astreint à la plus grande neutralité possible, n’est pas un observateur détaché. Il a participé activement à la vie associative comme bibliothécaire. Il a été à des périodes différentes vice-président de l’ABF de l’ADBDP et été le premier président de BIB92 et de l’IABD. Le texte que vous venez de lire est donc susceptible d’être influencé par son expérience personnelle et est sans doute mieux informé sur les associations de bibliothécaires que celles de documentalistes ou d’archivistes.

Sans prétendre à l’exhaustivité, il s’est efforcé de présenter un tour d’horizon le plus vaste possible. La quasi-totalité des organisations citées dans le présent article sont des associations officiellement déposées conformément à l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901[1].

Un paysage associatif particulièrement riche

Les associations de bibliothécaires

En France, la grande majorité des bibliothécaires est salariée de l’État (bibliothèques de l’enseignement supérieur, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque publique d’information) ou des collectivités territoriales.

On distingue traditionnellement deux grands blocs : les bibliothèques d’étude et de recherche (enseignement supérieur, organismes de recherche divers) et les bibliothèques publiques (municipales, intercommunales, départementales). Toutes deux d’État, la bibliothèque publique d’information (BPI) est classée parmi les bibliothèques publiques tandis que la Bibliothèque nationale de France, qui accueille sur deux niveaux différents les chercheurs et le grand public, relève des deux registres.

Ce contexte institutionnel marque, comme on va le voir, le paysage associatif.

L’ABF

Créée en 1906, l’Association des bibliothécaires français (ABF[2]), devenue depuis « association des bibliothécaires de France » pour exclure toute condition de nationalité, a vocation à regrouper l’ensemble des personnels exerçant en bibliothèque, quels que soient leur statut, leur niveau de responsabilité, le type d’établissements où ils exercent, sans oublier les organismes de formation ou de coopération.

Autrefois dominée par les conservateurs d’État exerçant à la Bibliothèque nationale ou dans une moindre mesure dans les bibliothèques universitaires ou de grandes villes, l’ABF est aujourd’hui principalement composée et animée par des bibliothécaires de lecture publique même si sa vocation généraliste est régulièrement réaffirmée. Elle regroupait en 2017 un peu plus de 2 000 adhérents (comparativement aux effectifs totaux estimés à 38 000 personnes environ[3]. Il faut y ajouter plus de 250 adhésions de collectivités).

L’ABF est organisée en 22 groupes régionaux dont les présidents forment le Conseil national qui élit le bureau national. Elle dispose également de commissions nationales (au nombre de 16 en 2018) et d’un comité d’éthique.

Elle est l’interlocutrice régulière de l’État, davantage du ministère de la Culture que de celui de l’enseignement supérieur, et s’efforce d’entretenir des contacts avec les associations d’élus locaux.

Les associations sectorielles

Aux côtés de l’ABF ont progressivement surgi des associations représentant des types particuliers de bibliothèques ou leurs personnels.

La première à être fondée officiellement en 1974, après avoir existé sous forme d’amicale dès 1970, a été l’Association des directeurs de bibliothèques universitaires (ADBU) aujourd’hui nommée, avec un acronyme inchangé, Association des directeurs et des personnels de direction des bibliothèques universitaires et des services documentaires de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Elle regroupe au-delà des directrices et directeurs, des personnels de catégorie A[4] (ou équivalent hors fonction publique) exerçant des responsabilités documentaires dans un établissement ayant des activités liées à l’enseignement supérieur, à la recherche publique et à la formation des professionnels de la documentation.

Interlocuteur régulier du ministère chargé de l’enseignement supérieur, l’ADBS possède cinq commissions : Pilotage, Pédagogie, Métiers, Recherche et Numérique.

C’est en 1987 qu’est créée l’Association des directeurs de bibliothèques centrales de prêt (ADBCP), alors qu’une amicale du même nom avait été créée en 1976. Rapidement renommée l’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt (ADBDP) pour se conformer à la nouvelle dénomination d’établissements désormais transférée de l’État aux départements, elle a laissé la place en 2017 à l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD) à laquelle peuvent adhérer tous les personnels et non seulement ceux de direction[5]. Les bibliothèques départementales, assez proches des réseaux biblio régionaux du Québec, assurent des missions de fourniture documentaire, de formation, de conseil et d’action culturelle auprès des bibliothèques municipales, intercommunales et associatives de leur ressort géographique.

C’est en 2002 qu’a été créée l’Association des Directeurs des Bibliothèques municipales et intercommunales des Grandes Villes de France (ADBGV), devenue par la suite l’Association des Directeurs de Bibliothèques municipales et des Groupements intercommunaux de Villes de France, avec un acronyme inchangé.

Une partie des bibliothèques rurales françaises ont un statut associatif. Il s’agit généralement s’associations locales soutenues par la commune. Mais il existe également un réseau national de petites bibliothèques de statut privé : c’est le réseau Bibliothèques pour tous, né en 1934 et organisé en associations départementales réunies depuis 1972 au sein de l’Union nationale Culture et bibliothèques pour tous (UNCPT).

Les bibliothèques d’hôpitaux destinées aux malades sont également souvent associatives et gérées par des bénévoles. Citons par exemple l’Association des Bibliothèques d’Hôpitaux de Lyon et sa région (ABH).

L’association Lire c’est vivre (LCV) oeuvre pour le développement de la lecture en prison. Elle gère celles de la maison d’arrêt de Fleury-Merogis, plus grand centre pénitentiaire d’Europe.

On peut aussi signaler :

  • l’Association des directrices et directeurs de centres régionaux de formation aux carrières des bibliothèques (ADCRFCB[6]), créée en 2010. Ces centres de formation, au nombre de 12 à travers la France, organisent principalement des préparations aux concours et des stages de « formation tout au long de la vie ».

  • l’Association nationale des conseillers pour le livre et la lecture (ANCLL) qui rassemble les fonctionnaires d’État occupant cette fonction au sein des Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), échelon déconcentré du ministère de la Culture. Bien que leurs missions de conseil et de mise en oeuvre de la politique nationale concernent également l’édition et la librairie, ils sont en quasi-totalité bibliothécaires de métier.

  • l’Association des bibliothèques chrétiennes de France (ABCF).

Les associations thématiques

Aux côtés de l’ABF et des associations par type de bibliothèque ou d’organisme, on trouve des associations par thématique, contenu documentaire ou segments de public.

Née en 2006, BiblioPat rassemble des bibliothécaires travaillant dans des services gérant des fonds patrimoniaux.

Dans le domaine de la musique coexistent deux associations : l’Association pour la coopération des professionnels de l’information musicale (ACIM), plutôt représentée dans les bibliothèques publiques et qui organise chaque année deux jours de rencontres nationales des bibliothécaires musicaux (RNBM) et le groupe français de l’Association internationale des bibliothèques, archives et centres de documentation musicaux (AIBM-France), qui a un statut d’association à part entière.

