Corps de l’article

Rebecca Tuvel est une philosophe née à Toronto en 1985 qui est maintenant professeure assistante à l’université Rhodes, à Memphis, aux États-Unis. Elle a effectué ses études doctorales à l’université Vanderbilt sous la direction de Kelly Oliver. Féministe et végane, Tuvel a écrit sa thèse de doctorat sur les injustices épistémiques subies par les femmes et les animaux non-humains[1]. C’est cependant un article qu’elle a écrit sur le transracialisme qui l’a plongée dans la controverse en avril 2017[2].

En bref, Tuvel affirme, dans son article In defense of transracialism, qu’il serait à la fois possible et acceptable de changer de race, tout comme il est possible et acceptable de changer de sexe et/ou de genre. Le texte de Tuvel propose une réflexion sur les races comme constructions sociales et sur les arguments avancés contre le transracialisme. Pour Tuvel, ces arguments dévoilent une logique essentialiste intenable dans notre conception de la race, logique que nous avons rejetée avec raison pour les genres. Afin d’illustrer son propos, Tuvel considère la réaction du public américain au coming out de Caitlyn Jenner en tant que femme trans et la compare au scandale entourant Rachel Dolezal, une femme née de parents blancs qui s’identifie comme étant Noire. Tandis que la première a généralement été célébrée pour son courage, la seconde a été presque unanimement stigmatisée et qualifiée d’imposteure. Le but principal de Tuvel est de déterminer si ces réactions diamétralement opposées au transgenrisme et au transracialisme sont justifiées. L’article de Tuvel aborde de façon claire des questions difficiles et nous permet de les percevoir d’un nouvel oeil. La valeur inhérente au texte de Tuvel est une des deux raisons qui ont motivé cette traduction, l’autre étant l’intense controverse que le texte a suscitée. L’histoire de cette controverse fournit une étude de cas intéressante pour l’éthique de la publication dans le domaine de la philosophie et des sciences humaines.

L’article In defense of transracialism a été publié le 25 avril 2017 dans Hypatia: A journal of feminist philosophy, un périodique de philosophie féministe des plus prestigieux. L’article est passé par le processus ordinaire d’évaluation anonyme par les pairs[3]. Quatre jours plus tard, le 29 avril 2017, une lettre ouverte commence à circuler en ligne pour protester contre la publication de ce texte. La lettre accumule plus de 800 signatures en une semaine, dont celles de deux philosophes féministes faisant partie du jury de la thèse de doctorat de Tuvel, soit Lisa Guenther et Lori Gruen, mais aussi celles d’éditrices de périodiques féministes telles que Shannon Winnubst[4]. Plusieurs figures importantes du féminisme universitaire, dont la célèbre Judith Butler, une pionnière du féminisme queer, signent la lettre. Les signataires demandent la rétraction de l’article, des excuses publiques et une révision des politiques de publication d’Hypatia. Quelles raisons sont avancées pour expliquer cette réaction, que je qualifierai de « solution thermonucléaire »[5]? Laissons les signataires présenter leurs accusations :

Nous vous écrivons pour demander la rétraction d’un article récent, intitulé In defense of transracialism. Le fait qu’il soit encore accessible cause des torts prolongés. C’est également le cas de la publication sur la page Facebook du périodique indiquant que l’article « provoque le dialogue ». Nos préoccupations dépassent le simple désaccord universitaire. [...] La publication de cet article envoie un message, à la fois aux auteures et aux lectrices, indiquant que les universitaires blanches et cis peuvent entrer dans des discussions spéculatives autour de ces thèmes sans un dialogue profond et soutenu avec les théoriciennes dont la vie est directement affectée par la transphobie et le racisme[6].

À ces accusations, on ajoutera, le 1er mai 2017, que l’article affiche également une « attitude anti-noir » (anti-Blackness). À ce moment, la lettre ouverte a déjà rassemblé quelque 500 signatures. Ces accusations sont graves : l’article fait du tort aux personnes marginalisées et ignore leurs contributions universitaires. Ce sont également des accusations vagues. De quels torts s’agit-il ? Quelles sont les raisons permettant de croire que l’article cause les torts en question ? Comment l’article cause-t-il ces torts exactement ? Quelles sont les contributions universitaires qui ont été ignorées ? De quelles auteures s’agit-il ? En quoi une considération sérieuse de leurs ouvrages aurait-elle pu éviter les torts en question ? Ces questions sont importantes, puisque la rétraction d’un article n’est pas une mince affaire. Dans le cas d’accusations aussi sérieuses, il importe de les accompagner de preuves. Voici ce qui tient lieu de preuves dans la lettre ouverte :

  1. l’auteure utilise un vocabulaire qui n’est pas conventionnellement reconnu, accepté ou adopté dans les sous-disciplines concernées. Par exemple, l’auteure emploie le mot transgenrisme et s’aventure à « deadnamer » une femme trans.

