Corps de l’article

1. Introduction

L’amélioration de l’habitat, de l’hygiène et du confort et la multiplication de lotissements en zones rurales ont pour conséquence directe un accroissement considérable des besoins en eau potable et dès lors du volume des eaux usées domestiques. L’importance du problème posé par les rejets des eaux usées est primordiale du fait de l’insuffisance des stations d’épuration. D’autre part, les déversements des eaux usées, brutes ou mal épurées, sont générateurs de pollution des eaux souterraines et de surface (ROUHART, 1986). La région de Tizi Ouzou (Figure 1) est une zone montagneuse qui de tout temps a été confrontée à plusieurs contraintes dans la réalisation des réseaux d’assainissement et dans la gestion des points de rejets des eaux usées dispersées liées au relief topographique accidenté. Les réseaux d’assainissement collectifs de ses communes rurales sont de types séparatif (eaux-vannes et ménagères) et gravitaire, l’écoulement se faisant d’une manière naturelle. Ces communes sont alimentées en eau potable, en grande partie, par un réservoir naturel qui est la nappe alluvionnaire de l’oued Sebaou. Cette nappe est ouverte en surface, donc très vulnérable aux pollutions. Des dizaines de forages sont réalisés sur les deux rives du bras principal de l’oued Sebaou, qui s’étend sur près de 80 km de long, alimentant des villages perchés sur des collines surplombant la vallée. Ces villages déversent leurs eaux usées directement dans les talwegs naturels qui terminent leur course dans l’oued Sebaou.

Figure 1

Localisation de la zone d’étude

Study area location

Localisation de la zone d’étude

-> Voir la liste des figures

L’habitat de ces communes rurales est dispersé, si bien qu’un village peut avoir plusieurs points de rejets qu’il est impossible de connecter entre eux, du fait des contraintes topographiques liées au relief. Près de 7 000 points de rejets sont enregistrés sur les différents versants. Il est facile de se rendre compte que dans cette région, la densité et l’éparpillement des habitations sont tels que la collecte puis le traitement des flux polluants dans une station d’épuration ne se justifient pas économiquement et techniquement. L’assainissement semi-collectif traitant les eaux usées d’un groupe de maisons d’habitation, dans lequel nous pouvons insérer des bassins de filtration, objets de cette étude, apparait alors comme une solution alternative intéressante (BERLAND, 1999).

Forts de ce constat, les collectivités locales et les services de l’hydraulique, conscients de l’impact de ces rejets sur la qualité de l’eau de la nappe, ont opté pour des traitements ponctuels des rejets par l’intermédiaire de systèmes traditionnels peu coûteux en investissement et moins onéreux en exploitation. C’est dans cette optique qu’un programme de réalisation de bassins de filtration a été initié par la Direction de l’hydraulique de Tizi Ouzou durant l’année 1996 pour la réalisation de 137 bassins de filtration à travers 67 communes. Ces bassins de filtration ont été implantés sur des rejets de réseaux séparatifs en milieu rural, à faible débit et ayant un impact direct sur la nappe aquifère du Sebaou.

Vingt ans se sont écoulés depuis la mise en service de ces bassins de filtration et il nous a semblé qu’une étude plus précise devait être menée sur ces ouvrages afin d’estimer leur rendement épuratoire en se basant sur l’analyse de six paramètres : température, pH, turbidité, matières en suspension (MES), demande biologique en oxygène à cinq jours (DBO5) et demande chimique en oxygène (DCO).

Pour mener cette étude, nous avons choisi un bassin de filtration réalisé en 1996 sur un des nombreux rejets du village Tala Bounane (Tizi Ouzou) que nous présentons en figure 2. Le choix de cet ouvrage est dicté par deux raisons principales. La première raison est pratique, liée à la proximité géographique par rapport au laboratoire d’analyse des eaux de l’université de Tizi Ouzou et la seconde raison est liée à la représentativité du bassin témoin par rapport à l’ensemble du parc.