Images en bibliothèques (IB) se présente comme « l’association nationale des médiathèques pour le cinéma et l’audiovisuel » organise des activités en réseau avec les professionnels concernés et propose des formations. Elle est maître d’oeuvre du Mois du film documentaire, manifestation nationale à laquelle participent près de 2 000 structures culturelles.

Dans le domaine des publics atteints de formes de handicap, on peut signaler l’Association Valentin Haüy (AVH) qui fournit notamment à une centaine de bibliothèques françaises des livres sonores et en braille[7].

L’importance du secteur de la jeunesse dans les bibliothèques publiques n’a actuellement pas de traduction associative autonome. L’ABF est dotée d’une commission Jeunesse ainsi que d’une commission Prix Sorcières qui gère avec l’association des libraires spécialisées jeunesse (ALSJ) un prix annuel décliné en plusieurs catégories. On ne peut cependant passer sous silence l’association La joie par les livres qui, fondée en 1963 à l’initiative d’une mécène Anne Gruner Schlumberger, joua un rôle moteur dans le développement des sections pour la jeunesse des bibliothèques publiques et dans la promotion de la littérature pour ce public. Elle fut dissoute en 1972 et ses activités reprises sous la même appellation par l’État. C’est aujourd’hui le Centre national de littérature pour la jeunesse-Joie par les livres qui est un service le la Bibliothèque nationale de France[8]. Toutefois, la bibliothèque enfantine de Clamart ouverte en 1965 dans un quartier populaire poursuit depuis 2007 ses activités dans le cadre d’une association, la Petite bibliothèque ronde, qui assure, outre l’accueil du jeune public local, des activités de formation professionnelle[9].

Les artothèques, qu’elles soient autonomes ou section d’une bibliothèque, disposent elles aussi depuis 1999 de leur association, l’l’Association de Développement et de Recherche sur les Artothèques (ADRA).

Créée en 1991, l’association Bibliothèques gourmandes réunit les personnes intéressées par le patrimoine culinaire.

Le numérique en bibliothèque a aussi fait l’objet d’une association, successivement et fort significativement dénommée, sous le sigle constant ADDNB, « association pour le développement des documents numériques en bibliothèque » puis « association pour le développement des démarches numériques en bibliothèque ». Créée en 1976 à la suite d’un groupe de travail des logithèques né au début des années 1970, elle a joué un rôle utile d’encouragement aux expérimentations et de popularisation de celle-ci avant de se saborder en février 2018, estimant sa tâche accomplie.

On peut ranger dans cette rubrique thématique SavoirsCom1, à l’origine collectif informel lancé en 2012 par des bibliothécaires sur le thème des biens communs de la connaissance. Promouvant cette notion et militant pour les libertés numériques, ce collectif constitue un exemple d’engagement qui, partant des bibliothèques, pose des questions éminemment politiques à l’ensemble de la société. Ce qui ne l’empêche pas de creuser des questions concernant directement les bibliothèques comme le livre numérique ou la protection des données des usagers. SavoirsCom1 est devenu une association déposée en avril 2018[10].

Les associations fonctionnelles ou spécialisées

Sont ici mentionnés les regroupements créés en vue d’une mission précise.

Les clubs d’utilisateurs de systèmes informatiques pour bibliothèques et services de documentation ont pour la plupart un statut associatif. Ils sont réunis depuis 1991 au sein de la Fédération des Utilisateurs de Logiciels pour Bibliothèques, Information & Documentation (FULBI).

Il existe deux associations dédiées aux ressources électroniques payantes pour les bibliothèques. Véritable consortium dont les membres sont les universités et autres organismes de recherche et d’enseignement supérieur, Couperin, créé en 1999, se désigne comme « réseau de négociation et d’expertise des ressources documentaires électroniques ». Réseau CAREL, sous-titrée « Coopération pour l’accès aux ressources numériques en bibliothèque », regroupe quant à lui des collectivités territoriales pour les besoins de leurs bibliothèques publiques. L’association a été fondée en 2010, prenant la suite d’une mission assurée sous l’appellation de CAREL (consortium d’acquisition des ressources électroniques en ligne) par la Bibliothèque publique d’information (BPI). Cette dernière, étant une bibliothèque d’État, continue dans le cadre de ses missions de coopération nationale à soutenir fortement l’activité de l’association.

Le Comité français international bibliothèques et documentation (CFIbd) réunit individus et associations intéressés par l’action internationale, en particulier la participation aux activités et congrès de l’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA).

Créée en 2007, l’association française Bibliothèques sans frontières (BSF) n’est pas à proprement parler une association professionnelle, mais une organisation non gouvernementale de type humanitaire qui agit en France et dans le monde. Elle peut cependant fournir aux bibliothèques françaises des outils et prestations et milite pour l’élargissement de leurs horaires d’ouverture. Dans un registre voisin, l’association Agir tous pour la dignité (ATD-Quart monde) a dans son panel d’activités l’organisation de bibliothèques de rues[11], qu’elle n’est pas seule à organiser bien sûr.

Signalons enfin les associations d’élèves ou anciens élèves. Si les deux associations successives d’anciens élèves de l’École nationale supérieure des bibliothèques (ENSB) devenue École nationale des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) ont disparu, il existe une Association des élèves conservateurs territoriaux de bibliothèques (AECTB) fondée en 2015, année à partir de laquelle ceux-ci ne sont plus formés à l’Enssib, mais à l’Institut national des études territoriales (INET).

Les associations et organismes de coopération sur une base territoriale

Dans les années 1980, le ministère de la Culture avait suscité la création d’agences régionales de coopération entre bibliothèques à statut associatif. Celles-ci, qui n’ont dû leur pérennité qu’au soutien des régions, sont presque toutes devenues des organismes interprofessionnels rassemblant toute la filière dite du livre, voire d’autres secteurs de l’activité culturelle. Ces « structures régionales pour le livre » (SRL) sont aujourd’hui au nombre de 15 dont la plupart ont un statut associatif, les autres étant des établissements publics[12].

Dans la lignée de cette évolution, la Fédération française de coopération entre bibliothèques, qui les regroupait depuis 1985, s’est transformée en 2006 en Fédération interrégionale pour le livre et la lecture (FILL) en conservant son statut associatif. À la FILL adhèrent également quelques autres organismes, dont la BPI et la BnF.

En Île-de-France, la région française la plus peuplée, deux SRL successifs, l’AC2L et le MOTif, ont disparu. Mais des associations départementales de coopération entre bibliothèques publiques se sont progressivement créées depuis les années 1990 dans chacun des sept départements autres que Paris (où les bibliothèques municipales relèvent d’une direction unique). Il s’agit de BIB 77 en Seine-et-Marne, Intermedia 78 dans les Yvelines, Mediabib 91 en Essonne, Bib92 dans les Hauts-de-Seine, Bibliothèque en Seine–Saint-Denis dans le département éponyme, Valmedia dans le Val-de-Marne et Cible 95 dans le Val-d’Oise.

