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Introduction

Les préoccupations pour le Nord québécois et son développement occupent une place plus importante dans les discours politique et social depuis quelques années, notamment concernant le Plan Nord, projet lancé par le gouvernement libéral de Jean Charest, en 2011. Cette présence accrue du territoire nord-québécois dans les médias entre alors en dialogue avec la vision du Nord qui prévaut dans la société québécoise.

Au fil des décennies (voire des siècles), cette vision de la nordicité s’est constituée en un véritable « mythe du Nord » (Morissonneau, 1978 ; Lasserre, 1997) alimenté tantôt par une vision instrumentalisée (Lasserre, 2003), tantôt par une vision romancée (Chartier, 2007 ; 2008) de ce vaste territoire. Or, afin que soit mené à bien le développement politique, social et économique du Québec dans les prochaines années, il importe qu’une vision contemporaine et réaliste du Nord habite les décideurs et la population (Desbiens, 2012 ; Hamelin, 2012 ; Arpin-Simonetti, 2013). Qui plus est, nous croyons, à l’instar d’Hamelin, qu’il faut tendre vers cette vision du « Québec total » (Hamelin, 1998 ; Chartier et al., 2014) si nous voulons que la majorité de la population québécoise, à la fois autochtone et allochtone, soit partie prenante d’un développement du Nord durable et partagé.

En effet, malgré une cohabitation de plusieurs siècles entre Québécois et Autochtones, la véritable rencontre entre les deux n’a pas vraiment encore eu lieu (Picard, 2009), ce qui n’est pas étranger à la situation difficile que vivent actuellement les Autochtones. Depuis quelques années, nous constatons toutefois une volonté sociale et politique de rapprochement entre Autochtones et allochtones. Au Québec, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) a publié, en 2002 puis en 2009, un document intitulé Mythes et réalités sur les peuples autochtones qui a justement comme objectif de favoriser « un avenir en commun dans le respect mutuel et l’harmonie » (CDPDJ, 2009 : 2). La Commission vérité et réconciliation du Canada (CVRC) a, pour sa part, publié de volumineux rapports sur la situation historique et actuelle des Autochtones, de même qu’un appel à l’action composé de 94 recommandations, notamment en lien avec l’éducation pour la réconciliation (CVRC, 2012). Cette volonté n’est pas sans faire écho aux finalités de l’enseignement de la géographie qui, à la fois au primaire et au secondaire, vise « l’acquisition des outils conceptuels nécessaires pour comprendre le monde dans lequel on vit, s’y insérer de manière harmonieuse et contribuer à son évolution » (MELS, 2001 : 165). Dans ce contexte, il nous paraît légitime de vérifier si la vision du Nord québécois à laquelle sont exposés les élèves du primaire et du secondaire s’apparente à la vision du « Québec total » d’Hamelin, laquelle est marquée par l’idée du vivre-ensemble et de l’inclusion véhiculée dans le contexte québécois et canadien actuel.

Assurément, l’école québécoise, comme lieu de socialisation, d’instruction et de qualification (MELS, 2001), joue un rôle dans la construction de l’image du Nord et de ses habitants qu’ont les élèves. Par ailleurs, puisque le matériel didactique peut jouer un rôle important dans l’enseignement de la géographie (Gwyn-Paquette, 2010 ; Schell et al., 2013) de même que dans les imaginaires collectifs construits et acquis à l’école (Niclot, 2003), nous souhaitons également porter notre regard sur quelques-uns des documents qui le composent. En effet, alors que différentes études ont été publiées en lien avec la place et les représentations des Autochtones dans les manuels (Vincent et Arcand, 1979 ; Arsenault, 2011 ; Boris-Sawala, 2015 ; Saint-Pierre, 2016), il ne semble pas qu’un travail similaire ait été fait en lien avec la vision du Nord québécois dans les manuels de géographie.

C’est donc par une analyse des contenus des programmes de géographie et de quelques manuels utilisés au primaire et au secondaire que nous souhaitons répondre à la question : quelle vision du Nord québécois dans les programmes de géographie au primaire et au secondaire ? Avant de nous y plonger, nous présenterons quelques repères quant à la place du Nord dans le curriculum québécois afin de situer les lecteurs peu familiers avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ).