Figure 2

Bassin de filtration au village Tala Bounane (Tizi Ouzou)

Filtration basin in Tala Bounane village (Tizi Ouzou)

Bassin de filtration au village Tala Bounane (Tizi Ouzou)

-> Voir la liste des figures

En section 2, nous présentons une revue de la législation algérienne sur les eaux usées ainsi que quelques études consacrées aux rejets des eaux usées en Algérie. Une description détaillée du bassin de filtration, objet de notre étude, sera livrée en section 3. En section 4 seront données toutes les analyses effectuées sur le bassin de filtration témoin avec les interprétations qui en découleront et qui permettront de fournir des recommandations en section 5.

2. Législation

La nécessité de se doter d’un cadre législatif est une évidence dans toute société moderne pour protéger la ressource en eau sans pour autant être un frein au progrès économique et social. En Algérie, plusieurs lois et décrets constituent aujourd’hui un cadre réglementaire particulièrement assez complet pour orienter et maitriser la politique qui se rapporte à l’assainissement, au traitement des eaux usées avant leur rejet au milieu récepteur.

La loi no 83-03 du 5 février 1983 (JORA, 1983a) relative à la protection de l’environnement définit le cadre général de la lutte contre la pollution des eaux, applicable au domaine de l’assainissement. C’est la loi no 83-17 du 16 juillet 1983 (JORA, 1983b) relative à la politique nationale de l’eau qui est particulièrement importante pour les questions relatives au cycle de l’eau et à l’assainissement. Elle impose le raccordement des immeubles à un égout en zone agglomérée, reconnait l’assainissement autonome et interdit tout rejet susceptible de porter atteinte à la santé publique.

La réglementation algérienne sur le rejet des eaux usées ne concerne que les effluents liquides industriels. Il y a donc une lacune réglementaire concernant les eaux usées urbaines. C'est le décret exécutif no 06-141 du 19 avril 2006, en application des dispositions de l'article 10 de la loi no 03-10, qui a l'objet de définir les valeurs limites des rejets d'effluents liquides industriels (Tableau 1). Il fixe les prescriptions techniques relatives aux installations générant ce type de rejets et les modalités de contrôle, notamment l'autocontrôle, visant à assurer la conformité des rejets aux valeurs limites fixées.

Tableau 1

Valeurs limites des paramètres de rejets d'effluent industriels (JORA, 2006)

Limit values of industrial effluent parameters (JORA, 2006)

Valeurs limites des paramètres de rejets d'effluent industriels (JORA, 2006)

-> Voir la liste des tableaux

Paradoxalement, en Algérie, pays à tradition rurale, peu d’études liées à ces systèmes d’assainissement semi-collectifs, dites volontiers techniques d’assainissement rustiques, ont été menées. Parmi les travaux réalisés, nous pouvons citer le guide méthodologique sur l’assainissement semi-collectif, fruit d’un travail collectif entre les équipes algériennes du Centre National d’Études et de Recherche Intégrées du Bâtiment (CNERIB, 1993) d’une part, et du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et du Centre d'Études Techniques de l'Équipement (CETE) Méditerranée côté français d’autre part, mené dans le cadre du projet de coopération intergouvernemental qui a visé à rassembler les points les plus importants sur les plans techniques et réglementaires en s’appuyant sur le chantier expérimental d’Ain Loussig en milieu saharien (Ghardaia).

Une étude plus récente menée par le ministère des Ressources en eau et de l’Environnement mérite d’être citée; il s’agit du schéma national de développement de l’assainissement (EGIS EAU et AGC, 2016). Cette dernière mentionne que le parc d’assainissement individuel en milieu rural est assez faible et mal connu et que les ressources en eau sont très exposées aux risques de pollution. Ce schéma directeur propose une stratégie nationale d’intervention qui consiste à déterminer les zones à équiper en assainissement non collectif, afin de parer à ce risque de pollution.

