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Introduction

Depuis Piaget (1936), le concept de développement concerne des formes d’adaptation relevant d’une forme d’invention en cours d’action, qui d’une certaine manière pourrait renvoyer à l’idée de créativité de l’agir (Joas, 1999). Dans cette perspective, l’activité permettrait la construction de structures cognitives estimées opératoires. En développant l’approche de Piaget dans le cadre d’une théorie de la conceptualisation dans l’action, Vergnaud (1999) indique en outre que ce développement se poursuit chez l’adulte. Selon cette perspective, les travaux en didactique professionnelle (Pastré, 2011) ont donné de multiples exemples liés au fait de pouvoir apprendre par l’activité en situation, notamment dans le cadre de « situations potentielles de développement » (Mayen, 1999). Cette approche s’intéresse au fait que l’activité contribue au développement. Cette approche se retrouve dans le champ éducatif, dans la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998, 2012), la problématisation (Durand & Fabre, 2007 ; Fabre, 2009, 2011), ainsi que dans les démarches d’investigation en didactique des sciences (Grangeat, 2011, 2013). De nombreuses propositions d’activités d’apprentissage scolaire ou de formation prennent donc appui sur le fait de former par les situations. Ces approches permettent de mobiliser l’intelligence des situations, la Métis des Grecs (Fabre, 2009), qui se déploie pour faire face aux situations-problèmes. D’après Vygotski (1934/1997), les meilleures situations d’apprentissage sont celles qui permettent de devancer le développement, en jouant dans la zone de proche développement (ZPD) des personnes.

Pour Vygotski (1934/1997), la ZPD est définie en termes d’écart entre le niveau de développement actuel, déterminé par les problèmes que l’élève résout seul, et le niveau de développement potentiel, déterminé par les problèmes que l’élève résout quand il est assisté par autrui. Mais cette zone est-elle si évidente à déceler dans les situations d’enseignement et de formation ? Comment faire en sorte que les situations soient porteuses de développement, et non de déstabilisation si elles s’avèrent trop complexes ? C’est à cet ensemble de questions que nous allons tenter d’apporter des éléments de réflexion à partir de notre étude.

Toute situation d’enseignement-apprentissage concerne un couplage des activités de l’enseignant avec celles des apprenants (Altet, 2002). Lemonie (2014) définit les interactions d’enseignement-apprentissage en tant que processus co-actionnelle susceptible de contribuer à construire aussi bien l’expérience de l’élève que celle de l’enseignant. C’est pourquoi nous étudions ici le développement conjoint de l’un et de l’autre. Avant cette recherche, nous avons réalisé une série d’études traitant des dynamiques de problématisation dans des séances de débriefing après observation en astronomie (Munoz & Villeret, 2012a, 2012c, 2012d). Plusieurs questions ont déjà pu être explorées : la place des inducteurs de problématisation dans la dynamique de problématisation (Munoz & Villeret, 2012e), les fonctions de tutorat déployées par l’enseignant (Munoz & Villeret, 2013) et le rôle du figuratif dans la conceptualisation de phénomènes astronomiques (Villeret & Munoz, 2013a). Nous prolongeons ici une question débutée depuis plusieurs années (Munoz, Villeret & Bourmaud, 2014) qui cherche à savoir comment ces séances d’investigation en science permettent des formes de développement chez les élèves et chez les enseignants qui les mettent en oeuvre. Nous adopterons ici le plan suivant : 1/ en débutant par l’exposition de notre cadre théorique, fondé pour l’essentiel sur les paradigmes de la problématisation et de la théorie de la conceptualisation dans l’action, 2/ en poursuivant par la présentation du contexte et du cadre méthodologique, 3/ puis de nos analyses, 4/ pour finir par une discussion des résultats.

Cadre théorique : se développer en cours d’activité

Notre cadre théorique propose un point de vue sur le développement humain. Avant de présenter chacune des trois approches que nous utilisons (théorie des situations didactiques, problématisation et conceptualisation dans l’action), il importe d’en établir d’abord la source commune. Elles relèvent d’un point de vue (socio) constructiviste qui postule que les connaissances sont construites par le sujet lui-même en interaction avec une situation-problème dans le paradigme des situations didactiques ou de la problématisation, ou confronté à une situation professionnelle nécessitant une adaptation au-delà d’une simple application d’une procédure en didactique professionnelle. Dans tous les cas, il est question d’un développement tout au long de l’activité, où une dimension productive (la tâche à réaliser) est étroitement liée à une dimension constructive (le développement des compétences et des ressources du sujet pour réaliser la tâche).