Le nord québécois dans les programmes de géographie

Depuis 2001, le programme Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté (GHEC) balise l’enseignement de la géographie au primaire. Il présente essentiellement une trame historique où la géographie est au service de l’histoire et a pour finalité de « donner à l’élève une vision d’ensemble du territoire canadien et de certains points de repère de l’histoire du Québec et du Canada » (MELS, 2001 : 178). Ces points de repère sont présentés dans la figure 1 ci-dessous :

Figure 1

Synthèse du contenu de formation au primaire

Synthèse du contenu de formation au primaire
Source : MELS, 2001 : 178

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Le Nord québécois apparaît essentiellement en 6e année, avec la comparaison des Inuit et des Micmacs vers 1980. Au début des années 2000, lors de l’implantation des programmes, les concepteurs ont expliqué le choix d’aborder les deux sociétés par leur volonté d’étudier les régions climatiques du Nord et de l’Atlantique. [1] Au secondaire, c’est essentiellement au premier cycle (secondaire 1 et secondaire 2, soit l’équivalent de la 7e et de la 8e année) que les élèves abordent la géographie. Le ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports (MELS) a opté pour une géographie humaine et sociale basée sur le développement de trois compétences disciplinaires à travers l’étude de cinq territoires types et de quatorze concepts centraux (complétés par une soixantaine de concepts communs et particuliers) issus des sciences humaines, sociales ou géographiques (MELS, 2004). [2] Certes, le territoire québécois est prescrit dans le programme par les études de la métropole de Montréal, du patrimoine de la ville de Québec, d’une région touristique, de son territoire agricole, et de quelques territoires autochtones, mais son examen est morcelé. Il peut être vu comme un simple point d’ancrage permettant une projection vers d’autres territoires ailleurs dans le monde à travers des études comparatives. Ainsi, le programme donne la possibilité aux enseignants(e)s d’étudier près de 40 territoires, dont 12 sont situés au Québec (seulement 4 sont obligatoires). Dans ce contexte, le Nord québécois, c’est-à-dire le Moyen Nord (entre le 50o et le 55o parallèle) et le Grand Nord (au-delà du 55o parallèle), appelé officiellement le Nunavik, est présent de manière diffuse à travers l’étude de plusieurs territoires types (figure 2), par exemple dans le territoire région / dépendance énergétique (la Côte-Nord et la Jamésie) et le territoire autochtone (territoires des Cris et des Naskapis). De plus, en fonction du choix de l’enseignant(e), le Nord québécois peut être traité dans le territoire protégé (parc naturel québécois) [3] et le territoire région / exploitation forestière. [4] Nous pouvons donc dire que globalement, par leur articulation et leur structure, les programmes GHEC au primaire et Géographie au 1er cycle du secondaire abordent la thématique du Nord québécois, sans toutefois en faire un thème ou un concept central.

Figure 2

Synthèse du contenu de formation au secondaire

Synthèse du contenu de formation au secondaire
Source : MELS, 2004 : 316

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D’après Louis-Edmond Hamelin (1975), le concept de « nordicité », créé à partir de 1960, fait référence à l’état perçu, réel, vécu et même inventé de la zone froide à l’intérieur de l’hémisphère boréal. Dans la foulée de ses travaux, plusieurs auteurs ont écrit sur la diversité du Nord québécois, contribuant ainsi à la diffusion du concept dans la société québécoise et au-delà. [5] Malgré la quantité d’écrits sur le sujet, et dont il serait ici trop long de rendre compte, nous retenons de la nordicité cette idée de considérer en bloc « tout le Nord et le tout du Nord ». En cela, nous rejoignons Hamelin, qui plaide d’ailleurs pour une prise en compte de l’entièreté du Québec, en d’autres termes pour le « Québec total ». À ses yeux, « l’absence d’un meilleur arrimage entre les territoires historiques nord et sud pourrait être dramatiquement préjudiciable à la dimension spatiale du Québec actuel de même qu’à un état de paix entre Autochtones et non-Autochtones » (Hamelin, 1998 : 106). Reste à voir si la vision du Nord dans les programmes permet cet arrimage.

L’analyse de contenu pour étudier la vision du nord québécois dans les programmes et les manuels

Nous avons choisi l’analyse de contenu (Bardin, 2007 ; Wanlin, 2007) afin de répondre de manière quantitative et qualitative à notre question de recherche : quelle vision du Nord québécois dans les programmes de géographie au primaire et au secondaire ? En effet, notre analyse de contenu, en s’appuyant sur la déduction et l’inférence, nous permet de mieux comprendre les représentations (et discours à propos) du Nord québécois, qui sont diffusées dans les programmes et le matériel didactique.

L’analyse de contenu comprend trois phases qui se réalisent subséquemment (Bardin, 2007), soit : la préanalyse ; l’exploitation du matériel ; le traitement des résultats, l’inférence et l’interprétation.

Pour effectuer notre préanalyse, nous avons d’abord sélectionné les documents à examiner. Aux documents ministériels décrivant les programmes GHEC (primaire) et Géographie (secondaire), publiés respectivement en 2001 et en 2004, s’ajoutent deux documents complémentaires soit la Progression des apprentissages (PDA) au primaire (MELS, 2009) et, au secondaire (MELS, 2010), les publications ministérielles qui listent de manière plus détaillée les savoirs essentiels en géographie dans l’étude de chacun des territoires (secondaire) et des sociétés (primaire). Ainsi combinés aux programmes, les PDA constituent un premier pan du corpus soumis à notre analyse.