3. Description du bassin de filtration

Les méthodes de prétraitement et d’épuration des eaux usées sont actuellement en pleine évolution. En quelques années, pour des raisons d’hygiène, d’économie et de préservations de l’environnement, des techniques nouvelles ont vu le jour, des techniques anciennes caractérisées par leur rusticité ont été adaptées. L’utilisation des bassins de filtration à sable pour traiter des eaux usées domestiques est connue depuis très longtemps. Ces techniques ont connu un regain de popularité au cours des dernières décennies avec la mise en place de petits ouvrages d’assainissement et la recherche de solutions simples d’exploitation. Il existe une grande quantité de ces installations un peu partout dans le monde. On trouve une documentation abondante dans la littérature scientifique et technique, tant sur les critères de conception que sur les rendements. Leur principe consiste à infiltrer l'effluent à épurer à travers un support granulaire fin (massif de sable) non saturé sur lequel est fixée la biomasse épuratoire. La filtration sur le sable en milieu insaturé permet principalement une oxydation de la matière organique, de nitrifier l’azote ammoniacal (formation de nitrates) et de réduire les germes pathogènes. L’épuration par filtration fait appel à des processus à la fois d’ordre physique, chimique et biologique (PETITJEAN, 2011). L’efficacité de la filtration dépend de nombreux paramètres tels que l'épaisseur de la couche filtrante, forme et granulométrie du matériau, taille des particules en suspension dans l’eau, vitesse de filtration (GILLES, 1989).

Quant au modèle de bassin de filtration adopté dans la région de Tizi Ouzou, il comprend deux compartiments placés en série et en cascade (Figure 3). Chaque compartiment est composé d’un filtre en tricouches d’une épaisseur de 60 cm. La tricouche est composée d’une couche supérieure formée par un sable (0/3 mm), d’une couche intermédiaire formée par un gravier (8/15 mm) et enfin d’une couche inférieure formée d’un gravier grossier (30/40 mm). Un regard de réception des eaux usées brutes est prévu à l’entrée du bassin et un autre regard des eaux usées filtrées est projeté à la sortie du bassin.

L’ouvrage est réalisé en maçonnerie de pierre sèche de carrière qui est un matériau local très répandu dans la région de Tizi Ouzou (Figure 3). Étant donné que ces bassins sont situés dans la majorité des cas dans des endroits inaccessibles, la réalisation a alors été confiée à des artisans maçons locaux, qualifiés. Cette manière de faire a réduit le coût de ces ouvrages à 300 000 DZD l’unité, soit l’équivalent de 3 000 euros. Ces bassins de filtration sont particulièrement bien adaptés pour les cas des petites collectivités ou des communes rurales ne disposant pas de personnel qualifié pouvant être affecté à plein temps sur ces ouvrages.

Figure 3

Plan type de bassin de filtration adopté à Tizi Ouzou

Plan type de bassin de filtration adopté à Tizi Ouzou

-> Voir la liste des figures

4. Résultats et discussion

Les rejets des eaux usées sont étroitement liés aux habitudes de consommation en eau potable lesquels sont variables au courant d’une même journée et variables au courant d’une même semaine. Dans le souci de cerner au mieux le comportement épuratoire du bassin de filtration témoin de Tala Bounane, lié à la fluctuation journalière et horaire du volume des eaux usées, des échantillons à l’entrée puis à la sortie du bassin, sont prélevés quotidiennement durant toute une semaine y compris le weekend (GHEDAMSI et SI TAHAR, 2012). Il est important de préciser que le weekend en Algérie est le vendredi et samedi. Pour une meilleure représentativité des analyses, des échantillons sont prélevés trois fois dans la même journée, le premier à 8:00 (matin), le deuxième à 12:00 (midi) et enfin le troisième à 16:00 (soir).