  2. l’article dénature certaines théories et pratiques concernant l’identité religieuse et la conversion. Par exemple, l’auteure emploie de façon désinvolte un exemple concernant la conversion au judaïsme.

  3. l’article dénature certaines conceptions importantes de l’appartenance raciale. Par exemple, l’auteure cite incorrectement Charles Mills comme un défenseur de l’identification raciale volontaire.

  4. l’article ne montre pas une recherche ou un engagement suffisant avec les travaux universitaires des auteures les plus vulnérables à l’intersection des oppressions de race et de genre (les femmes de couleur) dans sa discussion du « transracialisme ». Nous approuvons l’engagement de Hypatia à « refléter et tenir compte de la diversité à l’intérieur du féminisme, des expériences et des situations diverses des femmes et des diverses formes que le genre prend à travers le monde », et nous trouvons que cet article a été publié sans égard pour cet engagement[7].

Ces critiques sont-elles légitimes ? Regardons-les de plus près. La première accusation se base sur des faits. Il est vrai que la version originale de l’article de Tuvel référait parfois à Caitlyn Jenner en employant son nom précédant sa transition. Ce « deadnaming » est généralement perçu comme insultant par les gens de la communauté trans. Par contre, à la défense de Tuvel, on peut souligner que Caitlyn Jenner n’a aucun problème à référer à sa vie passée en utilisant son ancien nom[8]. Dans ce genre de situation, faut-il donner davantage d’importance aux préférences largement répandues dans la communauté trans, ou aux préférences avouées de la personne concernée ? Il me semble qu’il s’agit là d’une question qui peut être débattue, de bonnes raisons pouvant être avancées de chaque côté. Quoi qu’il en soit, l’auteure a rapidement accepté de modifier son article pour satisfaire les gens qui considéraient la pratique inacceptable[9].

Il est également vrai que Tuvel emploie le terme transgenrisme, condamné par plusieurs voix de la communauté trans. Cependant, il y a également des gens respectés faisant partie de cette même communauté qui emploient le terme sans y voir de problème[10]. De plus, il n’est pas évident de trouver une expression qui pourrait s’y substituer pour nommer l’idée selon laquelle il est parfaitement possible et acceptable de changer de genre. C’est important aux fins de l’argumentation de Tuvel parce qu’elle entend comparer l’acceptation grandissante de cette idée aux obstacles auxquels se heurte le transracialisme, soit l’idée analogue selon laquelle il est parfaitement possible et acceptable de changer de race. En l’absence d’un meilleur terme, le fait que l’emploi de ce mot soit controversé chez les personnes concernées ou qu’il ne soit pas généralement employé dans les « sous-disciplines concernées[11] » justifie difficilement l’emploi de la solution thermonucléaire.

La seconde accusation concerne un passage précis du texte de Tuvel. Regardons-le de plus près :

Nous traitons généralement les gens de façon inacceptable quand nous les empêchons d’adopter l’identité qu’ils désirent. Par exemple, si une personne s’identifie si intensément à la communauté juive qu’elle désire devenir juive, il serait inacceptable de l’empêcher de suivre des cours de conversion à cet effet. Cet exemple révèle qu’il y a au moins deux composantes à une transformation d’identité réussie : (1) l’identification personnelle d’une personne et (2) la volonté sociale de reconnaître l’identification ressentie de cette personne en lui accordant l’appartenance au groupe désiré. Par exemple, si le rabbin croit que votre engagement envers le judaïsme n’est pas sérieux, elle peut faire obstacle à votre conversion. Néanmoins, la possibilité du rejet révèle qu’en l’absence de fortes considérations contraires, la transition vers une catégorie d’identité différente est souvent acceptée dans notre société.

Selon les signataires de la lettre ouverte, ce passage « dénature certaines théories et pratiques liées à l’identité religieuse et à la conversion » et « emploie de façon désinvolte un exemple concernant la conversion au judaïsme ». De quelles théories et pratiques parle-t-on ? Ces théories sont-elles adéquates ? Ces pratiques sont-elles généralisées ? On ne le saura pas. Par ailleurs, sur quoi se base-t-on pour qualifier l’exemple de « désinvolte » (off-handed) et en quoi l’emploi d’un exemple désinvolte justifie-t-il le recours à l’option thermonucléaire ? Sur ce point, la lettre ne contient que des accusations, sans justification[12].

