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L’une des grandes particularités du régionalisme de troisième génération est d’inclure des mécanismes institutionnels destinés à rapprocher les systèmes réglementaires des participants. Les partenariats économiques et commerciaux offrent l’avantage, par rapport aux accords commerciaux et aux dialogues traditionnels, de combiner obligations contractuelles et coopération renforcée, mais aussi de pouvoir faire évoluer les accords. Il s’agit de la sorte de contourner les écueils aussi bien d’une coopération sans mordant que d’un contractualisme trop rigide, afin de répondre aux problèmes nouveaux que soulèvent la circulation des flux matériels, immatériels, financiers et humains le long des chaînes de valeur, ainsi que le développement rapide des services internationaux sous l’impulsion du commerce électronique, entre autres.

Pour le moment, il n’est pas question de parler de modèle, encore moins de dire quelle direction prendront les accords commerciaux à l’avenir. Un seul accord de troisième génération a été signé et son processus de ratification n’est pas encore totalement achevé : l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (aecg)[1]. Un autre accord majeur, le Partenariat transpacifique (ptp) a bien été signé, le 4 février 2016, mais les États-Unis ont retiré leur signature le 23 janvier 2017. Quant au Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement, en anglais Transatlantic Trade and Investment Partnership (ttip), sa négociation est suspendue.

Malgré les aléas des négociations et les polémiques qui l’entourent, le débat sur les réglementations intérieures est entré de plain-pied dans les négociations commerciales, et il y occupera une place grandissante, peu importe l’orientation qu’il prendra à l’avenir. On peut aborder le problème de deux façons : soit comme un nouveau tournant pris par les négociations commerciales, soit comme l’une des multiples voies empruntées par les gouvernements pour faire avancer la coopération réglementaire. Les deux se rejoignent évidemment, mais nous avons choisi de prendre la seconde option et de montrer le lien existant entre les dispositions relatives à ce sujet dans les nouveaux accords et les développements importants que connaît la coopération réglementaire depuis quelques années, y compris dans ses nouveaux paramètres. Souvent utilisés dans le passé pour orienter et faire avancer les négociations à d’autres niveaux, les accords commerciaux régionaux[2] montrent cette fois leurs limites, ou du moins soulèvent-ils plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. La comparaison des dispositions réglementaires contenues dans l’aecg et le ptp nous permettra notamment de montrer qu’à défaut d’entente sur les principes et les paramètres, les négociations commerciales sur les réglementations peuvent déboucher sur des résultats fort différents.

Notre article se veut d’abord exploratoire. Aussi, plutôt que de défendre un argument en particulier, nous avons pris le parti de partager avec le lecteur certaines de nos interrogations comme chercheurs, mais aussi comme citoyens. Le texte est divisé en quatre parties. Après avoir clarifié dans la première partie le périmètre de la coopération réglementaire, nous reviendrons dans la seconde sur les trois routes principales suivies pour faire avancer la coopération réglementaire, soit celles de l’omc, de l’ocde et des accords préférentiels. La troisième partie comparera l’aecg et le ptp et la quatrième reviendra sur les problèmes que soulève la coopération réglementaire. Dernière précision, le champ de cette dernière est très vaste ; nous nous limiterons au seul domaine du commerce.

I – Réglementation et coopération réglementaire

A – Normalisation et réglementation

Tout d’abord, une norme peut être définie comme une référence ou un modèle à suivre, tandis qu’un règlement peut être défini comme toute disposition normative prise par une autorité publique ou privée compétente. Les définitions sont nombreuses et varient d’un usage à l’autre (Scott 2003), mais on relèvera qu’à la différence d’un règlement, la norme conserve habituellement un caractère volontaire et qu’elle a pour objet général de « faciliter la vie ». Par exemple, l’Aléna donne de la norme la définition suivante : « document approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des produits ou des procédés et des méthodes de production connexes, ou pour des services ou des modes opératoires connexes, dont le respect n’est pas obligatoire » (article 915).

La normalisation est généralement présentée comme un processus d’intérêt général et consensuel visant à établir des règles, des lignes de conduite et des lignes directrices, des bonnes pratiques ou encore des standards applicables à des produits et services, à des méthodes et procédés de production ou à des organisations (Rouland 2004). Par là, il s’agit de créer des régularités dans les comportements de manière à rendre plus prévisibles, dans le sens de Commons, les choix économiques, la gestion des entreprises et le fonctionnement des marchés (Duharcourt 1993). La normalisation technique fait partie de l’histoire de nos sociétés, de la vie économique et de son organisation. À cet égard, il ne suffit pas seulement d’observer que les normes techniques sont aujourd’hui largement intégrées par les pouvoirs publics au pouvoir réglementaire et à ses instruments juridiques, mais surtout que leur développement à l’échelle internationale est de plus en plus perçu par les entreprises comme une nécessité, que ce soit pour accéder aux marchés dans les meilleures conditions possibles ou pour uniformiser les conditions de la concurrence sur des marchés ouverts.

Le pouvoir réglementaire est de nature différente puisqu’il nous renvoie habituellement au pouvoir de l’État et aux objectifs publics. La dimension contraignante apparaît clairement dans la définition de la réglementation que l’ocde retient pour ses questionnaires : « ensemble des instruments au moyen desquels les pouvoirs publics imposent des obligations aux entreprises et aux citoyens. Les réglementations englobent l’ensemble des lois, décrets et arrêtés, formels et informels, réglementations subordonnées, formalités administratives et règles édictées par des organismes non gouvernementaux ou des organismes habilités à s’autoréglementer auxquels l’État a délégué ses pouvoirs réglementaires ».

Le champ de la réglementation est également très large : il couvre toutes les activités sociales. L’ocde (1995) propose de diviser les réglementations en trois grandes catégories, soit : (1) les réglementations économiques et financières qui touchent au fonctionnement des marchés ; (2) les réglementations sociales qui touchent au bien-être, à la santé, à la sécurité des populations ainsi qu’à l’environnement et à la cohésion sociale ; et (3) les réglementations administratives qui recouvrent les formalités et procédures administratives et politiques. Le mandat de l’ocde étant de se pencher sur la cohérence réglementaire, cette division permet sans doute d’avoir une vue plus claire de la tâche à accomplir, mais elle demeure sujette à caution dans la mesure où les trois niveaux se croisent inévitablement.

Les processus réglementaires sont également loin d’être toujours transparents et à l’abri de l’influence des intérêts économiques particuliers (Frydman 2013 ; Büthe et Mattli 2011). Longtemps confinée au débat interne, cette question prend une autre dimension à l’international lorsqu’il s’agit de rapprocher les systèmes réglementaires. Il ne s’agit plus simplement de faire la part des choses entre ce qui relève de l’intérêt collectif et ce qui relève de l’intérêt particulier, mais également entre ce qui relève de choix collectifs démocratiques et ce qui relève de l’arbitraire, du protectionnisme et de la discrimination.