Dans de nombreux départements avaient été créées des associations des amis de la bibliothèque centrale de prêt (BCP). C’était pour la collectivité territoriale départementale un moyen de compléter les moyens de l’État en finançant des acquisitions, des animations culturelles voir des postes de salariés. Après le transfert des BCP aux départements le 1er janvier 1986, la plupart de ces associations ont progressivement disparu, mais il en subsiste quelques-unes qui demeurent étroitement liées à la bibliothèque départementale. L’Association cantalienne des amis de la lecture (ACAL), issue de cet historique, joue aujourd’hui dans le département du Cantal un rôle comparable aux associations d’Île-de-France et est comme elles animée par des bibliothécaires.

Outre-mer, quelques associations locales de bibliothécaires existent comme l’Association des bibliothèques publiques de Martinique (ABPM) et l’Association des Bibliothécaires de la Province Nord de Nouvelle-Calédonie (ABPN), l’ABF disposant quant à elle de deux groupes régionaux : Antilles-Guyane et La Réunion.

Les associations de documentalistes

Traditionnellement distincte en France, à tort ou à raison, de la profession de bibliothécaire, celle de documentaliste se déploie dans un contexte institutionnel et de travail très différent. On range habituellement dans cette catégorie des salariés exerçant dans des services de documentation présents dans les organismes publics comme dans les entreprises privées. Mais il existe aussi des structures spécialisées dans la documentation, qu’il s’agisse de prestation de service, de conseil ou de formation, ainsi que des professionnels exerçant en freelance, comme on dit en France. Ce contexte marque un paysage associatif bien moins éclaté que celui des bibliothécaires.

L’ADBS

Créé en 1963 en tant qu’Association des documentalistes et bibliothécaires spécialisés (ADBS), ce grand regroupement généraliste est devenu Association des professionnels de la documentation et de l’information en conservant son acronyme historique. Elle dispose de 15 secteurs professionnels réunis dans un conseil des secteurs, de 19 groupes régionaux réunis dans un conseil des régions et de six commissions et groupes de travail. Une bonne partie de ses membres relève du secteur privé.

Les associations et regroupements spécialisés

L’Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale (APDEN) a pris en 2016 la suite de la Fédération des enseignants documentalistes de l’Éducation nationale, initialement « fédération des associations de documentalistes-bibliothécaires de l’Éducation nationale » (FADBEN) créée en 1989[13]. Elle regroupe les personnels de l’éducation nationale exerçant dans les centres de documentation et d’information (CDI) des lycées et collèges d’État. Ceux-ci disposent du statut d’enseignant. L’APDEN a pour pendant l’Association nationale des documentalistes de l’enseignement privé (ANDEP).

Interdoc est « l’association des documentalistes des collectivités territoriales » qui, contrairement aux bibliothécaires, exercent pour la documentation des élus et des services de ces collectivités et non du grand public.

Né en 1998 après avoir existé de manière informelle depuis 1991, le Réseau national des documentalistes hospitaliers (RNDH) regroupe des professionnels assurant dans les hôpitaux des fonctions documentaires médicales, paramédicales et administratives.

À partir d’un regroupement informel apparu en 1984 sous l’appellation Assistance et coopération documentaires en psychiatrie, l’Ascodopsy, qui se présente comme « réseau documentaire en santé mentale », s’est constitué en 2000 non une association, mais un groupement d’intérêt public (GIP[14]) qui regroupe aujourd’hui près de 100 établissements de santé mentale. Participent à ses travaux des documentalistes et des archivistes, mais aussi des professionnels de santé, ce qui en fait un organisme transprofessionnel.

Les associations mixtes de bibliothécaires et de documentaliste

Nous avons mentionné plus haut, parmi les associations de bibliothécaires, deux fédérations, la Fulbi, et le CFIbd. Celles-ci rassemblent également, comme on l’a vu, des documentalistes. Au demeurant, la frontière entre les deux professions, bien que traditionnelle en France, n’est pas si nette et l’ADBS, par exemple, compte traditionnellement parmi ses adhérents des bibliothécaires.

Les associations d’archivistes

Les services d’archives présentent en France des caractéristiques institutionnelles proches de celles des bibliothèques avec une domination de la fonction publique d’Etat et territoriale, même s’il existe des archives privées. Ce secteur professionnel dispose cependant d’un paysage professionnel beaucoup plus simple que celui des bibliothécaires.

L’AAF

Fondée en 1904, soit deux ans avant l’ABF, sous le nom sous le nom d’Association amicale professionnelle des archivistes français, l’Association des archivistes français (AAF) a pris ce nom en 1969. D’abord dominée par les archivistes d’Etat des archives nationales et des départements, elle s’est alors étendue aux archivistes municipaux, ainsi qu’à ceux d’organismes privés qui représentent aujourd’hui le tiers des quelque 1 700 adhérents.

Elle dispose de sections par type d’archives (nationales, régionales, départementales, communales et intercommunales, de santé, privées et enfin de l’enseignement supérieur), de 16 groupes régionaux, de trois commissions thématiques et d’un comité des métiers.

Les autres associations d’archivistes

À la différence des bibliothèques, les archivistes n’ont pas multiplié les associations thématiques ou spécialisées.

Né en 2015, le Réseau national d’actions des archives (Rn2A) ne représente pas un secteur particulier, mais a une vocation généraliste. Il organise des journées d’étude, souvent en collaboration avec d’autres organismes et lance des débats publics relatifs aux archives.

Citons encore l’Association des archivistes de l’Église de France (AAEF) ou la section France d’Archivistes sans frontières (ASF) qui, contrairement à BSF, n’agit qu’à l’étranger.

Du coté des étudiants ou diplômés, les archivistes sont particulièrement organisés puisque huit associations de ce type sont réunies dans le collectif A8[15].

Les regroupements interprofessionnels dans le domaine des bibliothèques, de la documentation et des archives

On aurait pu penser que la dispersion associative des bibliothécaires aurait suscité un regroupement, une simplification, comme cela été le cas par exemple en Allemagne.

Il n’en est rien et il est remarquable que les deux regroupements formalisés d’associations qui se sont succédé aient été interprofessionnels, réunissant bibliothécaires, documentalistes et archivistes.

Cela n’empêche pas les regroupements occasionnels de deux, trois ou quatre associations, voire davantage pour telle ou telle manifestation ou pour publier un communiqué commun.

L’ABCD

Fondée en 1992, l’Interassociation ABCD (pour archivistes, bibliothécaires, conservateurs, documentalistes) regroupait des associations de bibliothécaires, de documentalistes, d’archivistes et de conservateurs de musée. Elle a cessé de fonctionner après l’an 2000. Principalement animée par le documentaliste Jean Meyriat, elle a organisé des journées d’étude interprofessionnelles sur la déontologue et les problématiques des enjeux de l’information.