La théorie des situations didactiques

Les travaux issus des didactiques disciplinaires, notamment ceux basés sur la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998, 2012) proposent des situations-problème. La recherche des solutions chez les apprenants confrontés à ces situations peut, sous certaines conditions didactiques, permettre la construction de savoirs. Parmi ces conditions, notons par exemple :

  • La dévolution réussie, où le problème proposé par l’enseignant devient celui des apprenants ;

  • La clause proprio motu : « il pèse donc sur le jeu didactique une contrainte très forte : dans ce jeu coopératif, le professeur gagne si et seulement si l’élève gagne, mais à condition que l’élève joue raisonnablement proprio motu, “de son propre mouvement”, de soi-même » (Sensevy, 2008, p. 44). Pour cela, l’élève doit rechercher par lui-même d’une part, et l’enseignant doit s’astreindre à une « réticence didactique », en ce sens qu’il doit chercher à moins intervenir, et à ne pas donner directement les réponses attendues.

D’autres conditions apparaissent, comme le souligne le paradigme de la problématisation.

Le paradigme de la problématisation

La problématisation s’intéresse à la manière dont un problème est construit par les apprenants et non pas uniquement comment ils le résolvent. Le processus de problématisation est considéré comme heuristique, car c’est la construction du problème, qui contribue à en comprendre les fondements, par les apprenants eux-mêmes, qui conduit par conséquent à la solution. Le cadre théorique de la problématisation est issu des réflexions développées à partir des oeuvres de Bachelard (1938/1970, 1949/1970) et de Dewey (1938), reprises dans le cadre de la philosophie de l’éducation (Fabre, 2011). Ce paradigme permet de penser des situations didactiques, par exemple pour l’enseignement scientifique, en vue de déployer une démarche d’investigation (Grangeat, 2011, 2013). Une telle démarche peut être difficile à mettre en oeuvre.

Elle requiert une intervention pédagogique mesurée, mise en tension entre une volonté d’accompagner chaque apprenant et celle de le laisser être acteur de ses apprentissages. Selon Fabre et Musquer (2009, p. 115), il s’agit d’éviter la tentation pédagogique de problématiser à la place de l’élève, car l’enseignant peut malgré lui répondre au problème posé (Villeret & Munoz, 2015). Fabre et Musquer (2009, p. 113) montrent que problématiser, c’est « développer un questionnement visant à identifier les données et les conditions du problème et à les mettre en tension ». Selon eux, « les conditions concernent les critères, les principes, les concepts, ce sont « des nécessités dont il faut absolument tenir compte dans la construction et dans la résolution du problème » (Fabre & Musquer, 2009, p. 113). Les données quant à elles, ne vont pas de soi. En fait, elles ne sont pas directement données, mais requièrent une véritable construction ainsi qu’un choix pertinent en fonction de la question posée, comme c’est le cas, par exemple lors d’une enquête de l’inspecteur Colombo (Villeret, 2012).

La théorie de la conceptualisation dans l’action

Du point de vue de la didactique professionnelle (Vinatier, 2009 ; Pastré, 2011), issue de la théorie de la conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996, 2007), les problèmes sont constitutifs de situations professionnelles posant problème. Ces situations ne peuvent être résolues par une procédure simple. Elles réclament une adaptation en fonction des données du contexte. De ce point de vue, elles nécessitent une activité de diagnostic des variables de la situation, voire une invention, c’est-à-dire une « habilité à faire face à des situations inhabituelles, en reconfigurant des savoirs existants » (Olry, 2013, p. 21). Adaptation et invention sont issues de la conceptualisation de l’acteur. Cette conceptualisation est engendrée à partir des connaissances scientifiques et techniques issues de la formation initiale ou continue, mais aussi, et c’est là un apport nouveau issu de la théorie de la conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996, 2007), des connaissances en acte issues de l’expérience. À cet égard, l’expérience est un facteur du développement (Mayen, 2008). Mais qu’est-ce que le développement ?

Un point de vue sur le développement

Mayen propose un questionnement sur la notion de développement. Il entend justement ce dernier comme « processus et produit de la conceptualisation dans l’action et pour l’action » (Mayen, 2008, p. 110), qui permet l’avènement d’un sujet capable, toujours en construction, qui cherche à déployer son pouvoir d’agir et de penser (Rabardel, 2005). À sa suite, Vinatier (2009, p. 206) définit le « sujet capable » en tant que « celui qui est en mesure d’interroger, de reconsidérer et de réélaborer ses situations professionnelles vécues ». Mayen (1999) reprend aussi à Vygotski la notion de « zone de proche développement » pour fonder la notion plus large de « situation potentielle de développement ».