4.1 Caractéristiques de l'influent brut à l’entrée du bassin de filtration

4.1.1 Température de l’eau

Les températures enregistrées sur l’influent brut, à l’entrée du bassin, oscillent entre 23 et 25 °C pour le matin, entre 24 et 28  °C à midi et entre 24 et 29  °C pour le soir. Ces valeurs restent dans des plages normales à en juger par les valeurs limites données par la réglementation. Elles agissent favorablement sur les réactions chimiques et biochimiques, ainsi que sur le développement et la croissance des organismes vivants dans l’eau et particulièrement les micro-organismes (RODIER et al., 2009).

Il n’existe pas de différence significative entre les valeurs de la température de l’eau pour les périodes de suivie (matin, midi et soir). Cela nous amène à penser que ces variations suivent celles du climat de la région. La figure 4 donne la variation de la température de l'eau de l’influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement.

Figure 4

Variation de la température de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

Variation of the influent temperature according to the day of the week for each sampling period

Variation de la température de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

-> Voir la liste des figures

4.1.2 PH

Les valeurs observées révèlent que le pH est légèrement alcalin pour toutes les analyses effectuées. Elles se situent entre 7,74 à 7,89 pour le matin, entre 7,76 à 7,92 à midi et entre 7,73 à 7,82 pour le soir. Ces valeurs de pH se situent dans la fourchette normale préconisée par la réglementation, ce qui est de nature à favoriser le développement bactérien nécessaire à la dégradation biologique des polluants organiques. Cette alcalinité de l'influent serait due à la composition des rejets domestiques (eau de savon, selles, urine, etc.) (PALIWAL et al., 1998). Nous donnons dans la figure 5 la variation du pH de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement.

Figure 5

Variation du pH de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

Variation of the influent pH according to the day of the week for each sampling period

Variation du pH de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

-> Voir la liste des figures

4.1.3 Teneur en matières en suspension (MES)

La teneur de l'influent en MES enregistrée oscille entre 212 et 480 mg∙L-1 pour le matin, entre 316 et 490 mg∙L-1 à midi et entre 211 à 253 mg∙L-1 pour le soir. Ces teneurs sont nettement supérieures à la fourchette normale des charges admissibles par la réglementation. Les teneurs les plus élevées en MES sont enregistrées tous les matins pour tous les jours de la semaine à l'exception du vendredi et du samedi, qui sont des journées de weekend en Algérie, pour ces journées la plus grande valeur est observée à midi. Ces valeurs élevées seraient dues à la remise en suspension des matières solides durant l'heure de pointe où le débit des eaux usées est maximal. De basses teneurs en MES sont enregistrées tous les soirs de la semaine à l'exception des jours du weekend, où des valeurs basses sont observées aussi le matin : elles seraient dues à la sédimentation des particules suite à un débit minimal (VERBANCK, 1995; COGHLAN, 1995; GEIGER, 1987). Les valeurs des MES de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement sont données dans la figure 6.

Figure 6

Variation de la matière en suspension (MES) de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

Variation of the suspended matter in the influent according to the day of the week for each sampling period

Variation de la matière en suspension (MES) de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

-> Voir la liste des figures

4.1.4 Demande biologique en oxygène à cinq jours (DBO5)

Les valeurs de la DBO5 de l’influent enregistrées à l'entrée du bassin varient de 202 mg∙L-1 pour le matin, à 237 mg∙L-1 à midi et à 244 mg∙L-1 pour le soir. Ces valeurs restent dans la fourchette normale des teneurs admissibles préconisées par la réglementation pour les eaux usées d’origine domestique, c'est-à-dire comprises entre 100 à 400 mg∙L-1 (BREMOND et PERRODON, 1979). Nous donnons dans la figure 7, la variation de la DBO5 de l'influent au cours de la journée du dimanche

Figure 7

Variation de la demande biologique en oxygène à 5 jours (DBO5) de l'influent au cours de la journée du dimanche

Variation of the 5-day biological oxygen demand (BOD5) of the influent for Sunday

