Corps de l’article

1. Introduction

Le fait que l’école inclusive fasse en apparence l’objet d’un consensus sociétal et ne soit plus l’objet de débats politiques (Baudot, Borelle et Revillard, 2013) pourrait laisser penser qu’il y a accord sur les définitions sous-jacentes à la question étudiée. La lecture de la littérature scientifique récente laisse à penser que ce n’est pas le cas, et le manque de définitions partagées a été identifié comme un problème (par exemple, Berlach et Chambers, 2011), favorisant les idéologies et entravant le développement des travaux scientifiques (Gyimah, Sugden, et Pearson, 2009).

Cette absence de définitions consensuelles provoque des incompréhensions sur l’idée même d’école inclusive, tant sur le plan des pratiques que de l’analyse des phénomènes. Ainsi, au fil du développement des pratiques ou des analyses, on peut percevoir des écarts croissants dans la manière de positionner la question de l’école inclusive. Certains travaux se polarisent sur la question de l’inclusion des élèves handicapés en classe scolaire régulière (Doré, Wagner, et Brunet, 1996), alors que d’autres s’attachent à identifier des pratiques efficaces pour une population donnée (Giroux, 2013), ou encore ont pour ambition de penser les principes susceptibles d’orienter l’action vers une école idéalement inclusive (Gardou, 2014). Dans cette étude, nous adopterons l’expression « école inclusive » pour désigner le projet d’une école à la fois régulière et adaptée aux besoins de tous les élèves qui la fréquentent et « inclusion » pour désigner, au sein d’une école inclusive, les temps de travail dans les classes régulières. Il demeure que l’utilisation de ces termes dans les écrits consultés ne correspondant pas toujours à ces définitions nécessitera un élargissement des mots-clés. Par ailleurs, l’école inclusive telle que nous l’entendons ne peut être qu’un projet relevant d’une responsabilité collective. Ce qui ici nous amènera à croiser les notions d’école inclusive et de partenariat, cette dernière étant toutefois élargie jusqu’à englober « l’agir ensemble » tel qu’expliqué dans les paragraphes qui suivent.

Dans la même logique, le partenariat, quand il est évoqué, est présenté comme élément incontournable pour la mise en oeuvre de l’école inclusive. Srivastava, de Boer et Pijl (2015) et Engelbrecht, Swart et Eloff (2001), par exemple, soulignent l’importance d’impliquer la communauté lorsqu’il est question de mettre en oeuvre l’inclusion dans une école. Cette dernière s’inscrit, comme d’autres le prétendent également (DeMatthews et Mawhinney, 2014 ; McMaster, 2013), dans une communauté qui doit, en parallèle, être inclusive, ce qui appelle à des mises en commun de problématisations, d’engagements, d’expertises et de ressources partagées. D’autres inscrivent cette question davantage dans l’action du personnel travaillant auprès des élèves autour d’une logique de mise en commun des expertises ou la réalisation d’une action conjointe (Rayndak, Lehr, Ward et DeBevoise, 2014). Pourtant, tout comme dans le cas de l’expression école inclusive, la manière de conceptualiser ce partenariat est loin d’être explicitée.

Comme évoqué plus haut, la mise en place d’un tel changement de l’école nécessite une mise en commun des expertises et des ressources qui devrait dépasser la simple collaboration entre acteurs de l’école ou encore la seule coordination de l’action. Une telle évolution suppose la mise en place de partenariats définis comme des actions négociées (Zay et Gonnin-Bolo, 1995). Pour cette raison, nous souhaitons porter un regard spécifique sur la place accordée au partenariat dans la recherche sur l’école inclusive. Il apparait toutefois que ce concept est utilisé de façon indifférenciée et est associé à d’autres termes tels que la coordination, la collaboration ou la coopération. Dans ce travail, et compte tenu de la diversité des usages qui sont faits du terme de partenariat, nous préférons adopter la formulation « agir ensemble » pour qualifier cette diversité et ne pas restreindre notre regard aux seules études utilisant le terme partenariat ou partenaire. « L’agir ensemble » est ici compris comme une action ou une activité mettant en interaction deux ou plusieurs acteurs, qu’elle soit au sein de l’école ou entre l’école et des acteurs de l’extérieur.

Ayant constaté qu’aucune étude n’a, à ce jour, fait le point sur l’utilisation conjointe de « l’école inclusive » et « d’agir ensemble », il nous est apparu nécessaire d’entamer une réflexion sur cette question. L’objectif est donc de faire le point sur l’utilisation de ces deux notions dans les études scientifiques et empiriques portant sur la question et pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.

Dans les paragraphes qui suivent, « l’école inclusive » et « l ’agir ensemble » seront circonscrits avant de décrire la méthode utilisée et les résultats obtenus que nous discuterons à l’aune de ces manières de les concevoir, mais aussi en référence aux conséquences prévisibles sur la formation des enseignants appelés à intervenir au sein de l’école inclusive.

2. Contexte théorique

Cette partie théorique fait rapidement le point sur l’histoire des concepts et des termes étudiés dans notre article. Les travaux de recherche mobilisés sont situés, pour beaucoup d’entre eux, dans la période de 1980-1990, période qui nous semble fondatrice à la fois de la notion contemporaine de partenariat et d’école inclusive.