Troisièmement, l’auteure est accusée de dénaturer certaines théories importantes sur l’appartenance raciale. Puisque la seule théorie mentionnée par les signataires est celle de Charles Mills, vérifions ce qui peut être vérifié. On reproche à Tuvel de présenter Mills comme soutenant l’identification raciale volontaire. Mills est mentionné deux fois dans le texte de Tuvel. Voici les deux extraits qui contiennent toutes les mentions du nom de Mills :

Charles Mills définit cinq critères généralement pertinents pour déterminer l’appartenance raciale : « la connaissance personnelle de sa propre généalogie, la connaissance publique de la généalogie de l’individu, la culture, l’expérience et l’identification personnelle » (Mills, 1998, p. 50). Si la généalogie est moins cruciale dans certaines sociétés (au Brésil, par exemple), alors l’exposition de Dolezal à la culture noire, son expérience de vie en tant que personne perçue comme noire et son identification personnelle pourraient être suffisantes pour considérer qu’elle est noire dans ces sociétés. Et puisqu’il n’y a pas de vérité objective à propos de sa « véritable » race d’un point de vue génétique, ces éléments de l’expérience personnelle de Dolezal seraient décisifs pour déterminer sa race dans ce contexte particulier. Le point central est qu’il n’y a pas de « fait » à propos de la « véritable race » de Dolezal qui se trouverait ignoré ici.

Dans ce passage, Tuvel cite l’identification personnelle comme un des cinq facteurs mentionnés par Mills pour déterminer l’appartenance raciale. On remarque que les quatre autres critères n’ont rien à voir avec l’identification personnelle. Par conséquent, si l’auteure avait voulu donner l’impression que Charles Mills était un partisan de l’identification raciale volontaire, elle aurait pu commodément omettre de le citer dans le texte et ne mentionner que l’unique critère confirmant son point de vue. Elle fait précisément le contraire. On ne peut donc pas raisonnablement conclure que Tuvel présente Mills comme cautionnant l’identification raciale volontaire. Voyons le second passage où le nom de Mills est mentionné dans le texte de Tuvel :

Comme le dit Mills, la généalogie est « cruciale, pas parce qu’elle se manifeste dans des traits biologiques liés à la race, mais simplement et de façon tautologique, parce qu’elle est considérée comme cruciale puisqu’il existe une entente intersubjective […] pour classer les individus sur la base de nos connaissances généalogiques » (Mills, 1998, p. 58, italiques ajoutés). En raison de cet accord intersubjectif dans notre société, Dolezal demeure soumise au critère généalogique pour l’appartenance raciale, comme tout le monde. Donc, elle ne peut simplement décider que, dans son cas, sa généalogie est sans rapport avec son appartenance raciale.

Ici, la pensée de Mills est mobilisée dans une objection à l’identification raciale volontaire. On peut difficilement trouver quoi que ce soit justifiant l’accusation dans ces deux passages, qui regroupent pourtant la totalité des références explicites à la pensée de Charles Mills dans l’article de Tuvel. Puisque la théorie de Mills est le seul exemple concret donné par les signataires de la lettre ouverte, il me semble que l’on peut établir que tout ce qu’il y a de vérifiable dans cette accusation s’avère soit fortement exagéré, soit carrément faux.

Quatrièmement, on reproche à Tuvel de n’avoir pas démontré une « recherche ou un engagement suffisant avec les travaux universitaires des auteures les plus vulnérables à l’intersection des oppressions de race et de genre (les femmes de couleur) ». Je ne doute pas que de tels travaux existent, mais on peut se demander de quels travaux il s’agit et de quelle manière la considération sérieuse de ces travaux aurait fondamentalement transformé le raisonnement de l’auteure. En l’absence de telles précisions, l’accusation est vague et semble nous demander de croire sur parole qu’il y a de grossières erreurs contenues dans l’article (lesquelles ?) qui auraient indubitablement été écartées si les bonnes personnes avaient été citées (lesquelles ?). Voyons comment ce problème est présenté par Shannon Winnubst, une des premières signataires de la lettre ouverte, qui est également à la tête du département de Women’s, Gender, and Sexuality Studies à l’université d’État de l’Ohio et éditrice de philoSOPHIA: A Journal of Continental Feminism :

L’écriture (de la lettre ouverte) fut l’effort collectif de plus d’une douzaine d’universitaires – la plupart étant membres de facultés, toutes en philosophie. Nous avons donné notre avis sur les ébauches, édité le texte et contribué à des sections, demandé des additions et réclamé des corrections. Plusieurs se sont impliquées à la demande d’universitaires noires et/ou trans qui se sentaient complètement démoralisées par l’article de Tuvel et l’échec de la révision par les pairs qu’il représente [...] J’ai signé la lettre ouverte pour prendre part à un effort continu consistant à faire de la philosophie féministe autre chose que la fille amochée mais besognante (damaged, dutiful daughter) de cette discipline profondément troublée qu’est la philosophie. J’ai également signé la lettre afin de prendre part à l’effort continu pour changer les pratiques en philosophie. Après tout, l’insularité méthodologique évidente dans l’article de Tuvel et sa publication ignore et manque de respect aux personnes noires, trans et aux autres universitaires issues de minorités qui travaillent dans ces domaines doublement marginalisés[13].