L’IABD

L’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD) est apparue en 2004. Elle est devenue une association à forme fédérative en 2010. Contrairement à l’ABCD qui était mue par une réflexion interprofessionnelle, l’IABD s’est créée comme un outil d’action dans le cadre de la préparation de la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur dans la société de l’information, processus qui allait aboutir à l’adoption en 2006 de la loi DADVSI (droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information)[16].

Elle a depuis poursuivi ses activités principalement en publiant des déclarations sur les questions de droit d’auteur et d’accès à l’information, mais aussi sur les questions d’organisation territoriale.

Son fonctionnement durable se heurte à la difficulté de trouver des sujets d’intérêt commun et au manque de disponibilité de représentants associatifs déjà mobilisé dans leur propre organisation.

Ses membres actuels sont au nombre de 18 : AAF, ABF, ACIM, ABD, ADBGV, ADBS, ADBU, ADCRFCB, ADDNB, APDEN, ADRA, AIBM-France, CLI-bd, FULBI, IB, Interdoc, Réseau Carel, Rn2A et RNDH.

La participation aux regroupements internationaux

Les Français sont présents à des degrés divers dans les associations et fédérations internationales :

Côté bibliothèques et documentation, citons en particulier au plan européen European Bureau of library and documentation associations (EBLIDA), la Ligue des bibliothèques européenne et recherche (Liber) et au plan international l’IFLA, celle-ci concernant aussi la documentation depuis la disparition en 2005 de la fédération internationale de documentation (FID). La participation à l’AIFBD (Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes), dont la présidente actuelle, Raphaëlle Bats, est française, relève plutôt de l’engagement individuel.

Côté archives, on peut mentionner le conseil international des archives/International Council of Archives (CIA/ICA), équivalent pour les archives de l’IFLA pour les bibliothèques et la documentation, et dont le siège à Paris, ou le Comité international du Bouclier bleu, qui possède un comité français ayant le statut d’association déposée et qui oeuvre pour la protection des biens culturels en cas de conflit.

Activités et organisation

Typologie organisationnelle

Les associations évoquées ci-dessous peuvent regrouper seulement des personnes physiques (ABD, ADBU, Rn2A), seulement des collectivités (Images en bibliothèques, Couperin, Réseau Carel, les clubs d’utilisateurs de logiciels) ou bien les deux (ABD, ADBGV, ADBS, ACIM).

Les fédérations rassemblent quant à elles des associations (FULBI, IABD) ou bien encore des associations et des personnes physiques (CFIbd).

S’agissant des adhésions collectives, il arrive fréquemment que les bibliothécaires parlent d’adhésion de « bibliothèques ». En réalité, en France, rares sont les bibliothèques qui ont une personnalité juridique (c’est par exemple le cas de la BnF ou de la BPI). Il faut donc généralement entendre par exemple qu’adhèrent, pour une bibliothèque municipale, la commune, et pour une bibliothèque universitaire, l’université.

Objectifs et fonctions

À quoi servent toutes ces associations ? Deux approches possibles permettent en principe de répondre à cette question. La première revient à considérer les textes produits par les associations : ce sont les objectifs énoncés. On trouve normalement dans leur statut l’énoncé des motifs qui ont conduit à leur constitution. La seconde approche consiste à observer et constater leur activité réelle : ce sont les fonctions exercées. Il est permis de combiner les deux.

Transparency international France a publié une intéressante typologie des organismes effectuant du lobbying auprès des parlementaires[17]. O y trouve notamment les organisations représentatives et les organisations de la société civile. Suivant les cas, l’une ou l’autre fonction, ou bien les deux, peuvent être attribuées aux associations professionnelles des bibliothécaires, documentalistes et archivistes.

Représenter

La fonction de représentation se manifeste de deux points de vue différents : à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté professionnelle.

Les professionnels ont tendance à attendre de « leur » association qu’elle les représente, cette attente n’étant pas moindre s’ils ne sont pas personnellement adhérents. Cette pression est naturellement plus importante sur les trois associations généralistes, l’ABF, l’ADBS et l’AAF. Elle est ambiguë et peut relever d’une double injonction : représenter une identité collective et agir efficacement face à des partenaires extérieurs. La représentation identitaire, dans sa logique interne, se moque de l’efficacité (c’est le côté miroir). L’action vis-à-vis de partenaires ne va pas sans recherche de compromis, quelle que soit la légitime fermeté des positions défendues[18]. Cela n’empêche naturellement pas qu’une expression ferme aboutisse à des résultats.

D’un autre point de vue, les associations sont sommées de s’exprimer au nom de toute une profession par ceux qui n’en sont pas : des autorités publiques, des journalistes, des représentants d’autres professions. Dans la presse, cela donne des titres qui commencent par « Les bibliothécaires… »

On peut tenir cette simplification pour fausse : qui peut penser qu’un porte-parole puisse exprimer les ressentis, opinions, analyses de l’ensemble de ses collègues ? À cela près qu’il ne s’agit pas là d’obtenir un reflet moyen des opinions des membres d’une profession, mais d’utiliser un système de représentation. Cela n’empêche que soient visibles sur la place publique, par la pluralité des organisations, mais aussi par les réseaux sociaux, de bien naturelles contradictions et oppositions.

Défendre ou promouvoir

Le premier grand objectif se décline en deux mots, selon que la posture adoptée soit de type défensif ou offensif. Mais défendre, promouvoir quoi ? Deux registres s’observent : le métier, ceux qui l’exercent, ou bien les établissements et les missions qu’ils représentent.

La défense des bibliothécaires, documentalistes, archivistes, de leurs « intérêts matériels et moraux » comme on disait autrefois, pourrait s’apparenter au syndicalisme. En réalité, dans le contexte français, associations professionnelles et syndicats de personnels se distinguent nettement plutôt qu’ils ne s’opposent. Aux seconds, les revendications collectives sur les conditions de travail et de rémunération, individuelles sur les carrières et les situations personnelles. Aux premiers, la défense et illustration de l’utilité des métiers représentés et des établissements où ils s’exercent.

Mais si les statuts de l’AAF mentionnent « la promotion et la défense des intérêts de la profession par tous les moyens appropriés[19], ceux de l’ADBS lui assigne pour objectif « de contribuer à la promotion de la documentation et de favoriser l’exercice de la profession de documentaliste ou de bibliothécaire ayant une activité documentaire[20] » tandis que ceux de l’ABF parlent plutôt de « placer les bibliothèques au coeur de la société[21] ».

Entre profession et équipements, on voit la largeur du spectre et la façon dont le curseur est plutôt placé d’un côté ou de l’autre. Il est assez compréhensible que la révolution numérique notamment repose plus brutalement la question de la documentation sous l’angle du ou des métiers, qui éclatent en de multiples appellations et spécialisations, tandis que la question des équipements de bibliothèques est réinterrogée, comme le succès en France de la notion de troisième lieu en témoigne[22].