2.1 L’école inclusive, une école pour tous et chacun

Dans de très nombreux pays, la question de l’école inclusive est abordée par le biais du droit des enfants (Bonjour, 2006 ; Ebersold, 2012a). Les travaux mettent alors en avant la perspective de la construction sociale du handicap pour aboutir à des principes, voire des préconisations comme la participation sociale (Ebersold, 2012b), la normalisation des adaptations (théorie, certes, publiée en pleine période du « mainstream », mais qui relève d’une approche inclusive) (Wolfensberger, 1972), la responsabilisation des acteurs de l’école pour la réussite de tous les élèves (Perrenoud, 1995) ou le droit à l’école (Plaisance et Kahn, 2009). Ces travaux ont en commun la volonté de transformer l’école, de la rendre accessible tant du point de vue des locaux que de celui de l’enseignement et affirment la nécessité d’un changement de paradigme avec l’ancienne logique « intégrative ».

Cependant, quelques travaux en sont restés à une conception « intégrative » de l’école inclusive, mettant en avant, non pas les adaptations que l’école doit mettre en oeuvre pour devenir inclusive, mais la nécessaire « inclusion » des enfants ayant des besoins éducatifs particuliers dans l’école régulière. La posture adoptée est alors proche des conceptions véhiculées par l’intégration scolaire en France entre les années 1970 et 2000 ou par le mainstreaming aux États-Unis, donc d’une « inclusion » que l’on ne mesure que par la présence physique des élèves handicapés dans les classes régulières. En d’autres termes, le changement de paradigme souhaité par les promoteurs de l’école inclusive (Skrtic, 1991) ne se retrouve pas dans tous les travaux se réclamant de l’école inclusive (ou de l’inclusion). Il apparait notamment que le processus d’intégration du dehors au dedans (Gardou, 2012), qui contraignait, dans la logique intégrative, les élèves handicapées à négocier leur acceptation dans l’école, est encore largement présent.

Sur le terrain, l’opposition entre une école qui serait inclusive et une autre qui ne le serait pas n’a guère de sens dans le quotidien des écoles (Clark, Dyson, Millward et Robson, 1999). Ce qui a conduit certains auteurs, à défaut d’une réelle école inclusive, à identifier des niveaux d’inclusion ou plutôt d’intégration de la différence. Ainsi, Wolfensberger et Thomas (1983), à la suite de travaux menés dans le nord de l’Europe, ont caractérisé l’intégration (mainstream) en fonction de différents niveaux depuis l’intégration physique (les élèves intégrés fréquentent la même école), en passant par l’intégration sociale (les élèves intégrés sont en contact avec les autres élèves) et jusqu’à l’intégration pédagogique (les élèves sont engagés dans les activités des classes régulières) (Doré et coll., 1996 ; Wolfensberger et Thomas, 1983). À ces trois niveaux se sont ajoutées l’intégration administrative (les programmes et les services de tous les élèves sont régis par la même loi scolaire) (Vienneau, 2002), l’intégration communautaire (les élèves ont accès aux activités offertes par la société) (Erwin et Guintini, 2000 ; Kluth, Straut et Biklen, 2003 ; Meyer, Irving, et Allen, 1998 ; Sapon-Shevin, 1999 ; Villa et Thousand, 2000) et l’intégration didactique (les élèves sont engagés dans des apprentissages adaptés, notamment en terme curriculaire) (Ashby, Burns et Royle, 2014). Il s’agit d’autant de descripteurs de l’école inclusive que nous proposons de considérer comme des facettes non hiérarchisées permettant de rendre compte de la qualité de l’ouverture à la différence de l’école.

2.2 Un « agir ensemble » pluriel souvent évoqué, mais rarement explicité

Tel qu’évoqué plus haut, les termes de partenariat, de collaboration ou de coopération sont fréquemment utilisés pour qualifier un « agir ensemble » orienté par les besoins particuliers des élèves (Chatelanat, 2003). Pour autant, chacun de ces termes reste insatisfaisant en raison du fait qu’ils sont entendus, eux aussi, différemment selon leurs utilisateurs pour des raisons diverses d’ailleurs. Nous en voulons pour exemple l’utilisation du mot partenariat, entré depuis peu dans le dictionnaire (Mérini, 1999) et qui désigne tout autant des accords entre commanditaires, une délégation de pouvoir ou une commandite en lieu et place d’une action conjointement négociée et construite entre partenaires (Zay et Gonnin-Bolo, 1995), afin de résoudre un problème ou de réduire une problématique. Outre cette diversité de significations attribuée à un même terme en raison de sa relative nouveauté, il nous faut souligner l’impact de l’histoire sur l’usage des mots. C’est le cas du terme de collaboration, chargé d’un lourd passé historique en Europe, ou celui de coopération, chargé, lui, de l’histoire coloniale et de ses asymétries. Les mots drainent avec eux des systèmes de valeurs liés à l’histoire de leur émergence, le terme de partenariat n’y échappe pas. Issue du monde économique, la notion est associée plus ou moins explicitement à une recherche d’efficience optimale (Urban et Vendemini, 1992). Il est aussi fréquent de voir « l’agir ensemble » réduit aux seules idées de communication ou de coordination. La profusion des termes qualifiant cet « agir ensemble » et leur polysémie nécessitent à notre sens une exploration plus ferme de leurs usages et de leur recours.

