Corps de l’article

S’il y a un élément clé avec lequel les traducteurs et les interprètes doivent travailler constamment, c’est sans aucun doute l’aspect culturel de la traduction. Bien entendu, à mesure que l’on se plonge de plus en plus dans les domaines des langues et de la communication, on se rend compte qu’il ne s’agit pas uniquement de faire face à des barrières linguistiques quand on traduit ou interprète, mais aussi de se confronter à des barrières culturelles.

Cet ouvrage offre un éventail large, diversifié et complet des différents domaines de la traduction et de l’interprétation reliés au concept de culture. Dirigée par Ortega Arjonilla, cette monographie est un outil pour la réflexion et le débat entre experts en lien avec les aspects culturels de la traduction. Cet ouvrage est composé d’une série d’articles de plusieurs chercheurs, professeurs et professionnels issus de différents domaines comme la communication interculturelle, la traduction, l’interprétation et les études culturelles. Il offre donc différents regards sur des réflexions purement théoriques, en passant par les thématiques de la traduction spécialisée, de la technologie et de la terminologie appliquées à la traduction, ainsi que de l’interprétation, de la traduction littéraire et de l’enseignement des langues.

L’ouvrage est en réalité un ensemble de neuf volumes ou monographies : 1) Nouveaux défis traductologiques – Eugene A. Nida in memoriam ; 2) Politiques linguistiques, communication internationale et traduction institutionnelle ; 3) Barrières culturelles dans la traduction juridique, économique et judiciaire ; 4) Barrières culturelles dans la traduction scientifique et technique ; 5) Barrières culturelles dans la traduction subordonnée et audiovisuelle ; 6) Localisation, TIC et terminologie appliquées à la traduction ; 7) Barrières culturelles dans l’interprétation de conférences et interprétation communautaire ; 8) Barrières culturelles dans la traduction littéraire, journalistique et humanistique ; 9) Didactique de la L2, de la culture étrangère et de la traduction.

Le premier volume, comme le titre le laisse entendre, rend hommage à Eugene Nida en guise d’introduction et comporte un recueil de réflexions divisées en trois parties. Dans la première partie, l’article pratique de Chamizo Domínguez se veut une analyse et une classification des erreurs dans des textes philosophiques et scientifiques. Puis, dans la deuxième partie, on retrouve des réflexions fondées sur le modèle de Nida qui traitent du rôle du traducteur et de la traduction, de l’analyse des traductions, de l’évolution du modèle de Nida, de la traduction dans le contexte religieux, et un article de Valero Garcés sur l’état de la recherche et la formation en traduction et interprétation communautaire. Le dernier article de ce bloc, celui d’Ortega Arjonilla, est aussi digne de mention dans la mesure où il offre un panorama de l’héritage et de l’influence de Nida dans la traductologie anglophone et francophone et dans la linguistique contemporaine, ainsi qu’un recueil de la bibliographie de Nida. Dans la troisième partie de ce volume, on trouve des articles centrés sur la dynamique interculturelle entre Orient et Occident, deux univers conceptuels très différents, mais en relation constante, que l’on aborde depuis un angle théorique et pratique.

Le deuxième volume est divisé en deux parties : la première, centrée sur les politiques linguistiques, comprend des articles sur la gestion des politiques linguistiques sur le plan géographique et éducatif. Nous citons volontiers quelques articles fort intéressants, comme ceux qui traitent de la situation linguistique dans la région de Bruxelles (Govaert), des conséquences du retrait graduel de l’anglais des plans d’études universitaires (Perdu Honeyman) et, à propos de l’Orient, le travail de promotion linguistique et culturelle de la langue chinoise par l’Institut Confucio (Chang). D’un autre côté, dans la deuxième partie, on trouve des articles centrés sur la traduction institutionnelle et le rôle de certaines langues dans la communication internationale, et leur impact sur le marché du travail et sur les programmes de formation de traducteurs et d’interprètes. À remarquer également les articles de Fernández Vernet sur le travail de traduction au sein des Nations Unies, ainsi que quelques conseils pour les examens et entrevues d’admission. Ensuite, notons l’article d’Aguayo Arrabal et Morón Martín sur la figure du traducteur/interprète dans le commerce international et sur la nécessité de le former aux besoins des entreprises et du marché mondial.

À partir du troisième volume, le lecteur pénètre dans les domaines spécialisés de la traduction et de l’interprétation. Ainsi, on trouve des sujets liés à la traduction juridique, judiciaire et économique. Le volume est divisé en trois axes thématiques centrés respectivement sur la réflexion théorique, la didactique de la traduction spécialisée et, en dernier lieu, la documentation et la terminologie au service de la traduction dans les domaines mentionnés. Soulignons le premier article de ce volume (Campos Plaza), qui se présente comme outil pratique, soit un glossaire de termes équivalents des organes judiciaires des systèmes français et espagnol avec des explications très éclairantes. Par ailleurs, Santaemilia nous offre une précieuse réflexion sur le rôle des traducteurs juridiques, lesquels se voient forcés à jouer entre la visibilité et l’invisibilité, enchaînés au concept de fidélité. La dernière partie de ce volume, consacrée à la terminologie et à la documentation, est quelque peu succincte (deux articles) en comparaison avec les autres parties, mais non moins intéressante.