Variation de la demande biologique en oxygène à 5 jours (DBO5) de l'influent au cours de la journée du dimanche

-> Voir la liste des figures

4.1.5 Demande chimique en oxygène (DCO)

Les valeurs de la DCO varient de 390 à 435 mg∙L-1 pour le matin, de 484 à 622 mg∙L-1 à midi et de 264 à 432 mg∙L-1 pour le soir (Figure 8). Ces valeurs restent dans la gamme de référence pour les eaux usées d’origine domestiques (300 à 1000 mg∙L-1) (BREMOND et PERRODON, 1979). Les valeurs de la DCO présentent une variation non négligeable au cours de la période d'étude, cela peut s’expliquer par une variation de la qualité des eaux usées produites à différents moments de la journée.

Figure 8

Variation de la demande chimique en oxygène (DCO) de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

Variation of the chemical oxygen demand (COD) of the influent according to the day of the week for each sampling period

Variation de la demande chimique en oxygène (DCO) de l'influent en fonction de la journée de la semaine pour chaque période de prélèvement

-> Voir la liste des figures

Les concentrations les plus élevées sont observées le matin et à midi pour tous les jours de la semaine, à l’exception du weekend où nous observons une teneur nettement faible le matin. Cette nette augmentation de la DCO est essentiellement due aux principaux usages de l’eau durant les activités ménagères qui s’étendent jusqu’à la mi-journée. Ces eaux domestiques (lessive, vaisselle et eaux-vannes) sont généralement chargées de substances plus ou moins biodégradables, de produits nettoyants, désinfectants, et détartrants ainsi que d’engrais, de pesticides et de solvants pour le bricolage. Ces eaux peuvent également contenir des polluants cosmétiques et médicamenteux.

Les valeurs de la DCO et de la DBO5 restent dans la gamme des valeurs de référence pour les eaux usées d’origine domestique, avec un rapport de DCO/DBO5 inférieur à la limite autorisée qui est de 3, cela nous permet de conclure qu’il s’agit d’un rejet brut facilement biodégradable (TCHOBANOGLOUS et al., 1991).

4.2 Rendement épuratoire

4.2.1 PH

Nous constatons une baisse du pH à la sortie du bassin de filtration par rapport à celui à l’entrée du bassin (Figure 9). Les valeurs du pH enregistrées à la sortie du bassin de filtration varient de 7,74 à 7,89 pour le matin, de 7,76 à 7,92 à midi et de 7,73 à 7,82 pour le soir. Ces valeurs sont conformes à celles préconisées par la législation algérienne pour le rejet des eaux usées urbaines vers le milieu naturel. La baisse du pH traduit une acidification du milieu. Cette acidification pourrait résulter de l’oxydation de la matière organique. En effet, l’oxydation de la matière organique produit du dioxyde de carbone (CO2) qui acidifie le milieu. De même, la nitrification (oxydation de NH4+) entraîne une acidification des filtrats (DOMMERGUES et MANGENOT, 1970).

Figure 9

Évolution journalière du pH de l'effluent à l’entrée et à la sortie du bassin de filtration

Daily evolution of the effluent pH at the inlet and outlet of the filtration basin

Évolution journalière du pH de l'effluent à l’entrée et à la sortie du bassin de filtration

-> Voir la liste des figures

4.2.2 Teneur en matières en suspension (MES)

À la sortie du bassin de filtration, on relève une diminution des concentrations en MES par rapport à celles enregistrées à l’entrée. Ces concentrations varient de 219 à 467 mg∙L-1 le matin, de 285 à 481 mg∙L-1 à midi et de 190 à 239 mg∙L-1 le soir. Ces valeurs sont au-dessus de la norme de rejet dans le milieu naturel requise par la législation algérienne. Cette diminution de la concentration en MES à la sortie du bassin est due à la filtration physique qui consiste à retenir les matières grossières en surface et les plus fines, soit par blocage entre les pores, soit par interception et fixation sur les grains ou par interactions chimiques de type Van Der Waals (CHACHUAT, 1998).