Pour notre part, comme nous l’avons déjà dit, nous retenons que « l’agir ensemble » essentiel au développement de l’école inclusive est celui de partenariat comme démarche d’organisation d’une action négociée. Pour autant, une analyse des productions scientifiques démontre une diversité paradigmatique derrière le mot marquant l’évolution du champ social et de celui de la recherche.

2.2.1 L’émergence du terme partenariat dans la littérature scientifique

On peut remarquer, depuis une trentaine d’années, une évolution des paradigmes auxquels renvoie l’utilisation du mot partenariat. Nous en identifierons trois que nous nommerons : paradigme de l’action, paradigme des stratégies et, enfin, paradigme de l’engagement.

C’est essentiellement en France et aux États-Unis que, dans les années 1990, la notion de partenariat apparait dans la littérature scientifique. Si, dès le départ, le terme n’est pas inscrit dans le même paradigme de part et d’autre de l’Atlantique (pragmatisme pour les uns, innovation pour les autres). Les travaux traduisent malgré tout une volonté commune de réforme (en particulier des systèmes éducatifs), mais dans une dimension locale (niveau de l’établissement) ciblant les pratiques éducatives en France (Zay, 1994) et dans une dimension globale aux États-Unis (Osguthorpe, 1995) qui cherche à améliorer les performances du système éducatif.

Dans une seconde phase, les domaines d’application du partenariat se resserrent autour de la formation des enseignants (Brookhart et Freeman, 1992 ; Chivore, 1988), de la formation en alternance (Landry et Serre, 1994 ; Mérini, 1999), du lien aux familles en particulier pour les enfants à besoins particuliers (Dale, 1996 ; Davis, 1993 ; Epstein, 2001 ; Guerdan, Bouchard et Mercier, 2002) et de l’échec scolaire (Lesain-Delabarre, 1999). À noter qu’une nouvelle thématique émerge, celle du partenariat de recherche (Anadón, 2001 ; Heron, 1996 ; Huberman, 1990 ; Lenoir, 1996 ; Savoie-Zajc et Dolbec, 1999). Pour autant, cette diversité trouve un point commun, celui de l’acteur ou du système stratégique (Hord, 1987 ; Kernaghan, 1993 ; Zay et Gonnin-Bolo, 1995).

Plus récemment, la troisième phase est marquée par le paradigme de l’engagement et de l’implication par le choix (Hall, 2009). Le partenariat est alors utilisé pour ouvrir des possibles. Les réponses à apporter aux problèmes rencontrés ne sont plus univoques grâce aux montages partenariaux qui peuvent être faits selon les ressources locales. Cet état de fait permet aux acteurs de faire de vrais choix et de ne plus être de simples agents. Le partenariat, dans ce cas, permet de rechercher l’engagement des acteurs.

Ce rapide repérage de la diversité d’usage du terme de partenariat soulève une série de questions auxquelles ce travail ne prétend pas répondre. Celui-ci tente plutôt d’apporter une certaine lisibilité au fait que l’instabilité d’une notion encore jeune, comme celle de partenariat, marque peut-être le fait qu’il s’agit d’un simple concept opératoire ouvrant la voie au pragmatisme, à moins qu’elle ne traduise une complexification du champ social et de son organisation pour la mise en oeuvre d’une idée, tout aussi complexe, d’école inclusive.

Nous cherchons donc à comprendre, au travers de l’utilisation des mots, comment est entendue notre double thématique d’école inclusive et « d’agir ensemble ». Pour cela, nous utilisons l’analyse discursive que celle-ci soit issue d’une description empirique des pratiques ou de leur conceptualisation pour saisir l’idéologie (au sens de l’idée qui est derrière les pratiques ou leur analyse). Nous en dégageons un sens commun, celui des représentations sociales (Moscovici, 1984) qui sont derrière les discours scientifiques ayant trait aux thématiques évoquées précédemment. On peut en effet considérer que, dans les écrits scientifiques, s’institutionnalise une sorte de réalité collective coordonnée par des principes organisateurs (les idées, les valeurs ou les modèles mobilisés) qui traduisent l’ancrage de représentations partagées décrivant ainsi une réalité empirique ou conceptuelle. C’est donc le sens accordé aux mots qui est à la base du questionnement de notre recension afin d’interroger l’ancrage des représentations sociales de ces mots. Étudier l’ancrage des représentations sociales, pour Willem Doise, c’est explorer « la combinaison particulière de notions qui forment leur contenu » (Doise, 1992, p.189). C’est donc le rapport existant entre la terminologie et son contexte de mobilisation que nous interrogeons, à la fois sur la place que prend cet « agir ensemble » dans les écrits sur l’école inclusive et sur la façon dont tout cela est opérationnalisé dans les études récentes du domaine. « Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu’elles servent dans l’interaction avec le monde et les autres. » (Jodelet, 1984, p. 378)

Après avoir précisé la méthodologie adoptée et le devis du travail, nous décrirons les résultats obtenus que nous discuterons par la suite.