Pour continuer avec la thématique spécialisée, le quatrième volume est consacré à la traduction scientifique et technique. La première partie traite de la traduction et de la terminologie médicales. Le premier article (Martínez López) aborde un sujet peu traité et pourtant de grande utilité pour les traducteurs spécialisés : un glossaire de termes d’orientation spatiale (domaine de l’anatomie) avec ses équivalents anglais/espagnol et des explications éclairantes. Il est utile de s’arrêter aussi sur l’article de Tercedor Sánchez et Prieto Velasco, qui nous parlent du project VariMed sur la communication entre le médecin et le patient. Dans la deuxième partie du volume, on examinera deux articles remarquables : celui de Kissami Mbarki avec une analyse du discours basée sur une révision de la traduction arabe de Cuaderno de Sarajevo de Juan Goytisolo et celui de Koreneva, sur la reconstruction des systèmes conceptuels qui sont à la base des termes de l’environnement en russe et en espagnol.

Le cinquième volume aborde les modalités les plus représentatives de la traduction audiovisuelle. Les articles ont été répartis en trois axes thématiques qui traitent les aspects théoriques et professionnels de la traduction audiovisuelle, la traduction accessible aux handicapés et la traduction en publicité et tourisme. On remarque l’article de García Luque sur la traduction du contenu humoristique en liaison avec la culture, qui signale quelques stratégies de traduction pour surmonter les difficultés ainsi qu’une analyse de la traduction en espagnol de Ice Age : Continental Drift (2012). Citons également la contribution de Chica Núñez et Pérez Payá, qui traitent de l’audiodescription depuis une perspective neuroscientifique en analysant les mécanismes de perception visuelle.

Quant au sixième volume, il est divisé en trois parties : terminologie, développement des TIC et localisation, d’un point de vue culturel et interdisciplinaire en lien avec la thématique centrale de l’ouvrage. L’article qui ouvre ce volume, de Luque Durán et Luque Nadal, parle du groupe de recherche GILTE, qui travaille à la création de dictionnaires linguistico-culturels. Par ailleurs, l’article d’Alconchel Sebastián sur les éléments culturels dans la localisation de sites Web mérite aussi d’être mentionné, pour son intérêt dans la communication interculturelle.

Ensuite, le septième volume, consacré à l’interprétation, est divisé en deux parties selon les principales branches de l’interprétation : interprétation de conférences et interprétation communautaire. Les deux parties abordent des aspects théoriques et professionnels ainsi que didactiques. Dans la première partie, on notera plusieurs articles centrés sur l’interprétation chinois/espagnol. On appréciera aussi l’étude de Martín Ruel sur le niveau de bilinguisme des étudiants en interprétation et l’importance de la formation professionnelle pour les interprètes « naturels » bilingues. D’autre part, Fandiño García aborde la question du manque de régulation de la performance du traducteur ou de l’interprète dans le contexte judiciaire en Espagne, ce qui a des conséquences négatives sur l’accès à la justice.

Le huitième volume est le plus fourni, avec dix-huit contributions structurées en six parties thématiques qui nous donnent un aperçu des difficultés de traduction dans les domaines littéraire, journalistique et humaniste. À remarquer le bloc consacré à la traduction historique et à la transmission des valeurs et des stéréotypes par la traduction. On y trouvera des articles fort intéressants, comme celui de Zamora Ramírez à propos de la traduction des termes chrétiens en nahuatl et les stratégies adoptées par les traducteurs autochtones et les missionnaires pour résoudre les obstacles propres au contact entre deux cultures très éloignées. Dans le bloc journalistique, soulignons l’article captivant de Páez Rodríguez sur l’influence de l’anglais et du français sur la presse féminine espagnole.

Enfin, l’ouvrage se clôt sur un volume consacré à la didactique des langues secondes et de la traduction. La première partie porte sur la didactique de la traduction et constitue un apport précieux au domaine grâce à des articles comme celui d’Enríquez Aranda et Mendoza García sur la documentation dans les programmes de formation de traducteurs ou celui consacré à la conception d’un modèle didactique mixte qui cherche à combiner l’enseignement présentiel avec l’apprentissage en ligne au moyen des TIC dont nous disposons aujourd’hui. La deuxième partie aborde des aspects transversaux de la traduction, dont la thématique des normes linguistiques et la ponctuation (Sánchez-Iglesias), et celle de l’aspect des notes du traducteur (Vega Cernuda et Serrano Bertos).

Translating culture – Traduire la Culture – Traducir la Cultura constitue ainsi un ouvrage volumineux et diversifié qui contient un vaste éventail d’articles centrés sur la communication interlinguistique en espagnol, anglais, français, chinois, russe, portugais et italien. Il est sans nul doute un outil essentiel pour tous les chercheurs et professionnels qui travaillent avec ces langues et ces cadres culturels.