En complément aux documents ministériels, nous avons sélectionné quelques manuels utilisés dans le contexte québécois de l’enseignement de la géographie. En l’absence de statistiques issues du MELS, des commissions scolaires ou des maisons d’édition, ce sont nos rencontres semestrielles avec les conseillers pédagogiques, membres du Groupe des responsables de l’univers social (GRUS), qui nous ont permis de connaître les principales ressources didactiques utilisées par les enseignant(e)s en géographie. D’après les membres du GRUS, au secondaire, les manuels demeurent un outil didactique de référence dans les pratiques d’enseignement, souvent accompagnés de matériel produit par l’enseignant(e) même ou d’un cahier d’apprentissage. Au primaire, ce sont principalement les cahiers d’apprentissage qui sont utilisés, mais très peu les manuels. Il importe de préciser que l’expression cahier d’apprentissage désigne un cahier qui peut être utilisé de manière autonome par l’élève, étant donné que nous y retrouvons à la fois les contenus présentés dans le programme et des exercices. Depuis 1990, ceux-ci n’ont pas à être validés par le Bureau d’approbation du matériel didactique (BAMD), mais demeurent conformes aux documents ministériels. [6]

Au regard du contexte énoncé précédemment, c’est à la suite d’échanges avec les conseillers pédagogiques membres du GRUS que nous avons retenu les six ressources didactiques suivantes dans notre corpus documentaire :

Primaire

  • Bernier et al. (2003) Sur la piste, manuel B, 218 p.

  • Bernier Cormier (2012) Escales, cahier d’apprentissage, 130 p.

  • Parent (2011) Au fil des temps (2e édition) cahier d’apprentissage, 132 p.

Secondaire

  • Boudrias et al. (2005 ; 2006) Enjeux et territoires, manuel (vol. A et B), 807 p.

  • Dalongeville et al. (2005 ; 2006) Cap sur les territoires, manuel (vol. 1 et 2), 595 p.

  • Laurin (2005, 2006) Territoires, manuel (vol. 1 et 2), 607 p.

Étant donné que notre objectif est de déceler la vision du Nord québécois véhiculée dans cet ensemble de documents, nous avons ciblé uniquement les sections du matériel susceptibles de comporter le plus d’indices en ce sens. Ainsi, pour le primaire nous avons concentré notre analyse sur les sections qui abordaient la comparaison entre les Inuit et les Micmacs vers 1980, ainsi que le Québec de 1980. Au secondaire, ce sont les sections portant sur le territoire autochtone et le territoire région à la fois sous l’angle de la dépendance énergétique et de l’exploitation forestière qui ont été analysées.

C’est donc à l’aide d’un corpus constitué des programmes GHEC au 3e cycle du primaire et Géographie au 1er cycle du secondaire, auxquels s’ajoutent six manuels et cahiers d’apprentissage, que nous avons effectué notre analyse de contenu.

Dans la poursuite de notre préanalyse, en prenant comme référence les travaux de Louis-Edmond Hamelin sur la nordicité, nous avons établi des indicateurs qui, d’une part, sont des termes / concepts / notions centraux dans la définition du Nord, et, d’autre part, sont susceptibles d’être présents dans les programmes et le matériel didactique destinés aux élèves de 10-14 ans. À partir des termes / concepts / notions associés à la nordicité, estimés à environ 400, nous avons élaboré une première liste de 100 indicateurs, en retenant principalement ceux associés à la géographie humaine en cohérence avec les programmes. [7] Après une opération de « nettoyage » et une discussion entre auteurs, cette liste a été réduite à 70 indicateurs et validée par quelques conseillers pédagogiques en Univers social membres du GRUS, ainsi que par un géographe. C’est sur la base de ces 70 indicateurs (voir l’annexe 1) que nous avons pu amorcer la deuxième étape de l’analyse du contenu, c’est-à-dire l’exploitation du matériel.

Plusieurs séances de lecture et de codage ont été réalisées avec l’objectif de repérer la présence des indicateurs dans les documents. Nous avons essentiellement fait ressortir le nombre d’occurrences de chacun des termes de notre liste. Ainsi, nous avons obtenu quatre tableaux, soit deux présentant l’occurrence des indicateurs liés à la nordicité dans les documents ministériels et deux les présentant dans les manuels et cahiers d’apprentissage. Finalement, sur la base de ces données brutes, nous avons procédé à la phase d’interprétation des résultats.

La vision du nord québécois au primaire

Aux termes de ce que nous avons précisé plus haut, le Nord québécois est abordé dans le programme de 6e année primaire lors de la comparaison entre les communautés inuit et micmaques vers 1980. Cet angle d’approche fait en sorte que seuls quelques éléments liés à la langue, aux caractéristiques du territoire, aux activités économiques et à la répartition de la population permettent de mieux connaître le Nunavik. En ce qui concerne les caractéristiques du Moyen Nord et les populations qui y vivent, toutes les réalités liées à la démographie, au nomadisme, à l’emploi, à l’identité, au métissage, à l’organisation sociopolitique, à l’acculturation, etc. sont passées sous silence dans les documents ministériels. Seuls quelques aspects liés à l’hydrographie sont abordés, mais davantage sous l’angle des atouts et des contraintes du territoire en lien avec la construction de complexes hydroélectriques, qui est explicitement mentionnée dans le programme, et la PDA. Nous sommes loin de la diversité qui caractérise le Nord québécois et qui est présentée dans les écrits universitaires de plusieurs chercheurs.