On peut rattacher à cette mission de promotion la proclamation de valeurs qui permettent de dépasser le cloisonnement dans lequel pourrait s’enfermer une profession pour la rattacher à des enjeux d’utilité publique.

Ainsi l’ABF, qui avait publié un Code de déontologie du bibliothécaire[23] en 2003, a-t-elle lancé en 2015 une Charte du droit fondamental des citoyens à accéder à l’information et aux savoirs par les bibliothèques, Bib’Lib : Bibliothèque pour l’accès libre à l’information et aux savoirs[24]. L’ACIM a de son côté lancé en 2011 un manifeste intitulé La musique a toute sa place en bibliothèque[25].

L’ADBS a rendu public en avril 2018 un manifeste intitulé Promouvoir les métiers de l’information et de la documentation[26] et le préambule proclame « Militons pour une société responsable fondée sur l’information construite et partagée ». L’AAF, elle a adopté en assemblée générale en mars 2018 une Charte associative[27]. Quant à Savoirscom1, il a accompagné l’annonce de sa création en tant que collectif d’un manifeste[28] fondé sur la notion de « communs de la connaissance ».

L’APDEN de con côté a publié en 2012 un manifeste intitulé Enseignement de l’information-documentation et ouverture à la culture informationnelle[29].

Un terme a été récemment introduit chez les bibliothécaires français : celui d’advocacy, à la suite de sa promotion par l’IFLA. Non traduit en français (le terme « plaidoyer » ne semblant pas véritablement en rendre compte), il est bien connu d’un nombre croissant de professionnels, mais peine à être compris au-delà.

L’ABF s’est dotée en 2016 d’une commission Advocacy[30] et l’ADBS se présente ainsi sur son site : « [...] une politique de lobbying (advocacy) en faveur des bibliothèques universitaires et de l’IST en France et en Europe[31]. »

Proposer, influencer, peser

L’État et le Parlement

Nous sommes en France. Le pouvoir y est moins concentré qu’on ne le dit souvent, mais on attend de l’État qu’il mène une politique nationale en matière de bibliothèques et d’archives, voire de documentation.

C’est pourquoi les cibles principales des efforts des principales associations sont les ministères : culture pour les bibliothèques publiques (ABF, ADF, ADBGV) et les archives (AAF, Rn2A), enseignement supérieur pour les bibliothèques de ce secteur (ADBU et dans une moindre mesure ABF). Cela passe par des communiqués, des déclarations, la recherche de contacts jusqu’au niveau du ou de la ministre, mais aussi par des relations souvent plus techniques avec les services des ministères.

Mais la recherche d’influence peut également se porter à la source de la loi ce qui nécessite d’entrer en contact avec des membres du Parlement, qui en France se compose de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce type de démarche, moins fréquent, a caractérisé les premières années de l’IABD qui entendait peser sur le contenu de la loi DADVSI.

Les collectivités territoriales

Les bibliothèques publiques relevant pour la plupart des collectivités territoriales, il ne peut être question pour les associations professionnelles de s’adresser à chacune. Aussi des contacts sont-ils recherchés avec les associations d’élus, qui sont nombreuses. On citera pour simplifier l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalités (AMF) et l’Assemblée des départements de France, généralistes, ainsi que la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la Culture (FNCC). Ponctuellement, l’ABF peut s’adresser y compris publiquement à un maire qui baisse radicalement le budget de ses bibliothèques ou impose une tarification à l’entrée des locaux pour les personnes n’habitant pas la commune. Mais il s’agit pour l’essentielle de populariser et légitimer une vision dépoussiérée des bibliothèques, si souvent victimes de clichés, ou des enjeux archivistiques souvent mal compris.

La presse et la population

Les associations, du moins les moins spécialisées, peuvent s’efforcer de toucher le grand public, d’une part en tant qu’électeur, d’autre part en tant qu’usager actuel ou potentiel. Il s’agit de contribuer à promouvoir une vision vivante, actualisée des services de nature à encourager leur utilisation, mais aussi à faire des bibliothèques de la documentation ou des archives des enjeux de politiques publiques reconnus par les citoyens et pris en charge par les pouvoirs publics.

Pour atteindre le grand public, le meilleur moyen pour les associations professionnelles est de toucher la presse. Cela n’arrive pas tous les jours, mais il est possible d’obtenir une certaine couverture médiatique lors d’événements nationaux[32].

Plus aisée est la sensibilisation de la presse quotidienne régionale, qui peut rendre compte d’événements locaux, mais aussi nationaux : le congrès de l’ABF, qui a lieu deux fois sur trois dans une autre ville que Paris, fait alors pratiquement toujours l’objet d’au moins une pleine page dans le quotidien de la région concernée.

Mais les organes de presse imprimée ou en ligne les plus aisément joignables par les associations professionnelles sont les titres spécialisés, qu’il s’agisse du livre (Livres-Hebdo[33], Actualitté[34]…), ou des collectivités territoriales (La gazette des communes[35], La lettre du cadre territorial[36]). Force est de constater que ces titres ne touchent pas le grand public. Mais ils sont éventuellement lus par les décideurs (élus et cadres dirigeants des collectivités)… et par les professionnels eux-mêmes.

« Faire vivre et animer la communauté professionnelle »

Cette formule de l’article des statuts de l’ABF[37] résume bien une des fonctions essentielles des associations professionnelles. Elle recèle un danger : celui de rester dans l’entre-soi. Elle constitue une force : la participation à une association procure une « vie professionnelle augmentée ». S’organisant en association, une profession, une spécialité professionnelle, se constitue en intellectuel collectif, échange, réfléchit, se documente, se forme.

Au-delà des traces conservables de ces échanges, ce qui caractérise la vie associative, c’est qu’elle est le fait de gens qui se rencontrent en se parlant.

Il est particulièrement remarquable qu’alors que depuis le début des années 1990 les moyens techniques de communication à distance entre les personnes se sont développés à une échelle auparavant inimaginable, les rencontres physiques n’aient pas régressé, bien au contraire.

Activités

L’action politique

On entend ici par « action politique » toute prise de position ou activité manifestant la présence de sujets professionnels dans le champ des politiques publiques.

Les associations peuvent tout d’abord s’exprimer publiquement par des communiqués. Ceux de l’ABF des dernières années sont aisément accessibles sur son site (onglet L’ABF > Prises de position[38]). Ces proclamations souvent reprises dans la presse spécialisée peuvent avoir une double utilité : exprimer une position, voire un mécontentement ou une colère, sans autre impact concret, ou bien peser effectivement sur les décisions des pouvoirs publics.

Mais l’expression peut être plus technique, avec la publication de dossiers qui peuvent servir de support avec les pouvoirs publics. Les principales associations en propose sur leur site Web.

Par ailleurs les représentants d’associations professionnelles sont amenés à entrer en contact, à leur initiative ou sur invitation, avec les pouvoirs publics ou les représentants d’organismes professionnels comme des auteurs ou des éditeurs.