Il n’y a pas de raison de douter de ce qu’affirme Winnubst. La philosophie, au moins dans le monde occidental, est une discipline majoritairement blanche et masculine. Winnubst le souligne en citant les statistiques de l’American Philosophical Association, selon lesquelles 75 % de ses membres s’identifieraient comme hommes et 80 % comme blancs. On peut néanmoins se demander quel est le lien avec l’article de Tuvel, puisque cette dernière n’est pas responsable de ce manque de diversité, et qu’il est difficile de voir en quoi le fait de l’humilier publiquement et de forcer la rétraction de son article résoudrait ce problème. À mes yeux, la traiter ainsi pour de pareilles raisons revient à en faire un bouc émissaire pour un problème sur lequel elle n’a aucun contrôle.

Quant à l’accusation selon laquelle elle ne cite pas suffisamment les universitaires trans et noires sur les questions qui les concernent directement, elle vise effectivement l’article de Tuvel, mais on peut se demander : combien faut-il en citer ? Tuvel s’appuie explicitement sur les recherches d’au moins trois universitaires trans, soit Talia Mae Bettcher, Susan Stryker et Jacob C. Hale. Quant aux universitaires noirs, Winnubst a raison de souligner que la seule personne citée par Tuvel qui correspond minimalement à ce profil est Charles Mills, un homme. Cependant, elle omet de mentionner que l’auteure cite plusieurs écrivaines et activistes issues de cette communauté, dont les blogueuses Zeba Blay et Tamerra Griffin, l’écrivaine et journaliste Tamara Winfrey Harris et l’écrivaine et activiste antiraciste Alicia Walters.

Considérant ces faits, il apparaît assez clairement qu’on ne reproche pas à Tuvel de négliger la perspective sur le transracialisme des personnes racisées, mais de n’avoir pas cité suffisamment d’universitaires racisées travaillant sur ce genre de question. Réagissant à ce genre de critique, Suzanna Danuta Walters, professeure de sociologie à l’université Northeastern et éditrice de Signs: An Interdisciplinary Feminist Journal, déclarera au New York Times : « Est-ce que Tuvel aurait pu citer des personnes différentes ou présenter des arguments différents ? Oui. Mais on peut dire la même chose de n’importe quel article[14]. » N’avoir pas cité telle ou telle étude dans un article universitaire peut certainement être une faille, mais le reprocher sans spécifier de quelle étude il s’agit et quelle erreur elle aurait permis d’éviter représente une accusation injustifiée qui ne satisfait aucunement le fardeau de la preuve requis pour avoir recours à la solution thermonucléaire.

Voilà le plaidoyer des signataires de la lettre ouverte. Pour l’essentiel, il consiste en des accusations qui, soit font de Tuvel un bouc émissaire pour un problème qui la dépasse, soit sont trop vagues pour être vérifiées, soit s’avèrent carrément fausses lorsque vérifiées. On peut donc débattre à la fois sur la question à savoir si ce sont véritablement des fautes et, si c’est le cas, si ce sont des fautes graves. Quoi qu’il en soit, rien dans tout ceci ne justifie à mes yeux l’emploi de la solution thermonucléaire

Pourtant, le 30 avril 2017, soit le jour suivant le début de la circulation de la lettre ouverte, Cressida Heyes, alors éditrice associée à Hypatia, publiera sur Facebook des excuses officielles approuvées par la majorité des éditrices associées à Hypatia[15], où l’on présente la chasse aux sorcières à laquelle fait face l’auteure comme « prévisible et justifiée ». Les éditrices associées cèdent alors à deux des trois demandes officielles des signataires de la lettre ouverte, soit la demande d’excuses et l’appel à une révision des politiques de publication au sein d’Hypatia :

Nous [...] présentons nos plus sincères excuses à nos amies et collègues en philosophie féministe, tout spécialement les féministes trans, les féministes queer et les féministes de couleur, pour les torts causés par la publication de l’article sur le transracialisme. Ces torts ont de nombreuses origines, incluant : les descriptions de vies trans qui perpétuent les présupposés nuisibles et (ce n’est pas une coïncidence), font fi de recherches importantes effectuées par des philosophes trans, la pratique du deadnaming [...], l’usage de méthodologies qui abordent des phénomènes sociaux et politiques importants de façon anhistorique et décontextualisée, négligeant ainsi d’étudier sérieusement les façons dont ces phénomènes marginalisent et commettent des actes de violence envers des personnes réelles, et un engagement insuffisant avec les études critiques sur la race (critical race theory). Peut-être plus fondamentalement, comparer de façon éthique l’expérience vécue par les personnes trans (d’un point de vue externe) essentiellement à un exemple unique d’une personne blanche affirmant s’identifier comme noire crée une équivalence qui manque de reconnaître l’histoire de l’appropriation raciale, associant du même coup les personnes trans à l’appropriation raciale. Nous reconnaissons et regrettons que ces torts tombent de façon disproportionnée sur les membres de notre communauté qui continuent à vivre la marginalisation et la discrimination causées par le racisme et la cisnormativité.