B – La coopération réglementaire internationale

La coopération réglementaire internationale (cri)[3] a connu trois évolutions importantes depuis les années 1990. Un mouvement pour introduire plus de cohérence dans les processus réglementaires a commencé à se dessiner au sein des pays de l’ocde dès les années 1980. Il s’agissait alors de rationaliser les activités gouvernementales et deux questions étaient à l’ordre du jour : les réglementations sont-elles utiles ou non et comment mieux coordonner l’action des agences réglementaires ? Les États-Unis ont amorcé cette démarche sous la présidence de Bill Clinton, avec la création par décret en septembre 1993 d’une agence mandatée à cet effet, l’Office of Information and Regulatory Affairs (oira) (gao 2013). L’ocde suivra. L’Union européenne, quant à elle, adoptera en 2003 un document d’orientation interinstitutionnel, Mieux légiférer (Conseil européen 2003). Le Canada ira aussi dans ce sens avec son propre document, La réglementation intelligente. Une stratégie réglementaire pour le Canada, en septembre 2004 (Houle 2011 ; Gouvernement du Canada 2004a).

Avec le développement de la mondialisation apparaissent de nouvelles préoccupations à partir des années 2000. La recherche d’efficacité est toujours à l’ordre du jour, mais il s’agit aussi de prendre en compte les impacts internationaux des réglementations. Avec l’ouverture généralisée des marchés, les entreprises sont devenues plus sensibles aux divergences réglementaires et aux coûts que cela peut entraîner. Il ne s’agit pas simplement de s’assurer que les réglementations étrangères ne soient pas un obstacle à leur entrée sur un marché étranger, mais aussi que les réglementations nationales ne constituent pas un obstacle à leur propre compétitivité sur les marchés internationaux. Cette évolution apparaît notamment dans les relations transatlantiques. La coopération réglementaire est au centre des discussions, tout au long des années 2000, entre l’ue et les États-Unis, mais aussi entre l’ue et le Canada.

Le « Cadre relatif à la coopération en matière de réglementation et à la transparence » adopté par le Canada et l’ue lors du sommet tenu à Athènes en 2003 est particulièrement significatif de cette évolution. Il prévoyait, entre autres, l’élaboration d’un Cadre relatif à la coopération en matière de réglementation, avec quatre objectifs : (1) avoir une meilleure connaissance des réglementations réciproques et de leurs effets, (2) promouvoir des pratiques exemplaires, (3) faciliter le commerce et l’investissement en éliminant les réglementations non nécessaires, et (4) « contribuer à améliorer la compétitivité et l’efficacité des secteurs en réduisant le dédoublement des exigences règlementaires et en mettant en oeuvre des initiatives compatibles en matière de règlementation, lorsqu’il est possible de le faire, tout en maintenant un haut niveau de protection des citoyens et de l’environnement »[4] (Gouvernement du Canada 2003).

Un changement commence à se faire sentir à partir des années 2010. Le contexte économique n’est déjà plus le même que dans les années 1990 et 2000. Certes, la mondialisation est toujours présente, sinon plus intense que jamais, mais sous l’impact des changements technologiques, elle prend un tour nouveau : celui de l’interconnexion. Avec le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications, ce ne sont pas seulement les modes d’organisation, de production, d’approvisionnement et de consommation qui changent aussi rapidement que radicalement, mais c’est aussi notre vision du monde et des relations commerciales. La cri en subit l’influence. Trois nouvelles directions sont alors prises. Tout d’abord, il s’agit de « penser global » et d’en insuffler l’esprit aux réglementations intérieures. Le décret 13609 signé le 1er mai 2012 par le président Obama, Promoting International Regulatory Cooperation[5], est particulièrement significatif de ce changement d’esprit : il est demandé aux agences d’intégrer la dimension internationale à leur action, d’éliminer les réglementations inutiles ou préjudiciables à la capacité concurrentielle des États-Unis, de coopérer plus étroitement avec leurs homologues étrangères pour réduire les différences réglementaires et de promouvoir avec ces dernières des pratiques internationalement reconnues[6] (Dudley et Wegrich 2016).

Ensuite, la cri prend une nouvelle orientation : elle est inscrite à l’agenda des négociations commerciales. Elle y était déjà entrée depuis longtemps, mais par le biais des obstacles non tarifaires et par une approche qui jusque-là avait été « technique » et « négative », dans l’idée de niveler le terrain de la concurrence. Les deux voies privilégiées alors étaient d’établir des standards communs et de valoriser les pratiques réglementaires exemplaires dans le respect du droit souverain des États de légiférer, de réglementer et de prendre toute disposition d’intérêt public. Ces préoccupations sont toujours présentes, mais la cri est élevée au rang de priorité commerciale dans une approche qui devient « positive », dans le sens où il s’agit d’abord de faciliter la circulation des produits, des données, des personnes, etc., en particulier le long des chaînes de valeur, et pour ce faire de rapprocher les différents systèmes réglementaires et de les rendre compatibles. Sans être totalement nouveau, à commencer en Europe, ce principe devient le fil conducteur d’un dialogue non seulement entre régulateurs, mais aussi avec la société civile, dont au premier chef les entreprises. Ce faisant, il ouvre la porte à un nouveau modèle de négociation axé non plus sur la réciprocité, mais sur la reconnaissance mutuelle des pratiques réglementaires, le tout dans un esprit de transparence, de prévisibilité et de convergence.

Enfin, un nouveau modèle institutionnel est privilégié : le partenariat. C’est un second trait caractéristique de ces nouveaux accords commerciaux d’être à la fois « transrégionaux », globaux et évolutifs et de combiner engagements contractuels et dialogue réglementaire. Aux partenariats traditionnels de développement et d’association vient ici s’ajouter une nouvelle catégorie : le partenariat réglementaire.

Nous allons retracer ces évolutions dans la partie qui suit.

II – Les routes parallèles

Il n’est pas facile de dresser une cartographie de la cri à l’heure actuelle tant les voies empruntées sont variées et ressemblent à un labyrinthe dont personne ne sait trop où elles mènent, ni même s’il y a une sortie (Cafaggi et Renda 2012 ; De Ville 2016). En nous limitant à la coopération intergouvernementale, on peut en identifier trois principales : la voie multilatérale de l’omc, celle « en club » de l’ocde et celle des accords préférentiels.

A – La voie multilatérale de l’omc

Le système commercial a beaucoup évolué depuis la signature du gatt de 1947. Il repose désormais sur un cadre juridique formel et a pris de nouvelles directions depuis le cycle d’Uruguay, mais il reste toujours marqué par l’esprit de ses origines, à savoir que le commerce est un facteur de paix et de progrès et qu’en conséquence, le protectionnisme et l’arbitraire doivent être éliminés des relations commerciales. C’est donc sous cet angle que les réglementations s’y trouvent abordées. Une dimension nouvelle est cependant apparue lors du cycle d’Uruguay : la transparence[7]. La transparence permet de faire le pont entre une conception trop restrictive de l’ouverture, l’élimination des obstacles au commerce et une conception trop éloignée du mandat de l’omc, l’application de règles communes de concurrence. Elle est transversale aux accords, mais apparaît plus spécifiquement dans les accords signés en 1995 à Marrakech et les suivants (Braithwaite et Drahos 2000 ; Lejárraga 2013).