Situation potentielle de développement

D’après Mayen (1999, p. 74), « la confrontation à de nouveaux problèmes ou à de nouvelles situations, imposées par les évolutions professionnelles, constitue une opportunité pour le développement cognitif ». Avec Mayen (2008, p. 110), nous posons la question de savoir : « qu’est-ce qui, dans une situation de travail toujours marquée par son caractère évolutif, a pu, peut ou pourrait par l’intervention didactique influer sur les processus de formation et de développement ». Il envisage d’examiner au cours de l’analyse de l’activité, les conditions qui favorisent l’expression ou le développement des compétences. Il considère que « c’est par la confrontation aux problèmes que le développement peut s’engager », étant donné que selon lui, le travail ne comporte pas que des problèmes, mais est aussi plein de ressources pour le développement. Le développement dans le travail relève également de « la participation culturelle dans laquelle la médiation d’autrui et l’usage des instruments de la culture sont déterminants » (2008, p. 111). Ainsi Mayen rejoint-il la théorie vygotskienne de la médiation, poursuivie et augmentée par Bruner (1983, 2000). Se confronter à de nouvelles situations n’est pas seulement se confronter à de nouveaux problèmes, mais c’est aussi « l’ouverture possible de nouveaux espaces d’activité à investir » ; « à condition qu’ils s’inscrivent dans une marge acceptable de familiarité et de réussite probable » (Mayen, 2008, p. 117). À ce propos, dans le cadre d’une autre étude (Munoz & Villeret, 2012b ; Villeret & Munoz, 2013b ; Villeret & Munoz, 2015 ; Munoz & Villeret, 2018), nous avons pu montrer comment la mise en place d’une réforme en Lycée pouvait constituer une opportunité de développement, ou au contraire de déstabilisation chez des enseignants plus ou moins volontaires.

Pour une reconfiguration de l’activité

Par ailleurs, Mayen, à la suite de Dewey (1938/1993), s’attache au caractère pragmatique du savoir, c’est-à-dire à son usage en situation. Cette réflexion l’amène à considérer que « l’une des voies les plus riches consiste à s’intéresser aux situations en évolution » (Mayen 2012, p. 63). Nous ferons nôtre cette idée en proposant une situation didactique nouvelle aux acteurs, enseignants et élèves, pour les inviter à se développer. Pour Mayen, en situation de travail et de formation, surviennent « des phénomènes et des processus d’élaboration pragmatique par lesquels des savoirs se réélaborent (ou se sont réélaborés) pour l’action, se combinent entre eux et avec d’autres, participent à la constitution de formes de pensée et d’action pour et dans les situations » (Mayen, 2012, p. 66). Ce que Pastré (2011) nomme processus de pragmatisation quand les modèles cognitifs (comment fonctionne la situation à maîtriser ?) doivent s’adapter aux modèles opératifs (comment je fais fonctionner la situation ?). Ainsi, selon Mayen (2012, p. 67), « l’activité d’un professionnel s’ajuste pour s’insérer dans la situation, pour faire, dans une certaine mesure, corps avec elle ».

Il s’agit avec Mayen (2008, p. 111) de « rendre compte des processus de construction, de reconstruction, d’accroissement et de libération des possibilités d’agir » de la part d’acteurs confrontés à une nouvelle situation, comme ici les enseignants volontaires de notre étude. Confrontés à des situations nouvelles, relevant de « situations potentielles de développement » (Mayen, 1999), nos enseignants pourront être conduits à construire des ressources susceptibles d’augmenter leur pouvoir d’agir. Notre analyse cherche à comprendre « ce qui fait que certaines configurations semblent porteuses de possibilités de développement » (Mayen, 2008, p. 107), tant pour les élèves que pour les enseignants, toute situation d’enseignement-apprentissage relevant d’une co-construction interactive (Altet, 2002).

Contexte et méthodologie

Dans la perspective d’une transformation des situations scolaires, nous analysons l’activité commune des enseignants et des élèves lors de situations d’enseignement-apprentissage liées à l’investigation scientifique autour des phases de la Lune (Munoz & Villeret, 2012a, 2012c, 2012d, 2012e), à partir de la transcription de séances. La situation-problème proposée est initiée par le didacticien des sciences, selon un dispositif dit de débriefing après observation (Villeret, 2008). Elle résulte d’un recueil de données effectué par les élèves eux-mêmes et d’un débriefing de leur expérience d’observateurs. Cette activité de débriefing après observation des élèves engendre des débats basés autour de leurs données.

Contexte

Dans des classes de CM2 (élèves de 10 ans) d’écoles rurales périurbaines, une même proposition didactique concernant une séquence d’astronomie autour des phases de la Lune a été mise en oeuvre par des maîtres d’école expérimentés, n’ayant cependant ni travaillé sur ce sujet ni selon ce type de dispositif. Les élèves réalisent durant deux mois, chaque jour, des observations (aspect de lune, état du ciel, heure d’observation) qu’ils notent sur un « cahier de chercheur ». Un débriefing après observation est alors mis en place en classe par les enseignants (Villeret, 2008). La consigne de départ est la suivante : « vos élèves de CM2 ont observé la Lune, individuellement, pendant deux mois et ont rempli leur cahier de chercheur, réalisez une séance de débriefing des observations avec les élèves ». La mise en oeuvre de cette consigne, laissée à la libre appréciation des enseignants, concerne une mise en commun avec une réflexion sur les observations. Elle débouche sur la mise en évidence de certains phénomènes, tels que le cycle de la Lune.