Pour ce qui est de la rétraction, les éditrices derrière la lettre d’excuses affirment alors continuer à considérer cette avenue. Selon moi, ces excuses sont regrettables étant donné la vacuité des critiques contenues dans la lettre ouverte. C’est également le point de vue défendu par Suzanna Danuta Walters, elle-même éditrice de périodique féministe :

De telles excuses constituent non seulement une insulte à l’égard de Tuvel, mais elles minent la légitimité du processus de révision par les pairs et les principes du débat universitaire [...] Affirmer, comme le fait la lettre d’excuses, que « l’article n’aurait pas dû être publié », incrimine le travail effectué de bonne foi par les évaluatrices anonymes et le processus de décision du périodique lui-même. Je n’ai pas le souvenir d’une pareille capitulation[16].

On remarque d’ailleurs que les éditrices à l’origine de la lettre d’excuse formulent de nouvelles accusations. Attardons-nous à deux d’entre elles : 1) Tuvel aborde la question de façon « anhistorique et décontextualisée » et 2) elle compare « l’expérience vécue des personnes trans [...] essentiellement à un exemple unique d’une personne blanche affirmant s’identifier comme noire ».

En quoi consiste l’accusation selon laquelle l’article aborde la question sans se référer à l’histoire ? Pour les signataires, il semble qu’une telle omission amène l’auteure à négliger les mécanismes de marginalisation et de violence associés au genre et à la race. L’interprétation la plus évidente de ce reproche me semble se réduire à ceci : si l’auteure s’était engagée dans une discussion de l’histoire des catégories de race et de genre, l’analogie entre le transracialisme et le transgenrisme se serait envolée en fumée. Pourtant, Tuvel reconnaît explicitement que le racisme et le sexisme ont des histoires totalement différentes dans sa première note de bas de page[17] :

Je ne suggère pas que la race et le sexe soient équivalents. J’ai plutôt l’intention de montrer que des arguments similaires à ceux qui soutiennent le transgenrisme soutiennent également le transracialisme. Ma thèse ne dépend d’aucune manière de l’idée voulant que la race et le sexe soient équivalents, ou historiquement construits exactement de la même manière.

De plus, si l’interprétation que nous considérons à présent représente bien le reproche fait à l’auteure, elle implique qu’une considération sérieuse de l’histoire des catégories de race et de genre démontrerait l’existence d’une différence pertinente entre le transracialisme et le transgenrisme. Il s’agit là d’une réponse classique à n’importe quel argument de type analogique comme celui présenté par Tuvel. Un argument analogique vit et meurt par la similarité. Formellement, on peut représenter de tels arguments comme ceci :

A et B sont similaires.
Puisqu’on traite A de la façon C, on doit également traiter B de la façon C.

Il est bien connu que les analogies peuvent être de très mauvais arguments. Quand une analogie pose problème, on peut habituellement souligner l’existence d’une différence pertinente justifiant un traitement différencié pour A et B. Si tout ceci est juste, l’accusation selon laquelle l’article aborde la question de façon anhistorique présuppose que la considération de l’histoire des discriminations révélerait une différence pertinente justifiant nos réactions différentes par rapport au transracialisme et au transgenrisme. Quelle différence pertinente ? On ne le saura pas. Ceci permet de remarquer à quel point le monde universitaire, la recherche de la vérité et les enjeux politiques qui y sont associés sont mal servis par le réflexe de censure propre aux signataires de la lettre ouverte. Tout le monde aurait profité d’une réponse approfondie, critique et argumentée qu’Hypatia se serait certainement fait un plaisir de publier. Les personnes qui, comme moi, ont lu attentivement l’article de Tuvel, auraient probablement apprécié l’objection massue amenée par une discussion plus historique, mais on nous assure seulement qu’une telle objection existe, sans nous la présenter. Et au nom de l’existence hypothétique de cette objection finale, on se permet d’attaquer la réputation de l’auteure.

Il est possible d’interpréter le reproche selon lequel la méthode de Tuvel est « anhistorique et décontextualisée » de façon beaucoup moins charitable, et certains n’ont pas manqué de le faire. Par exemple, le philosophe Jason Brennan, dans sa réaction pour le moins explosive à la controverse, a accusé les signataires de vouloir pousser « la philosophie dans la direction prise par les humanités dans les années 1980 », probablement une allusion à l’influence exercée par la « French Theory », le postmodernisme et la déconstruction. Présentée ainsi, la controverse trouverait ses sources dans le fossé qui divise la philosophie analytique et la philosophie continentale, Tuvel représentant la première tradition et ses critiques, la seconde. Dans ce contexte, « tenir compte de l’histoire » signifierait employer les méthodes de la philosophie continentale plutôt que celles de la philosophie analytique.