Les échanges et rencontres

C’est la partie la plus visible des activités associatives.

Cela va des rencontres informelles ou par petits groupes jusqu’aux journées d’étude formalisées régulièrement annoncées sur le site Web des associations, par messagerie et sur les réseaux sociaux.

L’ampleur maximale est atteinte, sur plusieurs jours, par les congrès annuels de l’ABF et de l’ADBU ou les journées d’étude annuelles de l’ADBDP, puis de l’ABD.

L’ADBS n’organise pas de congrès propre, mais est partenaire d’une manifestation professionnelle annuelle, le salon i-expo-Documation[39].

Au sein de l’AAF, ce sont différentes sections spécialisées qui se réunissent éventuellement en journées annuelles. Le Rn2A a organisé en octobre 2017 des États généraux pour les archives[40].

Si ces congrès sont des grands moments de rencontre et d’échanges entre professionnels, ils peuvent être aussi être marqués par la présence de représentants des ministères, des collectivités territoriales ou des universités et, en tout cas pour ceux de l’ABF et de l’ADBU et le salon i-expo-Documenta, de divers fournisseurs privés participant à un salon professionnel.

La formation

Congrès et journées d’étude sont considérés comme des actions de formation et c’est à ce titre que les participants salariés y prennent généralement part en étant pris en charge dans leurs frais d’inscription, de transport et d’hébergement par leur employeur. Mais plusieurs associations parmi les plus importantes développent un véritable programme de formation tout au long de la vie avec une offre de stages.

Cette activité est de longue date celle de l’ADBS[41] même si la présidente a annoncé en 2018 une réorientation vers une « offre de formation resserrée autour de fondamentaux et de stages en format hybride[42] », tout en lançant une nouvelle activité de coaching[43].

L’ABF se concentre quant à elle sur une formation initiale de niveau élémentaire préparant à un titre d’auxiliaire qu’elle délivre elle-même et qui est régulièrement reconnu par le ministère au « niveau V », qui est inférieur au baccalauréat[44]. Cette formation assurée par des professionnelles des bibliothèques est potentiellement dispensée dans 17 centres régionaux même si tous ne fonctionnent pas chaque année.

L’AAF propose pour sa part un programme de stages thématiques ainsi que des stages sur mesure aux entreprises et collectivités[45].

Les publications et la présence sur les réseaux sociaux

En matière de publications, on note un très net recul du papier.

L’ADBS a suspendu en 2017 la parution de sa revue 2ID (qui avait été lancée en 1963 sous le nom Documentaliste - Sciences de l’information). Après avoir édité elle-même un grand nombre d’ouvrages dans les collections « Sciences et techniques de l’information » et « L’Essentiel sur... », aujourd’hui disparues, elle a lancé en 2013 une collection publiée par les éditions de Boeck (une dizaine de titres étaient disponibles en mai 2018[46]).

L’AAF publie toujours des manuels, des guides et des actes de journées d’étude (une vingtaine de titres étaient disponibles en mai 2018[47]). Sa revue la Gazette des archives est toujours publiée sur papier[48]. Créée en 1933, elle est aujourd’hui trimestrielle. Ses archives sont consultables sur le portail Persée[49].

L’ABF publie de petits volumes dans sa collection Médiathèques (11 titres disponibles en mai 2018)[50]. Ils sont disponibles en version imprimée et, à moitié prix, en version numérique. Sa revue Bibliothèques, auparavant trimestrielle, est en cours de refonte. Dans l’immédiat deux numéros sont parus en 2017[51]. Avec un embargo d’une année, les numéros de Bibliothèques depuis sa création en 2007 sont disponibles sur le site de l’Enssib[52], de même que son prédécesseur le Bulletin d’informations de l’ABF (1954-2001)[53].

L’ADBDP a interrompu sa publication Transversales en 2006[54].

La jeune association Rn2A a déjà publié plusieurs numéros d’une publication qui n’est en tout cas pour l’instant accessible que sur papier : 7 messidor. Elle doit son nom à la date de la loi qui a rendu les archives publiques librement accessibles à tous les citoyens, le 7 messidor an II (25 juin 1794).

L’APDEN publie dispose d’une revue trimestrielle, Mediadoc, lancée en 2008 à l’époque par la FADBEN[55]. Une partie des articles sont disponibles par téléchargement.

Depuis 1992, Bibliothèques gourmandes publie sur papier sa revue semestrielle Papilles.

Bien naturellement, la quasi-totalité des associations dispose d’un site Web dont parfois une partie n’est accessible qu’aux adhérents. Beaucoup sont présentes sur Facebook et Twitter.

L’AAF gère une liste de discussion sur le site Yahoo Groupes France[56]. L’ABF gère pour sa part depuis 2013 le forum Agorabib organisé en dossiers thématiques[57]. De nombreuses associations disposent de listes de discussions internes permettant la communication entre les adhérents ou les membres d’instances élues.

Modes d’organisation

Moyens

La question des moyens est évidemment essentielle, mais se pose différemment selon les charges auxquelles les associations doivent faire face.

Les charges les plus lourdes sont évidemment celles concernant le personnel et les locaux. L’ABF, l’ADBS, l’APDEN et l’AAF disposent de locaux ce qui entraîne des frais associés à la location ou à la propriété (remboursement de prêt, charges de copropriété). En mai 2018, l’ABF et l’AAF employaient chacune cinq salariés permanents, l’ADBS deux et l’ADBU un[58]. S’y ajoutent parfois des recrutements temporaires pour certaines actions comme les congrès. Il faut aussi assurer, le cas échéant, la rémunération des formateurs et parfois celle des intervenants des congrès et journées d’étude mêle si cette pratique n’est pas généralisée.

Les publications sur papier représentent également des charges non négligeables. Il faut aussi tenir prendre en compte la mise au point et l’entretien des sites Web ainsi que la production des documents électroniques.

Enfin les différentes formes de rassemblement (réunions, journées d’étude, congrès) entraînent des frais de déplacement, de séjour, voire de location de locaux. On peut enfin citer les tâches administratives et comptables, qui quand elles ne sont pas effectuées par des salariés peuvent l’être par des prestataires de service.

Pour faire face à ces charges, les associations peuvent compter sur différents types de recettes :

Les cotisations des adhérents sont quasi générales. Elles suffisent rarement à couvrir toutes les dépenses.

Plusieurs des associations citées obtiennent des subventions de l’État ou de divers organismes publics. Celles-ci ne concernent pas le fonctionnement des associations aidées dans leur ensemble, mais portent sur des actions précisément énoncées. L’ABF sollicite toujours une aide des villes où s’organisent ses congrès et l’obtient le plus souvent.

La vente de produits concerne les publications, les droits d’entrée dans les journées d’étude et les congrès ainsi que les frais d’inscriptions aux formations.

Les salons professionnels accompagnant les congrès représentent une recette importante de nature à permettre ce type de manifestation.