Objectif

Notre étude analyse l’appropriation de la proposition par des enseignants volontaires. La proposition didactique incite donc l’enseignant à une séance de débriefing après observation (Villeret, 2008), qui procure un recours à l’expérience des élèves en vue de leur faire « faire des sciences ». La situation proposée permet aux élèves de simuler une part de l’agir scientifique (Martinand, 1989). En quoi cette activité peut-elle contribuer à questionner et transformer l’activité de l’enseignant et celle des élèves ? Cette proposition didactique de débriefing après observation constitue-t-elle une situation potentielle de développement (Mayen, 1999) ?

Méthodologie

Notre méthodologie de recueil de données a consisté en la transcription des interactions verbales entre le professeur des écoles et les élèves, et entre les élèves eux-mêmes. Concernant l’analyse de ces séances, nous examinons en quoi les échanges actualisés en classe sous forme de débat rendent compte du fait que des élèves problématisent, c’est-à-dire construire le problème en déterminant données et conditions et en leur mise en tension (Fabre, 1999, 2011). Les dynamiques de problématisation sont considérées au sein des interactions pour examiner la manière dont l’enseignant s’y prend pour « faire problématiser les élèves », par un étayage (Bruner, 1983) mesuré. D’autre part, nous examinons également, comment les élèves conceptualisent certaines relations ou propriétés du phénomène étudié (Vergnaud, 1996).

Analyse et discussion

Pour illustrer notre propos, nous choisissons de centrer notre présentation sur deux exemples de séances contrastées issus du corpus de données menées par deux enseignants différents. Nous présentons tout d’abord le synoptique des séances avant de les analyser.

Présentation des synoptiques des séances

Nous présentons ici les principales étapes intervenues dans les séances étudiées.

Séance de l’enseignant 1

Concernant la première séance, elle se déroule sur 1h20 et est déployée en 429 interactions. Nous pouvons déterminer six étapes présentées dans le tableau 1 suivant.

Tableau 1

Les étapes intervenues lors de la séance 1

Les étapes intervenues lors de la séance 1

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Séance de l’enseignant 2

La séance 2 se déploie sur 1h et 537 interactions. Elle se déroule également sur 6 étapes (voir le tableau 2 suivant).

Tableau 2

Les étapes intervenues lors de la séance 2

Les étapes intervenues lors de la séance 2

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Éléments d’analyse

Nos éléments d’analyse, qui s’appuient sur le recours à des extraits issus de ces deux séances, concernent d’une part ce qui se joue du côté des enseignants (situation de développement de l’enseignant), et d’autre part du côté des élèves (situation de développement des élèves). Afin d’alléger l’écriture nous traiterons conjointement comment les enseignants parviennent à « faire problématiser » et « faire conceptualiser les élèves », et comment les élèves « problématisent » et « conceptualisent » des éléments du phénomène travaillé en nous plaçant plutôt du côté des enseignants. Nous constatons en effet que la situation est porteuse de développement conjoint, l’action de l’élève étant liée à l’action de l’enseignant. Nous présenterons également les limites observées par les chercheurs de ce type de situation, limites pouvant être travaillées en formation sous forme d’autoconfrontation.

Développement de la créativité

Soulignons tout d’abord les apports d’une telle situation didactique pour les enseignants (et les élèves), en termes de techniques pédagogiques mises en oeuvre en vue de « faire problématiser » et « faire conceptualiser » les élèves. Les enseignants ont pu s’approprier à leur guise les consignes de la proposition didactique et concevoir une séance selon leur volonté ; ce qui montre qu’ils sont sortis de leur routine habituelle en développant de la créativité et de l’imagination pour leur séance. De ce fait, la situation s’est avérée être une situation non seulement « potentielle », mais encore « réactive » de développement. Cette proposition fonctionne comme un inducteur de problématisation professionnelle chez les enseignants qui y adhèrent.

Professionnalisation par l’action

Nous avons émis par ailleurs (Villeret & Munoz, 2012), l’hypothèse d’une forme de « professionnalisation par l’action » puisque les enseignants, soumis à cette situation inédite développent dès lors des compétences actualisées en situation, relatives par exemple à la gestion du débat (telles que les formes de reprises des propos des élèves dans les micro-épisodes présentés ci-après), ou à la centration des élèves sur les données et les conditions du problème.