Les rendements d’élimination des matières en suspension varient respectivement de 1,48 à 7,59 % le matin, de 1,83 à 7,28 % à midi et de 5,22 à 11,05 % le soir. Les faibles rendements enregistrés le matin et le midi par rapport à celui du soir seraient liés au colmatage des filtres (Figure 10) aggravé par un grand débit matinal des rejets urbains qui transportent de grandes quantités de particules avec une vitesse d’écoulement très élevée. Par conséquent le temps de séjour de ces rejets dans les bassins de filtration est réduit, ce qui ne permet pas une bonne filtration, excepté le week-end où le débit matinal et la vitesse d’écoulement des rejets sont faibles, dans ce cas le temps de séjour dans le bassin de filtration augmente ce qui permet la filtration de l’effluent.

Figure 10

Vue du colmatage des filtres par la formation d’une couche de boue

View of filters clogging by the formation of a mud layer

Vue du colmatage des filtres par la formation d’une couche de boue

-> Voir la liste des figures

La figure 10 montre bien le colmatage des filtres par la formation d’un gâteau de boues presque imperméable, qui recouvre les filtres des deux compartiments réduisant ainsi le rendement d’élimination de la MES du bassin de filtration. Une fois les filtres colmatés, l’eau usée ne fait que transiter par les deux compartiments sans subir aucun traitement physique.

L’évolution journalière de la concentration en MES du rejet brut à l’entrée et à la sortie du bassin ainsi que son rendement épuratoire sont présentés dans la figure 11.

Figure 11

Évolution journalière de la concentration en matières en suspension (MES) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

Daily evolution of the suspended matter concentration at the inlet and outlet of the filtration basin and of its treatment efficiency

Évolution journalière de la concentration en matières en suspension (MES) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

-> Voir la liste des figures

4.2.4 Demande chimique en oxygène (DCO)

L'analyse des résultats de la DCO montre la diminution de celle-ci entre l'entrée et la sortie du bassin de filtration. Cette demande varie de 428 à 352 mg∙L-1 pour le matin, de 615 à 412 mg∙L-1 à midi et de 400 à 238 mg∙L-1 pour le soir (Figure 12). Ces teneurs sont nettement au-dessus des normes requises par les législations algérienne et européenne pour le rejet en milieu naturel. La diminution est due à la rétention physique de la matière organique du rejet dans les filtres et à une certaine oxydation de celle-ci par la flore microbienne en présence d’oxygène.

Figure 12

Évolution journalière de la demande chimique en oxygène (DCO) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

Daily evolution of the chemical oxygen demand (COD) at the inlet and outlet of the filtration basin and of its treatment efficiency

Évolution journalière de la demande chimique en oxygène (DCO) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

-> Voir la liste des figures

Les rendements épuratoires pour la DCO enregistrés sur la période de suivi varient de 1,18 à 9,74 % pour le matin, de 1,12 à 16,98 % à midi et de 6,03 à 10,18 % pour le soir. Pour les jours de la semaine, les meilleurs rendements sont enregistrés à midi et le soir lorsque le débit des rejets diminue. Quant aux jours du week-end, les meilleurs rendements sont enregistrés le matin lorsque le débit matinal des eaux usées est faible. Ceci entraine une augmentation du temps de séjour dans le bassin, ce qui a pour effet d’augmenter le degré d’oxygénation du massif filtrant et par conséquent, une augmentation de l’oxydation des matières organiques.

4.2.5 Demande biologique en oxygène à jours (DBO5)

L'analyse de la DBO5 du rejet à l'entrée et à la sortie du bassin est donnée dans la figure 13 pour la journée du dimanche. Les résultats obtenus nous montrent que la DBO5 diminue dans les filtrats par rapport à celle enregistrée à l’entrée du bassin de filtration. Elle est de 196 mg∙L-1 pour le matin, de 226 mg∙L-1 à midi et de 218 mg∙L-1 pour le soir. Ces valeurs sont au-dessus de la norme requise par la législation algérienne et européenne. Cette diminution peut être expliquée par la dégradation de la matière organique biodégradable par les microorganismes.