3. Méthodologie

Tel que précisé plus haut, la méthode adoptée pour recueillir et analyser les données est une analyse documentaire qualitative, dans la mesure où nous cherchons à connaitre l’utilisation conceptuelle du champ de l’école inclusive et de « l’agir ensemble » dans les écrits scientifiques. Il s’agit donc d’une analyse catégorielle thématique mettant en relief des indicateurs qui permettent d’inférer une réalité autre que celle décrite. C’est le classement des éléments par catégories qui permet de dégager des parties communes et qui réorganise l’expression de messages pas forcément perceptibles quand les éléments sont isolés. Les présupposés, les implicites ou les allant-de-soi, cachés derrière les formulations, sont actualisés par les regroupements, mais aussi par le contexte énonciatif et souvent en relation avec leurs conditions de production sociohistoriques.

La constitution de notre corpus a été menée à partir de l’extraction d’articles selon deux modalités distinctes, que nous décrivons plus loin, afin de tenir compte de potentiels champs de publication différents. Pour avoir un regard le plus exhaustif possible, il est apparu essentiel de rechercher les textes scientifiques publiés en français et en anglais. Nous avons centré notre corpus sur les années les plus récentes disponibles, notre objectif étant d’avoir une photographie actuelle d’un champ de recherche qui ne prend en compte que depuis peu notre objet d’étude. L’absence de bases de données bibliographiques couvrant à la fois la littérature scientifique francophone et anglophone du monde de l’éducation nous a amenés à interroger deux bases de données distinctes, soit EBSCO (qui inclut 30 bases de données électroniques en sciences humaines et sociales, telles que ERIC, Medline, PsycINFO et SocINDEX) pour les textes en anglais et CAIRN pour les textes en français. Ces dernières n’ayant pas d’égales capacités d’interrogation, il a fallu utiliser deux stratégies distinctes pour tenter d’obtenir des textes qui répondent aux critères établis : revues scientifiques révisées par les pairs publiées entre les années 2011 et 2015 (textes francophones de 2011 à 2014 et anglophones de 2013 à 2015, car ils étaient en plus grand nombre), selon la disponibilité du texte intégral. Outre ces critères de structuration d’égalisation de l’extraction des corpus anglophones et francophones, il a fallu prendre en compte la « critérisation » thématique du corpus. Nous avons donc retenu la double question de l’école inclusive et de « l’agir ensemble » ou de leurs concepts analogues.

3.1 L’extraction EBSCO

La stratégie de repérage de textes a été menée en deux temps pour les textes en anglais. Le premier a consisté à interroger la base de données à partir des descripteurs précisés plus loin en restreignant la recherche aux textes relus par des comités de pairs.

Les descripteurs utilisés ont été : (‟inclusive education” ou « inclusive schools » ou « mainstreaming ») et (« special needs students » ou « disabilities ») et (« elementary schools » ou « secondary schools »). Cette stratégie de questionnement a permis d’identifier 150 textes. Dans un second temps, une recherche avec Google Scholar, en utilisant les mêmes mots-clés, a permis de compléter avec six autres articles (non apparus dans la recension avec EBSCO) qui abordaient directement la définition de l’école inclusive.

3.2 L’extraction CAIRN

Pour l’identification des textes francophones, la stratégie a également été menée en deux temps. D’abord, à partir de la base de données CAIRN, qui a été questionnée en utilisant les mots clés suivants : (école inclusive ou inclusion ou intégration) et (besoins éducatifs particuliers ou handicap) et (école ou collège ou lycée). En restreignant l’extraction entre 2011 et 2014, sans insérer de filtres de recherche, 1350 résultats ont été obtenus. Pour orienter la recherche vers des sujets qui nous préoccupent, le critère de restriction de discipline a été introduit, celui des « sciences de l’éducation », ce qui a limité la recherche à 145 résultats. Pour affiner un peu plus notre recherche, nous avons sélectionné, comme types d’ouvrages, « revues » (108 résultats) et « ouvrages » (29 résultats). Cela a ramené à 137 le nombre de résultats obtenus. Les résultats ne couvrant pas l’ensemble des revues en sciences de l’éducation, nous avons procédé à une seconde extraction en partant du nom de 18 autres revues francophones susceptibles d’aborder les sujets (par exemple, Recherche et formation, Revue française de pédagogie). Cela a permis de repérer 51 textes supplémentaires, la plupart d’entre eux étant publiés dans La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation. Bien que considérée comme une revue d’« interface », cette revue impose une double lecture par les pairs et nous avons intégré ses textes dans notre corpus.

Une recherche par mots-clés sur « l’agir ensemble » (partenaire, partenariat, collaboration, collaborer, coordonner, etc.) a permis d’identifier, dans les textes anglophones (N = 156) et francophones (N = 188), 15 textes anglophones et 11 textes francophones qui abordent également la question. Ce corpus compose le principal matériel d’analyse de cette étude. Les textes n’abordant pas le concept « d’agir ensemble » ont également été considérés (N = 318), ne serait-ce que pour constater le faible nombre de publications associant « école inclusive » et « agir ensemble ».