Les indicateurs de nordicité sont donc très peu employés dans les documents ministériels : seulement 10 sur les 70 retenus. Seul un lien ténu entre la société autochtone, son héritage, ses différences culturelles, sa langue et ses ressources naturelles y apparaît. Ainsi le Nord québécois n’émerge pas explicitement dans les documents ministériels ni en tant que territoire ni dans la diversité des populations qui y vivent. Nous y retrouvons une vision plutôt mythique du Grand Nord alors qu’elle est plus instrumentalisée en ce qui concerne le Moyen Nord, notamment en lien avec les ressources hydroélectriques.

Le constat est sensiblement le même pour le matériel didactique. À ce titre, il importe de rappeler que, bien que les manuels doivent suivre le programme ministériel, les auteurs ont aussi la latitude de faire des ajouts ou des aménagements de manière à répondre à leurs visées pédagogiques et didactiques. [8] En outre, ces auteurs font une certaine adaptation dans la mesure où ils s’appuient sur le programme, mais ne peuvent faire abstraction de leur propre représentation du Nord québécois ni de leur perception en ce qui a trait au niveau de compréhension des élèves à qui le matériel est destiné.

D’un point de vue quantitatif, le Nord québécois n’occupe que peu de place dans les manuels utilisés en classe de GHEC. En analysant un manuel et deux cahiers d’apprentissage utilisés en 6e année du primaire, il appert que tout au plus 10 % des pages sont spécifiquement consacrées au Nord québécois (tableau 1). À cela peuvent s’ajouter les quelques pages qui abordent la comparaison Inuit-Micmacs, ou le développement des ressources hydroélectriques tel que le programme le prescrit, bien que cette présence demeure minimale. Toutefois, même si le programme n’aborde la société inuit que par la comparaison, certains auteurs (par exemple ceux des cahiers d’apprentissage Au fil des temps et Escale) ont choisi de rédiger une section spécifique pour les Inuit qui précède la comparaison avec la société micmaque.

Tableau 1

Présence quantitative du Nord québécois dans trois manuels du primaire

Présence quantitative du Nord québécois dans trois manuels du primaire
Conception : Déry et Mottet, 2017

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Malgré cet ajout, l’analyse de la présence des indicateurs de nordicité, ne fait ressortir que 37 indicateurs, sur les 70 de la liste initiale, pour caractériser la société des Inuit vers 1980. L’héritage en tant que transmission culturelle est l’indicateur le plus présent (19 fois cité), suivi des animaux sauvages (12 fois), de la toponymie et des modes de subsistance, 11 fois chacun.

La vision qui semble se dégager des ressources didactiques est celle d’une société culturellement riche en traditions et en pratiques ancestrales, qui se situe en continuité avec le présent sur un territoire peuplé d’animaux sauvages. Les changements de modes de vie du nomadisme (6) à la sédentarisation (7) s’expriment succinctement, mais sans faire l’objet d’une analyse ou d’une explication, encore moins d’une critique. Essentiellement, le visage du Nord québécois s’apparente à la vision romancée décrite dans les travaux de Chartier (2007 ; 2008) et les quelques enrichissements que nous retrouvons concernent les années antérieures à 1980. Il est intéressant de noter qu’aucun ajout n’aborde la situation actuelle de la société inuit, et ce, bien que la totalité du matériel didactique analysé soit postérieure aux années 2000, et même aux années 2010 pour deux cahiers parmi ce matériel. Moments où, rappelons-le, la préoccupation pour une vision plus inclusive et réaliste de la situation des Autochtones prend de plus en plus de place dans le discours social et politique.

Les informations contemporaines relatives aux événements politiques et aux rapports de pouvoir qui ont influencé l’organisation sociale et territoriale des Inuit sont aussi minimales. Par exemple, les conseils présents dans les municipalités des 14 villages inuit qui structurent la gouvernance du Nunavik ou la reconnaissance des droits autochtones sur des territoires ancestraux lors de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975, n’apparaissent pas dans les ressources didactiques étudiées. En revanche, une place certaine est faite au territoire riche en ressources naturelles, souvent illustrées par de beaux clichés, mais leur convoitise par le Québec méridional est omise.

