Corps de l’article

Jacques Le Goff, qui n’est pas à confondre avec l’historien médiéviste français avec qui il a une parfaite homonymie, fut inspecteur du travail. Il a longtemps dispensé le cours de droit public à l’Université de Brest et compte dans sa bibliographie des ouvrages de référence aux Presses universitaires de Rennes : Du silence à la parole. Une histoire du droit du travail des années 1830 à nos jours (2006), Droit du travail et société (2001 et 2003). Par ailleurs, il est chroniqueur à Ouest-France et préside l’Association des amis d’Emmanuel Mounier. Dans cet ouvrage de quatre chapitres, l’auteur aborde la problématique de la pénibilité au travail et sa valeur comme levier de construction de la personne. Il observe une évolution dans la notion du travail. Jadis, le discours social chrétien focalisé sur le statut des travailleurs, s’articulait autour de la dimension austère du travail perçu comme une peine rédemptrice, d’une part, et une vision positive du travail agent de moralisation, d’autre part.

La pensée chrétienne, aux côtés d’autres courants de pensée, n’est pas en reste dans cette nouvelle mise en exergue de la valeur du travail à travers le concept de la personne dans ses dimensions sociale et spirituelle. Aussi Jacques le Goff, en connaisseur averti du monde du travail, a-t-il recours à une panoplie de disciplines telles que l’économie, la philosophie, la sociologie, le droit et la théologie, pour aboutir à ce questionnement éthique : quel est l’apport de la pensée chrétienne en général et celle de l’Église catholique en particulier sur ce retour en grâce du travail ?

L’auteur, jetant un regard rétrospectif sur les différentes évolutions de la valeur du travail depuis les années 1950, met en dialogue plusieurs disciplines scientifiques avec la réflexion sociale de l’Église. Il construit son questionnement sur le travail autour de deux enjeux majeurs que sont les notions de l’accomplissement et de la reconnaissance. La résultante de cette mise en perspective des deux axes avec la théologie, permet à l’auteur de proposer dans le quatrième chapitre de son ouvrage une contribution de l’Église : la valorisation du travail comme source d’épanouissement tant sur un plan personnel que collectif.

Sans conteste, cet ouvrage demeure une vraie référence bibliographique pour comprendre l’évolution de la notion du travail dans une approche critique, une mise en tension de plusieurs disciplines scientifiques avec le discours social de l’Église. La contribution de l’Église « à la redécouverte d’une valeur » du travail est l’objectif assigné à cet ouvrage par l’auteur. Dans cette optique, la mention des différentes encycliques sociales est fort appréciable. Cependant, les rares allusions à Laborem Exercens étonnent ; on s’attendrait de la part de l’auteur à une plus grande exploitation de cette encyclique majeure sur le travail en vue de l’élaboration d’une théologie du travail.