Mais, quelles que soient leurs charges, les associations ne vivraient pas sans l’engagement bénévole d’adhérents, qu’ils soient ou non élus. Pour les plus petites, c’est d’ailleurs leur seul mode de fonctionnement.

Pour celles qui doivent faire face à des charges importantes, force est de constater une tendance à la réduction des charges. C’est le cas des frais de personnel : l’ADBS et dans une moindre mesure l’ABF les ont réduits ces dernières années, mais aussi celui des publications, avec une tendance à la réduction ou de la disparition des publications sur papier sans qu’un équivalent numérique ne soit toujours proposé.

Gouvernance et vie associative

La loi du 1er juillet 1901 relative aux associations impose à celles qui sont officiellement déposées de communiquer en préfecture les statuts, formant le « contrat d’association », ainsi que les noms et coordonnées de « ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration », tout changement intervenu devant être déclaré dans les trois mois[59]. Le cadre légal est donc d’une grande souplesse.

Cependant, tant la jurisprudence que l’usage fait des dirigeants des associations des mandataires qui doivent être désignés d’une façon ou d’une autre par les adhérents[60]. Les contraintes sont plus importances pour les associations reconnues d’utilité publique : c’est le cas de l’ABF depuis 1969.

Le schéma le plus courant est que les adhérents élisent en leur sein un conseil d’administration (CA), lequel désigne en son sein un bureau comprenant généralement au moins les fonctions suivantes : présidence, secrétariat, trésorerie. Une assemblée générale annuelle est également courante. Elle procède à l’élection du conseil d’administration si celui-ci n’est pas élu par correspondance et se prononce sur un rapport d’activité, un rapport financier et un rapport d’orientation.

Les associations les plus importantes et les plus généralistes se dotent de section par secteur d’activité (AAF, ADBS), de groupes régionaux (ABF, ADBS) ou encore de commissions thématiques (AAF, ABD, ADBS, ADB, ADBU).

À l’ABF, c’est le Conseil national qui fait office de CA. Il est composé des présidentes et présidents des groupes régionaux[61], les responsables des commissions pouvant y siéger sans voix délibérative. Les groupes régionaux disposent de CA élus par les adhérents.

À l’ADBS, le CA est directement élu par les adhérents, mais il est compété par trois représentants des secteurs et trois représentants des régions.

Derrière cette description formelle se pose évidemment les questions de la démocratie et de la gouvernance.

Si les candidats aux postes d’administrateur et de membre du bureau sont souvent invités à présenter une profession de foi, la vie démocratique des associations professionnelles ici décrite ne se structure guère sous la forme de différences voire de luttes entre courants bien identifiés.

Entre deux élections, les décisions sont normalement prises par les élus, typiquement de premier niveau (conseil d’administration) ou de second (bureau, président), les adhérents pouvant les évaluer lors des assemblées générales. En dehors de ces échéances et instances, on peut procéder à des consultations ou du moins veiller à une écoute des remontées des adhérents. À l’inverse il est souvent nécessaire de réagir vite en cas d’événement particulier ou pour s’exprimer dans la presse ce qui revient à accepter le principe de la délégation (des adhérents au CA, du CA au bureau), classique en démocratie. Naturellement, ces questions ne peuvent être abordées de la même façon s’agissant d’associations comprenant plusieurs centaines voire milliers d’adhérents ou d’une association comme l’ADCRFCB qui par définition ne peut en comporter plus de 12.

On peut noter que l’annonce de la création de l’association SavoirsCom1 s’est accompagné de la promotion d’un mode de gouvernance différent, sans CA ni bureau, avec un collège de membres-contributeurs et de membres-facilitateurs, l’assemblée générale étant considérée comme « permanente, […] au sens où chacun peut à tout moment intervenir […] à distance ou en présentiel[62] ».

Il faut ajouter un élément important pour les associations concernées : le rôle des salariés ou du moins de certains d’entre eux. Il n’est pas rare que des permanents d’une association aient un grand poids dans le processus décisionnel et soient au premier plan dans les tâches de représentation et de porte-parolat. Dans les cas qui nous occupent, même si leur rôle peut différer d’une association à l’autre et dans le temps, le poids des adhérents et de leurs élus apparaît prépondérant.

Questions pendantes

Au terme de ce tour d’horizon, il est permis à l’auteur de risquer sous sa propre responsabilité quelques développements sur les questions posées aux associations professionnelles.

Les associations et la communauté professionnelle

Les associations professionnelles, dans les domaines des bibliothèques, de la documentation et des archives comme ailleurs, n’ont jamais eu le monopole de l’expression et de l’organisation au sein de leur communauté professionnelle. Il y a toujours eu d’autres outils de débat et de reconnaissance mutuelle. Mais avant la révolution numérique, les organes et outils étaient rares : il fallait passer par les associations et les revues, l’accès à la prise de parole était rare.

La révolution numérique a bouleversé la donne, permettant à chacun de s’exprimer tout en démultipliant ses canaux d’information. Même si les canaux sont techniquement mondiaux et donc, si on s’y exprime en français, ouverts à toute la francophonie, les Français les ont surutilisés dans leur propre contexte. Ce fut d’abord, de 1993 à 2009, la liste de diffusion par messagerie Biblio-fr qui joua un grand rôle dans l’extension ses échanges professionnels, dans une logique de tous à tous. On a vu dans les années 2000 le développement des blogues personnels à contenu professionnel, dans une logique du « un à tous » mâtinée, par la grâce des commentaires, d’une dose de « tous à tous ». Puis ce fut le déferlement des réseaux sociaux dont les professionnels des bibliothèques, de la documentation et des archives se sont emparés, en particulier Facebook et Twitter. Sur Facebook, outre les comptes personnels, deux groupes sont particulièrement caractéristiques : Tu sais que tu es bibliothécaire quand[63] et Professionnels des bibliothèques[64]. Le premier permet à tout un chacun à la fois de partage rumeurs et anecdotes et de poser des questions, le second étant plutôt dédié à la veille. Il faut aussi signaler les forums, dont Agorabib créé par l’ABF en 2013 en partie pour combler la disparition de Biblio-fr, mais ouvert à tous.

Tous ces outils, qui ont permis qu’émerge et soit visible une parole multiple, non autorisée, non policée par les usages et les filtres, ont multiplié les acteurs de la veille professionnelle, d’autant que s’y ajoutent les outils de curation. Les associations ne jouent donc plus un rôle central dans l’information professionnelle au jour le jour, si tant est qu’elles l’aient jamais joué. Il ne faut pas le regretter puisque les possibilités de circulation des faits et des idées sont accrues. D’une certaine façon, la culture professionnelle se constitue sur une base élargie, tandis les opinions personnelles, dans une inévitable et peut-être indispensable cacophonie, se répandent davantage.