Cette interprétation de l’origine de la controverse est également défendue par Oliver Traldi, et on peut trouver des passages qui semblent confirmer cette vision des choses dans les déclarations faites par certaines signataires[18]. Par exemple, Tina Botts, une professeure adjointe de philosophie à l’université de Californie à Fresno, a précisément reproché à Tuvel sa méthode analytique[19]. C’est également un angle exploré par un des articles du New York Times sur la controverse, où l’on présente la question suivante comme centrale : « Qu’est-ce qui se qualifie comme de la bonne philosophie dans le domaine des questions sensibles entourant l’identité, et qui peut en juger[20]? » On y lit entre autres les réflexions de Talia Mae Bettcher, une théoricienne trans citée dans l’article de Tuvel qui a signé la lettre ouverte à Hypatia, à propos de la philosophie analytique :

C’est acceptable quand on considère des questions métaphysiques et abstraites, à savoir si les arbres existent ou si les choses qui existaient dans le passé existent encore dans le présent, mais quand on se pose des questions philosophiques sur l’oppression des personnes racisées et des personnes trans, ou d’autres problèmes sociaux contemporains, des méthodologies différentes doivent être employées[21].

C’est également cet aspect de la controverse que Miriam Solomon, présidente du conseil d’administration d’Hypatia, semble commenter quand elle insiste sur la valeur du pluralisme philosophique en affirmant que l’article de Tuvel est « un exemple très compétent d’un certain type de philosophie[22] ». De ce point de vue, l’accusation selon laquelle Tuvel n’a pas tenu compte de l’histoire, et peut-être également celle selon laquelle elle utilise un vocabulaire étranger aux sous- disciplines concernées, reviendrait à condamner l’emploi des méthodes de la philosophie analytique pour traiter de pareilles questions. Si un tel débat parvenait à se saisir des sphères de la philosophie académique, je pense qu’il s’avérerait aussi interminable qu’acrimonieux.

Revenons à la seconde accusation additionnelle contenue dans la lettre d’excuses présentée par les éditrices associées. Selon celle-ci, l’analogie entre le transracialisme et le transgenrisme reposerait sur l’unique comparaison du cas de Dolezal à la vie des personnes trans. Encore une fois, une lecture attentive du texte de Tuvel démontre que cette accusation est sans fondement. En effet, dès le résumé présenté au début de l’article, l’auteure affirme attirer l’attention sur le cas de Dolezal simplement comme « un cas instructif » qui a récemment marqué l’imaginaire aux États-Unis. Pour celles et ceux qu’un tel aveu laisse encore sur leur faim, on peut lire, quelques lignes plus bas, au début du texte :

Dans cet article, je ne chercherai pas à trancher le cas de Dolezal. Je ne vise pas non plus à déterminer si elle s’identifie sincèrement en tant que noire, comme elle continue de le soutenir, ou si elle revendique cette appartenance pour cacher ce qui, de fait, serait une appropriation de l’identité noire pour ses propres fins. [...] Mon propos dans cet article concerne moins la véracité des affirmations de Dolezal que les arguments pour et contre le transracialisme.

Le cas Dolezal sert alors uniquement d’illustration pour un questionnement qui semble totalement légitime : les arguments avancés contre le transracialisme sont-ils également des arguments contre le transgenrisme ? Si c’est le cas, pour Tuvel, il faut les rejeter. Que Dolezal s’identifie sincèrement comme noire ou non importe peu. On peut en effet reconnaître que, parmi les personnes qui s’identifient à une race différente de celle qui leur a été attribuée à la naissance, il y en a peut-être qui le font de façon sincère. Comment la société doit-elle réagir dans cette situation ? Il s’agit d’une question importante. De plus, on peut remarquer que l’accusation selon laquelle Tuvel associe les personnes trans à l’appropriation raciale ne tient que si le transracialisme est impossible ou inacceptable. Si Tuvel a raison, alors les personnes transraciales peuvent réellement faire partie de la race à laquelle elles s’identifient et, par conséquent, on ne pourrait pas les accuser d’appropriation raciale. Autrement dit, une personne comme Dolezal ne peut être accusée de s’approprier l’identité raciale noire que si elle n’est pas noire, ce qui est précisément le noeud de l’affaire. L’accusation est donc coupable de raisonnement circulaire, soit de présupposer que Tuvel a tort sans l’avoir préalablement démontré[23]. Voilà encore une raison de privilégier la réponse à la censure comme réaction.