Concernant les réglementations, les négociations d’Uruguay ont débouché sur trois accords majeurs[8] : l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (adpic), l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (otc) et l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (sps)[9].

L’accord adpic constitue certainement l’une des grandes réussites de ce cycle, du moins pour les défenseurs de la propriété intellectuelle qui sont ainsi parvenus à déplacer le débat sur les normes de propriété intellectuelle de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ompi) vers le système commercial[10] et à en faire l’un des domaines de compétence de l’omc (Morin 2007). Ne sous-estimons pas pour autant la portée des accords otc et sps, qui croisent commerce, réglementation et normes techniques. L’accord otc vise à réglementer l’application des normes et les règlements techniques, y compris les prescriptions en matière de marquage et d’emballage, et désormais les réglementations sur les technologies de l’information et des télécommunications, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité[11]. La légitimité du pouvoir réglementaire des États n’est pas remise en question, pourvu que les mesures adoptées n’aient pas pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international. L’accord sps porte, quant à lui, sur l’innocuité des produits alimentaires et les normes sanitaires pour les animaux et les végétaux. Il ne remet pas non plus en question le droit pour les pays d’établir leurs propres règles, mais celles-ci doivent avoir un fondement scientifique, n’être appliquées que dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour préserver les végétaux[12] et, surtout, ne pas entraîner de discriminations arbitraires ou injustifiables entre les pays où existent des conditions identiques ou similaires (omc 2016).

Deux autres accords touchant aux questions réglementaires sont venus depuis s’ajouter aux précédents : l’Accord sur les télécommunications de base intervenu en février 1997 entre 69 pays membres et, plus récemment, l’Accord sur la facilitation des échanges entériné lors de la conférence ministérielle de Bali en décembre 2013 et dont l’objet est de faciliter le dédouanement des marchandises, de rendre les procédures administratives plus transparentes et équitables et d’encourager la coopération douanière. On pourrait aussi mentionner l’Accord sur le commerce des services (acs), actuellement négocié en marge de l’omc par 23 de ses membres. Cela dit, l’objectif est d’ouvrir davantage le commerce des services et d’établir des règles dans des domaines qui ont pris une importance grandissante avec la mondialisation, tels que les services financiers, les télécommunications, le commerce électronique, le transport maritime ou encore le déplacement temporaire des personnes (Guillenteguy et Ghio 2015).

Malgré ces avancées, la coopération réglementaire reste difficile à l’omc, pour au moins deux raisons. La première tient à l’arbitrage délicat et souvent présenté comme contradictoire par ses opposants, entre ouverture commerciale d’un côté et respect des choix collectifs de l’autre. La seconde, de nature différente, tient au fait que les consensus sont extrêmement difficiles à réaliser à l’omc. Aujourd’hui, l’atmosphère est plutôt au désenchantement (Hoekman et Mavroidis 2015).

B – L’ocde

Contrairement à l’omc, l’ocde n’est pas une organisation spécialisée, mais un forum intergouvernemental dont la mission est de « promouvoir des politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde ». Ses membres ont en commun d’être acquis à la démocratie et à l’économie de marché, et son action passe par l’analyse des politiques, leur examen en comité et l’adoption de directives et recommandations. On peut assimiler l’ocde à un « club » dont l’objet est de fournir un bien collectif à ses membres.

En matière de réglementation publique, son action a commencé à se faire sentir à partir de la fin des années 1970. Dans un contexte alors marqué par la crise de l’État providence, l’ocde s’est surtout attachée dans les années qui suivirent à préconiser des politiques publiques et des réformes réglementaires résolument orientées vers la réduction du poids des administrations publiques dans l’économie et l’élimination des réglementations susceptibles d’entraver l’activité des entreprises ou d’étouffer leur dynamisme. L’objectif était alors de rétablir l’équilibre en faveur du marché et d’inciter les gouvernements à adopter des réformes réglementaires combinant efficacité, concurrence et ouverture extérieure. L’organisation va prendre un nouveau tournant dans les années 1990, moins pour répondre aux critiques que pour donner un caractère permanent aux réformes et intégrer la politique réglementaire dans un cadre de gouvernance publique (ocde 1997).

Le Comité de la gestion publique va ainsi reconnaître, en juin 1994, « l’importance de la gestion du secteur public pour assurer l’efficience des politiques et l’efficacité économique dans un contexte de transparence démocratique » et sur cette base, le « Conseil concernant l’amélioration de la qualité de la réglementation officielle de l’ocde » va recommander en 1995 à ses membres de prendre des « mesures efficaces pour assurer la qualité et la transparence des réglementations officielles », notamment « en mettant au point […] des systèmes d’administration et de gestion permettant de prendre en compte les principes énoncés dans la liste de critères de référence [et] en intégrant dans les processus d’élaboration de la politique réglementaire à tous les niveaux d’administration publique des principes de prise de décision permettant de mettre au point une réglementation efficace, souple et transparente » (ocde 1995). L’objectif n’est plus de déréglementer, mais plutôt de définir des principes directeurs pour l’action publique, de valoriser les bonnes pratiques et d’inciter les membres à se doter d’un cadre de gouvernance en matière de réglementation qui soit à la fois intégré, efficace, transparent, démocratique et sensible aux impacts. Dix ans plus tard, en 2005, ces principes sont devenus les Principes directeurs pour la qualité et la performance de la réglementation. Sept principes y sont affirmés, résumés ainsi : (1) avoir des objectifs clairs et des cadres précis pour la mise en oeuvre des réformes ; (2) réexaminer systématiquement les réglementations ; (3) appliquer les principes de transparence, de non-discrimination et d’efficience ; (4) renforcer la politique de la concurrence et en faire respecter les obligations ; (5) réformer les réglementations économiques dans tous les secteurs économiques afin de stimuler la concurrence ; (6) supprimer les obstacles réglementaires inutiles aux échanges et aux investissements ; et (7) établir des liens entre les réformes réglementaires, les objectifs de l’action gouvernementale et les autres réformes[13].

Au cours de cette période, l’ocde va aussi se rapprocher de l’Apec. La coopération débute en 1999 et, dès l’année suivante, un programme de travail conjoint sur la réforme réglementaire est mis en place. Le groupe de travail sur la politique de la réglementation produira en mars 2005 une liste de références communes sur la réforme de la réglementation. Le document intègre les principes de l’Apec et de l’ocde, identifie trois domaines d’action, soit la concurrence, la réglementation et l’ouverture des marchés, et endosse trois critères de gouvernance : la transparence, la responsabilité et l’examen des résultats. Malgré des débuts prometteurs, cette coopération n’a pas donné les résultats escomptés, mais elle aura au moins permis de rapprocher les deux forums, de sensibiliser l’Asie aux questions réglementaires[14] et de préparer l’étape suivante.