3.3 Catégorisations et critères d’analyse

Pour répondre à l’exigence d’indexation (Bardin, 1991) des documents répertoriés et pour assurer une cohérence au travail, nous avons développé une grille d’analyse commune. La grille a été construite en référence aux cadres conceptuels précédemment présentés sur les notions « d’école inclusive » et « d’agir ensemble ». Elle a été structurée à partir d’une série de critères référant aux différentes facettes de l’intégration présentées plus haut et de la description de « l’agir ensemble » au travers des questions suivantes : qui en était la cible (on agit ensemble pour qui ?), quels acteurs (entre enseignants, enseignants et professionnel, de l’interne, de l’externe ?) et quels objets étaient en cause (collaboration, partenariat ou autres), entre autres pour apprécier le type « d’agir ensemble » dont il est question. Enfin, les informations (auteur, année de publication, revue ou monographie, titre de l’article, etc.) ont été colligées systématiquement afin de décrire le texte étudié ainsi que d’autres informations telles que la population ciblée et le fait qu’on aborde ou non le contexte culturel particulier de mobilisation des deux notions « école inclusive » et « agir ensemble ».

Avant de procéder à cette codification, un exercice de préexpérimentation collective de la grille a été réalisé sur les six premiers textes (trois en français et trois en anglais). Cela a permis à l’équipe de chercheurs d’affiner et d’harmoniser leur compréhension des catégories.

Par la suite, l’analyse a été réalisée par l’équipe de recherche (soutenue par des étudiants de cycles supérieurs) s’appuyant sur les catégories d’analyse préétablies (conférez à l’annexe). Une fois ces informations compilées une analyse d’ensemble a permis de faire ressortir les grands constats par catégorie ainsi que les relations potentielles entre celles-ci.

4. Résultats et analyse

La présentation des résultats et de l’analyse se fera en deux parties : l’une concernera la question de la définition de l’école inclusive, l’autre celle de « l’agir ensemble ».

4.1 L’école inclusive

4.1.1 Le double versant implicite ou explicite de l’école inclusive

Il ressort, de la lecture des textes extraits, une quasi-absence de définition explicite de l’école inclusive (ou de l’intégration). Ainsi, la norme définissant l’école inclusive se fonde, de fait, sur des « allant-de-soi » dont la fragilité inquiète si l’on réfère à l’instabilité du terme.

Parmi les rares textes qui mettent de l’avant une définition de l’école inclusive, certains (Bentley-Williamsa et Morgan, 2013 ; Kim, 2014 ; Srivastava et coll., 2015) associent l’école inclusive aux principes fondateurs du droit (participation sociale, réponse sociétale aux besoins), telle qu’elle peut être portée par les textes d’organismes internationaux (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture [UNESCO], 1994, 2000). Parmi ces textes, certains en viennent à la conclusion que ce modèle définit un objectif loin d’être atteint dans la pratique (par exemple, Bossaert, de Boer, Frostad, et Petry, 2015). Il en ressort que, à défaut de pratiques, l’idée d’école inclusive, et notamment l’identification de ses fondamentaux, est un objet de recherche important qui a inspiré un bon nombre de politiques publiques. En effet, on retrouve, dans les lois de différents pays développés et en voie de développement, les principes développés dans les travaux de recherche (Srivastava et coll., 2015).

En l’absence de définition, on peut lire « en creux » les travaux de recherche et tenter de percevoir les différentes dimensions de l’intégration étudiées ou évoquées (Intégration physique, sociale, pédagogique, administrative, communautaire et didactique). Tel est le cas lorsque les textes étudiés réfèrent à des situations réalisées « d’inclusion », donc à l’intégration physique des élèves dans les classes ou écoles régulières. On est, ici, fort loin de l’idée même d’école inclusive. Il reste toutefois que les textes réfèrent souvent à l’importance de l’engagement pédagogique et social (Day et Prunty, 2015 ; Kim, 2014). La question de l’engagement didactique (Ashby, Burns et Royle, 2014) et administratif (Potvin, 2014) est très rarement explicitée. On peut imaginer pourtant que ces deux formes d’engagement soient elles aussi considérées comme des allants-de-soi et qu’elles restent implicites pour ceux qui valorisent l’approche présentée comme de l’inclusion totale (« full inclusion » ou « inclusion totale » [Lipsky et Gartner, 1992 ; Sailor, Gee et Karasoff, 1992 ; York, Vandercook, MacDonald, et Wolff, 1989], deux termes employés ici dans une volonté de construire une école inclusive où toutes les adaptations auraient lieu au sein de la classe régulière).

4.1.2. Une large référence à la scolarisation des élèves porteurs de handicaps

Concernant les bénéficiaires de l’école inclusive, une variété de domaines sont touchés : la réinsertion sociale de jeunes suivis par des services d’aide sociale, la diversité culturelle, la défavorisation socioéconomique, les troubles d’apprentissage (Ashby et coll., 2014), la déficience intellectuelle et les troubles du spectre de l’autisme. Ces trois derniers sont clairement ceux qui reviennent le plus souvent. En effet, de nombreux articles sont finalisés par la défense d’une population identifiée, souvent handicapée (par exemple Ashby et coll., 2014 ; Dunand et Feuilladieu, 2014 ; Granger-Sarrazin, 2013 ; Le Capitaine, 2013 ; Vander Vorst et Wintgens, 2013) ; puis, dans une moindre mesure, des élèves relevant de l’« adaptation scolaire » (Giroux, 2013 ; Montgomery et Mirenda, 2014) ou encore de la protection de l’enfance (Oui, 2014).