Au final, la nordicité abordée au primaire reste partielle. En tout état de cause, l’absence de nombreux indicateurs propres à décrire le territoire nord-québécois dans sa diversité et sa complexité actuelle soulève de nombreuses interrogations quant au réalisme du portrait qui en est fait. L’image du Nord, dans le programme et les manuels analysés, n’est que peu actuelle et témoigne d’une faible prise en compte des travaux et enjeux du XXIe siècle mis de l’avant par les auteurs et acteurs présents dans le Nord québécois. Par conséquent, l’enseignement de la géographie au primaire ne nous semble pas, dans les conditions actuelles, en mesure de contribuer à « une meilleure acceptation mentale du Nord de la part du Sud » (Hamelin, 2012 : 8) et, dans la foulée, à une vision d’un « Québec total ».

Le nord québécois au secondaire

En ce qui concerne le secondaire, la présence d’un programme spécifiquement consacré à la géographie amène quelques différences par rapport au primaire. Tout d’abord, le programme intègre l’avènement de la représentation nationale québécoise, accéléré au moment de la Révolution tranquille (Stan, 2015), passant par la reconfiguration complète de la représentation du territoire de la nation : abandonnant du même coup la représentation d’un vaste territoire continental, à tout le moins pancanadien, les francophones du Québec optent pour l’enracinement de leur représentation territoriale nationale à l’intérieur des limites du Québec (Lasserre, 1998 ; 2004). Pourtant, au-delà des revendications et demandes récurrentes des populations autochtones du Nord québécois, notamment pour obtenir plus d’autonomie sur des territoires plus grands et ainsi sauvegarder leur identité et leur culture, la nordicité n’est guère présente dans le programme Géographie de 1er cycle du secondaire.

Notre analyse de contenu fait ressortir l’utilisation d’un nombre plus important de termes / concepts / notions pour décrire le Nord québécois (30 au total) que les 10 trouvés dans le programme du primaire. Par ailleurs, elle met en relief la redondance et la surutilisation de quelques termes / concepts / notions reflétant les représentations du Nord québécois dans l’imaginaire des Québécois du Sud (population installée le long du Saint-Laurent), à savoir : autochtonie (14 fois), ressources naturelles (12 fois), des toponymes ou noms de lieux (11 fois), réservoir deressources (9 fois), exploitation (7 fois) et mégadéveloppement (6 fois). Le programme est clairement centré sur l’étude des ressources humaines (autochtonie) et naturelles (réservoir de ressources, exploitation et mégadéveloppement) du territoire nord-québécois. Certes, il considère la population comme une richesse, mais il met surtout l’accent sur les ressources qui ont contribué au développement économique du Québec. C’est ainsi que l’énergie, les forêts et le tourisme sont étudiés. En intégrant succinctement leurs facteurs naturels explicatifs de même que les activités économiques qui leur sont reliées, le programme et la progression des apprentissages favorisent l’analyse de leur mise en valeur. Néanmoins, la précision d’enjeux liés au territoire autochtone, « Partager un territoire et le développer en harmonie avec le mode de vie » (MELS, 2004 : 327), et au territoire énergétique, « Répondre aux besoins énergétiques des populations et assurer un développement énergétique durable » (Idem : 323), conduit finalement à une réflexion plus approfondie sur l’importance et le rôle des ressources dans notre économie.

Dans le même esprit, le développement de la compétence 3 (la consommation énergétique croissante et l’environnement planétaire) du territoire type autochtone, qui comprend la Côte-Nord et la Jamésie, débouche sur des préoccupations environnementales. En faisant ressortir le caractère temporaire des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, etc.), pourtant bien peu produites au Québec (hormis pour les minerais), le programme incite les élèves à comprendre la nécessité d’en faire un usage rationnel. À cet égard, par l’examen de la production hydroélectrique québécoise, le programme veut montrer le bien-fondé de cette politique énergétique et inviter à une plus grande responsabilité personnelle et collective à l’égard de l’environnement. En d’autres termes, il contribue à la construction d’une conscience citoyenne à l’échelle québécoise et planétaire. Ici, le Nord québécois sert de prétexte à une réflexion environnementale à l’échelle mondiale, alors que nous aurions pu souhaiter qu’en traitant de la nordicité en classe de première ou deuxième secondaire, ce soit davantage un débat sur le Nord et son importance dans la société québécoise qui émerge.

Dans leur structure, les manuels scolaires adoptent une approche semblable au programme de géographie. Les concepts (centraux, communs ou secondaires) et le développement des trois compétences disciplinaires, à travers l’observation de l’ici et de l’ailleurs, amènent l’élève progressivement à s’ouvrir à la dimension nationale québécoise (l’ici) et mondiale (l’ailleurs). Le tableau 2 montre que moins de 5 % des pages des manuels concernent le Nord du Québec, ce qui correspond plus ou moins à la place que lui accorde le MELS dans son programme. En outre, les connaissances transmises par le matériel didactique offrent la possibilité d’amorcer une réflexion quant au développement futur du Nord québécois. Le Québec septentrional est ainsi présenté comme une région peuplée d’Autochtones avec un fort potentiel à découvrir, à exploiter et à protéger, et l’environnement en est une composante qu’il faudra considérer davantage dans l’avenir.