Jusque-là, l’ocde s’était surtout préoccupée d’inciter ses membres à mettre en place des cadres réglementaires intégrés et régis par les mêmes principes[15]. Donnant suite à plusieurs rapports qui en appelaient à une actualisation de la gouvernance réglementaire, le Conseil de l’ocde adopte en mars 2012 la Recommandation du conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires. C’est le premier instrument international à traiter de politique, de gestion et de gouvernance réglementaires, et la première fois que les pays membres se dotent d’un cadre commun de régulation (Basedow et Kauffman 2016). Le document comporte douze recommandations, dont nous retiendrons la douzième : « [l]ors de l’élaboration des mesures réglementaires, prendre en considération l’ensemble des normes et des cadres internationaux pertinents pour permettre la coopération dans le domaine concerné et, le cas échéant, leurs effets possibles sur les parties situées hors du territoire où la réglementation est applicable ».

La cri est ainsi devenue l’un des grands chevaux de bataille de l’ocde. L’organisme a aussi développé de nouveaux critères[16] et outils pour mesurer la « performance réglementaire » de ses membres, comme des non-membres d’ailleurs, et ce tout en cherchant à jouer le rôle de coordonnateur de la cri à l’échelle internationale. Mentionnons entre autres le réseau de régulateurs économiques qu’elle a créé, les rencontres amorcées entre son Comité de la politique de la réglementation et celui du commerce, ou encore des rapports d’activité préparés pour les autres organisations internationales, y compris le G20.

En somme, la cri progresse au niveau de l’ocde mais il n’en reste pas moins, comme le souligne une étude interne (ocde 2016), qu’elle reste limitée le plus souvent à l’échange d’informations et aux directives non contraignantes. Abordons la troisième voie, celle des accords préférentiels.

C – Les accords préférentiels

L’ocde a ses avantages, dont celui de regrouper la plupart des grandes puissances économiques de la planète et celui de jouir d’une très grande légitimité, mais pour autant, ses principes directeurs n’ont d’autre valeur que morale. Perçue comme plus efficace, la coopération bilatérale est une voie davantage privilégiée par les gouvernements. On pourrait évoquer les accords économiques et de reconnaissance mutuelle conclus entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le Forum de haut niveau pour la coopération réglementaire mis en place en 2005 par les États-Unis et l’ue, le partenariat Canada-ue, le cadre de coopération réglementaire entre l’ue et la Chine, ou encore les conseils de coopération Canada-États-Unis et Mexique-États-Unis en matière de réglementation. La coopération se limite souvent à certains secteurs d’activité et les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur. À cet égard, les accords commerciaux sont sans doute plus attrayants, mais ils ne règlent pas non plus tous les problèmes.

Les États-Unis ne se sont jamais privés d’utiliser les Alé pour faire avancer leurs priorités commerciales. Rappelons-nous l’Aléna – et avant lui, l’Alé avec le Canada. Pionnier dans de nombreux domaines, dont la propriété intellectuelle et l’investissement, l’accord a pendant longtemps été considéré comme un modèle et nombre de ses dispositions, jusqu’à la structure de l’accord, ont souvent été reprises à peu de choses près dans beaucoup d’autres accords. Avec le temps, l’Aléna a montré ses limites. L’accord ne pouvait évidemment pas couvrir des sujets comme Internet et le commerce électronique. Il en va de même des réglementations, même si elles sont à l’arrière-plan des chapitres les plus importants de l’accord et que le chapitre 9 sur les mesures normatives est expressément consacré aux otc. Certes, les dispositions institutionnelles prévoyaient que « des comités, groupes de travail ou groupes d’experts » puissent être institués et que des responsabilités leur soient déléguées, mais en pratique, cela n’a pas donné grand-chose. Les accords suivants ont permis de renforcer les disciplines et d’intégrer de nouvelles dispositions, le commerce transfrontalier des services, les services financiers, le commerce électronique ou encore la transparence en matière de réglementation, mais ils ne s’écartent pas vraiment du modèle Aléna. Avec le résultat que, contrairement au commerce électronique, un sujet apparu à peu près au même moment qu’elle, la coopération réglementaire n’y apparaît pas, et ce même si la loi commerciale de 2002 en donnait la possibilité.

Qu’en est-il des autres accords ? En Asie, les accords commerciaux comportent, pour la plupart, un chapitre consacré à la coopération, mais celle-ci traite de développement et de réglementation. L’ocde a, de son côté, procédé à une analyse comparative de quelque 336 accords régionaux répertoriés par l’omc (Lejárraga 2014). Elle arrive à la conclusion que 61 d’entre eux couvrent explicitement la question de la réglementation intérieure, 100 ont des dispositions sur la concurrence et 99 présentent des dispositions sur les réglementations techniques, les normes et les obstacles techniques au commerce. Ces dispositions demeurent cependant assez proches de celles prévues par les accords de l’omc et, d’une façon générale, la cri n’est pas une question centrale. Nous avons de notre côté procédé à une analyse analogue pour les accords conclus entre 2010 et 2015, soit au cours de la période durant laquelle l’aecg, le ptp et le ttip ont été négociés. Nous souhaitions vérifier si la volonté d’intégrer la cri aux négociations et ententes commerciales s’était manifestée ailleurs[17]. Il en ressort que la coopération réglementaire reste dans tous les cas très limitée.

Le débat n’a vraiment été lancé qu’au tournant de la décennie actuelle. À cet égard, il est intéressant de voir comment il a évolué dans la législation commerciale américaine. La question des réglementations apparaît pour la première fois dans les législations commerciales de 1984 et de 1988, où il en est fait mention comme d’un obstacle à l’investissement, à la production locale de services et au commerce des produits agricoles. Un changement d’orientation est donné dans la législation de 2002 (u.s. Trade Promotion Authority Act). Les dispositions antérieures y sont reprises, mais on y voit apparaître une nouvelle orientation, celle-ci incluant les « pratiques réglementaires » dans les objectifs de négociation (Section 2102b (8) Regulatory Practices), dès lors que celles-ci procurent aux producteurs nationaux un « avantage concurrentiel » réduisant l’accès aux marchés pour les biens, les services et les investissements américains. La loi fixe quatre objectifs : (1) améliorer la transparence et permettre la participation des parties affectées à l’élaboration future des réglementations ; (2) les réglementations proposées doivent reposer sur des éléments scientifiques objectifs, sur une analyse coûts/bénéfices et sur une évaluation des risques ; (3) établir des mécanismes de consultations entre les Parties contractantes en vue d’établir des lignes de conduite et des standards en matière de réglementation, incluant les marchés publics ; et (4) éliminer les mesures gouvernementales telles que les contrôles des prix et les prix de référence qui limitent l’accès aux marchés des produits américains.