Les associations sont donc conduites à mieux cibler leur politique de veille, ce que toutes ne font pas bien sûr, et à valoriser leurs outils traditionnels que sont les congrès et journées d’étude, dont la formule se renouvelle en partie avec ces manifestations d’ateliers participatifs qu’on nomme « camp » ou, chez les bibliothécaires, « bibcamp ».

En revanche, on voit mal la double fonction de représentation que nous avons exposée plus haut être prise en charge de façon informelle. Les autorités recherchent toujours à débattre avec des représentants des professions, dont les membres attendent toujours que des organes les représentent, quitte à critiquer la façon dont ils le font. La représentation ne s’est pas dissoute dans le Web et les réseaux sociaux, elle y est au contraire plus que jamais exposée et commentée.

La recherche de l’influence peut, elle, être davantage diluée, mais les associations y conservent un rôle prépondérant par leur accès aux autorités et aux médias. Quant à l’action vis-à-vis des pouvoirs publics, elle demeure aussi principalement l’apanage des associations ou de groupes organisés en collectifs informels, mais bien identifiés.

Les associations, les mouvements sociaux et les décideurs

Les bibliothèques, centres de documentation et services d’archives sont des lieux de travail comme les autres. Il est normal que s’y produisent des conflits du travail. Dans le contexte français, ceux-ci relèvent de la responsabilité des organisations syndicales, qui ne sont pas organisées par métier, mais par employeurs et partagées en de nombreuses confédérations et fédérations nationales.

C’est tout particulièrement dans les bibliothèques que, depuis les années 2000, les frictions ont eu tendance à se multiplier en raison d’une baisse tendancielle des moyens de l’État et des collectivités territoriales. En même temps, les activités des bibliothèques se sont diversifiées et il leur est de plus en plus demandé d’adapter et d’étendre les heures d’ouverture au public. Ces causes de tensions se surajoutent à un contexte de mutation des bibliothèques qui réinterroge les activités et compétences professionnelles.

Les associations ne se situent pas dans la même logique que les organisations syndicales. Elles n’ont pas en charge la négociation locale de l’organisation du travail ou des conditions de rémunération. Elles ont tendance à parler de complémentarité et de partage des rôles, même si cette distinction n’est pas partagée par tous les professionnels, chacun pouvant agir comme salarié dans son organisation et participer par ailleurs aux activités associatives.

Elles s’estiment davantage dans leur rôle quand le service public est à leurs yeux menacé et c’est de ce point de vue qu’elles interviennent. Ce fut le cas par exemple en 2018 quand une municipalité du sud-est de la France avait décidé de rendre payant l’accès aux locaux de sa bibliothèque les personnes ne résidant pas dans la commune. Une campagne de presse, des lettres et des communiqués de l’ABF ont permis que cette mesure soit levée[65].

Où allons-nous ?

Sur une période longue, force est de constater une tendance à la multiplication des associations françaises. Au départ, archivistes dès 1905, bibliothécaires l’année suivante et enfin documentalistes en 1963 se sont dotés d’une organisation.

Dès les années 1980, mais avec une accélération dans les années 1990 et 2000, ont fleuri toute une série d’associations sectorielles, thématiques ou spécialisées. Ce phénomène peut s’analyser comme un éparpillement aboutissant à une déperdition de forces, donc une moindre efficacité. On peut aussi considérer qu’elle favorise ou accentue un cloisonnement entre sous-professions nuisant à une vision globale.

À l’inverse, l’existence d’organisations multiples peut favoriser une participation plus nombreuse et variée en termes de profils personnels et permettre des échanges et des actions plus pertinentes sur tel type d’établissement, tel public desservi, tel contenu documentaire, tel terrain géographique ou telle autre thématique.

Cependant, cet éclatement, plus marqué chez les bibliothécaires que dans les deux autres professions évoquées, peine à être compensée par des logiques de rassemblement qui se sont produites dans d’autres pays.

Nous avons vu que l’AAF et l’ABF sont nées au début du XXe siècle comme amicales, comme s’il s’agissait de cultiver un entre-soi. L’ABF a longtemps été associée à la Bibliothèque nationale, qui l’hébergeait dans ses locaux, et l’AAF aux Archives nationales. Ce n’est que peu à peu que les associations ont pris une tournure plus professionnelle dans leurs activités, voir plus militantes. Cette évolution s’est accompagnée d’une sorte de dénotabilisation, la participation aux activités associatives gagnant des catégories de personnel plus diversifiées. Cependant il demeure — hélas ! — plus courant, plus facile sans doute de participer à des activités associatives quand son rang est plus élevé dans la hiérarchie.

Ayant survécu à la révolution numérique en y trouvant à la fois de nouveaux outils et de nouveaux champs d’action, les associations professionnelles ne se trouvent pas moins face à d’importants défis.

Le premier est celui de l’adhésion. À l’heure où nombre d’informations et d’outils d’expression sont aisément accessibles gratuitement, pourquoi se donner la peine de payer une cotisation ? Cette question se pose d’autant plus dans un pays où par exemple le taux de syndicalisation est plus faible qu’ailleurs. Cette question est surtout cruciale pour les plus grandes associations.

Le second est celui du vivier des professionnels prêts à s’investir et à prendre des responsabilités. C’est une question qui se pose à chaque renouvellement des instances. La vitalité d’une organisation se mesure à sa capacité à conjuguer mémoire et renouvellement, ce qui passe aussi par une diversité générationnelle. Une panne dans le renouvellement générationnel constituerait une sérieuse cote d’alerte. Elle ne semble pas atteinte.

Le troisième défi est celui des modes d’organisation et de gouvernance. Nombre d’associations françaises reposant sur leurs adhérents sont structurées en organes élus, a minima conseils d’administration et bureaux. Il est possible que d’autres modèles émergent avec une structure moins formalisée, même si la question se pose différemment en fonction de la taille de l’association. Il serait en tout cas nécessaire de favoriser toujours davantage la mise en place des dispositifs favorisant une large participation.

Il faut cependant tenir compte d’une loi qui, schématiquement, a été formulée sous la forme du « 90 9 1 » : dans un réseau social, il y aurait 90 % d’utilisateurs passifs, 9 % d’utilisateurs occasionnels et 1 % d’utilisateurs actifs de façon permanente[66]. Sans prendre au pied de la lettre ces proportions, on peut émettre l’idée qu’il s’agit là d’une sorte de constante anthropologique dans les sociétés ouvertes. Tout le monde ne participe pas à tout instant, mais le fait que certains participent, qui ne sont d’ailleurs pas toujours les mêmes, fait que la communauté concernée est vivante.

On permettra à l’auteur du présent article de livrer pour finir un témoignage personnel. Ayant fait toute sa carrière professionnelle dans les collectivités locales, il assure qu’il y a peu de professions du service public qui sont à ce point organisées, connectées, nourries par des revues, par des journées d’étude et par les réseaux sociaux. Quelle que soit la forme que cela prendra, il est probable que cela va continuer. C’est un moteur du changement, car c’est ainsi que s’élabore l’intelligence collective.