Tableau 2

Présence quantitative du Nord québécois dans trois manuels du secondaire

Présence quantitative du Nord québécois dans trois manuels du secondaire
Conception : Déry et Mottet, 2017

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Les indicateurs présents dans les manuels étudiés sont plus nombreux et diversifiés que dans le programme du MELS. Cela s’explique par le fait que le matériel didactique est un construit social (Lebrun et Niclot, 2009), c’est-à-dire qu’il est le résultat d’une écriture collective qui prend la « couleur », d’une part, des choix éditoriaux des maisons d’édition scolaire et, d’autre part, de l’origine disciplinaire des auteurs(e)s choisis(e)s pour rédiger ce matériel. Dans le contexte de l’enseignement secondaire, les auteurs de manuels semblent plus souvent formés en géographie que les auteurs des manuels et cahiers utilisés au primaire, ce qui est généralement garant d’une meilleure connaissance des savoirs scientifiques et des pratiques de références sociales associées à la géographie, lesquelles pourront davantage – c’est du moins notre souhait – être transposées dans les manuels. [9]

Ceci étant dit, il faut rappeler que le programme de géographie du secondaire sert de balise aux concepteurs de manuels pour répondre au processus d’approbation. Sans surprise, les résultats de l’analyse sont en continuité avec ceux de l’analyse des documents ministériels, avec pour seule différence une plus grande variété dans les termes repérés (46 termes différents dans les manuels contre 30 dans le programme). En effet, la hiérarchisation des termes / concepts / notions de la grille d’analyse est à peu près identique à celles du programme. Au-delà de très nombreux toponymes, les indicateurs les plus cités sont : barrages (57 fois), Autochtones / autochtonie (34 fois), Hydro-Québec (28 fois), exploitation (28 fois), mégadéveloppement (25 fois), infrastructures (25 fois) et ressources naturelles (15 fois). L’analyse comparative des indicateurs présents dans les manuels montre qu’on accorde encore davantage d’importance au développement et à l’exploitation du Nord québécois qu’aux particularités sociohistoriques d’un territoire faisant partie intégrante du Québec.

Dans les deux cas, qu’il s’agisse du programme du MELS ou des ressources didactiques mises à la disposition des enseignants, le Nord québécois n’est pas présenté comme un territoire à étudier pour lui-même, mais davantage comme un lieu qui peut servir d’exemple pour aborder les territoires autochtones ou énergétiques. Il est donc possible de retrouver plusieurs indicateurs de la nordicité dans l’enseignement de la géographie au secondaire, mais ces indicateurs sont éparpillés dans différents chapitres ou modules, ne permettant pas de tracer un portrait global du Nord québécois dans toute sa richesse et sa complexité.

Quelle vision pour le nord dans les programmes de géographie de l’école québécoise ?

L’analyse de la présence d’indicateurs de nordicité à la fois dans les documents ministériels et le matériel didactique a démontré la faible importance que présente le Québec septentrional dans l’enseignement de la géographie, dans le système scolaire québécois. Les contenus portant sur le Nord québécois sont souvent peu définis, morcelés et orientés de façon à présenter le Nord comme un « ailleurs » homogène. Ils insistent davantage sur les aspects historiques et ethnoculturels que sur les enjeux contemporains, notamment les enjeux socioéconomiques et environnementaux des politiques de développement du Nord mises en place par les gens du Sud.

L’absence d’une définition et d’une délimitation claire du Nord québécois

Comme on l’a vu, que ce soit au primaire ou au secondaire, le Nord québécois n’est jamais étudié comme un territoire ou un objet spécifique. Il est présent comme toile de fond quand il est question de la comparaison entre les sociétés inuit et micmaque, ou pour servir de paysage aux enjeux liés aux territoires autochtones ou aux enjeux énergétiques, mais il ne fait à aucun moment l’objet d’une étude spécifique. Tout au plus, le concept de nordicité est présenté dans le programme du secondaire comme un concept parmi d’autres, au milieu de huit concepts non hiérarchisés qui servent de « boîte à outils conceptuelle » pour aborder le territoire autochtone (MELS, 2004 : 327). De la sorte, les programmes et les manuels étalent une liste d’éléments présents dans le Nord sans jamais donner au préalable une définition précise du Nord québécois.

Par conséquent, lorsqu’il est question du Nord et de sa définition territoriale, les programmes de géographie et le matériel didactique font appel aux savoirs antérieurs et aux représentations des enseignants et des élèves, si tant est qu’ils en aient. [10] L’absence de représentation spatiale, de définition et de caractérisation du Nord québécois rend très difficile, pour ne pas dire impossible, la construction d’une vision claire de la nordicité pour l’enseignant et l’élève. Par conséquent, le Nord demeure un sujet marginal dans l’enseignement de la géographie au Québec. Ce constat rejoint celui fait par Bories-Sawala (2015 : 140) qui soulignait récemment, à propos de l’enseignement de l’histoire, que « les peuples du Grand Nord canadien […] restent encore souvent en marge non seulement des manuels, mais surtout de la représentation mentale des citoyens, de l’opinion publique ». Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant de voir perdurer une « vision sudiste » du Nord québécois, synonyme d’espace hostile et inhospitalier (Morissonneau, 1978 ; Chartier, 2008) représentation qui ne prend que minimalement en compte les avancées récentes de la recherche sur la nordicité.