La législation de 2015[18] marque un nouveau tournant. Elle élargit considérablement les dispositions relatives aux pratiques réglementaires (Section 102b (7) Regulatory Practices) et introduit plusieurs changements substantiels, dont trois particulièrement significatifs. Premièrement, il n’est plus fait mention des avantages concurrentiels indus, mais seulement des pratiques qui limitent l’accès aux marchés des biens, services et investissements américains. Deuxièmement, le nombre des objectifs spécifiques passe de quatre à huit. Viennent s’y ajouter (1) la convergence dans les processus réglementaires et la coopération internationale pour développer des standards mondiaux, (2) la promotion de la compatibilité réglementaire (harmonisation, équivalence, reconnaissance mutuelle) et l’encouragement à utiliser des standards internationaux et interopérables, (3) la transparence et l’équité dans les régimes gouvernementaux réglementaires de remboursement, et (4) la garantie que la non-divulgation de renseignements soit justifiée par un intérêt réglementaire légitime, ne soit pas contraire à l’intérêt du public et n’aille pas à l’encontre d’une concurrence loyale. Et troisièmement, une emphase particulière est mise sur la consultation, la révision périodique des mesures réglementaires, l’élimination des chevauchements dans les procédures de certification, le recours aux analyses d’impact, l’application des bonnes pratiques réglementaires et la coopération pour définir des standards mondiaux.

Les États-Unis ne sont évidemment pas les seuls à avoir fait de la cri une priorité. L’Union européenne, pour ne prendre qu’elle, accorde également une importance prioritaire aux questions réglementaires dans les négociations commerciales (nous l’avons mentionné à propos du partenariat stratégique avec le Canada). L’approche est cependant axée sur la coopération plutôt que sur les pratiques. La ligne de conduite de la Commission est ainsi définie : « [l]e renforcement de la coopération réglementaire sur le plan international facilite le commerce, relève les normes mondiales, rend les réglementations plus efficaces et aide les autorités chargées de la réglementation à faire un meilleur usage des ressources limitées. Cela doit se faire de manière à ne pas restreindre le droit des gouvernements à agir pour répondre à des objectifs légitimes d’intérêt public » (Commission européenne 2015 : 15). Il est également précisé : « [e]n engageant les partenaires dans la coopération réglementaire, la Commission peut échanger des idées et des bonnes pratiques et promouvoir les normes de l’ue au profit des consommateurs du monde entier qui pourront ainsi bénéficier de niveaux de protection les plus élevés et efficaces. Les accords commerciaux peuvent insuffler un élan politique à ce type de dialogue. Toutefois, contrairement aux négociations commerciales classiques, la coopération réglementaire ne fonctionne pas sur le principe du donnant-donnant ni de l’échange d’une réglementation contre une autre » (Commission européenne 2015 : 23).

Sur le plan des résultats toutefois, l’Accord économique et commercial global (aecg) conclu avec le Canada est, pour le moment du moins, le seul accord à inclure des dispositions globales sur la coopération réglementaire et les négociations commerciales avec les États-Unis, les premières à en faire leur objet principal. Un retour sur l’aecg et le ptp nous permettra de voir en quoi l’approche suivie par l’ue et le Canada se démarque de celle suivie par les États-Unis.

III – L’aecg et le ptp

Avec les services, la cri est sans doute la partie la plus novatrice de l’aecg. Deux chapitres en traitent directement : le chapitre 12 intitulé « Réglementation intérieure », qui porte, entre autres, sur les prescriptions et procédures en matière de licences et de qualifications, et surtout le chapitre 21 intitulé « Coopération en matière de réglementation ». Les Parties y reconnaissent « l’utilité de la coopération », « s’efforceront, chaque fois que ce sera possible et mutuellement bénéfique, d’aborder la coopération… » et, « sans limiter la capacité de chaque Partie à mener à bien ses propres activités réglementaires, législatives et politiques », s’engagent à développer davantage leur coopération en vue d’atteindre les objectifs suivants : « a) prévenir et éliminer les obstacles non nécessaires au commerce et à l’investissement ; b) créer un climat propice à la concurrence et à l’innovation, y compris par la compatibilité des règlements, la reconnaissance des équivalences et la promotion de la convergence ; c) favoriser les processus de réglementation transparents, efficients et efficaces qui appuient mieux les objectifs de la politique publique et permettent aux autorités de réglementation de remplir leur mandat, y compris en favorisant la mise en commun de l’information et l’utilisation accrue de pratiques exemplaires » (Article 21.2).

Le texte est alambiqué, mais l’essentiel est dit, et ce même si les Parties se réservent la latitude d’adopter les réglementations qu’elles jugent nécessaires et que les initiatives de coopération demeurent volontaires, dans leur « intérêt mutuel ». Les objectifs de la coopération visent l’amélioration des conditions de vie et de santé, l’établissement de liens de confiance et d’expertise, la facilitation du commerce et de l’investissement et l’amélioration de la compétitivité et de l’efficacité des activités industrielles. Les activités de coopération prévues se font notamment sous les formes de discussions bilatérales, consultations, mises en commun de l’information non publique, information sur les projets de réglementation ayant un impact sur le commerce, établissement de normes internationales et d’examens de la réglementation après sa mise en oeuvre. On relèvera également qu’à défaut de pouvoir toujours harmoniser les règles, les Parties sont néanmoins convenues d’une reconnaissance réciproque des normes et organismes de certification, de se consulter et de dialoguer pour les futures réglementations d’intérêt public, et d’adapter les règles commerciales aux évolutions futures du commerce. Enfin, dernier point, l’accord établit le Forum sur la coopération en matière de réglementation (article 21.6) et en fait le cadre institutionnel à l’intérieur duquel seront discutés les enjeux des politiques réglementaires d’intérêt commun. Il lui reviendra également de favoriser le dialogue entre les régulateurs, d’aider les organismes de réglementation à identifier d’éventuels partenaires dans les activités de coopération, d’examiner les initiatives en matière de réglementation et d’encourager la mise en place d’activités de coopération bilatérale.

Les négociations de l’aecg ont sans doute permis aux négociateurs européens de se préparer aux discussions avec les États-Unis. Ces dernières ont officiellement débuté en juillet 2013. Autrement plus difficiles, en raison de l’enjeu que constitue l’adoption de dispositions qui serviront d’étalon dans les négociations futures, elles se sont rapidement enlisées, faute pour les Parties de s’entendre sur les principes. Entretemps, les États-Unis sont néanmoins parvenus à boucler leurs négociations du Partenariat transpacifique (ptp) avec leurs onze partenaires[19]. Ils ont, depuis, retiré leur signature mais l’accord comprend néanmoins un chapitre particulier intitulé Regulatory Coherence (chapitre 25) sur lequel il convient de revenir.

Beaucoup moins détaillé que son vis-à-vis dans l’aecg, on retiendra trois choses de cet chapitre. D’abord, les Parties reconnaissent que leurs cadres réglementaires peuvent diverger selon, par exemple, leur niveau de développement ou leur structures institutionnelles ou politiques, mais elles s’engagent néanmoins : (1) à mettre en place un mécanisme de révision pour s’assurer que des mesures réglementaires constituent de bonnes pratiques (Core good regulatory practices) ; (2) à renforcer la coopération entre les agences réglementaires nationales ; (3) à faire des études d’impacts avant d’introduire de nouveaux règlements ; et (4) à rendre publique la liste des nouvelles réglementations prévues dans l’année en cours. Ensuite, il est prévu de mettre en place un Comité sur la cohérence réglementaire. Ce comité aura, entre autres, pour fonction et responsabilité d’émettre des recommandations dans le but d’améliorer les dispositions de ce chapitre, qui, en ce sens, sera évolutif. Enfin, il est prévu que les Parties ne pourront recourir au mécanisme de règlement des différends.