Figure 13

Évolution au cours de la journée du dimanche de la demande biologique en oxygène à cinq jours (DBO5) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

Evolution on Sunday of the 5-day biological oxygen demand (BOD5) at the inlet and outlet of the filtration basin and of its treatment efficiency

Évolution au cours de la journée du dimanche de la demande biologique en oxygène à cinq jours (DBO5) à l'entrée et à la sortie du bassin de filtration et de son rendement épuratoire

-> Voir la liste des figures

Le meilleur rendement épuratoire est obtenu le soir avec une valeur 10,65 %. Cela s’explique par la diminution de la vitesse d’écoulement et avec le réchauffement des eaux. En effet, ces conditions favorables permettent d’intensifier l’activité des microorganismes qui dégradent la matière organique.

5. Recommandations

Après plusieurs années d’exploitation de cet ouvrage d’épuration, nous avons pu constater que le colmatage des filtres en raison du manque d’entretien a entrainé son rendement épuratoire médiocre, notamment pour l’élimination des MES. La raison principale de ce manque d’entretien est l’absence d’organisme chargé de son exploitation. L’eau usée brute arrive chargée en MES dans le bassin de filtration : une fois piégées, ces MES ont pour effet de colmater les filtres au bout de quelques semaines. Ceci nous amène à penser qu’un traitement physique primaire comme la décantation en amont est nécessaire. Ce procédé (bassin de décantation) permettrait d’éliminer jusqu’à 50-60 % de MES. L’efficacité ou le rendement du bassin de décantation dépend de son volume et plus particulièrement de celui réservé à la rétention des boues ainsi que du temps de séjour des boues.

Nous présentons en figure 14, le système d’épuration que nous préconisons en zone rurale dans la région de Tizi Ouzou. Ce système améliore et corrige les insuffisances laissées par le traditionnel bassin de filtration. Cette combinaison d’ouvrages (bassin de décantation, bassin de filtration et lit de séchage) est bien adaptée pour les assainissements semi-collectifs des zones éparses en milieu rural, car ce système est peu coûteux en investissement, peu onéreux en exploitation et ne fait pas appel à l’énergie électrique ni aux équipements électromécaniques. Sa gestion ne nécessite pas une intervention quotidienne d’un organisme d’exploitation sauf pour l’extraction des boues une fois par mois.

Figure 14

Modèle de système d’épuration à préconiser en zone rurale à Tizi Ouzou

Model of sewage treatment recommended for rural areas such as Tizi Ouzou

Modèle de système d’épuration à préconiser en zone rurale à Tizi Ouzou

-> Voir la liste des figures

6. Conclusion

Le rendement de l’élimination des MES de l’ordre de 11 % est médiocre à cause du mauvais entretien du bassin de filtration. Ce rendement reste tout de même correct, compte tenu du coût très bas de réalisation de ces bassins de filtration, et présente un bon rapport qualité/prix. Étant donné que la DCO et la DBO5 sont liées aux MES, leur rendement d’élimination s’améliorera une fois que celui des MES se serait amélioré par l’installation d’un bassin de décantation. Une fois l’eau décantée puis filtrée, elle poursuivra son autoépuration dans les talwegs naturels sans risque de pollution de la nappe. Quant aux boues séchées, elles peuvent être valorisées dans le domaine de l’agriculture en s’intégrant dans une stratégie nationale des déchets d’assainissement comme le préconise d’ailleurs le SNDA.

Cette étude a été l’occasion de tester sur un exemple réel l’efficacité d’un bassin de filtration et l’introduction dans la filière d’épuration du bassin de décantation pour enfin aboutir à un système épuratoire bien adapté aux réseaux semi-collectifs.