Cette faiblesse des programmes et des manuels n’est pas sans conséquence, étant donné que ces derniers jouent un rôle de « miroir dans lequel se reflète l’image que la société veut donner d’elle-même » (Choppin, 1992 : 19) et, dans ce cas précis, l’image du Nord que la société québécoise souhaite véhiculer à l’intérieur de ses propres frontières. Devant ce constat, il devient légitime de poser la question de la pertinence des programmes du MELS en lien direct avec la construction d’un esprit critique chez les élèves, plus particulièrement dans la compréhension des enjeux liés au Plan Nord québécois ou en lien avec les revendications autochtones.

Le Nord québécois comme un « ailleurs » homogène sans contact avec les allochtones

Les programmes ministériels et les manuels scolaires présentent le Nord québécois comme un « ailleurs ». Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le manuel scolaire du primaire Sur la piste dans lequel il est écrit, en guise de légende sous une photographie représentant la banquise, « [p]endant la plus grande partie de l’année, les Inuit subissent les rigueurs de leur pays de glace et de neige » (Bernier et al., 2003 : 197). L’utilisation de l’adjectif possessif leur, dans cette légende de document, laisse à penser que les populations du Nord, le plus souvent autochtones, apparaissent comme « les autres », éloignés de la « modernité » du Québec du Sud, si différents que la compréhension de leur quotidien semble impossible, comme s’ils habitaient dans un « autre pays », hors Québec. À cet éloignement climatogéographique s’ajoute l’éloignement culturel des peuples autochtones qui, trop souvent, ne sont pas véritablement inclus dans l’histoire du « Nous Québécois » (Forget et Panayotova, 2003).

En outre, la diversité des populations présentes dans le Nord québécois fait cruellement défaut dans les programmes et les manuels. Au primaire, les Inuit sont présentés comme les seuls habitants du Nord, on n’y trouve aucune allusion aux allochtones alors qu’ils sont pourtant de plus en plus nombreux à y vivre. Au secondaire, la liberté est laissée à l’enseignant de choisir entre les territoires des Cris, des Naskapis ou des Inuit (MELS, 2004 : 327). Néanmoins, quelle que soit la nation sélectionnée, elle ne sert qu’à illustrer le partage et le développement du territoire en harmonie avec le mode de vie. Cet exemple peut ensuite être généralisé à l’ensemble des nations du Nord québécois. Ce constat s’apparente à ce que Myers (2001) a défini, au terme d’une analyse de l’image de l’Afrique dans les manuels de géographie aux États-Unis, comme une « simplification géographique ». En passant sous silence la diversité et la complexité des différentes nations qui composent un territoire, on laisse croire à la présence d’une société homogène. Cette situation illustre bien, selon nous, « l’image de la vacuité du Nord [laquelle] révèle l’ignorance géographique de la société qui lui donne naissance » (Duhaime et al. 2013 : 479).

L’autre aspect sur lequel les documents ministériels et les manuels sont peu loquaces concerne les relations entre Autochtones et allochtones. On trouve bien, ici et là dans les manuels, des occurrences à propos des non-Autochtones ou des Qallunaats (cités neuf fois dans les trois manuels du secondaire). En revanche, pas un mot dans les programmes et les manuels sur la gestion interethnique du territoire, les différences culturelles ou l’acculturation, lesquelles sont pourtant bien présentes dans les enjeux contemporains du Nord québécois, plus particulièrement en ce qui concerne les relations avec les allochtones. Lorsqu’il est question du développement et de l’exploitation des ressources naturelles et paysagères du Nord québécois, un flou subsiste quant aux personnes qui en bénéficieront, laissant croire que ce développement est fait par et pour les Autochtones et qu’il apporte une prospérité économique à la population locale. Les échanges culturels et la cogestion territoriale de projets de développement entre Autochtones et non-Autochtones sont aussi occultés alors qu’ils sont la base de la compréhension entre sociétés sudiste et nordiste du Québec. En l’occurrence, nous sommes loin de la vision du Nord dans ses liens avec le Sud, ce que Louis-Edmond Hamelin (2012) considère essentiel à la nordication des mentalités du Sud.

Une insistance sur les caractéristiques ethnoculturelles et géographiques

Il ressort des analyses effectuées qu’on insiste grandement sur les caractéristiques ethnoculturelles et géographiques des Autochtones qui habitent le Nord, notamment au primaire. L’insistance sur les traditions, le folklore, la faune et la rigueur du climat teinte le discours sur le Nord québécois, dans les programmes et les manuels. Même si, dans les documents ministériels, l’accent est mis sur le Nord québécois des années 1980 (au primaire) ou contemporain (au secondaire), les auteurs de manuels ne résistent pas à la tentation d’insérer des sections abordant le mode de vie ancestral.