4.1.3 Dimension culturelle de l’école inclusive

L’école inclusive, telle que nous l’avons définie, est une préoccupation pour plusieurs pays développés (Angleterre : Lauchlan et Greig, 2015 ; Norwich, 2014 ; Belgique, Hollande et Norvège : Bossaert et coll., 2015 ; Turquie, Bulgarie, Espagne, Italie et Écosse : Davis et Deponio, 2014 ; Irlande : Day et Prunty, 2015), mais c’est également une question pour des pays en développement tels que : Malaisie : Lee et Low, 2013 ; Corée du Sud : Kim, 2014 ; Inde : Naraian et Natarajan, 2013 et Afrique du Sud : Bornman et Donohue, 2013). On y retient que, si le registre législatif avance au travers des prescriptions, l’agir et les pratiques semblent ne pas nécessairement être en correspondance (Srivastava et coll., 2015).

L’intérêt de considérer la culture dans le développement de l’école inclusive ressort également au niveau microsocial de l’école. McMaster (2013), dans sa recension sur les programmes d’inclusion scolaire, montre que la mise en oeuvre d’une école inclusive selon le modèle de l’inclusion totale est associée à un changement de culture de l’école. Les conditions nécessaires font partie intégrante de la culture scolaire, notamment la culture de travail en commun. Le premier niveau de communauté serait à situer dans le partage et l’adoption d’une définition commune de l’inclusion. D’autres auteurs mentionnent clairement le rôle joué par les directions d’école (Day et Prunty, 2015 ; Katz et Sugden, 2013) ou encore par les aménagements organisationnels comme la formation, le soutien au personnel, etc. (Loreman, Forlin, Chambers, Sharma et Deppeler, 2014) dans la réussite de mises en oeuvre d’une école inclusive.

4.1.4 « L’agir ensemble »

L’analyse de « l’agir ensemble » a été subdivisée en deux étapes. Dans un premier temps, nous avons tenté de décrire le sens donné à l’action collective décrite dans les textes extraits. Dans un second temps, nous avons présenté les acteurs mobilisés dans ces actions.

4.1.4.1 De quoi parle-t-on ?

Les études empiriques qui prennent « l’agir ensemble » comme objet d’étude spécifique dans un contexte d’inclusion sont quasi inexistantes. En effet, parmi les 344 textes répertoriés, seuls 26 abordent minimalement la question. De ces derniers, seuls deux ménagent une place plus importante à la notion. Lorsque « l’agir ensemble » est évoqué, c’est principalement pour affirmer son importance dans la mise en oeuvre de l’école inclusive dans une école ou une communauté. « L’agir ensemble » est mentionné comme une condition à l’école inclusive, cette condition semble plus déterminante encore, si on se situe dans une approche qui favorise une inclusion complète en classe régulière (Day et Prunty, 2015 ; Montgomery et Mirenda, 2014).

De plus, lorsque les auteurs évoquent « l’agir ensemble », ils n’expliquent pas clairement leur conceptualisation de cette expression. Entretenant les confusions déjà évoquées autour du terme de partenariat, les textes traduisent la tendance à assimiler ou à réduire « l’agir ensemble » à la seule coordination des services (voir par exemple Howery, McClellan et Pedersen-Bayus, 2013), en s’assurant que l’élève reçoive le bon service ou en évitant la duplication des services.

4.1.4.2 Qui agit ensemble ?

Lorsque « l’agir ensemble » est évoqué, c’est souvent entre l’enseignant de la classe régulière et les spécialistes du milieu scolaire (Ashby et coll. 2014 ; Bentley-Williams et Morgan, 2013 ; DeMatthews et Mawhinney, 2014 ; Howery et coll., 2013 ; Kim, 2014 ; Montgomery et Mirenda, 2014) ou encore, mais plus rarement, entre enseignants (Day et Prunty, 2015 ; Katz et Sugden, 2013). On ne conçoit pas une inclusion (pédagogique et didactique) réussie sans le partage d’expertises (Ashby, Burns et Royle, 2014 ; Bentley-Williams et Morgan, 2013 ; De Matthews et Mawhinney, 2014) ou encore sans la coordination des planifications d’enseignement (Day et Prunty, 2015 ; Davis et Deponio, 2014 ; Katz et Sugden, 2013 ; Montgomery et Mirenda, 2014). Toutefois, Ashby et coll. (2014) précisent que cet agir commun nécessite un intérêt réciproque pour les connaissances et les pratiques de chacun. Cet intérêt traduit, pour une part, une forme d’engagement et d’implication telle que nous l’avons mise en relief, plus haut, dans notre analyse de l’évolution de la signification du terme de partenariat. Notons d’ailleurs que les textes étudiés sont tous inscrits dans le paradigme de l’engagement de la troisième phase.

La relation avec les parents est entre autres évoquée comme de « l’agir ensemble », en particulier pour l’identification des besoins, la recherche de solutions (Day et Prunty, 2015 ; Davis et Deponio, 2014 ; Lee et Low, 2013 ; Srivastava et coll., 2015), la planification de l’action et, plus rarement, la contribution à l’intervention (Montgomery et Mirenda, 2014). Quant à eux, Lauchlan et Greig (2015) réfèrent à l’implication des parents dans la décision de participation de leur enfant à des enseignements réguliers comme élément d’action conjointe.