Tirons quatre constats de ce chapitre : (1) les Parties visent d’abord la clarification des réglementations en centralisant l’information à leur égard et en la rendant publique, tout en s’assurant que les règles soient écrites et, si possible, en ligne ; (2) elles ont choisi de privilégier le dialogue en écartant le mécanisme de règlement des différends ; (3) les études d’impacts et le mécanisme de révision viennent limiter la capacité des États à adopter des réglementations, même adaptées à leur réalité ; et (4) la fonction évolutive du Comité représente une belle occasion pour les États-Unis de prendre le « leadership réglementaire », en particulier devant la Chine et l’ue, ses deux principaux rivaux dans ce domaine.

L’aecg et le ptp sont donc les deux premiers grands accords à comporter un chapitre particulier sur la cri. Qu’est-ce qui les distingue ? D’abord le titre : le chapitre 21 est intitulé « Coopération réglementaire » alors que l’article 25 est intitulé « Cohérence réglementaire ». Déjà, la distinction est notable. Le chapitre du ptp spécifie l’objectif à atteindre, la cohérence, tandis que celui de l’aecg se contente de parler de coopération. Les principes qui les gouvernent sont toutefois assez similaires. Il s’agit de s’assurer que les réglementations ne soient pas un obstacle aux échanges et qu’elles répondent aux critères de bonne gouvernance, autrement dit à ceux de l’ocde.

Par ailleurs, l’aecg met en place un cadre de discussion et de consultation entre les Parties, liste plusieurs activités de coopération qu’elles peuvent entreprendre, prône la coopération volontaire et donne la possibilité aux Parties d’y mettre fin à tout moment. Le menu des activités comprend des consultations, l’échange d’informations, l’examen des réglementations proposées pour minimiser les divergences par des études d’impact, et la conduite d’études sur les effets des nouvelles réglementations. Le processus de coopération mis en place par l’aecg demeure imprécis dans ses applications concrètes. Les dispositions du ptp sont plus engageantes que celles de l’aecg. Elles visent l’introduction chez chacune des Parties d’un mécanisme d’adoption et d’évaluation de la réglementation disposant de caractéristiques communes. L’usage du conditionnel tout au long du chapitre révèle cependant une certaine appréhension de la part de certaines Parties à mettre en place un tel mécanisme. Néanmoins, les Parties devraient définir publiquement quelles sont les mesures réglementaires nationales soumises au processus prévu par l’accord et, en déterminant l’étendue de cette couverture, elles devraient s’assurer qu’elle est très large.

En somme, alors que l’aecg tente de faire avancer la cri par le dialogue, le ptp propose, quant à lui, un mécanisme inspiré des pratiques américaines, reposant sur trois piliers : la clarification de la réglementation, l’étude de ses impacts et la prise en compte des intérêts des entreprises. On peut dire que les dispositions de l’aecg sont de type coopératif alors que celles du ptp sont de type contractuel. Dans ce dernier, à l’image de la libéralisation des échanges commerciaux, une fois que les États auront ouvert des parties de leur réglementation nationale aux mécanismes qui y sont prescrits, il sera bien difficile de faire marche arrière. L’État transfère donc ici une part de son pouvoir réglementaire à ces mécanismes qui intéressent au premier chef les entreprises.

On notera également qu’il est pour le moins paradoxal de donner aux gouvernements la responsabilité de mettre en place le cadre qui viendra limiter leurs prérogatives. Certes, pour les pays les plus développés du partenariat, cela ne devrait pas trop poser de problèmes, sauf à leur compliquer la tâche : de tels mécanismes sont souvent déjà en place et il paraît moins complexe d’apporter les modifications nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’accord lorsque viendra le temps d’adopter rapidement un règlement. Il en va autrement des pays qui n’en ont pas : l’accord leur demande de les introduire et de mettre les systèmes réglementaires au diapason de la transparence, de l’efficacité et de la non-discrimination[20].

IV – Sortir du labyrinthe

Que la cri progresse, c’est indéniable. Mais en même temps, comment expliquer qu’elle rencontre tant d’opposition ? Rien n’interdit pourtant de l’assimiler à un bien public international (Barrett 2007). L’Iso, par exemple, évoque sur son site plusieurs types d’avantages qui vont dans ce sens : avantages pour les consommateurs, qui peuvent y trouver une assurance de sécurité, de qualité, de simplification ou de fiabilité ; pour les entreprises, qui peuvent ainsi produire plus efficacement et à des coûts plus bas, élaborer des produits ou des systèmes mieux conçus, ou encore accéder plus facilement aux marchés internationaux ; pour les gouvernements et les organisations internationales, qui peuvent ainsi s’appuyer sur des normes reconnues pour mieux définir leurs politiques publiques ou remplir leurs mandats ; et pour la société, des normes internationalement reconnues contribuant à une meilleure qualité de vie, à un meilleur environnement ou encore à une plus grande sécurité. Même si ces arguments s’appliquent davantage à la normalisation technique qu’à la coopération réglementaire, la cri peut malgré tout être envisagée comme une réponse collective à des problèmes d’intérêt commun, d’interopérabilité commerciale, de reconnaissance des qualifications professionnelles ou de sécurité financière par exemple (Abbott 2014 ; Trachtman 1993). Ce n’est pourtant pas sous cet angle que la cri est généralement abordée. Les entreprises, rejointes en cela par les gouvernements, y voient surtout une façon d’éliminer les obstacles aux échanges, de niveler le terrain de la concurrence et d’éliminer la part d’arbitraire souvent présente dans les processus d’examen des plaintes ou de révision des décisions (Basedow et Kauffmann 2016 ; Hoeckman 2015a). Quant à ses opposants, ils y voient une captation de la réglementation par les intérêts privés, une menace à la démocratie, quand ce n’est pas contre le droit des peuples (Mitnick 2011 ; Alemanno 2015 ; Velut 2016).

A – Les nouveaux paramètres de la coopération

Le problème n’est pas nouveau. Déjà dans les années 1980, largement inspiré dans ses travaux par son expérience dans le domaine de la santé publique, Cooper avait identifié ce qui lui paraissait être les quatre obstacles principaux de la coopération économique : (1) le partage des avantages et des coûts de la coopération, (2) les divergences sur le pronostic, (3) les désaccords sur la voie à suivre pour arriver à des objectifs communs, et (4) le manque de confiance mutuelle (Cooper 1989). Il avait également identifié six niveaux de coopération, allant du plus simple au plus contraignant selon le degré d’engagement des gouvernements : (1) l’échange d’informations sur la situation courante et les politiques en vigueur, (2) l’adoption de définitions et méthodes communes, (3) des accords sur les normes ou des objectifs communs, (4) l’échange d’informations sur les mesures nationales envisagées, (5) la coordination des actions nationales, et (6) l’action conjointe. Quelque trente ans plus tard, s’agissant de la cri, les termes du débat n’ont guère changé, sinon que dans ses travaux récents, l’ocde a maintenant identifié onze mécanismes différents de coopération, allant du moins au plus contraignant : (1) le dialogue et l’échange informel d’informations ; (2) l’adoption de principes et lignes directrices (soft law) ; (3) la reconnaissance de normes internationales (iso) ; (4) l’exigence formelle de considérer la cri dans les procédures de réglementation ; (5) les réseaux transgouvernementaux ; (6) les accords de reconnaissance mutuelle ; (7) les accords bilatéraux, régionaux ou transrégionaux contenant des dispositions sur la réglementation ; (8) les organisations intergouvernementales ; (9) les partenariats réglementaires entre pays ; (10) les accords négociés ; et (11) les institutions communes ou supranationales (institutions de l’ue) (ocde 2016).