Exemples

Mise en place d’une position collective à partir de données individuelles

L’enseignant 1 s’est donné comme objectif de faire mettre en évidence par les élèves le cycle de la Lune. C’est pour lui une pratique nouvelle à la fois quant à son objectif et par rapport à ce qu’il demande aux élèves. Il leur demande, en partant d’une date imposée, et sur une amplitude d’un mois, de mettre en commun par groupes de quatre leurs observations individuelles, créant de ce fait un débat scientifique dans les groupes. De plus, il simplifie la tâche des élèves en réduisant leur travail autour du traitement des données sur un mois, tout en réalisant un travail complémentaire de sa part sur les deux mois précédents les observations des élèves afin de pouvoir les faire travailler sur le cycle de la lune (et sa reproductibilité). De manière plus précise, les élèves doivent dessiner sur une bande préalablement établie, comportant 28 cercles vierges, l’aspect de la Lune observé pendant le mois sélectionné.

L’enseignant se développe, car la situation l’amène à changer une partie de ses habitudes et celles de ses élèves. En effet, il n’est pas courant pour l’enseignant de déléguer le recueil de données aux élèves. C’est pour lui une découverte de pouvoir déployer une séance de type socioconstructiviste dans le cadre d’un enseignement scientifique. Ce dispositif est le fruit d’un choix didactique de la part de l’enseignant, source de problématisation du côté des élèves puisqu’ils comparent et discutent leurs données.

Création d’un débat scientifique à partir de données recueillies par l’enseignant

Lorsque l’enseignant 1 centre toute la classe sur un relevé recueilli par lui lors des deux mois précédents les observations des élèves, il crée un débat scientifique en vue de susciter du côté des élèves des conflits sociocognitifs. Lors du débat sont soulevées des questions discutées plus localement. Peut-on voir la lune en plein jour ? Quelles sont les conditions d’observation (selon l’orientation de l’observateur, le moment de l’observation ou les obstacles, tels que les nuages) ?

Travail épistémologique sur la validité des données

Au niveau de la problématisation, il est nécessaire de mettre en évidence les données et les conditions puis de les mettre en tension. Dans la séance 1, tout un travail est réalisé autour du statut des données recueillies, dont il s’agit de construire la légitimité. L’enseignant 1 semble avoir prévu que plusieurs types de données peuvent intervenir et il cherche à faire travailler leurs différences de statut. Il fait travailler les élèves qui distinguent ce qui relève de données ressemblantes, voire identiques (un jour tout le monde voit la Pleine Lune), de données contradictoires (un jour un élève voit la Lune alors qu’un autre ne la voit pas), mais qui peuvent s’expliquer (observation à une heure différente, à un lieu différent…), et d’« anomalies » (un élève voit le croissant à droite alors que tous les autres l’ont vu à gauche). Le travail sur le concept d’hypothèse est valorisé. L’enseignant 2 va insister sur le fait qu’une idée d’un élève doit être considérée comme hypothèse.

Tableau 3

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Travail sur la continuité du phénomène

Pour comprendre le cycle de la Lune, les élèves doivent comprendre que l’évolution du phénomène est continue ce qui ne va pas de soi. À la 26e minute de la séance 1, l’enseignant 1 demande aux élèves si la lune « va revenir comme au début » pour engager un travail sur cette question.

Tableau 4

Extraits de données de la séance 1

Extraits de données de la séance 1

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Sous l’impulsion de la question de l’enseignant, Joris se centre sur une partie du cycle de la Lune. Ce questionnement ouvert sur une donnée permet la mise en évidence d’une partie de la continuité du phénomène, et dégage les élèves des seuls aspects liés aux formes de la Lune, essentiellement considérés jusqu’alors. L’enseignant 2 arrive également à étudier la continuité du phénomène avec son groupe.

Tableau 5

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Travail réflexif sur l’activité

L’enseignant 2 démarre sa séance en prenant le temps de discuter avec les élèves de la valeur du travail de recueil de données qu’ils ont effectué en vue de la séance 2. La réflexion des élèves est pertinente.

Tableau 6

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Tableau 7

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Travail sur la normalisation

Le dispositif conduit l’enseignant 2 à faire un travail sur la normalisation et à discuter cette normalisation par rapport à la présence ou non de la Lune. Comment les élèves ont-ils fait pour représenter un ciel couvert ? Et comment représenter la différence entre un soir où on ne voit pas la Lune (le ciel étant dégagé) et un autre où on ne voit pas la Lune (mais qui pourrait être là, car le ciel est couvert) ?

Tableau 8

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Travail sur croyances et faits

L’enseignant 2, dans le cadre de la situation, permet à ses élèves de mener une réflexion épistémologique sur la science, et notamment sur la distinction entre croyance et faits qui amène les élèves à des recherches de preuves. Par exemple, une question concerne le fait de savoir comment prouver que la Lune tourne autour de la Terre.

Tableau 9

Extraits de données de la séance 2

Extraits de données de la séance 2

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Les limites du dispositif

Lors de l’analyse, nous avons également montré des limites au dispositif qui ont pu être travaillées, ensuite par une autoconfrontation (ce sera l’objet d’un autre article).

