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Photo : Isabelle Auger

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Le 12 mai 2017, notre collègue historien Marcel Bellavance est décédé. Pour beaucoup d’entre nous, nous perdions un ami de longue date, un ami reconnu pour sa grande générosité, son tact et aussi sa vaste culture historienne dont, nous avons souvent bénéficié lors de nos nombreux échanges sur de multiples sujets liés à l’histoire en général, et à celle du Québec en particulier. La recherche, en histoire politique surtout, lui doit beaucoup dans la mesure où Marcel a oeuvré de plusieurs manières à faire avancer les connaissances dans ce champ et à lui assurer également une visibilité accrue. C’est ainsi qu’il accepta d’assumer, en 1992, la présidence de l’Association québécoise d’histoire politique (AQHP) qui, depuis sa création jusqu’aujourd’hui, voit à la publication du Bulletin d’histoire politique, une revue scientifique devenue le lieu privilégié où se déploient désormais des résultats de recherches de plus en plus nombreuses dans le domaine du politique, et en particulier des rapports de pouvoir qu’ils expriment.

Pousser toujours plus loin la réflexion en histoire politique a été en fait l’objectif constant qu’a poursuivi Marcel tout au long de son cheminement intellectuel et de sa carrière d’historien. C’est ainsi qu’après des études de 1er et de 2e cycles à l’Université Laval, il a poursuivi des études de 3e cycle à la Sorbonne, études qu’il complétera par la suite par un stage prolongé dans l’atelier du cartographe français Jacques Bertin. Il se familiarisera ainsi avec de nouvelles formes de sémiologie graphique, en particulier dans le domaine des études urbaines.

Esprit curieux et travailleur infatigable, Marcel a assumé également des responsabilités importantes au sein de l’équipe du Dictionnaire biographique du Canada avant de se joindre en dernier lieu à l’équipe professorale du département d’histoire du Collège militaire de Saint-Jean.

Parmi les publications importantes qu’on lui doit dans le domaine de l’histoire politique du Québec, nous évoquerons en particulier deux ouvrages qui ont enrichi considérablement nos connaissances sur la pensée politique libérale et les luttes nationalistes au Québec au cours du XIXe siècle. Dans Le Québec et la Confédération : un choix libre ? Le clergé et la constitution de 1867[1], ouvrage paru en 1992, Marcel a démontré de façon probante à quel point les pressions cléricales exercées sur l’électorat ont amené ce dernier à voter pour le projet confédératif de 1867.

Dans un autre ouvrage, paru en 2004, Le Québec au siècle des nationalités. Essai d’histoire comparée (Montréal, VLB éditeur, 2004)[2], Marcel a visé plutôt à montrer comment, comme l’a expliqué l’historien Raphaël Canet dans sa recension de ce livre, « la coalition cléricale-conservatrice, qui impose son hégémonie au sein de la société canadienne-française au lendemain de l’échec des rébellions patriotes, abandonne l’objectif de l’autodétermination et se replie sur le paradigme de la survivance », conduisant ainsi à troquer un objectif d’émancipation et d’affirmation politique contre un espoir de survie sur le plan culturel[3].

Historien résolument engagé sur le plan politique, Marcel n’a jamais renoncé pour autant à appuyer sa réflexion à la fois sur une documentation solide, une vaste érudition et surtout sur une argumentation claire qui ne laissait pas de place à l’ambiguïté.

Notre ami Marcel nous a quittés, mais sa mémoire restera toujours vivante parmi nous, surtout parmi ceux et celles qui ont eu la chance de le connaître de près et qui ont pu ainsi apprécier à la fois sa générosité, sa noblesse de caractère aussi bien que la richesse des échanges que permettait la vaste culture qui fut la sienne dans bien des domaines, dont l’histoire n’était pas le moindre !