Dans certains cas touchant la mise en oeuvre de modèle d’inclusion totale, il est question de la participation de l’ensemble de la communauté (Loreman et coll., 2014 ; McMaster, 2013 ; Srivastava et coll., 2015), notamment en soutien à l’inclusion, mais aussi dans l’appropriation d’un modèle de l’école inclusive. Parce que l’école est étroitement liée au champ social, il est difficile d’envisager une école inclusive dans une société non inclusive. Ainsi, l’accueil de la communauté à ce projet, la perception du handicap et de l’inclusion qu’ont les parents et les organismes qui soutiennent l’école ne sont que quelques exemples associés à la part de la communauté comme acteur et potentiel partenaire de l’école inclusive.

5. Discussion

5.1 Un « agir ensemble » qui reste impensé

Il convient de préciser que nous avons fait le choix délibéré de restreindre la recension des écrits aux textes les plus récents. Ce choix marque la volonté de ne pas confondre les différents courants historiques de recherche sur l’intégration scolaire et l’école inclusive (années 2000 et 1990). Il en est de même pour la population ciblée, les élèves à besoins éducatifs particuliers. Le présent texte n’avait donc pas l’intention de faire le point sur l’ensemble de la recherche sur l’école inclusive, mais d’extraire de la recherche récente quelques constats relatifs aux élèves à besoins éducatifs particuliers.

L’analyse des textes, traitant à la fois les questions de l’école inclusive et celles de « l’agir ensemble », montre que leur conjonction est peu, voire pas évoquée dans les travaux récents. Ce point contraste avec l’importance que l’on accorde à « l’agir ensemble », telle qu’elle peut être évoquée dans la prescription dans les ouvrages de référence qui en font état (Ryndak, Lehr, Ward et DeBevoise, 2014) ou dans les études qui le placent comme condition de mise en oeuvre de l’école inclusive (par exemple, Day et Prunty, 2015 ; DeMatthews et Mawhinney, 2014 ; Srivastava et coll., 2015).

Une première hypothèse à cette absence serait une incapacité à prioriser la question de « l’agir ensemble ». Même si elle est considérée comme très importante, elle le serait tout de même moins que les autres variables (voir, par exemple, Assude et Calmet, 2014). Ainsi, les travaux étudiés peuvent affirmer la nécessité d’une posture holistique (systémique), tout en étant conduits à réduire de manière drastique les variables étudiées. La double question méthodologique de découpage du champ de recherche et du jeu des variables semble constituer un obstacle pour penser scientifiquement un objet évolutif et mouvant plus inséré dans l’action que dans des modèles théoriques. De ce point de vue, les travaux sur l’école inclusive rejoignent d’autres terrains (comme la santé, le développement durable, etc.) dans lesquels la question de « l’agir ensemble » n’est pas scientifiquement centrale, comme il est possible de le constater dans les travaux de Dhume (2003) et Lesain-Delabarre (1999). Pour renforcer ce point de vue, nous pouvons souligner que la plupart des articles francophones qui se sont avérés déterminants ici sont publiés dans La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, revue qui cible un lectorat professionnel, donc possiblement plus intéressé par les pratiques que par des modèles théoriques.

Finalement, « l’agir ensemble » apparait plus comme un outil d’organisation du travail permettant de mettre en relation différents secteurs d’activité au service d’une cause commune, l’école inclusive, sans que le processus de mise en relation ne soit explicité (négociation ou coordination seulement).

5.2 Un « agir ensemble » au service d’une école inclusive

La question de « l’agir ensemble » restant impensée, le travail commun est positionné dans le registre de la coordination technique des acteurs, des lieux, des agendas sans qu’il y ait de réelles négociations sur l’objet de cet agir commun, donc sans partenariat. Faute d’un accord sur le projet scolaire commun, cette centration sur la coordination dans « l’agir ensemble » mène à l’articulation d’un travail en parallèle, sans transformations mutuelles des pratiques, ce qui risque de se limiter à la prise en compte des besoins primaires des élèves (Maslow, 1943), indispensables à l’inclusion physique de ceux-ci en classe régulière. Le risque est également de ne pas s’engager dans une modification de la culture de travail pour aller vers une autre pratique nécessaire à l’implantation d’une école inclusive (McMaster, 2013 ; Ryndak et coll., 2014).

Travailler ensemble suppose une réorganisation du travail scolaire et des dispositifs, ce qui touche l’organisation même de l’établissement et de ses relations avec l’extérieur (Mérini, Thomazet et Gaime, 2014). Pourtant, sur de nombreux terrains, la mise en place de l’école inclusive reste contingente aux dispositifs existants, principalement de nature compensatoire (Félix, Saujat et Combes, 2012), et simplement coordonnés. Les enseignants sont souvent laissés à eux-mêmes : la classe, comme lieu d’« inclusion » est questionnée, mais peu l’école comme organisation, et encore moins l’école comme partie prenante de la société. En fait, l’école ne rend visible que les logiques scolaires, le projet de l’enfant se résumant à son projet scolaire. Dans ce contexte, l’école vit un dilemme fondamental entre une nécessaire ouverture (l’école n’est pas une fin en soi) et une nécessaire fermeture (l’école lieu d’instruction et d’éducation qui protège l’enfant de la société et de sa famille).