La vigilance épistémologique

Durant des débats scientifiques induits par le dispositif, il convient de veiller à l’épistémologie. Il s’agit de ne pas laisser les élèves sur des chemins qui les conduiraient à se construire des représentations scientifiques incorrectes, difficiles à travailler ensuite. À propos de la séance 1 par exemple, citons le passage suivant (tableau 9) qui intervient à la 39e minute, au cours duquel le professeur 1 centre à nouveau sur la continuité du phénomène :

Tableau 10

Extraits de verbalisations issues de la séance 1

Extraits de verbalisations issues de la séance 1

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Dans cet exemple, le travail fort intéressant sur la notion de continuité du phénomène débouche sur une « explication » erronée. Les deux élèves, Mathilde et Alexandre émettent des hypothèses et raisonnent sur le problème. Ce qui est pertinent. Cependant, Mathilde émet une hypothèse erronée (comme si la lune passait du côté de la nuit) qui est reprise par l’enseignant. Leur explication est en fait à relier au cas particulier de l’éclipse de Lune. Alors qu’ici, dans la position de la Nouvelle Lune, la cause du phénomène est une question d’éclairage relatif aux positionnements de la Terre, de la Lune et du Soleil. Cela montre l’importance de la vigilance épistémologique restant à développer auprès des enseignants. Cet aspect peut être travaillé en autoconfrontation, où le film sur l’éclipse de Lune sera utilisé pour faire réfléchir sur les conceptions fausses à ne pas mettre en place dans la tête des élèves. À cet égard, la formation des enseignants s’avère indispensable. Ce défaut de vigilance épistémologique est repéré à d’autres endroits (par exemple, dans la séance 2) : la confusion entre interaction gravitationnelle et interaction électromagnétique par exemple qui peut créer des représentations fausses chez les élèves.

Tableau 11

Extraits de verbalisations issues de la séance 2

Extraits de verbalisations issues de la séance 2

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Nous remarquons ici un obstacle important. Nous pouvons émettre l’hypothèse que cet obstacle relève de deux types de connaissances estimées manquantes chez l’enseignant : des connaissances d’ordre scientifique (par exemple, sa conception erronée que la face cachée de la Lune est sa face non éclairée ; alors qu’il s’agit plutôt de cette qui n’est jamais face à la terre) et des connaissances d’ordre didactique. Les difficultés rencontrées par l’enseignant peuvent constituer une source de développement en étant discutées lors d’une autoconfrontation.

La rupture de dynamique

L’enseignant 1 qui avait commencé à travailler la continuité du cycle de la Lune coupe cette dynamique créée en revenant à un aspect figuratif : la représentation de la Pleine Lune, alors que les élèves étaient en train de discuter d’éléments plus conceptuels pouvant permettre la compréhension du cycle. Une autoconfrontation lui permettra de prendre conscience du problème.

Tableau 12

Extraits de données de la séance 1

Extraits de données de la séance 1

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Le manque de reprise structurée

L’enseignant 2 met en place de multiples débats, relativement courts et thématiquement emboités (passant par exemple de la question des directions où se positionne la Lune, aux nuages qui la cachent ou encore au fait qu’elle soit visible ou non le jour), mais sans reprise structurée. Ce manque d’institutionnalisation partielle pourra être travaillé lors du débriefing. Par exemple la question de savoir si on peut voir la Lune à midi reste sans conclusion. Cette question est très liée à la vigilance épistémologique, car on perçoit que l’enseignant a déjà du mal avec la question (le midi ou le jour ?)

Tableau 13

Extrait issu de la séance 2

Extrait issu de la séance 2

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Il a du mal avec les élèves qui pensent qu’on peut la voir à midi et ceux qui pensent qu’on ne peut pas la voir, mais qu’elle est quand même là, etc.

Tableau 14

Extraits issus de la séance 2

Extraits issus de la séance 2

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Pour certains élèves la représentation que le Soleil c’est pour le jour et que la Lune c’est pour la nuit est très prégnante.

Tableau 15

Extrait issu de la séance 2

Extrait issu de la séance 2

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L’enseignant passe très souvent d’un problème à l’autre sans structurer le propos ou l’organiser en système.

La situation potentielle peut ne pas être réactive

Si la situation est toujours potentielle, elle n’a pas toujours été réactive. Les débats sur le fait que la Lune nous présente toujours la même face visible (P159) ou encore sur le fait que la Lune ne tournerait pas sur elle-même (P165) ne déclenchent pas de réaction chez les élèves.