Assurément, les thèmes relevant des caractéristiques ethnoculturelles et géographiques du Nord québécois sont plus faciles à traiter (et à enseigner) (Déry et Moreau, 2005) et sont loin des questions qui font débat dans la société actuelle (l’accès à l’eau, les perspectives d’emploi, l’éducation, le suicide, etc.). En effet, il est toujours difficile de construire des objets d’enseignement à partir de savoirs débattus ou non stabilisés (Alpe et Barthes, 2013). De plus, comme les programmes scolaires et les manuels ont une durée de vie d’environ 10 à 20 ans, il peut devenir problématique d’y introduire des enjeux dont on ne sait s’ils ne deviendront pas obsolètes à long terme, ce qui n’est pas le cas des caractéristiques ethnoculturelles, historiques et géographiques, beaucoup plus stables dans le temps.

Cette prudence n’est toutefois pas sans conséquence car, si l’enseignement de la géographie a pour fonction de former des citoyens capables de comprendre et d’agir dans la société dans laquelle ils vivent, les enjeux contemporains du Nord québécois doivent trouver leur place à l’école. À défaut d’y parvenir, nous croyons à l’instar d’Hamelin qu’il « serait pour le moins décevant et risqué de développer économiquement le Nord comme jamais sans s’engager dans l’acquisition d’un nouveau comportement à l’endroit de ce territoire » (Hamelin, 2012 : 11). Cependant, des visions mythiques et instrumentalisées du Nord ne permettent pas d’analyser les nombreuses incertitudes qui concernent le territoire québécois (Dorion et Lacasse, 2011), or « l’absence d’un meilleur arrimage entre les territoires historiques nord et sud pourrait être dramatiquement préjudiciable à la dimension spatiale du Québec actuel de même qu’à un état de paix entre Autochtones et non-Autochtones » (Hamelin, 1998 : 106).

En conclusion, retrouver le nord

Au terme de cette analyse, nous constatons qu’il existe un fort décalage entre, d’une part, la recherche sur le Nord, qui se diversifie et alimente de plus en plus notre compréhension de la richesse et de la complexité de ce territoire québécois et, d’autre part, le contenu des programmes ministériels et, dans une moindre mesure, du matériel didactique destiné aux élèves du primaire et du secondaire. À l’évidence, nous sommes ici encore loin des notions de « Québec total » et de nordicité si chères à Louis-Edmond Hamelin (Chartier et al., 2014). Cette étude nous permet d’émettre l’hypothèse que le Nord québécois, au même titre que les Autochtones, ne semble pas appartenir à l’avenir de la société québécoise; en tout cas, dans l’esprit des concepteurs des programmes, il semble être « hors de l’espace québécois » (Forget et Panayotova, 2003 : 119).

Force est de constater que cela est préoccupant, la première mission de l’école étant de contribuer à former de futurs citoyens éclairés, conscients des enjeux sociétaux et territoriaux du Québec. L’école québécoise est-elle en mesure d’y parvenir si la recherche et la vision renouvelées du Nord québécois peinent à trouver leur place dans les savoirs enseignés par le Programme de formation de l’école québécoise ? Comment faire en sorte que l’enseignement de la géographie à l’école puisse fournir une grille de compréhension et d’analyse du Nord québécois qui permette réellement aux élèves de comprendre le monde dans lequel ils vivent, de s’y insérer et d’y contribuer ? Alors que de plus en plus de voix s’élèvent dans la sphère publique en faveur de l’intégration et de la réconciliation avec les peuples autochtones, est-ce que le vision du Nord québécois présente dans les programmes et le matériel didactique peut réellement contribuer à ce mouvement ?

En réponse, ou plutôt en complément, à Caroline Desbiens qui proposait un manifeste pour la nordicité dans lequel elle invitait tout lecteur à combler cet appel en ajoutant son idée pour le Nord (Desbiens, 2012), nous croyons qu’un meilleur travail d’éducation sur le Nord doit être fait. Bien que l’école ne soit pas le lieu exclusif de cette éducation, elle peut, par ses programmes, ses outils et ses acteurs, contribuer à faire en sorte qu’une plus grande proportion de la population québécoise ait une meilleure représentation de l’ensemble du territoire québécois et de ses habitants. Si cette étude a permis de déceler la vision du Nord véhiculée dans les programmes de géographie du Québec, la mise en place, à moyenne échéance, d’une nouvelle réforme permettra de mesurer la volonté gouvernementale de faire en sorte que la vision du Nord soit davantage inclusive au Québec de demain. D’ici là, il nous apparaît important d’agir en formation, à la fois initiale et continue, afin de sensibiliser les enseignants à leur propre vision de la nordicité et de s’assurer que celle-ci ne contribue pas à entretenir le « mythe du Nord ».