L’affaire prend toute son ampleur médiatique à la suite de la publication de la lettre d’excuses des éditrices associées : le New York Times et The Chronicle of Higher Education couvrent le sujet dans plusieurs articles. Des personnalités importantes de la communauté philosophique s’élèvent pour défendre Tuvel. Parmi celles-ci, on trouve Kelly Oliver, Chloë Taylor, José Luis Bermudèz, Brian Leiter et Jason Brennan[24]. Kelly Oliver, qui a dirigé la thèse de doctorat de Rebecca Tuvel, donne une bonne idée de l’intensité des réactions au coeur de la controverse. Quand elle a tenté d’inviter les opposantes à un débat ouvert autour de l’article, on l’aurait accusée d’être violente et de déclencher un syndrome de stress post-traumatique (triggering PTSD)[25].

La controverse prend ensuite un nouveau tournant quand, le 6 mai 2017, la rédactrice en chef d’Hypatia, Sally Scholz, se distancie officiellement des excuses présentées par les rédactrices associées[26] :

En tant qu’éditrice d’un périodique qui épouse le pluralisme et la diversité, je crois qu’Hypatia devrait publier sur une vaste gamme de sujets en employant un large éventail de méthodes [...] Je crois fermement, et cette croyance ne sera pas remise en question, qu’il est complètement inapproprié pour des éditrices de répudier un article qu’elles ont accepté de publier (sauf dans les cas de plagiat ou de falsification de données). Le comité de rédaction associé a agi indépendamment en rédigeant et publiant sa déclaration. [...] Nous allons référer la situation au Committee on Publication Ethics (COPE) pour obtenir son avis.

La déclaration de la rédactrice en chef est suivie, le 18 mai 2017, d’une déclaration officielle du conseil d’administration allant dans le même sens. Cette déclaration reconnaît l’importance des convictions à l’origine de la lettre ouverte, mais réitère la légitimité d’une pluralité de méthodes en philosophie, souligne que les rédactrices associées ne parlaient pas au nom d’Hypatia, appuie la publication de l’article de Tuvel, condamne les attaques ad hominem à son endroit et regrette les torts causés par la controverse aux auteures, aux éditrices et aux évaluatrices anonymes contribuant au périodique[27].

Une fois que les parties en présence ont pris connaissance du rapport du COPE visant à déterminer s’il était approprié de publier des excuses, les interprétations différentes les cantonnent dans des positions irréconciliables. Selon Miriam Solomon, présidente du conseil d’administration, même si le rapport a conclu que la lettre d’excuses était inappropriée, les éditrices associées ont refusé d’admettre leurs torts, ce qui a forcé la direction d’Hypatia à suspendre les pouvoirs de ce comité, à revoir la gouvernance du périodique de fond en comble et à veiller à ce que tout le personnel futur d’Hypatia s’engage à respecter les principes d’éthique de la publication proposés par le COPE. Pour protester contre la suspension de leurs pouvoirs, les éditrices associées ont alors démissionné en masse[28] et ont publié dans la foulée une lettre où elles accusaient le conseil d’administration de ne pas chercher de solution constructive au problème, soulignant que la révision des politiques de publication du périodique figurait précisément dans la liste des responsabilités du comité suspendu, et accusant du même coup le conseil d’administration de ne pas respecter ses propres politiques :

Nous avons demandé plusieurs fois un processus de médiation [...] facilité par une philosophe féministe convenant aux deux parties [...] Ces demandes ont été refusées sous prétexte que nous étions entièrement responsables de la controverse d’une façon qui, de notre point de vue, détourne systématiquement l’attention des problèmes philosophiques et méthodologiques substantiels au coeur de l’histoire. [...] Nous comprenons que notre décision de publier la lettre sortait de l’ordinaire, et que certaines membres de notre communauté considèrent qu’il s’agissait d’une abdication de nos responsabilités comme comité de rédaction associé. Nous demandons à ces collègues de considérer attentivement la position que nous avons défendue en rédigeant la lettre : que nos devoirs comprennent [...] une responsabilité envers les voix les plus historiquement marginalisées qui trouvent que la philosophie en général et la philosophie féministe en particulier sont indifférentes, voire parfois hostiles à leurs contributions[29].

En fin de compte, la controverse s’est terminée par une hécatombe dans la gouvernance du périodique : Sally Scholz, rédactrice en chef, Shelley Wilcox, rédactrice responsable des évaluations en ligne, Linda Martín Alcoff, Ann Cahill, Kim Q. Hall, Kyoo Lee, Mariana Ortega, Ásta Sveinsdóttir, Alison Wylie et George Yancy, membres du comité de rédaction associé, ont toutes donné leur démission.