Côté élèves

Même si nous avons constaté que l’activité des élèves dépend de celle des enseignants, revenons un peu sur les élèves. Il s’agit bien pour eux de « faire de la science » : à la fois du point de vue du recueil des données réalisées en amont, et à la fois lors de la situation de débriefing, par les discussions engendrées autour des données recueillies. Devenir des observateurs leur a permis de développer des compétences en la matière, de même que de discuter leurs données notamment quand leurs données sont mutualisées et présentées par groupes de 4 dans le cadre de la séance 1. En effet, dans le cadre de cette séance 1, les groupes d’élèves sont invités à afficher leurs bandes au tableau et à les discuter en classe. Si les élèves sont habitués à présenter leurs travaux, en revanche ils sont moins habitués à recueillir et à discuter leurs données. L’usage qui est fait des données, relatif à la comparaison des dessins des élèves 1 s’avère être une excellente source de conflit sociocognitif. Ce travail inhabituel côté élèves comme côté enseignant donne à voir un développement conjoint, la démarche inventive de la part de l’enseignant initie une part de créativité chez les élèves.

Discussion

Trois points nous paraissent importants à discuter à partir des éléments de notre étude.

Situation potentielle et situation réactive de développement

Faire problématiser les élèves nécessite une part de retrait que l’enseignant peut avoir du mal à réaliser (Fabre & Musquer 2009) tant il leur est difficile à s’astreindre à une « réticence didactique » (Sensevy, 2008, p. 44). En effet sans cela, le problème peut perdre tout son intérêt, engendrant peu de réflexion de la part des élèves, si l’enseignant leur donne trop vite la solution, comme nous l’avons observé aussi par ailleurs (Villeret & Munoz, 2015). Dans ce cas, la clause proprio motu (Sensevy, 2008) peut ne pas être tenue. Même si cela peut être lié à de très bonnes raisons du point de vue de l’enseignant, notamment le plaisir d’avoir à expliquer aux élèves les phénomènes physiques étudiés par exemple (Munoz & Villeret, 2012 ; Villeret & Munoz, 2015). Du point de vue de l’enseignant, la volonté de changer ses intentions ne se traduit pas toujours par un changement effectif de sa propre activité pédagogique. Ce dont il peut prendre toutefois conscience lors d’une autoconfrontation (Villeret & Munoz, 2015).

Le développement sous injonction institutionnelle

Piot (2009, p. 68) explique comment, face « aux dynamiques de démocratisation et de massification », nous assistons au passage d’une « logique pyramidale et cellulaire » (« où la hiérarchie ainsi que le cloisonnement - par classe, par discipline enseignée - apparaissaient comme des allants de soi ») à celle d’une « prise en charge pédagogique spécifique, sur un mode différencié, voire individualisé ». Dans cette dynamique plurielle, les politiques scolaires cherchent à inventer des formes de travail enseignant. Tardif & Borgès (2009, p. 87) indiquent qu’il est également demandé aux enseignants « un engagement et un investissement personnels au travail considérable, avec des moyens et des conditions de travail » qui ne suivent pas toutes les attentes des réformes successives : « il faut faire toujours plus, mais avec moins » (Tardif & Borgès, 2009, p. 95). Avec pour conséquences le fait que l’activité des enseignants est moins reconnue.

« À terme, on voit ainsi émerger, à travers les réformes et les politiques éducatives, mais aussi les évolutions sociales et culturelles où baigne le métier, une nouvelle professionnalité enseignante plus large et plurielle, sans doute plus floue aussi, ainsi que davantage mobile, plus fluide et adaptable (et peut-être corvéable) aux nouvelles fonctions et responsabilités dévolues tant à la profession qu’aux établissements » (Tardif & Borgès, 2009, pp. 89-90). Ce qui tendrait à postuler que les enseignants pourraient dès lors prochainement être soumis à une injonction à devenir des « praticiens réactifs » (voire des « praticiens effectifs ») à la nouveauté, en plus d’être des « praticiens réflexifs ». Ces mouvements institutionnels questionnent un éventuel processus de déprofessionnalisation (Maubant & al., 2013). À cet égard, ne faudrait-il pas se méfier de réformes qui pourraient entraîner les établissements à ne pas pouvoir se constituer en « environnements capacitants » (Falzon, 2013) ? L’ergonomie prend en compte les conditions de travail et cherche à comprendre les situations de travail dans une perspective transformatrice (Guérin & al., 2007). Dans son ouvrage relatif à une vision constructive de l’ergonomie, Falzon (2013) propose trois perspectives sur le développement. D’abord en tant que fait, en ce que les opérateurs développent par leurs pratiques des savoirs et savoir-faire, comme nous l’avons énoncé précédemment, mais, et c’est ici l’apport supplémentaire de l’ergonomie, à condition que les organisations le leur permettent, et ensuite, en tant que moyen et finalité d’une démarche participative des acteurs à l’action ergonomique. La notion d’environnement capacitant (Falzon, 2013) semble à certains égards pouvoir ajouter un cadre structurel à celle de situation potentielle de développement.

