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La série « Cinélekta » se veut comme toujours l’occasion affichée pour la revue Cinémas de publier des articles à propos de sujets variés. Les arguments et les propos de ceux-ci n’ont donc pas à répondre à une thématique d’ensemble qu’impose d’ordinaire la logique du « dossier ». Pas de ligne directrice ici, si ce n’est, pour la revue, celle d’offrir sporadiquement à ses lecteurs et lectrices un panorama de la recherche actuelle en études cinématographiques. Voilà pour l’objectif, et ce huitième numéro de la série ne fait évidemment pas exception à la règle. Or, ce serait faire erreur que de considérer simplement le « Cinélekta » comme un ensemble d’articles proposant chacun à sa façon une manière de comprendre et d’analyser le cinéma. Car au-delà des approches privilégiées, des objets d’analyse et des études de cas, cet ensemble permet également d’exposer, en filigrane, des tendances, des orientations, voire des directions que prend de manière générale la recherche à une époque donnée. Comme si le « Cinélekta » permettait non seulement de prendre le pouls des études cinématographiques contemporaines, mais aussi de se faire, discrètement, le reflet d’un paradigme.

En effet, force est de constater que ce huitième « Cinélekta » expose un pivot, peut-être dû à la présence marquée d’une nouvelle génération de chercheurs et chercheuses. Il se dégage plus particulièrement des articles rassemblés dans le présent numéro le désir de décloisonner le champ des études cinématographiques de manière à permettre d’étendre la question cinéma à des réflexions qu’engagent des problématiques associées — mais non limitées — à d’autres disciplines. Des réflexions transdisciplinaires donc, entraînant il va sans dire une posture originale et souvent inédite relativement à l’objet cinéma, lequel voit de la sorte être questionnée son identité à la fois technologique, sociale, culturelle, politique et historique. On ne parle plus d’interdisciplinarité au sens strict, soit de recherches et de réflexions découlant de méthodologies disciplinaires claires, étanches et déterminées qui, l’espace d’une pensée, se rencontrent pour mieux rendre compte de ce qui simultanément les rapproche et les distingue. La transdisciplinarité dont il est question ici se veut plutôt la problématisation d’une mouvance, d’un passage que se fraie la pensée à travers les objets et problèmes que toute discipline instituée a pour dessein, justement, de fixer, de discipliner et d’assujettir. De cela émergent de nouvelles méthodes et des savoirs inédits.

Ce numéro « Cinélekta » inaugure ainsi à sa façon une nouvelle ère pour la revue Cinémas. À l’image du présent numéro, la revue que j’ai l’honneur de diriger depuis maintenant deux ans se veut de plus en plus en phase avec l’enrichissante et enthousiasmante diversité des approches et méthodologies qui, chacune, tentent de saisir le « cinéma » dans son identité la plus complexe. Ayant la chance d’être aux premières loges de profondes mutations du cinéma, la revue se doit d’accueillir les réflexions nouvelles qu’engendrent ces mêmes transformations. Cinémas a non seulement pour mission de diffuser ces réflexions, elle a pour fonction d’être une référence dans un domaine qui se veut changeant, vivant et en constante redéfinition. Dans un monde où la réalité augmentée renouvelle les concepts de mise en scène, où la sensibilité historique et sociale actuelle questionne à nouveaux frais la dimension éthique des images, où le documentaire en réalité virtuelle bouscule l’idée d’un réel représenté, Cinémas veut offrir à ces réflexions l’espace qu’elles méritent.