Que faut-il retenir de tout ça ? À mes yeux, le fait qu’Hypatia ait autorisé cette traduction est signe d’une volonté de réparer les pots cassés. Les périodiques universitaires, que ce soit en philosophie ou dans d’autres disciplines, ne peuvent pas céder devant les foules enragées lorsqu’une question controversée est traitée par une chercheuse d’une façon qui ne convient pas à leur perspective. Encore moins quand les accusations, comme dans ce cas-ci, soit font de l’auteure un bouc émissaire pour un problème qui la dépasse, soit sont trop vagues pour être vérifiées, soit s’avèrent carrément fausses lorsque vérifiées. Ne pas soutenir une auteure ayant satisfait le processus d’évaluation dans un contexte pareil a des conséquences délétères, à la fois pour la personne concernée et pour la crédibilité du monde universitaire en général. Dans une discussion autour de l’article et de la controverse qu’il a suscitée dans Philosophy Today, Rebecca Tuvel a révélé que l’affaire a fait d’elle la cible d’attaques qui ont eu des répercussions sur sa santé psychologique : « Des collègues et universitaires féministes ont débattu et spéculé en ligne sur divers aspects de mon identité, m’ont attaquée personnellement et m’ont accusée d’être violente. On m’a traitée de raciste, de transphobe, de TERF[30], de personne dégoûtante[31]. » Pour une professeure qui n’a pas encore de sécurité d’emploi, de telles accusations, même si elles ne sont pas fondées, peuvent suffire, par leur gravité, à empêcher l’obtention d’un poste et, de fait, forcer un changement de carrière. De la part de professeures titulaires, de telles accusations sont particulièrement irresponsables et injustes.

Les universitaires qui font l’objet de campagnes de salissage comme celle que Rebecca Tuvel a subie méritent assurément d’être défendues, mais c’est également le cas pour la cause qu’elles représentent. Le monde universitaire ne peut pas se passer de débats ouverts et respectueux sur les questions épineuses et lourdes de conséquences. En effet, la possibilité de tenir ces débats de façon rationnelle fait partie intégrale de la raison d’être du monde universitaire. Certaines questions sont controversées, aussi bien les aborder de façon ouverte et honnête, avec les bonnes informations. Tuvel ne se gêne pas pour présenter la saga comme le symptôme d’un problème qui semble devenir de plus en plus important dans le monde universitaire – la censure des opinions controversées :

Je perçois une crise croissante de la conversation dans notre discipline et dans la communauté politique plus large – une crise sans doute exacerbée par la dynamique déshumanisante des médias sociaux. Le climat actuel trahit une tendance grandissante à voir celles avec qui nous sommes passionnément en désaccord comme des ennemies devant être bâillonnées ou ignorées, plutôt que comme des interlocutrices avec qui discuter. [...] Mes démêlés avec Hypatia m’ont menée à penser sérieusement à l’état de la philosophie aujourd’hui. Ils m’ont amenée à me soucier des chambres d’écho créées par les médias sociaux qui favorisent la division (perpetuate divisiveness), suscitent la peur et font taire les désaccords. Avec Chloë Taylor, ils m’ont menée à me demander combien de philosophes aujourd’hui s’empêchent d’enseigner et d’écrire sur des sujets controversés par peur des répercussions. Et ils m’ont menée à craindre qu’un tel climat transforme un nombre croissant de positions en dogmes morts dont la vérité ne peut plus être contestée[32].

Je crois que Tuvel a parfaitement raison ici. En principe, si une idée peut être enseignée à l’université, alors cette idée doit pouvoir être contestée à l’université. Pour citer Popper, ce qui fait la valeur d’une idée ou d’une théorie, c’est sa capacité à survivre à la critique. Si le monde universitaire traite certaines idées comme intouchables ou impossibles à critiquer, alors il perd une grande partie de sa raison d’être et de sa crédibilité.

Je crois qu’il est facile de sous-estimer l’importance de ce point. La réputation du monde universitaire ne doit pas être confondue avec une idée flatteuse que les universitaires aimeraient se faire d’eux-mêmes. La possibilité de débattre de toutes les positions est cruciale pour la crédibilité de l’université aux yeux de l’ensemble de la société. Quand une position controversée ne peut plus être mentionnée à l’intérieur des murs de l’université, on peut s’attendre à ce que le segment de la population générale qui accepte cette position tire la conclusion que les dés sont pipés, que l’université est corrompue et qu’on ne peut se fier aux études qui en sortent. On assiste présentement à ce genre de transformation aux États-Unis, où le mépris des conservateurs pour un monde universitaire perçu comme un organe de propagande idéologique permet de rejeter du revers de la main les études scientifiques sur les changements climatiques, sur la brutalité policière envers les personnes racisées, sur les effets néfastes des inégalités économiques ou sur le lien entre l’omniprésence des armes à feu et les crimes violents. À leurs yeux, les études scientifiques issues de l’université ne sont pas différentes de celles produites par des groupes de réflexion (think tanks) qui existent essentiellement pour faire avancer un programme politique. Pour contrer ce genre de dérive, je ne connais qu’un seul moyen : revaloriser le débat libre, ouvert et respectueux.