Ainsi, le primat donné à l’accessibilité (Bélanger, Thomazet et Mérini, 2014) se met difficilement en place dans les écoles. En conséquence, les dispositifs étudiés restent de faible envergure : on étudie une situation par l’analyse de l’activité d’un enfant handicapé, de son enseignant et d’un auxiliaire (technicien) d’intégration. La dimension collective du travail reste très marginale. La mettre en oeuvre supposerait, d’une part, une réorganisation majeure du travail et des rôles de chacun pour ajuster la pédagogie, respecter des règles administratives des temps de travail et des fonctions de chacun et nécessiterait, d’autre part, au-delà des modes de fonctionnement, la possibilité de réelles négociations aboutissant à l’élaboration de répertoires communs de sens et d’action. Cela reviendrait à travailler à l’appropriation par une traduction d’une définition locale de l’inclusion. Ce travail demande, de prime abord, un changement de culture de l’école (McMaster, 2013) et des institutions qui contribuent à la formation des personnes qui y oeuvrent.

Les problématiques de nombreux travaux de recherche centrées sur l’aide à l’élève limitent de manière drastique « l’agir ensemble » à un microsystème (personne, famille, accompagnants) et à de simples coordinations de lieux, d’intervenants et d’agendas (voir par exemple, Segon et Le Roux, 2013) et ne permettent pas de penser une (r)évolution majeure des pratiques actuelles. Une analyse plus large, notamment culturelle de l’école inclusive, conduit à plusieurs définitions et analyses (Potvin, 2014, p. 185 et p.189), la plaçant comme susceptible d’intégrer les postures interculturelles et multiculturelles, critiques, antiracistes, ainsi que des postures de coresponsabilité et d’imputabilité de tous les acteurs. En d’autres termes, l’approche multiculturelle pourrait constituer une piste d’évolution, car ne relevant pas d’un dispositif ou d’une organisation scolaire spécifiques.

Le développement d’une école inclusive supposerait donc l’implantation d’une culture d’action commune ou conjointement décidée, mais aussi de partage de responsabilités réelles pour tous les enfants. De ce point de vue, la formation des acteurs de l’école inclusive est appelée à être revue, tout comme les modes de gouvernance du système scolaire qui se devraient d’intégrer une réelle démarche de négociation. Ceci nécessite à la fois une révision des critères de recrutement et de l’offre de formation relative à « l’agir ensemble ». Disant les choses ainsi, nous soulignons que le changement repose sur l’ensemble des acteurs, car il suppose un renouvèlement de paradigmes sociaux et de pratiques, ce qui nécessite dans le même temps, une évolution des paradigmes scientifiques – et notamment méthodologiques, pour en permettre une formalisation adaptée à la complexité des objets (Doyle, 1977). La science n’ayant pas apporté les outils pour penser la question, peut-on concevoir un « agir ensemble » au service d’une école inclusive autrement que par l’idéologie prescriptive ou la coordination d’actions ?

6. Conclusion

La présente étude avait pour principal objectif d’explorer la littérature scientifique actuelle qui aborde à la fois « l’agir ensemble » et l’école inclusive afin de vérifier l’ampleur de la préoccupation des chercheurs sur « l’agir ensemble » comme outil euristique déterminant dans l’étude de l’école inclusive, d’une part, et de décrire comment est décrit et opérationnalisé cette notion « d’agir ensemble », d’autre part. Pour ce faire, une recension des études récentes du domaine a été réalisée. Il en ressort que « l’agir ensemble » est très peu présent dans le champ de la recherche sur l’école inclusive et qu’on lui accorde par ailleurs des sens différents.

Le défi pour la formation des acteurs scolaires est donc entier et il n’interpelle non pas seulement les universités, mais l’ensemble des agents sociaux dans la mesure où les politiques publiques reconnaissent maintenant la nécessité de répondre au droit fondamental à l’éducation. Ce défi est toutefois de taille, car il suppose des changements conséquents et à différents niveaux, personnel, institutionnel, social et scientifique, qui ne pourront tous se produire en même temps. Par où commencer ?

Nos résultats amènent à postuler qu’une attention prioritaire devrait être accordée au développement de la compétence « agir ensemble » pour en venir à un réel partenariat. Dans l’étude de Montgomery et Mirenda (2014), la seule répertoriée qui abordait spécifiquement « l’agir ensemble » dans ses questions de recherche, les auteurs rapportent une corrélation importante entre le sentiment d’auto-efficacité des enseignants dans la compétence à agir avec d’autres et les attitudes positives par rapport à l’inclusion. De plus, il semble que ce sentiment soit le déterminant le plus important en lien avec ces attitudes. Si les attitudes des acteurs par rapport à l’école inclusive sont un déterminant de leur implication dans la mise en place d’un tel modèle d’école, il serait sensé de croire qu’un investissement dans le développement de la formation à « l’agir ensemble » serait une piste potentiellement féconde. Toutefois, avant d’en arriver là, il faudra certainement que la recherche investisse davantage ce champ, pour bien situer ce que veut dire « l’agir ensemble » dans un modèle identifié d’école inclusive afin d’offrir des formations et un accompagnement qui puissent clairement s’inscrire dans la pratique et le changement de cette dernière. Outre les travaux de Ryndak et coll. (2014) ou Cloninger (2006), trop peu d’études empiriques documentent, dans la pratique, des modèles précis de formation ou d’accompagnement qui permettent ou soutiennent le changement des pratiques orienté vers un « agir ensemble » transformateur, inclusif et partenarial.