Ce qui frappe dans la liste de l’ocde, ce n’est pas qu’elle soit plus longue et plus variée que celle de Cooper, mais le fait, premièrement, que les États ne sont plus seuls dans le processus, et deuxièmement, que le schéma a désormais perdu toute finalité. Les obstacles dont parlait Cooper et ceux qui s’y sont ajoutés depuis ne sont sans doute pas insurmontables, les acteurs tirant profit de l’expérience et de l’apprentissage de la coopération. Le problème n’est pas là. Avec la mondialisation, les États doivent composer avec d’autres acteurs qu’eux. On est sur un registre nouveau.

Les États restent, bien entendu, des acteurs centraux, mais ils sont de plus en plus enchâssés dans des réseaux transnationaux de gouvernance qui vont au-delà du cadre traditionnel des traités internationaux et des organisations internationales (ocde 2013 : 16). Slaughter fut l’une des premières à montrer l’importance grandissante de ces réseaux transgouvernementaux[21] (Slaughter et Hale 2011), très souvent informels d’ailleurs, impliquant des représentants gouvernementaux ou d’entreprises, des juristes, des experts universitaires, des professionnels, des ong, etc. Abbott (2014) abonde dans le même sens. La cri s’inscrit clairement dans un mouvement de gouvernance en réseaux dont les quatre objectifs principaux sont (1) d’apporter des réponses globales aux défis posés par la mondialisation, (2) de fournir des biens publics collectifs et de contrôler les problèmes globaux, (3) de réduire les obstacles créés par des réglementations nationales incompatibles, et (4) d’aider les régulateurs dans leurs missions toujours plus exigeantes qu’ils doivent remplir avec des ressources limitées.

De même, la coopération n’est plus forcément liée au principe de spécialisation – « un domaine, une organisation ». Elle peut passer par différentes voies, en principe complémentaires, mais le plus souvent mises en concurrence pour avancer plus rapidement[22], les trois principales étant : l’adoption d’accords ou de codes de conduite par les membres d’un même forum (l’ocde, l’omc, l’Apec, etc.) ; la négociation, le plus souvent en parallèle, d’accords commerciaux bilatéraux ou plurilatéraux du même type ; et la voie plus technique qui consiste à convoquer des conférences professionnelles ou interinstitutionnelles, à mettre en place des groupes d’experts de haut niveau pour donner des avis, consultatifs mais souvent déterminants, ou encore à créer des commissions bilatérales.

Sans tomber dans le déterminisme, le schéma de Cooper n’en présentait pas moins un caractère orienté, l’action commune et l’adoption de règles de portée universelle représentant le niveau le plus évolué de coopération. Ce n’est pas non plus ainsi qu’il faut voir l’échelle de l’ocde, mais comme une palette de choix possibles, chacun choisissant la voie qui lui paraît la plus appropriée. La mondialisation a beau progresser, plus que jamais d’ailleurs, les États sont toujours là, et les efforts pour les amener à coopérer sont toujours aussi difficiles. Aussi est-ce par des voies intermédiaires que l’on essaiera de mener à bien la négociation, comme par exemple, l’équivalence mutuelle, une méthode qui vient se glisser dans la négociation entre l’harmonisation, toujours présente mais rapidement oubliée, et la reconnaissance mutuelle, une formule souvent utilisée en Europe mais qui n’a pas toujours tenu ses promesses (Messerlin 2014). Ainsi la retrouvons-nous dans l’aecg, chaque Partie reconnaissant comme mutuellement équivalentes aux siennes non seulement les normes et réglementations de l’autre Partie, mais également ses procédures de certification, d’autorisation ou d’accréditation.

B – Échapper au paradoxe des règles

Ces évolutions nous obligent à reconsidérer le paradoxe de la coopération tel qu’il a été présenté pour la première fois par Mundell à propos des taux de change fixes au travers de son triangle d’incompatibilité. Le triangle lui a permis de montrer qu’on ne pouvait en même temps avoir des taux de change fixes, une politique monétaire indépendante et une mobilité parfaite des capitaux, et qu’entre ces trois objectifs, on ne pouvait en choisir que deux. Ce triangle a souvent été utilisé dans d’autres domaines de coopération, l’investissement ou la fiscalité par exemple (Deblock, Brunelle et Rioux 1994). La Figure 1 illustre le cas général où il s’agit de trouver des règles communes (G) tout en préservant l’autonomie des États (E) et des marchés (M). Le triangle d’incompatibilité limite les choix aux situations extrêmes, dans le sens où l’on peut avoir des combinaisons (G)-(M), (G)-(E) ou (M)-(E) mais non (G)-(M)-(E). Ou pour dire les choses autrement, établir des règles universelles qui viendraient coordonner l’action des uns impliquerait de contrôler l’action des autres. Des situations intermédiaires sont envisageables à l’intérieur du triangle. Celui-ci peut être subdivisé et offrir ainsi une cartographie éclairante des différentes organisations et constellations d’institutions qui animent la coopération internationale, notamment dans la zone E-M-G’ où elles foisonnent (Kébabdjian 2002). Il n’en demeure pas moins que tout processus régulatoire implique une perte de degrés de liberté de la part des acteurs concernés.

Le reproche principal que l’on peut faire au triangle d’incompatibilité est d’être marqué par l’idéal d’un supranationalisme qui viendrait non seulement dépasser la division du monde en États souverains, mais aussi subordonner les jeux du marché à des règles de gouvernance de portée universelle. Plus récemment, Abbott et Snidal (2010) ont présenté une version différente du triangle d’incompatibilité. Leur version est plus complexe, dans la mesure où elle fait intervenir non plus deux, mais trois acteurs : les États, les entreprises et les ong, toujours plus présentes dans les débats internationaux. Bien qu’imparfaite, elle propose une manière de faire entrer les citoyens en tant qu’acteurs dans les échanges entourant la définition de l’intérêt public. Elle est plus prometteuse. En privilégiant les combinaisons de coopération, elle a le mérite de centrer le débat sur la gouvernance en réseaux et de contourner la question toujours sans réponse posée par Kahler et Lake (2011) : pourquoi, malgré la mondialisation, y a-t-il si peu de supranationalisme ?