Professionnalisation dans l’action

En quoi le recours à cette situation, dans le cadre d’une collaboration entre didacticien et enseignant, peut-il contribuer à questionner la professionnalisation enseignante ? Si l’on s’intéresse avec Wittorski (2008) aux conditions d’apparition d’une intention de professionnalisation et aux enjeux qui l’entourent, notons que la visée professionnalisante est ici peu explicite pour l’acteur, car elle se déroule en acte, au coeur même de son activité ; confronté à une situation nouvelle, il la ré-organise. Cette ré-organisation devient source de développement potentiel du point de vue du sujet engagé. Nous disons « développement potentiel », car nous n’avons ici qu’esquissé les dimensions de l’action que l’enseignant actualise pour faire face à la situation proposée, avec les apports et les limites soulignées, sans toutefois être en mesure d’évaluer un écart entre un « avant » et un « après » pour en monter le caractère « effectif ». Professionnalisation-en-acte et prise de conscience de la conceptualisation dans l’action pour réussir, mais tout en se donnant les moyens de comprendre, c’est pourquoi nous sommes convaincus du recours à l’autoconfrontation pour permettre aux acteurs de déployer l’aspect réflexivité de leur activité. Il pourrait être intéressant pour aller plus loin de distinguer en quoi le débat produit par le dispositif peut se différencier d’un débat sans appui sur des données recueillies de la part des élèves.

Conclusion

Nous avons montré dans cet article que la situation de débriefing après observation peut non seulement s’avérer être une situation potentielle de développement pour les acteurs, mais qu’elle s’avère également être une situation réactive de développement. Réactive tant du côté des enseignants, qui voient une partie de leur rôle changer en vue de « faire problématiser » les élèves, que du côté des élèves qui sont conviés à de nouvelles activités qui requièrent de leur part de l’inventivité et un questionnement plus resserré, en vue de « problématiser » le phénomène étudié. Cette situation qui permet le développement de la personne possède également des limites repérées au sein des séances étudiées. Si l’on suit le point de vue de Mayen, que nous approuvons, cette étude contribue au fait de pouvoir « identifier de nouvelles configurations de développement qui ne se limitent pas à celles que l’on utilise en formation » (Mayen, 2008, p. 123). Nous nous sommes posés avec lui la question de savoir quelle situation proposer aux enseignants afin de les obliger à reconfigurer leur activité. Comment opérer chez eux une rupture d’activité sur fond de continuité afin de pouvoir rester dans leur zone de proche développement ? En effet, cette reconfiguration de l’activité du sujet, doit se réaliser en fonction de critères d’acceptabilité sociale et en fonction de son propre pouvoir d’agir, sans quoi, nous risquerions de tomber, dans une « forme de naturalisation des milieux de travail » (Mayen, 2008). D’autant qu’à terme, ces professionnels auront certainement à assurer des démarches d’investigation en sciences. Si les prescriptions ne leur imposent pas encore, ils les y incitent d’ores et déjà. Mais comment tirer les enseignants vers un développement qui ne se réduise pas à une accumulation de savoir-faire nouveaux, mais puisse questionner de manière réflexive leur activité ? Nous exposons deux ordres de perspectives. Le dispositif didactique proposé peut-il à lui seul constituer un effet de développement ? Nous estimons que non au regard des premières limites que nous avons pu observer lors des séances mises en oeuvre. En effet, les visées professionnalisantes peuvent rester peu explicites pour les acteurs, car elles se déroulent comme nous l’avons indiqué « en acte ».

C’est pourquoi nous militons, premièrement, pour proposer un dispositif complémentaire permettant aux enseignants d’accéder à une partie de la conceptualisation qu’ils déploient en action. Il s’agirait en quelque sorte de mettre en place un dispositif de débriefing aussi côté enseignant. Ainsi, le postulat de la didactique professionnelle, « apprendre des situations » pourrait-il s’appuyer sur une analyse rétrospective de l’activité telle qu’elle est proposée par Pastré (2011). La mise en place d’un tel dispositif, en articulation avec une recherche, par le recours à des entretiens d’autoconfrontation avec les acteurs, en amont et en aval de leur expérience, permettrait de soumettre à plus d’intelligibilité les hypothèses de développement esquissées ici. Le débriefing accompli en autoconfrontation et la prise de conscience réflexive qu’il procure peuvent constituer un outil méthodologique intéressant en termes de développement du pouvoir d’agir du sujet (Rabardel, 2005). En outre, et pour aller encore plus, deuxièmement, ne serait-il pas pertinent d’adjoindre à un tel dispositif une formation à la problématisation du côté des enseignants ? Un tel dispositif, concourant au développement des acteurs, serait-il prompt à créer de l’émancipation professionnelle, en leur permettant une « analyse de situation de travail qui ne soit pas conformante, mais professionnalisante » (Olry, 2013, p. 17) ?