En remplaçant le triangle par une pyramide (Figure 2), il devient possible de changer la perspective et de considérer les règles sous l’angle de la nécessité sociale et non plus sous l’angle du choix rationnel comme c’était le cas dans le triangle d’incompatibilité. La hauteur du triangle indique le niveau de régulation négocié, le point E le résultat du compromis entre les acteurs, et le degré de proximité de leur angle, leur niveau d’influence. Le jeu est toujours d’arbitrer entre intérêt public et efficacité économique, sauf qu’il ne se joue plus à deux mais à trois. Partant de là, deux questions peuvent être posées. Premièrement, quelle forme doit prendre le débat institutionnel entre les trois parties intéressées que sont les entreprises, les États et les ong ? Et deuxièmement, quelle place accorder au bien commun dans un débat qui concerne autant l’intérêt collectif que l’intérêt particulier ?

Le débat sur la cri montre qu’il n’y a pas de réponse unique ni générale à ces deux questions. De ce que nous avons vu dans les pages qui précèdent, il est néanmoins possible de tirer deux constats. D’abord, le débat ne peut être circonscrit à la seule dimension technique, pas plus qu’il ne reviendrait aux seuls experts de définir des standards communs ou de juger de la qualité des réglementations. Dans ce sens, le modèle du Forum de coopération prévu par l’aecg offre les meilleures possibilités de rapprocher les points de vue des uns et des autres et de trouver des réponses satisfaisantes. Il doit cependant être mis à l’épreuve, le modèle du dialogue n’ayant pas toujours, loin s’en faut, tenu ses promesses.

Ensuite, concernant le bien commun, outre le fait que sa responsabilité en incombe au premier chef aux États, quatre approches ressortent malgré tout pour sortir de ce dilemme et définir des règles communes. La première, celle suivie à l’omc, consiste à définir des standards communs conformes aux principes généraux qui doivent guider le commerce tout en reconnaissant que « rien ne saurait empêcher un pays de prendre les mesures nécessaires » à la protection de la santé et de la vie, de l’environnement, de sa sécurité, etc. La seconde approche, celle suivie par l’ocde, consiste, une fois reconnu que des « cadres réglementaires solides » sont nécessaires à la démocratie, à l’État de droit, à la prospérité, au bien-être et à l’intérêt collectif, à dissocier les niveaux d’action collective et à définir pour chacun d’eux des principes directeurs qu’il reviendra aux pays d’appliquer. La troisième approche, retenue pour le ptp, consiste à privilégier les « bonnes pratiques de réglementation » et la cohérence et la concertation en matière de réglementation tout réaffirmant le « droit souverain de chacune des Parties de déterminer ses priorités en matière de réglementation ». Quant à la quatrième, celle de l’aecg, elle subordonne la coopération réglementaire au droit légitime des Parties de réglementer dans l’intérêt public et de réaliser des objectifs de politiques publiques, « tels que la protection et la promotion de la santé publique, des services sociaux, de l’éducation publique, de la sécurité, de l’environnement et de la moralité publique, la protection sociale ou des consommateurs, la protection de la vie privée et la protection des données, ainsi que la promotion et la protection de la diversité culturelle ». L’intérêt public n’est plus ici une contrainte à respecter comme à l’omc, ni un champ de réglementation parmi d’autres comme à l’ocde, mais un principe général reconnu qui doit guider le travail des régulateurs. On peut y voir une façon de sortir du labyrinthe de la cri, mais sera-t-elle pour autant suivie ?

Figure 1

Le triangle d’incompatibilité

Le triangle d’incompatibilité

-> Voir la liste des figures

Figure 2

La pyramide de coopération

La pyramide de coopération

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Conclusion

Les règles sont nécessaires et signifiantes[23]. Elles sont nécessaires, parce qu’elles rendent possible l’action humaine tout en l’organisant grâce à l’information qu’elles apportent à ses acteurs et aux obligations qu’elles leur imposent ; et signifiantes, parce qu’elles donnent un sens à leurs actions et à leurs relations en orientant leurs comportements, leurs choix et leurs décisions (Postel 2003). En même temps, elles sont contraignantes, restreignent les choix et réduisent les opportunités d’action.

Nous avons pu voir que, tout en reconnaissant l’utilité des règles, les débats sur la cri ont pris deux tangentes : réduire le plus possible ces contraintes pour les entreprises et leur permettre de mieux défendre leurs intérêts commerciaux face aux pouvoirs publics et à leurs administrations. Les gouvernements ont accepté de s’engager dans le débat, non sans réticences toutefois dans la mesure où les règles internationales viendront interférer dans les choix collectifs nationaux, voire modifier les rapports privilégiés qui se sont tissés au fil des ans avec les entreprises nationales. Enfin, du point de vue des citoyens, en tant que consommateurs de biens internationaux ou de services de communication, l’uniformisation internationale des normes, standards et autres règles qui affectent leur quotidien présenterait certainement beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, n’eussent été les inquiétudes soulevées par les débats actuels sur la cri et les pressions exercées par les grandes entreprises des tic, les premières intéressées, pour les faire avancer.

Plus que dans l’idée d’ouvrir toujours davantage les échanges, c’est dans la globalisation économique et dans les technologies de l’information et des communications qu’il faut rechercher les facteurs qui poussent en faveur de la cri, du moins pour qu’il y ait plus d’uniformité dans les règles et les standards, dans les procédures d’adoption et de suivi, ou encore de reconnaissance d’équivalences ou de certification mutuelle. C’est par la porte étroite des obstacles au commerce et celle de la cohérence réglementaire que les gouvernements ont cherché à faire passer la cri à l’omc et à l’ocde. En privilégiant les critères de non-discrimination et d’efficacité de marché, les gouvernements ont ainsi contribué, sans toujours en être conscients, à orienter le « sens » des règles internationales en fonction de critères économiques qui viennent s’imposer aux choix collectifs, l’intérêt et le bien-être publics glissant ainsi au rang de contraintes, sinon de variables d’ajustement des choix économiques. Certes, la cri a le potentiel de rendre les régimes réglementaires plus transparents et efficaces, mais elle a également le potentiel de donner davantage de pouvoir aux entreprises déjà dominantes sur les marchés et de faire passer l’intérêt privé devant l’intérêt commun.

Enfin, concernant les voies prises, nous avons pu observer l’importance grandissante jouée dans les processus coopératifs par les acteurs privés, avec une différence notable cependant entre les « représentants » des milieux d’affaires et ceux de la société civile : alors que les premiers y sont activement engagés, les seconds ont plutôt choisi de jouer la mouche du coche. La pyramide de la coopération offre pourtant la possibilité de sortir du paradoxe des règles internationales et de placer le critère du bien commun au centre du processus décisionnel. À condition toutefois que le jeu se fasse à trois et non à deux comme c’est le cas actuellement. À cet égard, le cas de l’aecg montre que des progrès sont possibles en matière de convergence sans pour autant affaiblir l’intérêt public, qu’il est possible au contraire de valoriser. À condition toutefois de le mettre à l’abri des contraintes économiques et commerciales et de privilégier comme méthode de travail le dialogue entre régulateurs.